Algérie : chronique politique, Kabylie 2001-2002
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Chronique politique

Mise à jour : 15 mai 2007
©Pascal Holenweg, Genève, 2007






chronique politique 2001 ad libitum
Les élections législatives du 5 juin 1997
Les élections locales du 23 octobre 1997
Les élections locales partielles de 2005
L'appel de février 1997 pour la paix, contre la guerre civile


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Le mouvement populaire en Kabylie


2001
(AP, El Moudjahid, El Watan, Le Quotidien d'Oran 29.4, Reuters, AP, AFP, CCFIS, Jeune Indépendant, El Watan 30.4) Le président Bouteflika est intervenu le 30 avril au soir à la télévision algérienne pour annoncer notamment la création d'une commission d'enquête qui pourra agir "en toute liberté et toute transparence" pour élucider les circonstances des affrontements qui secouent la Kabylie depuis le 20 avril. Cette commission devrait comprendre des membres de la "société civile". Des parlementaires, comme le sénateur indépendant Abdelhak Bererhi, ainsi que plusieurs députés indépendants, avaient déjà demandé la mise sur pied d'une commission d'enquête Le président Bouteflika s'est également engagé à une "prise en compte" de la question identitaire berbère (qui n'étaut plus au centre des affrontements) et a présenté ses condoléances "au nom de la nation toute entière" aux familles des victimes des affrontements de Kabylie. Avant que le président Bouteflika n'intervienne, le ministre de l'Intérieur Zerhouni avait assuré que le gouvernement s'engageait "à donner des réponses aux gens qui ont investi la rue". Le Front des Forces Socialistes, principal parti d'opposition et principal parti de Kabylie, n'a cessé de dénoncer les provocations du pouvoir et de ses "relais" kabyles. Pour Hocine Aït Ahmed, la radicalisation de la jeunesse algérienne est le résultat de l'"étouffement des libertés publiques". Le Front des forces socialistes lance un appel à l'Union européenne "pour l'envoi d'une mission d'investigation sur le terrain afin de situer les responsabilités et mettre à nu le degré de duplicité et de mensonge de la propagande officielle", et demande également au secrétaire général de l'ONU Kofi Annan qu'un dépêche en Algérie un "représentant spécial dans le but de faire pression pour la reprise du processus démocratique et le retour à la paix" en Algérie. Pour le FFS, les derniers événements sont, au moins en partie, le résultat d'une "monstrueuse et macabre machination qui vise à plonger (la Kabylie) dans le chaos", et qui consiste pour les "décideurs, le chef de l'Etat et leurs clans (à) règler leurs différends par populations interposées". Hocine Aït Ahmed a déclaré craindre "que le pouvoir utilise une digression identitaire pour faire oublier le contexte général dans lequel vit le peuple algérien" et la "paupérisation galopante" qui le frappe.Pour le leader du FFS, la population subit "les retombées" des luttes internes au sein du pouvoir, et des menées d'"un cartel de la haute hiérarchie militaire et de la sécurité militaire (...), un pouvoir occulte, absolu, qui n'a jamais rendu de compte à personne et qui contrôle non seulement l'Etat, mais la société". Le Premier secrétaire du FFS, Ali Kerboua, a dénoncé une "extermination à huis clos" et a accusé le président Bouteflika d'avoir insulté les Algériens en se rendant au Nigeria alors que la Kabylie était en proie aux affrontements.

Le Parti des Travailleurs déclare que "nul n'a le droit d'utiliser la colère et la mobilisation légitimes de la jeunesse de Kabylie pour ses propres objectifs politiciens". Le PT estime que l'Algérie "s'enfonce dans une dérive incontrôlable" et accuse le gouvernement de préparer "la yougoslavisation de l'Algérie". Le PT demande au président d'ordonner l'arrêt immédiat de la répression et de décréter tamazight langue nationale.


Le président du RCD, Saïd Sadi, a déclaré le 29 avril qu'un "gouvernement qui tire sur la population ne mérite pas qu'on le soutienne et ne doit pas continuer à recevoir l'adhésion des démocrates". Le RCD pourrait donc se retirer du gouvernement, où il détient deux ministères, mais dont il est un partenaire mineur par rapport aux "poids lourds" que sont le FLN et le RND, mais également le MSP (islamiste). La décision de se retirer ou non du gouvernement devrait être prise par le RCD le 1er mai lors de son Conseil national extraordinaire. Le RCD avait appelé le 28 avril les Kabyles à demeurer "fidèles à l'esprit pacifique de la revendication amazigh" et à ne pas céder aux "provocations criminelles (...) relancées insidieusement par la collusion des ompiers-pyromanes et par des tentatives de manipulation intégristes".

(AFP 30.4 / Reuters 1.5 / APS, AFP, El Watan 2.5 / Horizons, El Khabar 3.5) Le 30 avril, à la télévision nationale, le Président Bouteflika a donc annoncé la création d'une commission d'enquête sur les événements de Kabylie, exprimé son intention d'adopter une proposition de la commission nationale de réforme de l'éducation rndant obligatoire l'enseignement de tamazigh dans les régions où il se parle, et appelé à s'"éloigner des voies de la violence pour recourir à celle du dialogue et de la tolérance". Par contre, le président n'a rien dit de l'attitude des forces de l'ordre et de la brutalité de la répression, et a ressorti la thèse du "complot" et de la "manipulation" derrière les évènements de Kabylie, en usant d'une formulation (en substance : ces événements ne sont pas fortuits, des forces se cachent derrière les violences, nous les connaissons et nous les dénoncerons) qui pourrait viser aussi bien le FFS que des clans au sein du régime, ou les islamistes armés, ou des ingérences extérieures. Le 2 mai, le président Bouteflika a désigné le professeur Mohand Issad comme président de la commission nationale d'enquête sur les "tragiques événements" de Kabylie. Le communiqué de la présidence annonçant cette nomination précise que Mohand Issad a été investi "des plus larges prérogatives pour conduire la commission dont il a la charge", et qu'il a notamment "l'entière liberté du choix" de ses membres, que la commission "disposera de tous les moyens humains et matériels nécessaires pour mener à bien sa mission, dans la transparence et en toute indépendance", que la commission est "habilitée à procéder à tous les actes d'investigation nécessaires", et que "tous les agents de l'Etat lui devront aide et assistance" et devront répondre à "toute sollicitation de sa part". La commission doit "faire toute la lumière" sur les événements de Kabylie "et ne laisser aucune zone d'ombre". Mohand Issad a déclaré qu'il allait entamer "très rapidement" les contacts nécessaire pour former sa commission. Le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni a pour sa part déclaré que la commission d'enquête serait "nationale" et exclut toute commission d'enquête internationale sur les événements : "Nous pouvons faire confiance à nos propre gens pour découvrir la vérité", a-t-il affirmé à la chaîne américaine CNN. A la commission crée par le président Bouteflika pourrait d'ailleurs s'en ajouter une autre, créée par l'Assemblée nationale sur proposition de 205 députés. La mission de cette deuxième commission d'enquête est, selon la résolution adoptée par l'Assemblée le 2 mai, de "dévoiler les raisons et définir les responsabilités des événements douloureux qu'ont connues certaines régions du pays". La commission parlementaire, instituée par les seuls partis gouvernementaux, en l'absence des dépuités de l'opposition (FFS, PT, Indépendants, rejoints par ceux du RCD) sera présidée par Ahmed Bayoud.

(AFP 30.4, 1.5, Reuters 1.5, 3.5, AFP, Le Monde 2.5, MAOL 30.4, Corr.) L'intervention télévisée du président Bouteflika, le 30 avril, a suscité plus de réserves que d'adhésion au sein des media (la presse gouvernementale mise à part), des organisations de la société civile, et de l'opinion publique en Kabylie. On doute notamment de la capacité de la commission d'enquête annoncée par le président de faire librement et efficacement son travail : "aucune commission d'enquête n'a jamais abouti en Algérie", ont rappelé de nombreux commentateurs, qui se souviennent que celle formée pour faire la lumière sur l'assassinat du président Boudiaf n'a donné, plus de huit ans après, aucun résultat. On reproche également au président d'avoir voulu tenter de réduire le problème à l'origine des manifestation à celui du statut de la langue et de la culture berbères, d'avoir tenté d'agiter "le tantôme du séparatisme kabyle et de l'ennemi extérieur". La forme même de l'intervention présidentielle a suscité quelques interrogations : tenu en arabe classique, c'est-à-dire dans une langue qui n'est pratiquée couramment que par une minorité d'Algériens, et qui pas totalement comprise par une partie de la population, le discours présidentiel a du être traduit en français et expliqué en tamazigh le lendemain à la télévision nationale.


Du côté des partis politiques, les réactions à l'intervention présidentielle se reproduisent assez fidèlement le clivage partis gouvernementaux/partis d'opposition. Pour le Front des Forces Socialistes, "Le chef de l'Etat ne pouvait pas mieux démontrer la rupture totale, éclatante, du pouvoir d'avec la population", a estimé Hocine Aït Ahmed dans un entretien au "Monde". Le président du FFS s'est demandé comment Bouteflika pouvait "s'adresser aux Algériens sans rien avoir à leur proposer", et a estimé que la première mesure à prendre pour favoriser la désescalade en Kabylie serait "le retrait de la gendarmerie" de la région. Hocine Aït Ahmed avait estimé le 30 avril que l'une des raisons de la radicalisation de la jeunesse était "l'étouffement des libertés publiques", qui fait que la jeunesse ne croit plus en l'action politique pacifique. Le président du FFS a accusé le pouvoir algérien d'utiliser "une digression identitaire pour faire oublier le contexte général dans lequel vit le peuple algérien". Le Premier secrétaire du FFS a qualifié le discours de Bouteflika de "méprisant" et de "modèle d'orthodoxie stalinienne". Le FFS a appelé à une grande manifestation le 3 mai à Alger, avec ou sans autorisation officielle, et étrangement, la télévision nationale, qui boycotte habituellement systématiquement le FFS et ses prises de position, a diffusé cet appel à manifester.

(Algeria-Interface, Libération 4.5, Le Monde 5.5, La Tribune 6.5, Liberté 6.5) Le 3 mai, entre 10'000 (selon la police) et 30'000 (selon les organisateurs) manifestants ont défilé à Alger, de la place du 1er mai à la place des Martyrs, à l'appel du FFS, aux cris de "pouvoir assassin", "Bouteflika, Ouyahia, gouvernement terroriste !", "généraux dehors !", "Bouteflika, rentre chez toi !", "ulach smah !" (pas de pardon), pour dénoncer la répression des manifestations de Kabylie, réclamer une commission d'enquête internationale et reprendre le slogan du FFS depuis dix ans : "ni Etat policier, ni République intégriste". Alger n'avait pas connu une manifestation de cette ampleur depuis 1998. Le quadrillage policier d'Alger a été aussi impressionnant que discret. Selon le FFS, de très nombreux cars transportant des manifestants en provenance de toute la Kabylie ont été refoulés aux abords d'Alger, ou empêchés d'arriver à temps par des contrôles. De ce fait, la manifestation n'était pas une "manifestation kabyle", des milliers d'Algérois y ayant pris part. Le succès de la manifestation du FFS semble avoir d'ailleurs pris de court le pouvoir et nombre de commentateurs. Le fait même que la marche n'ait pas été empêchée, qu'elle ait même été annoncée par les media officiels, semble indiquer que ceux-ci attendaient qu'elle ne rassemble que quelques centaines, quelques milliers tout au plus de participants. "Beaucoup s'interrogent sur la subite ouverture de l'ENTV (télévision publique) au discours du premier responsable du FFS, Hocine Aït Ahmed" devant qui "les portes ce ce médias (étaient) fermées depuis longtemps", écrit "Liberté". Ensuite, selon "La Tribune", "comment réduire l'impact politique de la marche (...) semblait être l'obsession de quelques commentateurs, militants par ailleurs", écrit "La Tribune", qui relève que "beaucoup d'Algériens, y compris des syndicalistes de l'UGTA, des dissidents du FFS et des sans parti" ont marché à l'appel du FFS; le quotidien relève aussi "le caractère pacifique, national (non régionaliste), la parfaite organisation et la maîtrise des forces de l'ordre", et y voit un "exemple" de ce que à quoi peuvent aboutir ensemble "un parti d'opposition intransigeant" et des autorités politiques capables de comprendre les messages "envoyés par la population et l'opposition".

(Le Monde 5.5) Dans un entretien au "Monde", Hocine Aït Ahmed considère que "ce qui manque le plus à la réflexion et à l'action du pouvoir algérien, c'est le sens des responsabilités. Ceux qui sont à la tête de l'Etat sont irresponsables, car ils n'ont jamais rendu de comptes à qui que ce soit". Pour autant, dans les faits, "la responsabilité du pouvoir est totale : dès l'indépendance, il a confisqué le droit à l'autodétermination des Algériens". Pour le président du FFS, "il n'y a pas d'autre perspective (de sortie de crise) que d'annoncer un retour à la transition démocratique. Toutes les guerres finissent par une discussion. Nous voulons que celle-ci soit transparente. Il faut s'asseoir autour d'une table, tous ensemble, y compris avec l'armée (car il faut) associer le pouvoir réel à une solution politique". A ceux qui lui reprochent de voulir "internationaliser" la crise algérienne, Hocine Aït Ahmed répond enfin que "le problème algérien se réglera entre Algériens, et en Algérie", mais que cela ne signifie pas qu'il faille abandonner "éternellement les Algériens à leur sort".

(Le Matin 2.5 / Le Quotidien d'Oran, El Watan, Le Matin 6.5) Après le succès de sa marche du 3 mai à Alger, le Front des Forces Socialistes a tenu le 5 une conférence de presse, se félicitant de la "leçon de civisme et de maturité politique" donnée par la manifestation, laquelle prouve, pour le Premier Secrétaire du parti Ali Kerboua, que "sans provocation et manipulation", les gens s'expriment pacifiquement pour s'opposer "à la hogra, l'injustice, l'arbitraire et l'impunité". La preuve est faite pour le FFS que "la révolte des jeunes en Kabylie se serait certainement exprimée pacifiquement, s'il ne s'était pas trouvé un dispositif de provocation et de manipulation préétabli par les cercles du pouvoir et leurs relais". Le FFS annonce qu'il ne cautionnera pas les commissions d'enquêtes officielles instituées en Algérie, ces commissions étant vouées à "diluer les responsabilités". "Le Matin" rappelle d'ailleurs que "depuis son indépendance, l'Algérie a connu au moins une dizaine de commissions d'enquêtes qui n'ont pas abouti, et donc certaines n'ont même pas rendu leurs conclusions". Pour Ali Kerboua, seuls des "enquêteurs crédibles en indépendants peuvent aider à la manifestation de la vérité", dans le cadre d'une commission internationale. Le FFS interpelle désormais le pouvoir pour qu'il tire les enseignements des évènements de Kabylie, et de la marche d'Alger : "Il est temps de restituer au peuple algérien son droit à l'autodétermination", estime Kerboua, convaincu que "les Algériens n'accepteront plus de vivre sous un régime autoritaire générateur de violence, de misère, de deuil, de corruption, de rapine, de brigandage et de désespoir". Le FFS exige l'ouverture du champ politique et médiatique, la levée de l'état d'urgence, l'abrogation des lois d'exception, la reconnaissance immédiate de tamazight en tant que langue nationale et officielle. Il demande également le retrait du projet de loi amendant le code pénal, et l'abrogation du cadre juridique ayant favorisé "le pillage du patrimoine national", et le jugement des responsable de ce pillage.

Le Front des Forces Socialistes annonce qu'il transmettra au Président Bouteflika et aux "généraux décideurs" ("La Présidence en tant qu'institution et les généraux en qualité de décideurs", a précisé Kerboua), un mémorandum reprenant et détaillant ses propositions. Ali Kerboua explique la décision d'adresser ce mémorandum aux généraux "parce que nous savons qu'ils décident à leur niveau" et que "nous avons toujours dit qu'il y a en Algérie un pouvoir réel qui décide de tout", et qui n'est pas le pouvoir institutionnel formel.

(Corr, agences, presse) Le RCD, qui a décidé le 1er mai de quitter le gouvernement, après que son chef, Saïd Sadi, ait déclaré le 29 avril qu'"un gouvernement qui tire sur la population ne mérite pas qu'on le soutienne et ne doit pas continuer à recevoir l'adhésion des démocrates" a estimé que "sur le fond" le président n'avait pas "avancé", mais a appelé à l'"apaisement". Le RCD détenait deux portefeuilles au sein du gouvernement (les Travaux publics et les Transports). Il dénonce désormais "une volonté délibérée de gérer, par la terreur, une revendication identitaire populaire évoluant dans un climat national délétère". Le départ du RCD du gouvernement renvoie la Kabylie à une opposition franche au pouvoir central, et prive celui-ci de son seul relais politique direct dans la région : le RCD permettait en effet au gouvernement de "faire front au front" (des forces socialistes) en Kabylie, où le FLN et le RND étaient pratiquement absents, et les partis islamistes légaux marginaux.

(Le Matin 2.5, 6.5 / Tribune 5.5 / El Watan 7.5) A Tizi Ouzou, d'improbables comités appellent, depuis la fin des affrontements, la population et les commerçants à la grève et à des manifestations plus ou moins symboliques, sans que nul ne sache réellement ce que sont ces comités. Un Comité universitaire et un "Comité provisoire des quartiers" de Tizi Ouzou ont ainsi appelé la population à une grève générale du 5 au 11 mai "en signe de deuil". A quoi la coordination (connue) des comités de quartiers de la ville a dénoncé l'"usurpation" de son sigle et s'est interrogée sur les objectifs, les auteurs et les visées réelles de ces appels anonymes. La Maison des droits de l'Homme et du citoyen, branche régionale de la Ligue algérienne des droits de l'Homme (LAADH) met en garde dans une déclaration, le 5 mai, contre les mystérieux "comités" qui fleurissent en Kabylie depuis les affrontements de rue. La MDHC évoque "un certain nombre d'éléments de manipulation émanant de milieux occultes" qui appellent "à travers des tracts anonymes (...) à des actions donc les objectifs restent douteux et opaques", et dont elle relève qu'ils rejettent l'envoi d'une commission d'enquête internationale sur les "massacres et crimes commis en Algérie".

Ces mystérieux "comités" semblent en tout cas n'avoir rien à voir avec les comités de village qui se sont organisés dans toute la Kabylie au moment des affrontements, et qui se sont parfois regroupés en coordination régionale, comme à Larbâa Nath Irathen, où les comités de Irdjen, Aït Oumalou, Larbaâ Nath Irathen, Aït Oggouacha et Tizi Rached se sont regroupés en un "Conseil fédéral". Ces comités de village, indépendants des assemblées communales (les communes regroupent plusieurs villages), mais peuvent être membres des élus des APC, recouvrent et ressuscitent en fait les structures traditionnelles locales de Kabylie, les "ourouch" (comités de sages) Ils ont appelé à poursuivre les revendications des manifestants, mais par des actions pacifiques, encadrées et maîtrisées. Les comités demandent tous le départ de la gendarmerie et son remplacement par la police, ainsi que la libération des manifestants arrêtés. Les comités de Taguemount Azouz et Aït Bouyahia dénoncent en outre le racket, les trafics de drogue et d'alcool, le harcèlement des jeunes filles, les pots de vins exigés pour la délivrance des cartes militaires, les contrôles sans respect des règles légales, les plaintes laissées sans suite.

(Le Matin 6.5, Liberté 7.5) L'ONG américaine "Human Rights Watch" a adressé au président Bouteflika une lettre dans laquelle elle considère que la "crédibilité" de la commission d'enquête sur les émeutes de Kabylie implique son indépendance, et suppose une "étude sur le rôle des services de sécurité avant et pendant les événements. Pour HRW, qui estime le nombre des morts à 80, il y a eu dans la répression "un usafe excessif de la force, y compris de passages à tabac et de tirs injustifiés à balles réelles de la part des forces de sécurité". Selon "Liberté", le sénateur Mokrane Aït Larbi et l'ancien moudjahid Ali Zamoum auraient décliné l'invitation à siéger dans la commission d'enquête présidée par Mohand Isâad. Quant à la commission parlementaire d'enquête créée parallèlement, elle sera présidée par le député indépendant le Dr Beyoudh, et ne sera composée que de représentants du RND, du FLN, du MSP et d'Ennahda, du fait de son boycott par le FFS, le PT et le RCD. Par ailleurs, un débat général à l'Assemblée nationale devrait se tenir, à la demande de 48 députés, qui se disent "conscients que la situation pourrait s'étendre à d'autres régions du pays".

(Quotidien d'Oran 7.5, 9.5 / AFP 8.5 / La Tribune 10.5 / El Watan 10.5) L'"onde de choc" des affrontements en Kabylie continue de secouer l'Algérie et de provoquer manifestations et prises de position. En Kabylie même, la population, et en particulier la jeunesse, entend maintenir la pression pour ne "pas perdre le fruit (du) sacrifice" des morts des manifestations de la fin avril. Le 7 mai, des centaines de milliers de personnes au total ont répondu dans toutes les localités de la région à l'appel de comités d'étudiants et d'associations pour manifester pacifiquement et montrer la "force de mobilisation de la société civile". Des milliers de bougies ont été allumées dans les villes et posées sur les trottoirs en hommage aux victimes. Ces manifestations ont été organisées et se sont déroulées indépendamment des partis politiques. Le FFS a cependant décidé de poursuivre sa propre mobilisation. Un meeting du parti était prévu le 10 mai à Tazmalt, et d'autres devraient suivre dans plusieurs localités de la wilaya de Béjaïa. Pour "Le Quotidien d'Oran" le FFS a été au sein de la classe politique le "plus rapide à réagir" aux événements de Kabylie, et a réussi à ne pas rester "en marge de la contestation". Le succès de la manifestation du FFS à Alger le 3 mai a "incontestablement replacé le parti d'Aït Ahmed comme acteur d'importance sur l'échiquier politique national", écrit le quotidien, qui considère par contre que les "efforts d'accompagnement du mouvement de protestation" déployés par le RCD "se sont heurtés à la méfiance, voire à la défiance des manifestants", à l'égard d'un parti appartenant au moment des émeutes à la coalition gouvernementale.

Le 10 mai, à Alger, à l'appel du Mouvement culturel berbère (du moins de l'une de ses tendances, celle proche du RCD, animée par Ould Ali Hadi), soutenu par de nombreuses personnalités et plusieurs partis politiques (le Parti des Travailleurs et le RCD, notamment), une manifestation a à nouveau réuni, une semaine après la grande manifestation organisée par le FFS, des milliers de personnes. La manifestation du MCB avait cependant une tonalité plus "berbériste" que celle du FFS. Elle était soutenue par la coordination des étudiants des universités de l'Algérois, la coordination des lycéens amazighs de Tizi Ouzou, l'union UGTA de Tizi-Ouzou, le mouvement associatif des Aurès et celui du Mzab, le Comité national contre l'oubli et la trahison (CNOT), des associations d'enseignants et des personnalités du monde culturel et artistique, comme Idir et Fellag. Ould Hali Hadi a pris soin, de préciser que la marche du 10 mai n'était pas une réponse à celle du 3 mai, et que son initiative n'était pas dirigée contre le FFS (dont une autre tendance du MCB, le MCB-commissions nationales, est proche, une troisième tendance, le MCB-Rassemblement national de Ferhat Mehenni, formulant désormais la revendication berbère en termes de "statut d'autonomie"), mais contre les "tentatives des centres occultes du pouvoir spécialisés dans la désinformation et l'intox" et qui tentent de "disqualifier les partis politiques", de récupérer les comités de village en Kabylie et de les "substituer" aux partis politiques.

En ce qui concerne les enquêtes sur les événements de Kabylie, Le ministre des Affaires étrangères Abdelaziz Belkhadem a rejeté le 9 mai à Madrid la demande du Front des Forces Socialistes, appuyé par les partis socialistes européens, de création d'une commission d'enquête internationale : "L'Algérie rejette et continuera à rejeter toute proposition d'ingérence dans ses affaires intérieures", a déclaré le ministre, pour qui "il s'agit d'un problème algérien (dont) les Algériens (se) chargent avec leur commission d'enquête qui aborde tous les aspects et qui déterminera les responsabilités". Les Partis socialistes européens, réunis le 8 mai en congrès du "Parti des socialistes européens", ont condamné "l'utilisation de la force contre les manifestation pacifiques", affirmé que le pouvoir algérien "porte l'entière responsabilité de ces incidents" et appelé l'Union européenne à soutenir auprès de l'ONU la demande de mise en place d'une "commission d'enquête internationale sur la responsabilité des massacres". Les socialistes européens ont en outre réaffirmé leur solidarité avec le FFS, et affirmé : "Nous avons le devoir d'apporter notre part et notre pierre à une solution pacifique à cette crise".

(La Tribune, Le Matin, Liberté, El Watan 10.5) Plusieurs comités de coordination des comités de village et de citoyens nés en Kabylie ont tenu à démentir toute intention de leur part d'investir le champ politique à la place des partis existants (c'est-à-dire, puisqu'il s'agit de la Kabylie, du FFS et du RCD) : la coordination des comités de village d'Akerrou (El Arch Ath Flik) a mis en garde la population "contre toute manipulation venant de milieux non identifiés pour des objectifs non avoués", et le comité de coordination Ath Djennad a affirmé n'avoir "aucune prétention politique" ni l'intention "à aucun moment, de se substituer à un parti politique et encore moins (de le) désavouer". Ces comités répondent ainsi, au moins indirectement, à plusieurs commentaires de la presse nationale les posant en substitut des partis politiques. Dans la wilaya de Béjaïa, les élus municipaux de différentes communes (Chemini, Souk Oufella, Tibane, Akfadou) devraient d'ailleurs se réunir le 12 mai avec les représentants des comités de village pour débattre des derniers événements, en faire le bilan dans les communes concernées et réitérer ce qui est désormais une revendication commune des élus locaux et des comités : le départ des brigades de gendarmerie et leur remplacement parune poluce de sûreté urbaine. Dans la daïra des Ouadhias (wilaya de Tizi Ouzou), les comités de village et les élus locaux travaillent également ensemble, mais depuis longtemps, et les "djemaâs" (conseils de sages) sont régulièrement consultées par les municipalités. Par contre, une réunion des comités de coordinations des comités de la wilaya de Tizi ouzou (le "forum des Aârouch") qui devait se tenir le 12 mai a été reportée, voire annulée, faute de participation de représentants de toutes les daïras. Les comités de village ont fleuri dans toute la Kabylie (on compterait 18 coordinations de comités de villages dans la seule wilaya de Tizi Ouzou), et ont même un comité les représentant auprès de l'émigration algérienne en France.

(El Watan 12.5 / Reuters 14.5 / ATS, CCFIS, Quotidien d'Oran, Liberté 16.5 / La Tribune, El Watan 17.5) De nouveaux troubles ont éclaté entre manifestants et policiers en Kabylie, le 12 mai à Azazga, où deux jeunes manifestants ont été blessés par des tirs de grenades lacrymogènes. Plusieurs centaines de jeunes voulant rendre hommage aux victimes des récentes émeutes dans la région avaient allumé des bougies et brûlé des pneux près d'une gendarmerie, avant de jeter des pierres sur les policiers progégeant le bâtiment. L'atmosphère généralement tendue en Kabylie dix jours après la fin des émeutes, lesquelles ont fait, selon le ministre de l'Intérieur, pour 500 millions de dinars (50 mios FF, 12,5 mios FS) de dégâts.

Plusieurs centaines d'avocats ont participé le 16 mai à une marche silencieuse à Tizi Ouzou, derrière une banderole "pour un Etat de droit, pas d'impunité", pour dénoncer la sanglante répression des manifestations d'avril.

A Alger, le collectif des étudiants autonomes des universités d'Alger et de Ban Ezzouar a appelé l'ensemble des étudiants d'Alger à une marche, le 17 mai, de la faculté centrale au palais du gouvernement, en hommage aux manifestants de Kabylie et pour maintenir la pression "jusqu'à ce que toute la lumière soit faite sur les auteurs des crimes commis en Kabylie". Les étudiants dénoncent "la gestion scandaleuse et meurtrière par le pouvoir du soulèvement en Kabylie" et exigent la traduction en justice des auteurs, exécutants et commanditaires des exactions commises par les forces de répression, ainsi qu'une réparation morale officielle à la population de la région, "atteinte dans sa dignité".

Le Mouvement culturel berbère (MCB) et le Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (SATEF) demandent le report des examens, notamment de ceux du bac, dans les wilayas de Tizi Outou, Bejaïa, Bouira, Bordj Bou Arréridj et Sétif, suite à "la tragédie sans précédent que vivent ces wilayas".

La coordination des comités universitaires et de la société civile de Bejaïa appelle à une grève générale et une marche populaire le 19 mai, avec le soutien de l'union UGTA de la wilaya.

Le gouvernement semble vouloir de son côté prendre quelques mesures pour calmer la colère de la population de Kabylie. Le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, a ainsi réuni le 15 mai les cinq walis des wilayas touchées par les émeutes (Tizi-Ouzou, Bejaïa, Bouira, Boumerdès et Sétif) pour annoncer que tous les soins médicaux, prodigués dans le secteur public ou privé, seront pris en charge par l'Etat, sous forme de subventions aux wilayas concernées -lesquelles devraient également recevoir des dotations budgétaires supplémentaires pour réparer les dégâts des deux semaines d'émeutes. La prise en charge des soins médicaux devrait s'accompagner de possibilités d'indemnisations "selon les dommages subis", et en fonction d'enquêtes auprès des familles. Selon "Le Quotidien d'Oran", le gouvernement aurait également l'intention d'abandonner les poursuites envisagées contre les personnes interpellées pendant les émeutes. L'Assemblée de wilaya de Béjaïa a de son côté adopté un crédit de 10 millions de dinars au profit des victimes de larépression

Une réunion des comités de villages de Kabylie s'est tenue le 10 mai à Beni Douala, en présence de représentants d'une quinzaine de daïras, et une coordination de wilaya pour Tizi Ouzoudevrait être désignée le 17 à Azazga. Les représentants des "Archs" ont insisté sur la nécessité que cette coordination ne réponde pas à une tendance ou un objectif politique, et ne vise pas à supplanter les partis politiques. Les comités de village sont unanimes à défendre certaines revendications : le départ des brigades de gendarmerie, le report des examens de fin d'année, un statut légal pour les victimes des émeutes, la libération des détenus, l'arrêt des interpellations, la poursuite des auteurs des homicides et la solidarité avec les victimes et leurs familles.

Sur les conséquences politiques nationales des affrontements en Kabylie, les partis politiques continuent de confronter leurs positions et les analyses. A Tizi Ouzou, lors d'un meeting populaire animé par Ali Kerboua, Premier secrétaire du FFS et Djamel Zenati, député FFS, ce dernier a dénoncé la mise en place par le pouvoir "d'un nouveau scénario qui vise les partis politiques" et à "mettre définitivement fin à la demande démocratique". Djamel Zenati a dénoncé ceux qui veulent "transformer" les comités de villages de Kabylie en parti politique, et a affirmé : "Quand on vise la Kabylie, c'est l'ensemble de l'Algérie qui est visé". Pour sa part, le Conseil de coordination du FIS estime que "les derniers événements sanglants de Kabylie ne sont pas le produit d'une manipulation étrangère ou intérieure, n'en déplaise à Bouteflika et à la junte militaire", pas plus qu'ils ne sont "liés à une revendication sectaire (ou) régionaliste", mais le résultat d'un "ras-le-bol contre la hogra et toutes les pratiques maffieuses d'un régime honni par tout le peuple algérien", et qu'ils "constituent un tournant majeur dans la crise multi-dimensionnelle que connaît l'Algérie", en prouvant "de façon irréfutable le rejet total par la population des parties et partis dits 'laïques", ce dont le CCFIS voit la preuve dans le fait que des jeunes ont scandé "haut et fort leur adhésion à ceux qui sont sincères envers le peuples et combattent pour son bien-être" (allusion sans doute aux quelques slogans en faveur de Hassan Hattab entendus lors des manifestations de Kabylie).


(GSPC 12.5 / Reuters 18.5 / Reuters 19.5 / El Khabar, ATS, AFP, Liberté 20.5 / AP, Corr, Le Matin 21.5) Plus de 10'000 personnes (15'000 à 20'000 selon "Liberté") ont participé le 19 mai à Bejaïa dans le calme à la marche organisée par les comités de village et les comités de citoyens de la région, où une grève générale a été massivement suivie. Lors du meeting qui a clôs la marche, ses organisateurs ont exigé "le départ de tous ceux qui violent les libertés et répriment le peuple". Ils ont condamné le nouveau code pénal et exigé le retrait de la gendarmerie de Kabylie : "Nous demandons aux gendarmes de quitter la région parce qu'ils sont responsables de la répression et ont agi comme une force coloniale", a déclaré un porte-parole des comités. Des militants et responsables de tous les partis d'opposition ont participé à la marche.

Plus de 20'000 personnes (selon la police, mais largement plus selon les organisateurs) ont manifesté le 20 mai à Tizi Ouzou, avec les mêmes exigences. Là aussi, des élus locaux du FFS et du RCD ont participé à la marche.

Plus de 500'000 personnes ont pris part le 21 mai à Tizi Ouzou à la "marche noire" à laquelle appelaient les "aârouch" (comités de sages), les comités de villages et les comités de citoyens de toute la Kabylie, en soutien aux victimes des émeutes. Cette manifestation, soutenue par le MCB (toutes tendances réunies) et la Fondation Matoub, a été la plus importante en Kabylie depuis 40 ans, s'est accompagnée d'une grève générale dans toute la région, depuis le 19 mai Les manifestants ont défilé aux cris de "pouvoir assassin", "on ne veut plus de ce pouvoir", et exigeaient notamment le départ de Kabylie de la gendarmerie.Dans ces trois marches, le slogan "pouvoir assassin" a été constamment repris par les manifestants.

Une marche est prévue la semaine prochaine à Alger. Un sit-in des journalistes est annoncé pour le 23 mai devant le Palais de justice de Tizi Ouzou.

Ces manifestations coïncident avec la visite à Alger depuis le 18 mai d'une délégation de l'Union européenne, dont le Parlement a condamné la répression en Kabylie.

Des dizaines de délégués des comités de village se sont réunis le 17 mai à Iloula, au pied du Djurdjura, pour jeter les bases d'une organisation de la société civile fondée sur la coordinations des comités de sages des villages, hors de "toute tutelle partisane, administrative ou associative". Les comités de village ont cependant tenu à rassurer les partis politiques (c'est-à-dire le FFS et le RCD) : "Nous ne sommes pas là pour nous substituer à nos partis politiques, mais pour prendre en charge des revendications posées par une conjoncture particulière", a déclaré à l'AFP un représentants des Ouacifs. Les comités de village exigent le report des examens scolaires prévus en juin et menacent d'occuper l'Académie de Tizi pour l'obtenir. Le ministère de l'Education a refusé ce report. Les comités de village exigent également le départ "sans condition" des gendarmes, ou à tous le moins "le remplacement de tous les gendarmes impliqués dans la répression". Ils demandent un statut de "martyr" pour tous les jeunes tombés lors des émeutes.

L'Assemblée populaire de wilaya de Tizi Ouzou (Conseil général) a décidé le 20 mai d'octroyer une aide directe aux familles des victimes de la répression, sous la forme de pensions établie par analogie à celles des anciens combattants et familles de martyrs de la guerre de libération, et cela tant que l'Etat central n'aura pas accordé un statut aux victimes et aux familles de victimes des évènements de Kabylie. L'APW a également décidé de constituer une commission "Vérité et Justice sur les évènements de Kabylie", dont les conclusions seront publiées dans un "livre noir", et d'édifier un mémorial à la mémoire des victimes, à Tizi Ouzou.

Dans un long communiqué daté du 12 mai, signé de "Abou Hamza Hassan Hattab" (et traduit par le CCFIS), le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) inscrit les émeutes de Kabylie au terme des dizaines d'années précédentes, tente de les capitaliser et en tient le pouvoir pour responsable : "Le système politique au pouvoir -ou autrement dit, les éléments qui se sont accaparés le pouvoir- est la cause première de la crise et la source de toute subversion parce qu'un Etat ne peut jouir de la stabilité alors que son peuple et ses institutions sont entre les mains d'individus incapables de former une phrase correcte, ne connaissant que le langage de la violence et de l'oppression et ne pensant qu'à assouvir leur soif de domination", écrit le GSPC, qui poursuit, à propos des émeutes de 1988 : "A chaque fois que le peuple a voulu réclamer ses droits, savoir ce qui lui revient de ce qui ne lui revient pas, ce sont les blindés et les bombes qui lui répondirent (...). Lorsque le peuple appela à une amélioration de sa situation socio-économique, on lui remplit la bouche, le pauvre, de pierres (...) ou plutôt de pombes et on lui ordonna de se taire (...). Il ne fut question ni d'Islam ni d'amazighité pour ne pas prêter à confusion avec une revendication à objectifs politiques; ce ne fut en fait qu'un ras le bol populaire à l'encontre du pourrissement politique, social et administratif". Après la "mise en scène du multipartisme", à nouveau "la même réponse fut donnée : sortie de l'armée et tueries sous prétexte de défense de la démocratie". "L'Etat algérien repose sur deux droites qui ne se rencontrent pas; il n'y a aucune concordance entre le pouvoir et le peuple et il n'y en aura jamais", affirme le GSPC. Quant à la revendication bernère, le GSPC la fait carrément sienne, du moins pour autant que l'amazighité se tiennent "dans le cadre du respect de la Loi islamique". Et d'égréner la liste des grands personnages berbères de l'histoire de l'islam, de Ikrima Ibn Ammar, Yusuf Ibn Tachfin et Tariq Ibn Ziyad à Abdel Al-Hamid Ibn Badis, sans oublier les oulémas de Bejaïa. Le GSPC insiste sur le fait que durant la "révolution algérienne (...) la région de Kabylie était la plus active avec celle des Aurès". "Nous savons et le pouvoir sait que nous sommes diamétralement opposés. Aussi continuerons nous à porter haut l'étendard de l'opposition jusqu'à ce que ne reste en place que nous ou lui", déclare Hassan Hattab, dont le communiqué se conclut par la proclamation de "la légitimité (du) djihad contre le régime" : le GSPC affirme qu'il "ne combat pas un régime politique mais un gang de malfaiteurs rejeté par le peuple dans toutes ses composantes".

(Le Matin 20.5) Un groupe d'intellectuels et d'artistes algériens vivant en France ont adressé une lettre ouverte au président Bouteflika, lettre dans laquelle ils s'insurgent contre la répression des manifestations de Kabylie, et demandent à Bouteflika de démissionner. Pour Fellag, signataire de la lettre, et qui avoue "avoir cru en ce Président" et avoir eu "grand espoir en lui" les évènements de Kabylie sont "l'échec d'un système" et la révolte kabyle "qui est en fait celle de toute la société algérienne, est un symbole de vie". Demander le départ de Bouteflika est pour lui "une réaction de citoyen qui a perçu l'échec d'une démarche"

(Le Soir 19.5) Dans un meeting tenu à Sétif par le FFS, Ahmed Djeddaï, membre de la direction du parti a exprimé sa certitude que le pouvoir algérien est non seulement en parte de vitesse en Algérie même, face à la population, mais également au plan international : "Le prétexte islamique armé avancé par le pouvoir (pour obtenir le soutien de la communauté internationale) est terminé. Les événements de Kabylie ont démontré sa férocité. Il ne faut plus oublier maintenant l'existence du droit international qui a failli livrer à la justice les tortionnaires. Dorénavant, aucun général ne pourra sortir du pays. Finis la Suisse, la France et les Etats-Unis. Ils vont vivre dans leur propre prison (...). Après, ce sera au tour des civils qui étaient au pouvoir. On passera ensuite à une autre étape, celle du gel des avoirs à l'étranger", a déclaré Ahmed Djeddaï, qui a conclu : "ces gens-là doivent rendre des comptes, non pas uniquement à l'étranger mais ici, en Algérie".

(El Watan 20.5, Le Matin 21.5) La résolution sur l'Algérie votée le 17 mai par le Parlement européen, en réaction aux événements de Kabylie, a provoqué de vives réactions au sein des députés de la coalition gouvernementale algérienne, d'autant que le vote de cette résolution coïncidait avec la visite en Algérie d'une délégation de députée européens (dont des signataires de la résolution). Ainsi, les députés FLN dénoncent l'ingérence des parlementaires européens dans des affaires internes algériennes, et le président du groupe RND, Nourredine Terbak, accuse la résolution européenne d'être fondées sur "des données subjectives, fournies par des sources connues pour (leur) positions favorables à l'ingérence étrangère dans les affaires intérieures de l'Algérie" (allusion vraisemblablement au FFS). Dans l'opposition, le Parti des travailleurs a également dénoncé une "ingérence intolérable" dans les affaires algériennes, et accusé la résolution européenne de mettre en cause l'intégrité et l'unité de l'Algérie en faisant prévaloir des critères éthniques et linguistiques. Quant au Front des Forces Socialistes, il s'est déclaré déçu par la résolution, qu'il considère comme insuffisante, et en recul par rapport à celle du congrès des socialistes européens.


RÉSOLUTION DU PARLEMENT EUROPÉEN SUR LA RÉPRESSION EN KABYLIE

Résolution du Parlement européen sur la répression en Kabylie, 17 Mai 2001

Le Parlement européen,

- rappelant ses résolutions antérieures sur l'Algérie,

- vu la Déclaration de Barcelone,

- vu les rapports annuels du Parlement européen sur les droits de l'homme dans le monde,

A. vivement préoccupé par le grand nombre d'Algériens qui ont été tués par les forces de l'ordre au cours des manifestations qui ont eu lieu dans la région de la Kabylie en Algérie,

B. conscient des énormes problèmes économiques et sociaux qui sont à l'origine des manifestations pacifiques, y compris les revendications culturelles et linguistiques de la population berbère de Kabylie,

C. considérant que le Président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a annoncé la création d'une commission d'enquête et que l'Assemblée populaire nationale a également annoncé la constitution d'une commission parlementaire d'enquête,

D. soulignant que, malgré les efforts mis en œuvre par le Président Bouteflika, par les partis démocratiques et par de larges fractions de la société civile, l'Algérie n'a pas encore réussi sa réconciliation nationale et qu'elle est toujours la proie du terrorisme, d'opérations de répression et de violations des droits de l'homme,

E. inquiet de l’aggravation de la situation économique et sociale,

F. considérant que le gouvernement envisage d'adopter de nouvelles mesures visant à restreindre les droits des médias, et préoccupé par la suspension du financement de très nombreuses associations de la société civile,

G. soulignant que l'Algérie et l'Union européenne négocient actuellement un accord euro-méditerranéen;

1. condamne l'assassinat de manifestants pacifiques en Kabylie et exprime son soutien aux familles des victimes;

2. se félicite des décisions du Président Bouteflika et de l'Assemblée populaire nationale de constituer des commissions d'enquête pour faire la lumière sur les causes des violents affrontements;

3. souhaite que ces commissions d’enquête soient constituées dans les plus brefs délais possibles et qu’elles disposent des moyens nécessaires pour accomplir leur mission;

4. invite instamment les autorités algériennes à s'abstenir de toute mesure de répression envers la population kabyle, de mettre fin à la violence, sous toutes ses formes, de traduire en justice les responsables des massacres de civils et de prendre d'urgence des mesures pour garantir la sécurité des citoyens;

5. exprime sa préoccupation au sujet du projet de modification des articles du code pénal qui concernent la presse et souhaite que la liberté d’action des associations soit garantie;

6. invite instamment les autorités algériennes à procéder aux réformes qui s'imposent afin de permettre au peuple berbère de jouir pleinement de ses droits culturels et linguistiques;

7. demande à la Commission de poursuivre les négociations relatives au nouvel accord UE-Algérie afin d'attirer l'attention sur l'importance que revêtent une amélioration effective de la situation des droits de l'homme ainsi que des réformes sociales et économiques;

charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission et au gouvernement algérien.


(Ribat 6.5) Dans le dernier numéro du bulletin "El Ribat", organe officieux de la tendance de Rabah Kébir du FIS, celle-ci s'en prend, dans le commentaire qu'elle fait des événements survenue en Kabylie, avec virulence au FFS et, nommément à Hocine Aït Ahmed, accusé de n'être "pas sans responsabilité directe ou indirecte dans toutes les crises violentes ou non que notre pays a connues depuis son indépendance, notamment celle de 1963 qui a vu le Front des Forces Socialistes prendre les armes", alors que selon "El Ribat" "l'AIS par son désengagement militaire a, quant à elle, contribué plusieurs que ne le pensent ou ne le disent ceux qui interviennent sur la scène médiatique européenne, à démasquer les manoeuvres et les manipulations du pouvoir". Pour le FIS-Kébir, le FFS paie en Kabylie "sa participation au système", c'est-à-dire "sa présence, infructueuse pour lui et nuisible pour la démocratie, dans une Assemblée nationale dont (Hocine Aït Ahmed) dit lui-même qu'elle est bidon". "El Ribat" accuse le président du FFS de faire "plus qu'un clin d'un oeil, un appel du pied à l'armée" en voulant l'associer à une solution du conflit; le bulletin islamiste reproche surtout à Aït Ahmed d'envisager de s'assoir autour d'une table avec l'armée tout en dénonçant l'accord passé entre l'armée et l'AIS. "El Ribat" considère qu'"à l'évidence, le Front des Forces Socialistes vient, une fois encore, de changer de stratégie", et évoque l'hypothèse d'une dissolution de l'Assemblée nationale et de nouvelles élections législatives, au terme desquelles "le FFS bénéficierait d'un nombre important de sièges, entre 50 et 60 !".

(La Tribune 12.5 / APS, Quotidien d'Oran, Le Matin, Liberté 13.5 / Liberté, Le Matin, El Watan 14.5) revenant sur la marche qu'il a organisé le 10 mai, et qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes une semaine après la grande manifestation du FFS (laquelle avait rassemblé plus de manifestants encore), le Mouvement culturel berbère-coordination nationale a déclaré, par la voix de son président El Hadi Ould Ali que cette marche, qui avait une tonalité nettement plus "identitaire" (berbériste) que celle du FFS, symbolisait son "attachement à une Algérie solidaire et démocratique, assumant pleinement sa diversité culturelle et linguistique". La manifestation du MCB avait vu la participation de plusieurs responsables politiques, dont la porte-parole du Parti des Travailleurs, Louisa Hanoune, le président du RCD, Saïd Sadi, et les deux anciens ministres du RCD. Louisa Hanoune a expliqué son soutien à la marche du MCB et sa non-participation, la semaine précédente, à celle du FFS, par le choix fait par le FFS d'"internationaliser la crise", choix que la porte-parole du PT réprouve. La centrale syndicale UGTA avait d'ailleurs également appelé à manifester avec le MCB, mais pas la semaine précédente avec le FFS. El Hadi Ould Ali a appelé le 12 mai les organisations de la société civile et les partis politiques à demeurer "solidaires", et a demandé "la cessation imméciate des poursuites judiciaires" contre les manifestants de Kabylie, l'octroi d'un "statut moral et matériel pour les victimes" de la répression, le report des prochains examens scolaires et la reconnaissance de la langue amazighe comme langue nationale et officielle. Interrogé sur la floraison et la coordinations des comités de villages en Kabylie, le président du MCB-Coordination nationale a expliqué que ces comités faisaient partie intégrante de "l'identité sociologique" du pays, et a qualifié leur intervention de "légitime et généreuse", d'autant que les militants des partis politiques implantés en Kabylie font souvent également partie des comités de village. Les comités populaires, de village, de citoyens, continuent d'occuper le terrain en kabylie, et de se coordonner. Un Conseil des comités de la Soummam vient d'être mis sur pied à Bejaïa. Un collectif indépendant de femmes de la wilaya de Tizi Ouzou appelle à une marche à Tizi le 24 mai, "contre la barbarie et la dictature instaurée par le pouvoir criminel". Le collectif exige le départ des brigades de gendarmerie de Kabylie, la traduction devant la justice des gendarmes auteurs de violences, la prise en charge par l'Etat des victimes, la reconnaissance de tamazight comme langue nationale et officielle. Des témoignages publiés par "Le Matin" suggèrent cependant que certains de des comités populaires pourraient être suscités par des partisans du pouvoir en place, désireux de les utiliser contre les deux partis politiques dominant la région. Selon ces témoignages, le conseiller de Bouteflika Rachid Aïssat "active très fort" en ce sens, et le wali de Tizi Ouzou aurait incité plusieurs responsables de comité de la région à se "prendre en charge". El Hadi Ould Ali (MCB-Coordination nationale a également déclaré que des directives avaient été "transmise à partir de la présidence pour créer un cadre d'expression autre que celui habituel des partis politiques du et MCB", afin "d'affaiblir les partis politiques implantés dans cette région".

Les partis politiques n'ont cependant pas disparu de la "scène" kabyle : le FFS appelle par exemple la population à manifester tous les mercredis en observant une minute de silence "partout où l'on se trouve" à onze heures, à fermer les magasins pendant une heure, à organiser des cortèges de véhicules le soir, à allumer des bougies pendant la nuit et à "enclencher une dynamique de solidarité au profit des familles de victimes".

De son côté, le MSP de Mahfoud Nahnah a, par la voix de son vice-président, Meghana Med, accusé le PS français d'être "derrière les événements tragiques survenue en Kabylie et l'agitation qui s'en est suivie partout dans le pays". Meghana Med a dénoncé "l'implication de mains étrangères se trouvant à l'étranger dans le complot visant le pays dans son unité nationale".

(Reuters 20.5 / AFP, AP, Le Monde, Le Quotidien d'Oran, Le Matin, El Watan 23.5) Les manifestations ne cessent pas en Kabylie, rassemblant de quelques centaines de personnes pour les plus "symboliques" d'entre elles à plusieurs centaines de milliers pour celle de Tizi Ouzou le 21 mai, en passant par les dizaines de milliers de manifestants de Bejaïa et de Tizi Ouzou les 19 et 20 mai.


Le lundi 21 mai, c'est une "marée humaine" qui a déferlé sur Tizi Ouzou, dans une manifestation qui a rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes (au moins 500'000 selon la plupart des estimations indépendantes, alors que les media officiels la minimisaient à 35'000 participants), venues de toute la Kabylie, souvent descendues de la montagne en costume traditionnel, pour exprimer leura solidarité avec les victimes des émeutes d'avril et dénoncer le "pouvoir" et la brutalité de la dépression. Les observateurs ont également souligné que la manifestation n'exprimait aucune revendication "identitaire" berbériste, mais une forte revendication politique (et non politicienne), à l'appel 23 coordinations des comités de village. Les militants des partis politiques dominant la région (le FFS et le RCD) étaient cependant nombreux à manifester, mais sans se distinguer de la masse des manifestants. Les manifestants se sont longuement arrêtés devant le commandement de la gendarmerie pour scander "Pas de pardon !", "Pouvoir, gendarmes, criminels". Les manifestants ont également récusé aux cris de "Aghuru ! Tromperie !" la commission d'enquête sur les "événements" dirigée par Mohand Issaâd.

Le 23 mai, plusieurs centaines de lycéens ont manifesté à Bejaïa contre le report par le gouvernement de l'examen du baccalauréat, et pour exiger l'organisation d'une deuxième session du bac en septembre. Le ministère de l'Education avait annoncé la veille, après avoir rejeté cette idée, que l'examen du bac prévu pour le 9 juin était reporté au 28 juillet dans les wilayas de Tizi Ouzou et de Bejaïa et dans plusieurs daïras de Boumerdès, Bouira et Sétif, mais les lycéens, le Mouvement culturel berbère et le FFS exigent la mise sur pieds en septembre d'une deuxième session d'examen. Le même jour, à Tizi Ouzou, à l'appel de la coordination des correspondants locaux de la presse, plusieurs centaines de personnes ont défilé à la mémoire des victimes des émeutes et pour protester contre le durcissement des lois sur la presse.


(AFP 24.5, 27.5 / Le Monde 26.5 / Le Quotidien d'Oran 26.5 / La Tribune 27.5 / Liberté 27.5 / Horizons 28.5) Plus de 10'000 femmes (50'000 selon les organisateurs) ont manifesté pacifiquement le 24 mai à Tizi Ouzou pour dénopncer la répression des émeutes en Kabylie. Précédées d'un carré de manifestante portant une immense toile noire en signe de deuil, les manifestantes, de tous âges, scandaient "Ulac smah ulac" (Pas de pardon !), "liberté, démocratie" et "pouvoir assassin !". Khalida Messaoudi, députée et conseillère du président Bouteflika, démissionnaire du RCD, a été littéralement éjectée de la manifestation aux cris de "Khalida Lewinski dehors !". Un autre député du RCD et le frère de l'ancien ministre RCD Lounaouci ont également, mais plus calmement, écarté de la marche..Le même jour, une grève générale devait être respectée à Boghni, à l'appel du "Comité autonome pour la vérité et la justice Rachid Bouguera", du nom d'un jeune comédien abattu par les forces de répression le 27 avril. Le même jour, Une grève et une marche devaient également avoir lieu à Bouira, à l'appel du MCB et d'une coordination des collégiens et lycéens. Une marche est prévue à l'appel du MCB à Boumerdès. Le 30 mai, les avocats de l'Algérois appellent à une marche en solidarité avec les victimes de la répression et leurs familles.

La coordination des comités de village a décidé de boycotter les commissions d'enquête mises en place l'une par le président Bouteflika, l'autre par l'Assemblée nationale, et de boycotter également toutes les manifestations sportives et culturelles. Elle réclame des poursuites judiciaires contre les auteurs d'exactions, l'arrêt des interpellations, le retrait des poursuites contre les manifestants, le départ des brigades de gendarmerie et le report des examens et l'organisations d'une seconde session d'examens à l'automne.

A Bouira, des milliers de personnes ont manifesté dans le calme le 24 mai, à l'appel des comités locaux et du MCB.

A Bejaïa, des centaines de lycéens, en grève des cours depuis plusieurs jours, ont manifesté le 24 mai et des milliers de manifestants ont défilé le 26 mai pour exiger une deuxième session d'examens en Kabylie. Le comité provisoire de la wilaya de Bejaïa appelle la population a des sit-ins quotidiens devant les institutions publiques tous les soirs. Une grève générale a été proclamée pour le 27 mai.

Le 27 mai, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Bejaïa pour protester contre la répression, manifester leur solidarité avec les victimes et exiger "une Algérie meilleure" et "démocratie et liberté".

Le personnel médical et paramédical de Tizi Ouzou appelle à une marche le 30 mai depuis le CHU Nedir-Mohammed.

Le discours du président Bouteflika, le 27 mai, annonçant des "sanctions sévères" contre les responsables des émeutes, n'a rien changé à la situation sur place, alors même qu'il faisait droit à l'une des revendications des manifestants (une session d'examens supplémentaires en septembre). Une réunion tenue le 26 mai entre le Premier ministre Benflis et une délégation de la coordination des comités de village s'est achevée sans résultats.

Le 24 mai, les coordinations des "archs", comités de villages, de communes et de daïras de la wilaya de Tizi se sont réunies. Elles ont exigé l'organisation d'une deuxième session du bac en septembre, et ont lancé un appel aux ONG internationales participant au Festival de la Jeunesse et des sports qui doit se dérouler en Algérie, pour le boycott de cette manifestation.

A la télévision algérienne (chaîne publique), plusieurs responsables des forces de sécurité, et le Secrétaire général du ministère de l'Intérieur, Mohamed Guendil, ont lancé le 26 mai un appel "au calme, à la sagesse et à la retenue" lors d'une émission consacrée à la situation en Kabylie. Un responsable de la gendarmerie a affirmé qu'"il n'y a jamais eu d'impunité" et que de nombreuses procédures judiciaires étaient en cours contre des auteurs présumés de "dépassements" commis par les forces de l'ordre, et a assuré que toute requête émanant de citoyens s'estimant lésés sera prise en compte. Les responsables des forces de sécurité ont également affirmé qu'aucun manifestant n'était détenu.

(Quotidien d'Oran 21.5 / AP 22.5, 23.5 / Le Matin 23.5 / Le Monde 23.5) Peu avant de quitter l'Algérie, la députée écologiste française Hélène Flautre, membre de la délégation de parlementaires européens en visite en Algérie, s'est rendue le 22 mai à Tizi Outou pour écouter des familles de victimes des émeutes et recueillir des témoignages. Hélève Flautre a dénoncer la "fausseté du discours officiel" attribuant à de la "légitime défense" de la part des force de l'ordre les morts et les blessés des manifestations de Kabylie, et a estimé "inadmissible qu'on tire à balles réelles sur des manifestants".

La résolution du Parlement européen sur l'Algérie, votée le 17 mai, et qui mettait l'accent sur la dimension (réelle ou supposée) "berbère" des manifestations de Kabylie, a été presque unanimement dénoncée en Algérie, non seulement de la part des forces politiques habituées à dénoncer toute vélléité d'"ingérence" extérieure dans les "affaires intérieures" algériennes (comme le Parti des Travailleurs ou le FLN), mais également par le Front des Forces Socialistes, partisan et acteur de l'"internationalisation" du débat sur l'Algérie, pour qui le caractère "berbériste" de la résolution européenne est une manière de "pervertir le sens politique véritable" de la mobilisation de la population en Kabylie -mais aussi hors de Kabylie, et que cette réduction des évènements à leur aspect régional ne fait que "conforter les intentions stratégiques du pouvoir algérien, qui a de tout temps tenté de créer une diversion berbériste en Kabylie". Pour les parlementaires du FFS, principal parti politique d'opposition (et principal parti de Kabylie), "s'en remettre et se féliciter de la mise en place de commissions d'enquêtes nationales", comme le fait la résolution européenne, revient à "se rendre complice de l'opacité et de l'impunité (...), ce qui nous autorise aujourd'hui à nous interroger sur le degré de complicité de certains partenaires de l'Algérie avec le pouvoir algérien". Le FFS regrette que la résolution de l'Assemblée européenne soit si éloignée, et sur certains points si contradictoires, de celle du congrès des socialistes européens (qui demandait l'envoi d'une commission d'enquête internationale sur les massacres en Algérie) et considère qu'"il est inadmissible que la communauté internationale se taise à chaque offensive de la dictature algérienne". La députée européenne (écologiste française) Hélène Flautre s'est excusée au nom de la délégation du Parlement européen d'avoir fait mention dans la résolution du "peuple kabyle" et a estimé qu'il s'agissait d'une "maladresse".

(AFP, AP 25.5 / AFP, Quotidien d'Oran 26.5) Le Front des Forces Socialistes a appelé le 25 mai à une "marche de l'espoir démocratique" pour le 31 mai à Alger, pour exiger "l'arrêt immédiat de la répression et des provocations" en Kabylie, la levée "immédiate et inconditionnelle des dispositifs policiers", l'arrestation et le jugement "des commanditaires et des auteurs des assassinats", la reconnaissance d'un statut pour les victimes de la répression, le retrait des modifications du Code pénal et l'arrêt du bradage du patrimoine national. Le FFS appelle toutes les forces politiques et sociales démocratziques à participer à cette marche. Pour le Premier secrétaire du FFS Ali Kerboua, par la brutalité de la répression en Kabylie, "on cherche à attenter à l'honneur et à la dignité de la population". Ali Kerboua dénonce "le comportement irresponsable des hautes autorités suspectées d'opter pour la stratégie du pire". Le Premier secrétaire du FFS confirme que le mémorandum du parti pour une transition démocratique a fait l'objet d'une réponse du chef de l'état-major de l'armée, à qui il avait été adressé (ainsi qu'au président de la République et qu'au chef des services spéciaux), mais que cette réponse, dans laquelle Lamari affirmait qu'en vertu de son "caractère républicain", l'armée algérienne ne se mêlait pas des décisions politiques, "ne correspond pas à la réalité" du rôle de l'armée, et est "en daçà des exigences actuelles".

(Le Monde 27.5, 28.5 / AP 26.5, 27.5 / AFP 27.5) Dans un discours prononcé lors d'une rencontre religieuse à Alger, à l'occasion de la "semaine du Coran" le 27 mai, le président Bouteflika a annoncé des sanctions contre "les instigateurs (des) tragiques événements" de Kabylie "et contre les auteurs des dépassements, d'où qu'ils viennent". Le président a assuré que ces sanctions seraient prises sur la base des résultats de l'enquête de la commission présidée par Mohand Issaâd, et que cette enquête sera rendue publique. Le président Bouteflika a lancé un appel à la raison et au respect de la loi pour que "cesse l'effusion du sang des Algériens, citoyens ou agents de l'Etat". Il a annoncé l'organisation en septembre d'une session "spéciale" des examens du baccalauréat pour les lycéens de Kabylie, et a déclaré que "les questions culturelles et linguistiques seront prises en charge lors d'une révision de la Constitution", avec le double objectif de garantir les spécificités algériennes tout en maintenant l'unité de l'Algérie : "Les vaillants jeunes de Kabylie sont une partie importante de l'Algérie, dont ils ne peuvent pas se passer, comme elle ne peut pas se passer d'eux". Abdelaziz Bouteflika a cependant fait remarquer qu'un référendum pourrait être désavantageux et négliger de nombreux aspects liés aux problèmes identitaires. Le président a par ailleurs ignoré les principales revendications des manifestations de Kabylie, notamment le départ de la gendarmerie, à la seule exception de la revendication des lycéens.

Le chef d'état-major de la gendarmerie pour la 5ème région militaire a cependant annoncé le 25 mai que 75 % des gendarmes en poste dans la wilaya de Bejaïa avaient été changés (remplacés par d'autres).

Selon "Liberté", le président Bouteflika avait annulé tous ses déplacements à l'étranger prévu ces derniers jours, dont sa participation en Indonésie au Sommet du "G-15". Le Premier ministre Ali Benflis aurait également renoncé à ses déplacements à l'étranger.

(Quotidien d'Oran 21.5 / AP 22.5, 23.5 / Le Matin 23.5 / Le Monde 23.5) Le chef de la délégation de parlementaires européens en visite en Algérie depuis le 19 mai, l'Espagnol Raimon Obiols y Guerma, a estimé que le renforcement des relations entre l'Algérie et l'Union européenne passait par le dialogue et la concertation, et que l'Europe et l'Algérie avaient besoin l'une de l'autre. La délégation des "eurodéputés" a rencontré le 21 mai le Premier ministre Benflis pour faire le point sur les négociations entre l'Algérie et l'UE, Ali Benflis réaffirmant l'"attachement" de l'Algérie à un accord prenant en compte "les dimensions sociales et humaines du partenariat".

(Ribat 27.5 / Corr 28.4) "Laisser délibérément la Kabylie s'enflammer n'est bon pour personne, sauf pour les ultra berbéristes qui revendiquent, haut et fort, l'autonomie de cette région. Veut-on pousser l'irrédentisme d'une minorité d'activistes jusqu'à la sécession de cette partie de l'Algérie ?", s'interroge le bulletin islamiste (du FIS, tendance Rabah Kébir) "El Ribat", qui considère qu'après les évènements de Kabylie, "des têtes doivent tomber", et qui réclame celles du commandant en chef de la gendarmerie, du ministre de l'Intérieur, du directeur général de la Sûreté nationale. Comme pour confirmer "El Ribat", un communiqué anonyme, daté et localisé du 28 mai à Tizi Ouzou au nom d'un inconnu "Mouvement de la Kabylie Libre", et copnclu par le slogan "Tamurt, Tadukli, Tilleli, Tamazight", lance un "appel au peuple kabyle" affirmant que "La Kabylie est capable de se donner les moyens de s'organiser librement et de fonder un Etat moderne, basé sur la justice, le droit, la liberté et la démocratie, et où bien entendu tamazight serait consacrée langue nationale et officielle". L'appel s'en prend évidemment aux forces de répression et au système algérien, mais aussi au RCD ("qui aurait dit que des militants de la cause amazighe devenus députés accepteraient que l'on soumettre au vote leur droit de s'exprimer en Kabyle à l'Assemblée nationale ? Qui aurait dit qu'un parti qui s'est construit sur le socle de l'amazighité intégrerait un gouvernement islamo-baathiste dirigé par un président qui a insulté les Kabyles à Tizi Outou et qui a juré que jamais tamazight ne serait institutionnalisée ?) et au FFS ("Qui aurait dit qu'un parti qui se réclame de la démocratie se laisserait entraîner dans des alliances contre nature avec un mouvement islamiste qui n'a jamais caché ses dessins de donner en offrande à Dieu des millions de Kabyles ?".

(La Tribune, El Watan, Le Quotidien d'Oran, Liberté, Le Matin 30.5 / El Khabar, El Watan, Jeune Indépendant 31.5) Plusieurs milliers d'étudiants (de 6 à 10'000 selon les estimations) ont manifesté le 29 mai à Alger, à l'appel des leurs comités des universités d'Alger et de Bab Ezzouar, en solidarité avec les manifestants de Kabylie, et sous les mêmes slogans qu'eux. Une délégation des manifestants a remis au chef de cabinet du ministre de l'Intérieur une plate-forme de revendication rédigée par les représentants du collectif des comités autonomes des universités. Les revendications portent notamment sur l'arrêt de la répression en Kabylie, l'abrogation des dispositions "liberticides" du nouveau code pénal et la prise en charge "réelle et concrète" des revendications sociales et économiques des Algériens. Les étudiants devraient mener d'autres actions de protestation dans les jours à venir, et un rassemblement était annoncé pour le 30 mai devant l'Ecole normale supérieure de Kouba.

A Bejaïa, ce sont plusieurs milliers de médecins, d'infirmiers et de techniciens de la santé de toute la région qui ont manifesté pour dénoncer la répression, l'"injustice sociale" et le "déni identitaire".

Le 30 mai, c'est le personnel médical de la wilaya de Tizi Ouzou qui a manifesté à Tizi, alors qu'à l'appel du Mouvement culturel berbère, près de 5000 personnes participaient à une marche à Aïn Benian (Alger)

Le 3 juin, se sont les avocats d'Alger qui devraient marcher pour la "paix" et le "respect des droits de la défense des libertés, des droits de l'homme et du citoyen et de l'Etat de droit".

Une coordination des comités de village des Issera a été créée le 29 mai afin d'encadrer le mouvement de protestation dans la daïra et de l'élargir aux reste de la wilaya de Boumerdès. Le 31 mai, ce sont les "archs" de la wilaya de Tizi Ouzou qui organisent leur coordination à Azazga. Les "archs" de Tizi, bejaïa, Bouira et Boumerdès entendent organiser à Alger le 7 juin une "action de grande envergure", dont le contenu n'a pas été précisé. Les représentants des comités de village de la wilaya de Bejaïa ont rencontré le 29 mai le wali et lui ont remis une liste de revendications, dont l'arrestations des policiers responsables des "dépassements" pendant les émeutes.

Selon "Liberté", sur la base d'informations publiées par le quotidien londonien "Al Hayat", le Haut Conseil de Sécurité présidé par le président Bouteflika a tenu plusieurs réunions depuis le 24 mai à propos des événements de Kabylie, mais en l'absence des ministres de l'Intérieur et de la Justice, le premier étant hospitalisé aux USA.

Selon "El Khabar", le président Bouteflika aurait décider de "procéder à un mouvement dans le corps des walis" (préfets) de Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira. Le wali de Tizi deviendrait wali d'Alger.


(AP, Libération, Corr 31.5) Plusieurs centaines de milliers de personnes (de 200'000 à 600'000) ont manifesté à l'appel du FFS le 31 mai à Alger, de la place du Premier Mai à la place des Martyrs. Cette manifestation, qui avait valeur de "test" pour le FFS et de sa volonté de donner un sens politique aux émeutes, et que la contestation sorte du "réduit kabyle", a été la plus importante manifestation à Alger depuis l'interruption du processus électoral en 1992. Le nombre des manifestants a dépassé les espérances des organisateurs, au point de contraindre ceux-ci a avancer le départ de la marche, qui s'est déroulée dans une ambiance plus tendue que la précédente marche du FFS, le 3 mai. Le dispositif des forces de l'ordre était en outre beaucoup plus visible, des brigades anti-émeutes ayant pris position sur tout le parcours de la marche, que survolait un hélicoptère. Les manifestants ont tenu un sit-in devant le commissariat central, boulevard Amirouche. Les slogans scandés par les manifestants étaient ceux de toutes les manifestations de Kabylie ("Pouvoir assassin", "Ulac smah ulac" -pas de pardon-)

L'itinéraire de la marche du 31 mai avait fait l'objet de contestations entre le FFS et le ministère de l'Intérieur, le FFS ayant appelé à marcher en direction de la Présidence de la République et le ministère de l'Intérieur exigeant qu'elle se termine au pied de la Casbah, place des Martyrs, comme lors de la marche organisée par le FFS le 3 mai. Le FFS a finalement accepté cette exigence en s'interdisant "d'entraîner la population dans l'aventure" et pour saisir toute occasion de "briser le mur du silence et de rendre visible la dimension politique et nationale de la révolte des citoyens en Kabylie -mais c'est précisément là où le ministère de l'Intérieur avait exigé au nom de l'ordre public que la marche se terminât que des bandes de jeunes non identifiées l'ont accueillie à coups de pierres...

Au journal du soir de la télévision suisse romande, le président du FFS, Hocine Aït Ahmed, a estimé que cette manifestation avait été l'un des "deux tournants" de la mobilisation populaire de ces dix dernières années : le premier étant la manifestation du 2 janvier 1992, déjà à l'appel du FFS, sous le mot d'ordre "ni République islamiste, ni Etat policier", le second étant donc celui du 31 mai, sous le mot d'ordre de l'"espoir démocratique" : "L'espoir est revenu, la peur a cessé de neutraliser les Algériens", a déclaré Hocine Aït Ahmed, pour qui "la jeunesse algérienne a occupé Alger". A propos des émeutes en Kabylie, le président du FFS a estimé qu'il ne s'agissait pas d'une "révolte de la Kabylie" mais du résultat des provocations des forces de sécurité, et de la tentative de pouvoir de susciter une "digression berbériste" à ses propres conflits internes : "Les luttes intestines au sein de la Nomenklatura sont toujours payées par la population", a déclaré Hocine Aït Ahmed, pour qui le départ de Bouteflika serait sans importance : "ceux qui l'ont fait venir peuvent toujours le faire repartir quand ils veulent".

L'appel du FFS à la manifestation du 31 mai à Alger

(AFP, La Tribune, Quotidien d'Oran, Liberté 30.5 / AP, Liberté, El Watan 31.5 /*CSSI) La marche du 31 mai à Alger à laquelle le FFS a appelé "toutes les forces politiques et sociales" avait reçu le soutien du Parti des Travailleurs, du Mouvement culturel berbère (Commissions nationales et Rassemblement national), du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation (SATEF), du Rassemblement actionsJeunesse (RAJ) et d'un collectif d'artistes, mais le RCD avait décidé de ne pas appeler à y participer, après que le FFS ait refusé de négocier les termes de l'appel à la marche et son organisation et ait rappelé, à l'intention du RCD, que "les Algériens n'ignorent pas les divergences de fonds* qui nous séparent" et "ne comprendraient pas que nous nous comportions comme si ces divergences d'existaient pas et que nous nous laissions entraîner dans des retournements d'appareils". Pour le Premier secrétaire du FFS Ali Kerboua, il n'est pas question d'"agir dans la légéreté et la précipitation". Le Secrétaire national du FFS Samir Bouakouir a par ailleurs rappelé que ni le RCD, ni le PT n'ont répondu au mémorandum du FFS pour une transition démocratique, qui leur a pourtant été adressé (comme à tous les autres partis). Dans une lettre adressée directement à Hocine Aït Ahmed le 29 mai, le président du RCD, Saïd Sadi, a pour sa part estimé que les Algériens "ne comprennent pas (la) volonté de vouloir entretenir ces désaccords dans ces moments dramatiques", a estimé que le refus du FFS d'étudier avec d'autres partis les mots d'ordres de la manifestation revenait à "perpétuer une stratégie de dispersion qui a déjéà beaucoup coûté à la démocratie et à la nation" et a réitéré sa volonté de "synergie" avec toutes les forces "républicaines", FFS compris (alors que jusqu'aux derniers événements, le RCD tendait à ne plus même considérer le FFS comme une force "démocratique" et "républicaine").

* Ces divergences de fonds portent essentiellement sur l'attitude à adopter face à l'existence d'un fort courant islamiste radical, organisé au sein du FIS jusqu'en 1992, dont le FFS admet la présence légale dans le débat politique alors que le RCD exige son exclusion de ce débat. La signature par le FFS (et en grande partie à son initiative) du "contrat national" de Sant Egidio, avec une partie du FIS, avait cristallisé cette divergence, le RCD (qui avait appelé à l'interruption du processus électoral en 1992, alors que le FFS militait pour sa poursuite) récusant cet accord -que par contre le Parti des Travailleurs de Louisa Hanoune avait également signé. En outre, le RCD a participé au gouvernement (au côtés d'ailleurs de ministres islamistes issus des partis islamistes légaux), alors que le FFS est dans l'opposition depuis bientôt quarante ans (dans la clandestinité de 1963 à 1988, dans la légalité depuis), et n'entend pas "composer" avec le "système" autrement qu'en l'utilisant "contre lui-même" (par la présence au parlement et dans les municipalités). La création même du RCD est par certains attribuée à une volonté du pouvoir d'affaiblir le FFS, notamment en Kabylie. Enfin, la présence au RCD de plusieurs chefs de milice est en contradiction de l'attitude du FFS, qui dénonce la "privatisation" du conflit armé algérien et l'utilisation par ses milices des mêmes méthodes que celles attribuées aux groupes islamistes armés. L'appréciation même des émeutes en kabylie diffère entre les deux partis, le RCD considérant toujours que la revendication berbériste y reste centrale, le FFS faisant au contraire de la contestation kabyle un "condensé" de l'ensemble des problèmes qui se posent dans toute l'Algérie, de la question des libertés au refus de la "hogra" en passant par la pauvreté, le chômage et le "pillage économique".

Le Parti des Travailleurs a pour sa part appelé en même temps à participer à la marche du FFS et à ce que "toutes les forces politiques se réunissent et prennent leurs responsabilités". Quant au Mouvement démocratique et social (MDS), il réitère sa proposision d'"assises républicaines modernes sous des formes appropriées en vue d'agir dans le sens de la refondation de l'Etat pour lui donner la Constitution et les institutions dont le peuple algérien a besoin". Le MDS considère en outre que "le pluralisme démocratique n'est viable que dans la mesure où il est partagé par des forces qui s'inscrivent dans le même projet de société et dans la même dynamique historique"

(*étrange conception du "pluralisme démocratique", que celle qui exclut le pluralisme des projets de société et pose comme condition de l'admission au débat politique l'acceptation des préalable posés par une force politique qui, si respectable qu'elle puisse être par ailleurs, n'a jamais réussi à obtenir le soutien de plus d'un pour cent des citoyens... Après tout, un "pluralisme démocratique" limité aux "forces qui s'inscrivent dans le même projet de société et dans la même dynamique historique" pourait fort bien convenir aux partisans d'une République islamique fondée sur une adhésion commune au "même projet de société" (islamiste) et se situant dans la "même dynamique historique" (théocratique)...

Finalement, ces polémiques et ces divergences ont été tranchées par le succès massif de la marche du FFS.

(MAOL 28.5) Dans une déclaration (non signée et non datée, mais datant semble-t-il du 28 mai), le "Mouvement algérien des officiers libres (MAOL) proclame que "ce qui arrive aujourd'hui en Kabylie ne doit en aucun cas laisser le reste du pays amorphe et insensible", et accuse les généraux Smaïn Lamari et Ahmed Boustila d'avoir donné des ordres d'abattre "froidement et systématiquement" les jeunes manifestants pour "assassiner la démocratie dans son berceau". Pour le MAOL, "le changement tant attendu est à portée de mains" et "la révolte est le seul langage et la seule issue" pour le peuple algérien.

(www.algeria-interface.com) Le 17 mai, les "archs" de la wilaya de Tizi Ouzou ont adopté une plate-forme au terme d'une rencontre tenue à Illoula Omalo. Cette plate-forme affirme l'indépendance et l'autonomie de la "société civile" à l'égard des partis et des institutions, et son refus de "toute forme d'allégeance ou de substitution aux formations politiques", et définit le mouvement citoyen comme "fondamentalement non violent" et s'insvrivant "dans la durée" jusqu'à satisfaction de ses revendications : poursuite judiciaire des auteurs "d'assassinats, exactions et dépassements", arrêt immédiat des "interpellations et intimidations" et renoncement à toute poursuite judiciaire contre les manifestants, "départ immédiat et inconditionnel de toutes les brigades de gendarmerie", "levée définitive du déni identitaire, culture et linguistique" et reconnaissance constitutionnelle de tamazight comme "langue nationale et officielle", protection des témoins, prose en charge des victimes, "statut particulier pour les martyrs de la démocratie", report des examens, "plan socio-économique d'urgence pour la région", et enfin rejet de toutes les commissions d'enquête "initiées par le pouvoir". Les "archs" appellent au boycott des deux commissions (Issaâd et parlementaire), de "toutes les festivités nationales sportives, culturelles et autres" et du festival international de la jeunesse; ils invitent à mettre "en quarantaine les gendarmes jusqu'à leur départ définitif", à ériger des stèles commémoratives en hommage aux victimes, à organiser l'aide à leurs famille. Ile entendent créer un site internet et prônent l'autonomie des actions locales au niveau des daïras (sous-préfectures).

(ATS, Le Matin, El Moudjahid, Jeune Indépendant 3.6 / Tribune, Liberté, El Watan 4.6) Le 1er juin, près de 3000 personnes ont participé à Feraoun (w. Bejaïa) à une marche pacifique à l'appel du comité provisoire de la "société civile". La marche s'est terminée à Iger-Ali, village natal d'un jeune manifestant tué le 24 mai par les gendarmes.

Le 2 juin, un millier de membres du personnel (public et privé) de la santé ont manifesté à Bejaïa, et plusieurs centaines de travailleurs de l'enseignement à Tigzirt.


Plusieurs centaines d'avocats ont manifesté le 3 juin à Alger, derrière une banderole "Pour l'Etat de droit, non à l'impunité", pour dénoncer la répression en Kabylie, à l'appel de l'Ordre des avocats et du Syndicat des avocats. Me Leïla Hadj Arab, de Tizi Ouzou, a dénoncé la "volonté de tuer, d'assassiner et d'abattre" de la gendarmerie lors des manifestations de Kabylie. La marche visait également à dénoncer les modifications du code pénal, répressives à l'égard de la presse. Plusieurs intervenants ont ajouté à ces mots d'ordre celui de la reconnaissance de tamazight comme langue nationale et officielle. Selon "Liberté", les avocats d'Alger et ceux de Kabylie ont marché en ordre séparé, les premiers ne reprenant pas à leur compte les revendications identitaires de seconds.

Le même jour, des milliers de personnes (plus de 10'000 selon "Le Matin", près de 30'000 selon "La Tribune" et "Liberté") ont manifesté dans le calme, et hors de toute présence policière excessive, à Souk El Thenine, à l'appel des comités de quartier (mais également du FFS) en hommage aux victimes des émeutes et pour exiger la liberté d'expression et la reconnaissance de tamazight. A Sidi Aïch, un millier d'enseignants ont pris part à une marche silencieuse à l'appel du syndicat d'entreprise des travailleurs de l'éducation de la wilaya de Bejaïa. A Blida, un sit-in d'étudiants, point de départ d'une marche vers la wilaya à l'appel de la coordination universitaire, soutenue par le FFS et le RCD, a été agressé par un groupe de jeunes criant des slogans racistes (anti-berbères).

Le 4 juin, ce sont les femmes qui devaient manifester à Bejaïa, à l'appel d'un Comité provisoire des femmes de Bejaïa, pour "que cesse le massacre des enfants et des jeunes de Kabylie, dire halte à la hogra, à la répression, à l'impunité et à l'oubli" et revendiquer "le jugement inconditionnel des assassins des dizaines de victimes de la répression" ainsi que la reconnaissance de tamazight. Une autre marche est prévue le même jour, à l'appel d'un comité de coordination des fonctionnaires de la wilaya de Bejaïa. Un sit-in est annoncé par les journalistes de Khenchela. Le FFS appelle à une marche à Tazmalt. Toutes ces manifestations ont un socle commun : la protestation contre la répression, la revendication du respect du pluralisme démocratique et des droits de l'homme, le retrait des amendenents "liverticides" du code pénal, la reconnaissance de tamazight. Trois marches étaient programmées à Tizi Ouzou : l'une à Azazga, l'autre à Boghni, la troisième à Tizi même.

Dans les Aurès, le Mouvement culturel amazigh appelle à une marche le 7 juin à Batna, de la cité universitaire à la wilaya, avec les mêmes revendications que celles exprimées dans les manifestations de Kabylie (reconnaissance de tamazight, respect des droits de l'homme et de la liberté d'expression, démocratie, refus de la "hogra". Le même jour se tiendra à Constantine un "Forum démocratique" et à Alger une marche, à l'appel de la "Coordination de défense des libertés démocratiques" et du SATEF.A Tizi Ouzou, la coordination des "archs" (comités de village) organise un meeting, et prévoit une marche à Alger, entre le 7 et le 14 juin. La coordination envisage également de déclencher des grèves générales locales et temporaires dans toute la wilaya. Elle invite au boycott de toutes les festivités nationales sportives et culturelles, de la Foire internationale et du Festival international de la jeunesse. Pour sa part, le club sportif "phare" de la région, la JSK (Jeunesse sportive de Kabylie), a refusé de se retirer des compétitions sportives nationales, soutenu dans ce refus par la municipalité de Tizi Ouzou, qui qualifie le club de "porte-flambeau des revendications nationalistes" avant l'indépendance "et identitaires, surtout durant les années de plomb".

Le 8 juin à Bejaïa, une grève et une marche des salariés du secteur public est prévue, à l'appel du comité de coordination du secteur.

(AP 3.6) Le président Bouteflika a confirmé le 2 juin, lors du premier Conseil des ministres, qu'une session spéciale du baccalauréat serait organisée en septembre, ce que revendiquaient les lycéens kabyles et le Mouvement culturel berbère. Il s'agira cependant d'une session nationale, et non réservée à la Kabylie. Le président a réaffirmé sa détermination à "faire toute la lumière" sur les évènements de Kabylie, et a réitéré sa confiance au président de la commission d'enquête qu'il a lui-même installée, Mohand Issaâd


(AFP, Reuters 4.6 / AP 5.6 / Le Monde, APS, AP, Liberté 6.6 / AFP, AP, La Tribune, El Watan, Jeune Indépendant, Le Matin, Liberté 7.6 / Corr 4.6) Le 4 juin, de 5000 à 30'000 femmes, selon les estimations, venues de toute la région ont manifesté à Bejaïa pour protester contre la répression. A Azazga, près de 2000 femmes ont également défilé aux cris de "Pouvoir assassin", "Non à l'assassinat de nos enfants" et "Ulac smah ulac" (Pas de pardon).

Le 5 juin, des milliers (10'000 selon "Liberté") de fonctionnaires des administrations publiques ont manifesté à Bejaïa leur soutien au mouvement de révolte des jeunes et condamner sa répression. Le comité organisateur de la manifestation a remis au wali (préfet) de Bejaïa une lettre ouverte adressée au président Bouteflika, dénonçant "la marginalisation, l'exclusion, la paupérisation, la déculturation, la répression", exigeant "le statut de martyr pour les victimes" de la répression, le jugement des responsables de la "tuerie", la reconnaissance de tamazight et le retrait des amendements du code pénal.

Le 6 juin, à Bouira, plusieurs centaines /3000 selon certaines estimations) de membre du personnel médical et paramédical ont manifesté contre la répression, "pour un Etat de droit" et contre "la mise à mort des libertés et des acquis démocratiques". A Akbou, plusieurs centaines de personnes (plusieurs milliers selon "Le Matin") ont manifesté pour soutenir la plainte déposée contre les responsables de la mort de trois manifestants tués par balles les 26 et 27 avril. A Larbâa Nath Irathen, le personnel médical a manifesté devant la brigade de gendarmerie.

Alger, 7 juin Le 7 juin, la marche contre l'"assassinat de l'Algérie" à laquelle appelait à Alger la "Coordination nationale pour la défense des libertés démocratiques", soutenue notamment par le RCD, le PT et le MDS, le MCB-Coordination nationale ainsi que des dizaines d'associations (notamment le CNOT, le RAJ, Djazaïrouna et le RAFD) mais également la coordination des comités de village de Boumerdès, le Syndicat national des journalistes, le SATEF et la fédération de Tizi Ouzou de l'UGTA (contre l'avis de la direction nationale de la centrale syndicale, qui après avoir fait mine de soutenir la manifestation s'en était finalement démarquée), a été dispersée par la police à coups de matraque et à l'aide de canons à eau. Plusieurs milliers de personnes (soit beaucoup moins que n'en attendaient les organisateurs) s'étaient rassemblées au point de départ de la marche, place du 1er mai. La veille, le ministère de l'Intérieur, sans interdire explicitement la manifestation, avait souligné qu'aucune demande d'autorisation pour celle-ci n'avait été demandée et avait mis les organisateurs de la marche face aux "responsabilités pouvant découler de la non-observation des dispositions légales et réglementaires régissant les manifestations publiques". Les organisateurs n'avaient pas demandé d'autorisation pour leur marche, pas plus que le MCB pour sa manifestation algéroise, ni le FFS pour ses deux marches algéroises (dont il avait cependant négocié l'itinéraire avec les autorités) -les manifestations du MCB et du FFS avaient probablement rassemblé trop de monde (plusieurs centaines de milliers de personnes pour les plus importantes) pour que les autorités ne prennent le risque de les disperser par la force. L'UGTA, au nom de laquelle deux de ses responsables nationaux avaient soutenu la marche, a publié le 5 juin un communiqué affirmant "qu'elle n'a pas appelé à la marche du 7 juin ni à aucune action d'envergure nationale, et que seule la direction nationale dispose des prérogatives" pour lancer de tels appels. L'Union UGTA de Tizi Ouzou n'en avait pas moins appelé à la marche du 7 juin. Le même jour que la marche "empêchée" d'Alger devait avoir lieu à Tizi Ouzou un meeting à l'appel des coordinations locales. Le Parti des Travailleurs, qui avaiit déjà appelé à participer à la marche du FFS le 31 mai, avait également appelé à participer à celle du 7 juin. Le RCD et le MDS, soutenant la marche du 7 juin, ne soutenaient pas celle du 31 mai. Le même jour, une marche populaire était prévue à Bouira, à l'initiative des comités de village d'Haïzer et Taghzout et à Sidi Aïch, une marche pacifique et une opération "ville morte" d'une heure devaient avoir lieu. Toujours le 7 juin, à Batna, dans les Aurès, plusieurs milliers de personnes ont défilé à l'appel du Mouvement culturel Amazigh, pour soutenir les manifestants de Kabylie. Des incidents ont éclaté à la fin de la manifestation entre des bandes non identifiées de jeunes, qui ont harcelé les manifestants.

L'Association des fonctionnaires de la wilaya et des daïras de Tizi Ouzou appelle à des rassemblements le 13 juin dans les enceintes des daïras et de la wilaya pour "protester contre l'injustice, la hogra et l'impuiniré et se recueillir à la mémoire des victimes de la répression".

La coordination des comités de village et des "aarchs" de toute la Kabylie -et même au-delà (wilayas de Tizi Ouzou, Bejaïa, Sétif, Bordj Bou-Arreridj, Boumerdès et Bouira) a appelé le 4 juin à une "marche nationale" à Alger, le jeudi 14 juin, pour "protester contre la hogra". Les représentants des coordinations devaient se rencontrer le 7 juin à Bejaïa pour élaborer une plate-forme commune de revendications. Une délégation des comités va se rendre à Alger pour négocier avec les autorités les modalités de la marche, dont l'un des thèmes sera la reconnaissance de tamazight. Les comités souhaitent faire partir leur marche de la foire d'Alger, à l'est de la ville, et la faire aboutir devant la Présidence de la République, à El Mouradia, sur les hauteurs. La marche du 14 juin a déjà reçu le soutien du MCB-Rassemblement national, de la coordination des comités autonomes des universités d'Alger et de l'union UGTA de Tizi Ouzou. Elle devrait s'accompagner d'une grève générale dans tout le pays -un appel a en tous cas été lancé en ce sens.

(Liberté 9.6 / AFP, El WatanLe Matin 10.6 / Le Matin 11.6 / Corr ) Les marches et manifestations continuent en Algérie, essentiellement (mais pas uniquement) en Kabylie : marches de femmes, d'avocats, de lycéens et d'étudiants, de fonctionnaires, de journalistes, de familles des victimes des émeutes; marches contre la répression, contre la "hogra", contre les amendements du code pénal, contre le "pouvoir assassin", pour la démocratie; rassemblement d'hommage aux victimes de la répression, lors de leur ensevelissement : ainsi, le jeune homme abattu par un policier le 31 mai, à la fin de la marche du FFS à Alger, a été inhumé le 7 juin dans son village natal, près de Frikat, dans la daïra de Draâ El Mizan, alors qu'en son honneur une grève générale a été observée toute la journée à Draâ el Mizan et Frikat). Le 7 juin, le 40ème jour du décès d'une victime de la répression à Mekla, le 29 avril, a été célébré à Mekla par une marche.

Le 7 juin, des milliers de personnes ont participé à une marche sur Didi Aïch (w. Bejaïa) pour manifester leur soutien aux familles des victimes et au "mouvement de la Kabylie". A Bouira, plusieurs centaines de jeunes se sont rassemblée au centre-ville à l'appel de la coordination des comités de village de la commune de Haïzer. Manifestation également à Naciria, dans le calme, pour la fin de la hogra, la reconnaissance de tamazight, la prise en charge des victimes de la répression, le départ de la gendarmerie

Le 9 juin à l'appel du comité autonome des étudiants, un rassemblement a eu lieu devant la cité universitaire Bouraoui-Amar à El Harrach pour dénoncer "la réponse sanglante et répressive réservée par le pouvoir aux revendications légitimes"

Finalement, le président Bouteflika lui-même s'est mis à "marcher" le 8 juin à Biskra, en prenant un "bain de foule" au milieu de dizaines de milliers de personnes...

Les militants berbéristes marocains appellent de leur côté à une marche "de soutien aux imazighen de Kabylie", le 9 juin à Rabat. Le comité préparatoire de la marche, dans son appel, interpelle "tous les Marocains pour exprimer leur solidarité et leur soutien à nos frères amazighs en Kabylie, et dénoncer avec force le pouvoir algérien assassin".

La plupart de ces marches se déroulent pacifiquement, mais quelques unes dégénèrent ensuite sous l'effet de la colère d'une partie des manifestants à l'égard du pouvoir et du "système", ou du fait de provocations policières (comme celle qui a entraîné, après une marche pacifique de plusieurs centaines de milliers de personnes le 31 mai à l'appel du FFS, la mort d'un manifestant, tué d'une balle dans la tête par un policier). La marche du 7 juin à Alger, à l'appel d'une "Coordination pour la défense des libertés démocratiques" (CNDLD), a quant à elle été dispersée par la force avant d'avoir pu s'ébranler, ce que certains observateurs ironiques considèrent comme ayant été le "meilleur service" que l'on pouvait rendre aux organisateurs d'une manifestation qui aurait rassemblé beaucoup de moins de participants que celle du FFS et qui, écrit "Le Matin", devait "redorer le blason" du RCD et de la tendance du MCB qui lui est proche. La CNDLD (surnommée par certains "la voiture balai", parce qu'elle reggroupe des organisations qui, à quelques exceptions près, ont été totalement dépassées par les "évènements de Kabylie") a protesté contre la violence dont ont usé les forces de police pour disperser sa marche : "Lorsqu'on prétend ignorer l'existence d'une trentaine d'associations, de syndicats, de comités nationaux ayant effectivement pignon sur rue et qui, face à la gravité de la situation, transcendent des divergences et s'unissent dans une coordination nationale pour la défense des libertés démocratiques, la répression n'est plus que l'expression brutale d'un régime (en faillite) et en rupture totale avec la société".

Le 11 juin à Amizour, des jeunes entameront une marche de trois jours en direction d'Alger, afin d'atteindre la capitale le 14 pour la grande marche nationale des comités de village.

Le 12 juin à Alger devrait avoir lieu, à l'appel du collectif autonome des étudiants de médecine d'Alger,une marche silencieuse et pacifique des travailleurs de la santé en solidarité avec les victimes de la répression en Kabylie, sous le double mot d'ordre : "Arrêtez l'effusion de sang des Algériens" et "Pour le respect de la vie humaine".

(Liberté 9.6 / El Watan, Quotidien d'Oran, El Watan, Le Matin, Liberté 10.6 / Le Matin, Liberté 11.6 / Corr) Le 14 juin, une grande marche est prévue à Alger à l'appel de la coordination des Aarchs et des comités de village, marche qui devrait rassembler des centaines de milliers de personnes et permettre au mouvement de contestation de s'élargir bien au-delà de la Kabylie, puisque les représentants des coordinations des wilayas de Tizi Ouzou, Bejaïa, Bouira, Sétif, Boumerdès, Tipasa et Bordj Bou Arreridj se sont réunis le 7 juin à Bejaïa pour élaborer une plate-forme commune, articulée autour detrois grands axes : "contre l'injustice et l'impunité", "revendications démocratiques" et "revendications socioéconomiques". Cette plate-forme, soumise à une réunion de la "coordination interwilayas" le 11 juin à El Kseur, devrait être remise au président Bouteflika à l'issue de la marche nationale du 14 juin. Le contenu de la plate-forme fait cependant débat et divergences au sein des coordinations. Celle de la wilaya de Tizi Ouzou a ainsi rejeté le projet adopté à Bejaïa, et proposé de s'en tenir au texte adopté le 17 mai à Iloula, lors de la création des coordinations. La coordination de Tizi semble reprocher au projet de Bejaïa son contenu "trop politique", voire trop "partisane", et conteste notamment la présence dans la liste des revendications de l'abrogation du code de la famille, de la levée de l'état d'urgence et de l'ouverture des champs politique et médiatique. Ces revendications devraient disparaître de la plate-forme finale.

La coordination de Tizi Ouzou s'est réunie le 8 juin à Tizi Rached pour créer un "Conseil de wilaya", où chaque commune serait représentée par deux personnes (sauf Tizi, par neuf personnes), qui ne doivent pas être des élus de partis politiques. Le Conseil disposera d'une commission d'information et de communication et d'une commission supervisant son fonctionnement et élaborant son réglement intérieur. A Bouira, les villages se sont constitués en comités, et ces comités se sont coordonnés au niveau de la wilaya, avec un Conseil de coordination d'une quinzaine de membres.

Les revendications du projet de plate-forme de la "Coordination interwilayas" des comités locaux

I - Contre l'injustice et l'impunité
   1 - Pour la prise en charge urgente par l'Etat des
   victimes, blessés et familles des martyrs de la
   répression durant ces événements. 
   2 - Pour le jugement par les tribunaux civils de tous les
   auteurs et commanditaires des crimes et leur radiation
   des corps de sécurité. 
   3 - Pour un statut de martyr à chaque victime de la
   démocratie. 
   4 - Pour le départ immédiat des brigades de
   gendarmerie et des renforts de CNS.
   5 - Pour l'annulation des poursuites judiciaires et
   l'acquittement de ceux déjà jugés. 
   6 - Pour une session spéciale des examens nationaux
   pour tous les niveaux d'enseignement. 
   7 - Pour le départ immédiat des responsables et
   ordonnateurs de la répression. protection des témoins
   des drames. 
   8 - Arrêt immédiat des expéditions punitives contre la
   population, des intimidations et des provocations. 
   9 - Rejet des commissions d'enquête initiées par le
   pouvoir.

II - Revendications démocratiques
   1 - Satisfaction de la revendication amazighe dans
   toutes ses dimensions (identitaire, civilisationnelle,
   culturelle et linguistique) sans référendum et sans
   condition. 
   2 - Mobilisation des moyens humain et matériel pour la
   consécration de tamazight en tant que langue nationale
   et officielle. 
   3 - Liberté d'expression, d'opinion et de conscience. 
   4 - Le respect des libertés individuelles et collectives. 
   5 - Liberté de manifestation, de réunion et
   d'organisation. 
   6 - Contre tamheqranit, la hogra et toutes les formes
   d'injustice et d'exclusion. 
   7 - Retrait des amendements du code pénal relatifs à la
   restriction de la liberté d'expression et d'information ;
   8 - La mise sous l'autorité effective des instances
   démocratiquement élues de toutes les fonctions
   exécutives de l'Etat ainsi que les corps de sécurité. 

III - Revendications socioéconomiques 
   1- Contre les politiques de sous-développement, de
   paupérisation et de clochardisation de la société. 
   2 - Pour une école publique, moderne, gratuite et
   ouverte sur l'universalité. 
   3 - Pour une santé publique gratuite et de qualité. 
   4 - Pour la réhabilitation des secteurs industriel et
   agricole et le lancement de projets de développement
   générateurs d'emplois. 
   5 - Le transfert dans l'immédiat des logements
   promotionnels au social et le lancement des nouveaux
   chantiers de construction pour la satisfaction des
   besoins du peuple en logements. 
   6 - Institution d'une allocation chômage pour tout
   demandeur d'emploi à hauteur de 50 % du SNMG. 
   7 - Pour un plan d'urgence socioéconomique pour
   toute la région de la Kabylie. 
   8 - Non à la dilapidation des biens du peuple. 

Au-delà du contenu des revendications de la marche nationale du 14 juin, la question est désormais de savoir si cette marche pourra avoir lieu, dans quelles conditions, et avec quelle autorisation ou quelle tolérance du pouvoir. Selon la presse, aucune demande d'autorisation n'a été déposée par la coordination pour sa marche. Les précédentes marches algéroises n'avaient pas non plus fait l'objet de demandes d'autorisations (quoique le FFS ait négocié le parcours de la sienne du 31 mai avec les autorités, ce que la coordination affirme refuser de faire), mais seule la marche du 7 juin (celle de la "Coordination nationale pour la défense des libertés démocratiques" a été réprimée, vraisemblablement à la faveur de la relativement faible affluence qui y a été constatée. La marche du 14 juin semble devoir être d'une toute autre ampleur, la "coordination inter-wilaya" y attendant plusieurs centaines de milliers de personnes, soit au moins autant que le 31 mai, lors de la marche du FFS qui avait rassemblé entre 200'000 et 600'000 personnes. Selon "El Watan", la coordination attendrait "au moins 1,5 million de personne" à sa marche. Des représentants de la coordination sont déjà aller reconnaître les lieux et le parcours de la marche et une couverture sanitaire devrait être organisée Si l'affluence espérée devait se confirmer, il deviendrait extrêmement risqué pour les autorités, voire franchement provocateur, de tenter quoi que ce soit contre la "marche des aarchs".

Le même jour (14 juin), une autre marche ("marche pour la dignité") est annoncée à Oran, à l'appel d'une "Coordination démocratique" formée essentiellement de partis politiques (du RCD au PT en passant par l'ANR, le MDS, le FD et le PRA). Un appel a été lancé pour cette marche, revendiquant la liberté de la presse, la liberté d'expression et la reconnaissance de tamazight. Selon "El Watan", le FFS aurait été invité à s'associer à la marche, mais aurait posé comme condition pour accepter de pouvoir défendre, en sus des mots d'ordres communs, les siens propres ("commission d'enquête internationale", "le droit d'avoir des droits") et de laisser ses militants scander leurs propres slogans (dont "pouvoir assassin"). Là encore, aucune autorisation de manifester n'a été demandée par les initiateurs de la marche.

Enfin, les dates du 25 juin (anniversaire de l'assassinat de Matoub Lounès) et du 5 juillet (commémoration de l'indépendance) ont également été retenues, notamment par la "coordination interwilayas" des comités de villages, pour des manifestations locales, régionales, voire une manifestation nationale.

(www.algeria-interface.com 7.6 / Quotidien d'Oran, Le Matin 10.6) A propos de la coordination des "aarchs" de Kabylie, le Premier secrétaire du FFS, Ali Kerboua rappelle que les comités de village sont en Kabylie "une organisation de base de la société, où s'exerce traditionnellement la solidarité sociale", et que le FFS les a toujours soutenus, mais que "quand ces comités prennent une dimension politique", il faut faire "attention à la manipulation" : "ce n'est pas le rôle de ces comités de faire de la politique à la place des partis", estime Kerboua, qui relève que des contradictions, des "formes de manipulation et des volontés de récupération" commencent à apparaître au sein de la coordination, dont les responsables ne sont pas désignés de manière démocratique. "Le Matin" signale d'ailleurs que certains membre de la coordination des comités de village de Tizi Ouzou seraient d'anciens militants de l'"Association citoyenne" "pro-Bouteflika) de la ville. Les revendications exprimées lors des événements de Kabylie "sont vieilles de 40 ans (et) ne sont pas spécifiques à la Kabylie", mais sont celles de toute l'Algérie, déclare Ali Kerboua. Pour le Premier secrétaire du FFS, "l'attitude du pouvoir pendant les événements de Kabylie a été une attitude de provocation : communiqués provocateurs, tirs à balles réelles sur des manifestants désarmés". Par contre, la décision du président Bouteflika d'organiser une deuxième session national du baccalauréat, exigence des lycéens kabyles, "est une bonne chose dans la mesure où le président de la République a répondu quelque part à l'attente populaire", même si sa décision "est venue après de longues tergiversations".

Ali Kerboua, a animé le 7 juin un meeting à Boumerdès, dénonçant "le pouvoir (qui) continue à tirer sur les innocents" après avoir "dépossédé le peuple de ses droits et de sa souveraineté". Ali Kerboua a affirmé l'attachement du FFS à l'unité nationale de l'Algérie. Le Secrétaire national du FFS Samir Bouakouir a quant à lui estimé que "les résultats des commissions d'enquêtes sur les événements de Kabylie seront voués à l'échec comme ceux des précédentes commissions" et que seule une commission d'enquête internationale pourra "faire la lumière" sur ce qui s'est passé en Kabylie. Répondant à ceux qui accusent le FFS de se prêter, voire d'inciter, à l'ingérence étrangère en Algérie, Samir Bouakouir a rappelé que "le FMI et l'OTAN activent déjà dans ce pays" -et que ce n'est pas le FFS qui les y a amenés. A "Algeria Interface", Ali Kerboua a affirmé que "si la solution de la crise doit être trouvée en Algérie, entre Algériens, la crise elle-même doit, en revanche, être internationalisée" et que la communauté internationale doit faire "pression sur le pouvoir pour qu'il s'ouvre à une solution démocratique". Les démarches faites par le FFS en direction de la communauté internationale vise à faire entendre un "autre son de cloche" que celui du pouvoir.

Quant au président Bouteflika lui-même, il a accusé (sans le nommer) Hocine Aït Ahmed de vouloir "diviser le pays" : "Il existe des personnes qui se baladent de Paris à Washington au nom du nationalisme pour diviser le pays", a déclaré Abdelaziz Bouteflika à l'université de Biskra le 9 juin. Et de poursuivre : "on ne peut être nationaliste pour changer d'avis à 90 ans, à la fin de ses jours". Le président a également dénoncé "ceux qui à partir de l'étranger ont tenté de diviser (l'armée) entre les généraux et les officiers".

(AP, Liberté 6.6) Ferhat Mehenni, président du Mouvement Culturel Berbère-Rassemblement national, a lancé le 5 juin un "appel à l'autonomie de la Kabylie", lors d'une conférence de presse tenue à Tizi Ouzou. S'inspirant des modèles régionalistes sud-européens (espagnol et italien notamment), Ferhaz Mehenni demande l'organisation d'une réforme institutionnelle pour promouvoir "une autonomie qui n'est ni une séparation, ni une indépendance, ni une sécession", mais une "voie de gestion différente de celle imposée par le pouvoir". Il assure que sa démarche autonomiste, qu'il évoque comme "le début d'une véritable décolonisation institutionnelle de l'ensemble du pays", restera "toujours pacifiste" et s'inscrira dans un cadre "conforme à la Constitution et consolidant l'unité nationale", mais il met en garde le pouvoir : "Ce pouvoir n'est pas éternel. Ou il est à l'écoute de ces revendications, ou il entraînera le pays dans une spirale qui l'emportera avec lui". Ferhat Mehenni annonce le lancement d'une pétition pour soutenir son projet et la création d'un "cadre citoyen" pour le porter. Il évoque même l'idée d'un "référendum local".

(www.algeria-interface.com 7.6, Liberté 9.6, 11.6) L'appel de Ferhat M'henni pour l'autonomie de la Kabylie a suscité plusieurs réactions politiques négatives, en particulier du FFS. Répondant à Ferhat M'henni , le Premier secrétaire du FFS, Ali Kerboua, estime qu'il s'agit d'une "tentative de récupération très dangereuse des revendications citoyennes", et signale qu'"à aucun moment" dans les manifestations de Kabylie, les citoyens n'ont demandé son autonomie, mais qu'ils ont toujours donné à leurs revendications "une dimension nationale". Ali Kerboua met en garde contre une manipulation de la revendication kabyle par "certains groupes occules du pouvoir et de ses relais". Le Premier secrétaire du FFS affirme que son parti "tire son essence du mouvement national et des valeurs de la déclaration du 1er novembre (1954)" et ne peut donc s'inscrire dans une revendication "aussi nettement porteuse de germes de guerre civile et de séparatisme, même si elles est enveloppée de précautions du genre 'l'autonomie mais pas l'indépendance'". Par contre, le FFS propose une régionalisation et une décentralisation afin de permettre "une participation citoyenne plus effective", dans une construction institutionnelle où il y aurait "la commune comme cellule de base, puis la wilaya, puis la région", et cela non seulement en Kabylie mais dans toute l'Algérie. Le Secrétaire de la fédération FFS de Tizi Ouzou accuse pour sa part Ferhat M'henni de "s'autoproclamer porte-parole de la population de la région en général, et même de la base militante du FFS en particulier". Pour sa part, la porte-parole du Parti des Travailleurs, Louisa Hanoune, a qualifié les propositions de Ferhat M'henni d'"extrêmement graves" et d'"aventuristes", et a accusé le pouvoir de favoriser de telles propositions, et la division des Algériens, en persistant à mépriser la revendication berbères

(CCFIS 9.6 / El Ribat 10.6) "Derrière les manifestations de Kabylie, dont les revendications sont légitimes, c'est la réconciliation nationale qui est visée", écrit le bulletin du FIS- Délégation exécutive, "El Ribat", qui accuse les "partisans de l'éradication" de chercher à "mettre le feu aux pourdres pour rester indéfiniment à la tête du pays ("El Ribat" considère que si en Kabylie le FFS n'avait pas été "vigilant et soucieux de préserver l'unité nationale, les troubles se seraient déplacés au reste du pays et détournés de leur objectif initiat, sans que personne n'eût pu les contrôler"). Le Conseil de coordination du FIS, quant à lui, considère qu'"après une décennie rouge, l'espoir renaît, et le peuple reprend le chemin de la rue, s'en prenant nommément aux 'generalata m'ssaoussine' (généraux venimeux), les nrguant en face même de leur refuge des Tagarins : 'généraux assassins', 'Lamari assassin', 'Toufik assassin', 'le peuple derrnière vous et les tribunaux internationaux devant vous'",

(La Tribune 12.6) Dans une déclaration rendue publique le 11 juin, le FFS a réagi aux événements de Khenchela en saluant la «réaction populaire» qui vient de se produire dans cette ville contre l'arbitraire et la hogra. Dans la même déclaration, le FFS dénonce la manipulation et l'intoxication dont il est l'une des cibles. Ali Kerboua, premier secrétaire du parti, s'insurge contre ceux qui «tentent d'opposer le FFS à la coordination des archs, des daïras et des communes».et déclare que le FFS «n'a pas hésité et n'hésitera pas à soutenir et à s'inscrire, résolument dans la clarté et la transparence, dans toutes les actions pacifiques initiées par la société civile à la seule condition que les objectifs soient clairement énoncés et que les initiateurs s'assument publiquement». «Le FFS tient à signaler que ses militantes et ses militants, ses sympathisantes et sympathisants sont à l'avant-garde des mouvements pacifiques et citoyens, tout en demeurant vigilants devant les tentatives de dénaturation ou de récupération à d'autres fins que celles voulues par la population, en général, et les jeunes en particulier». «Des mesures politiques historiques doivent être annoncées», estime le FFS qui ajoute : «Continuer d'opposer la force et la violence à un peuple qui n'a pas cessé de démontrer son attachement à la paix civile, à la liberté et à la justice conduira inexorablement le pays vers le chaos». Le FFS appelle à une mobilisation pacifique pour faire du 5 juillet 2001 «le début de la reconquête de ce droit imprescriptible : l'autodétermination».

Le 12 juin, une "marche à la bougie" a eu lieu à Bejaïa pour rendre hommage aux victimes des émeutes en Kabylie.

Le 13 juin, la ville de Tizi Gheniff (w. Tizi Ouzou) a été paralysée par une grève générale durant la matinée. Une marche s'est déroulée pacifiquement. A Béni Mohli (w. Sétif), des milliers de personnes ont pris part à une marche silencieuse en hommage aux victimes de la répression. La marche a été appuyée par une grève générale, quarante jours après la mort d'un homme tué par balles le 27 avril. A Bejaïa, pendant quatre jours, des travailleurs d'une unité de production de jute ont installé un barrage bloquant la circulation automobile sur un axe principal et le 13 juin, des milliers de commerçants (5000 selon "Liberté") ont manifesté en traversant la ville pour dénoncer à la fois le système d'imposition et la répression contre l'exercice des libertés fondamentales.A Annaba, ce sont plusieurs centaines de paysans qui ont manifesté et bloqué la route, pour exiger la règlement de leurs créances à l'égard de la coopérative agricole -les salariés de celle ci exigeant quant à eux la création d'une commission d'enquête sur sa gestion. Manifestation également à Dirah (w. Bouira) en signe de protestation contre les méthodes de Sonatrach qui exploite à Dirah un gisement de pétrole. Des étudiants hébergés dans la cité universitaire de Dely Ibrahim (Alger) ont assiégé le 13 juin la direction générale de l’Office national des œuvres universitaires (ONOU) situé à l’intérieur de ce campus. Les étudiants exigeaient le maintien de l'ouverture du campus jusqu’au 5 juillet, contrairement à la décision de le faire évacuer pour y recevoir une partie des participants au Festival international de la jeunesse. Toujours à Alger, une manifestation du personnel médical, à l'initiative du collectif autonome des étudiants en médecine d’Alger, a été dispersée par la force par la police. Trois étudiants ont été interpellés. A Tizi Ouzou, plusieurs centaines de fonctionnaires de la wilaya ont manifesté devant la cité administrative.

Le 14 juin, ce sont plusieurs centaines de milliers de personnes, vraisemblablement autour d'un million, qui se sont retrouvées à Alger, derrière une banderolle noire portant pour tout slogan "Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts", à l'appel de la coordination interwilayas des comités locaux de Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Boumerdès, Sétif, Bordj Bou Arréridj, Alger et le Comité estudiantin des universités d'Alger, soutenus par le FFS, le MDS et le RCD, pour la plus importante manifestation que la capitale algérienne ait connu depuis l'indépendance. La manifestation a dégénéré en émeute après que les forces de sécurité aient interdit à la manifestation de se diriger vers la présidence de la République. Ces émeutes ont fait, de sources hospitalières deux morts (deux journalistes, l'un écrasé par un autobus conduit par un manifestant, l'autre piétiné par la foule) et au moins 168 blessés, dont plusieurs dans un état grave. La police aurait tiré à balles réelles sur les manifestants (ce qu'a démenti le ministère de l'Intérieur, pour qui "le pire a été évité"), et des jeunes en civil, aux côtés des forces de police, ont harcelé les manifestants à coups de pierres. Des acènes de pillage et de saccage de magasins, d'entrepôts et d'usines se sont produites. Le ministère de l'Intérieur avait refusé que la marche se déroule sur l'itinéraire prévu par les organisateurs (des Pins Maritimes à la Mouradia) et voulait imposer l'itinéraire "1er-Mai-Martyrs" (l'équivalent algérois du "République-Nation" parisien). Selon le ministère, un "groupe de personnes" (non identifiées) aurait demandé une autorisation pour une marche sur l'itinéaire "officiel", autorisation accordée (mais nul ne sait à qui) avec une mise en garde sur la nécessité de respecter « l'ordre public et l'itinéraire ». Les organisateurs de la marche des comités ont démenti que ces personnes aient agi en leur nom, et ont maintenu l'itinéraire initialement choisi : «Nous n'avons demandé aucune autorisation et nous marcherons sur le trajet prévu », ont déclaré les représentants de la coordination des comités.

La plate-forme des comités locaux exigeait notamment « La prise en charge par l'Etat de toutes les victimes ; le jugement par les tribunaux civils de tous les auteurs, ordonnateurs et commanditaires des crimes et leur radiation des corps de sécurité et des fonctions publiques ; le statut de martyr à chaque victime et la protection de tous les témoins du drame ; le départ immédiat des brigades de la gendarmerie et des renforts des CNS ainsi que l'arrêt immédiat des expéditions punitives et des intimidations contre la population », ainsi que « la consécration, sans référendum et sans condition, de tamazight comme langue nationale et officielle », un Etat « garantissant tous les droits socioéconomiques et toutes les libertés démocratiques (...), la mise sous l'autorité effective des instances démocratiquement élues de toutes les fonctions exécutives de l'Etat ainsi que les corps de sécurité ».

La marche avait reçu le soutien notamment du Front des Forces socialistes, lui-même organisateur le 31 mai d'une marche à Alger, qui avait rassemblé au moins 200'000 personnes. Dans un communiqué, le FFS déclare :

Alors que la mobilisation s'élargit chaque jour à travers  le pays, 
le pouvoir persiste dans son acharnement à  tenter d'étouffer 
dans la violence cette dynamique  populaire. 

En effet, il vient, par le biais des médias publics et  notamment 
de la télévision, de proférer, de manière à  peine voilée, des menaces 
sur la marche prévue pour aujourd'hui, jeudi 14 juin 2001, à Alger.
 
Le FFS met en garde le pouvoir contre toute provocation ou recours 
à la force et le tient pour seul  responsable des conséquences
dramatiques que  pourrait engendrer la répression. 

Le FFS réitère son soutien à la marche pacifique du 14  juin
et appelle les Algériennes et les Algériens à demeurer mobilisés et
vigilants pour faire aboutir le combat pour la vérité, la justice et la liberté.

Même le FLN de la wilaya de Tizi Ouzou, se démarquant ostensiblement des déclarations du secrétaire général du parti Boualem Benhamouda, a appelé à la marche algéroise et apporté son soutien à la coordination des comités de village.


(AFP 14.6 / AFP, Reuters, L'Humanité 15.6 / Le Monde, AFP, Liberté, Quotidien d'Oran, El Ribat 17.6 / La Tribune, Le Matin 18.6 / www.algeria-interface.com / Corr) Le fait que des jeunes algérois non-identifiés aient prêté main-forte à la police lors de la répression de la manifestation du 14 juin à Alger, et se soient ensuite livrés, sous protection policière, à une "chasse au Kabyle" (et au journaliste) dans les rues d'Alger, est interprété par certains observateurs comme le signe d'une volonté délibérée du pouvoir de jouer la carte "identitaire" pour cantonner la protestation à la Kabylie (et à la population kabyle éparpillée dans le reste de l'Algérie), quitte à renforcer la revendication jusqu'alors marginale de l'autonomie de la Kabylie, et au risque de dresser "Arabes" et Kabyles" les uns contre les autres pour détourner la protestation de son sens "national" : "Si maintenant on dit aux Kabyles de ne plus venir à Alger, cela risque de renforcer ceux qui prônent l'autonomie", a estimé une sociologue originaire d'Annaba dans l'est algérien, cités (anonymement) par l'AFP. Pour accentuer, ou provoquer, le clivage "identitaire", la télévision officielle a en outre longuement diffusé les scènes d'affrontements et de pillage, et les dégâts provoqués par les émeutes. Images accompagnées d'un commentaire du ministère de l'Intérieur, applaudissant les "jeunes des quartiers de la capitale sortis défendre leur honneur" face aux actes de "sabotage" des manifestants. Les témoins des affrontements rapportent que les "jeunes des quartiers de la capitale" ont cependant été nombreux à participer à la casse et au pillage, sans être inquiétés par la police. Le pouvoir exploite ainsi l'amateurisme et l'impréparation dont semble avoir fait preuve la coordination des comités de village (si on compare la manifestation du 14 juin avec celle du 31 mai, encadrée par le FFS). La marche qui devait être "pacifique" a été totalement débordée par les émeutiers, tandis que les responsables des comités de villages et de tribus, organisateurs de la manifestation, restaient invisibles -mais "une chose est sûre, la Coordination des comités de village et de citoyens de Bejaïa est animée par d'anciens militants de l'extrême gauche et d'anciens militants du PAGS (Parti de l'avant garde socialiste, communiste), parti qui n'existe plus et qui a donné naissance au MDS, aux côtés de personnalités de la société civile (enseignants, syndicalistes, membres de professions libérales), écrit Hassane Zerrouky dans "L'Humanité" du 15 juin. . . Le FIS ne s'est quant à lui pas fait faute de rappeler (dans le bulletin de Rabah Kébir, "El Ribat", que "Même lors de la grève décidée par la direction du FIS en mai/juin 1991, l'ordre régnait dans la foule immense venue soutenir les revendications légitimes du parti" Le ministre algérien de l'Intérieur Yazid Zerhouni a déclaré le 16 juin, lors d'une conférence de presse, que les organisateurs de cette marche ne l'avaient pas suffisammment encadrée, la laissant inflitrée par des "casseurs armés de poignards et de barres de fer". Il a ajouté que des manifestants avaient été arrêtés "en flagrant délit de pillage" et étaient "porteurs d'armes blanches", ajoutant que désormais, il "plaide pour la suspension de toutes les marches" en Algérie en raison des émeutes et des pillages qu'elles provoquent. Le ministre rappelle en outre que le FFS, le RCD, et le MDS avaient appuyé la marche des arouch, et que donc « ils la mettaient sous leurs bannières » -manière sans doute de les rendre responsables de son dérapage. La coordination des comités locaux, elle, dénonce "un pouvoir assassin et mafieux, seul responsable de tous les dérapages constatés". "On s'est servi de voyous, d'indicateurs et de flics déguisés en émeutiers pour casser du Kabyle et saboter la marche", a affirmé un porte-parole de la Coordination, dans des déclarations à la presse. "Tout est allègrement imputé aux manifestants alors que l'essentiel des pillards est descendu des quartiers d'Alger", a-t-il ajouté.

"Une nouvelle fois, le pouvoir a montré son véritable visage qui consiste à réprimer toute forme d'expression", a pour sa part déclaré sur France Info Ali Karboua, premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS). "Cette manifestation se voulait pacifique, pour des revendications démocratiques, mais elle a très vite tourné à l'émeute en raison du dispositif impressionnant de répression", a-t-il ajouté.

(Le Parisien 15.6 / AP 17.6 / La Tribune, Le Matin 18.6) S’exprimant le 17 juin sur la radio française France Inter, le président du Front des forces socialistes, Hocine Aït Ahmed, a estimé que le mouvement de contestation populaire qui s’est déclenché en Kabylie et qui est en train de gagner d’autres régions du pays est le fait de «la jeunesse algérienne [qui] est en train de reconquérir ses libertés d’expression, d’organisation et de participation». Pour le président du FFS, c’est à cette jeunesse qu’il revient de faire une Constitution «à la mesure de ses ambitions, de sa soif de liberté, de ses exigences sociales et de sa volonté de participer à la modernité». Il réitère ainsi sa demande d’une constituante, l’une des premières revendications formulées en 1963 par son parti. Fustigeant un pouvoir «bunkerisé», Hocine Aït Ahmed a appelé à de «véritables élections libres» pour faire sortir le pays de la crise. Il ne croit pas à «l’élection présidentielle», celle-ci étant, pour lui «un leurre». Afin de parvenir à la constituante qui sera chargée de l’élaboration d’une Constitution, le FFS a fait des propositions dans le mémorandum adressé à Bouteflika, au chef d’état-major de l’ANP et au chef des services de renseignements.Il s’agit notamment de la dissolution de toutes les institutions actuelles et la mise en place d’institutions de transition avec les garanties de l’armée, le processus étant supervisé par l’ONU. Pour Hocine Aït Ahmed, le président Bouteflika n’a pas les mains libres, puisque «les généraux ont confisqué le pouvoir», mais «aussi longtemps (que Bouteflika) sert le régime -et il le sert très bien-, l’armée le gardera», même (ou surtout ?) si Bouteflika ne fait que "voyager pour essayer d'endiguer l'intérêt que porte la communauté internationale à ce qui se passe en matière de droits de l'Homme en Algérie". Quant au régime lui-même, le président du FFS le décrit comme formé d’un «cartel de généraux comme en Colombie, avec un pouvoir absolu et corrompu». Il accuse ce «cartel de généraux» d’avoir instauré l’état d’urgence et d’avoir réduit les prérogatives du Président à «assurer les équilibres internes du pouvoir» au détriment de l’Algérie et des Algériens.

Interrogé par le quotidien "Le Parisien", le secrétaire national du FFS Samir Bouakouir insiste sur le caractère "politique" des revendications des manifestants, en Kabylie comme le 14 juin à Alger : "Les mots d'ordre scandés expriment la volonté d'en finir avec un système totalitaire. C'est la démocratie qui est au coeur de ces manifestations populaires. Le pouvoir a tenté de réduire le mouvement à des questions identitaires, pour mieux le ghettoïser. C'est faux : il s'agit d'un véritable mouvement national de protestation pacifique et citoyenne. Ce qui s'est passé en Kabylie a libéré la contestation", estime Bouakouir, pour qui la mobilisation populaire "dément la fausse équation dans laquelle on a voulu enfermer la réalité algérienne. Equation plaçant, d'un côté, une armée républicaine, qui tenterait de sauver la démocratie ; de l'autre, des islamistes qui veulent prendre le pouvoir, avec les risques de contagion chez les pays voisins. Or ce mouvement montre que l'alternative démocratique existe. La société civile a ouvert une brèche". Mais pour que cette brêche soit réellement celle qui amènera à la démocratie, il faut que "la communauté internationale agisse" pour "contraindre le pouvoir à trouver une solution politique à la crise" -le pouvoir, c'est-à-dire "la haute hiérarchie militaire" : "Un cartel d'officiers supérieurs a pris en otage le pays. Il en contrôle tous les rouages, sociaux et économiques. Et il a tout fait pour empêcher l'émergence d'une société civile, de véritables partis politiques représentatifs". Et actuellement, ce pouvoir " joue le pourrissement", constate Bouakouir.

A Oran, le même 14 juin, une marche "pour la démocratie" était prévue à l'initiative d'une coordination regroupant notamment plusieurs partis (MDS, RCD, ANR, FD, PRA, PT).

Après la manifestation d'Alger, et le retour des manifestants dans leur région, des manifestations de protestation contre la répression et les provocations ont eu lieu un peu partout : A Bejaïa, dès le 14 en fin d'après-midi, et le 15, ainsi qu'à Tazmalt, Seddouk, Aokas, Boghni, Beni Mansour, le 15, et à Tizi Ouzu les 16 et 17 juin. L’Assemblée de wilaya (APW) de Tizi Ouzou a adopté le 17 juin une résolution portant sur les événements des deux derniers mois et sur la répression de la marche algéroise du 14 juin. Ces événements et cette répression ne sont pour l’APW de Tizi Ouzou qu’un nouvel épisode d'une logique «de guerre de clans au sommet de l’Etat qui règlent leurs comptes par assassinats et massacres de populations » pour « étouffer les aspirations démocratiques du peuple algérien par l’instauration d’un climat de terreur à l’effet de pérenniser ce régime mafieux, dictatorial et illégitime». Pour l’APW, le courage de la jeunesse algérienne, qui «défie la mort en bravant tous les dangers», a «fait paniquer le pouvoir à tel point qu’il a actionné tous ses relais politico-médiatiques pour tenter de dévoyer cette révolte populaire qui s’inscrit dans la durée». La résolution dénonce notamment, et nommément «Benhamouda, Nahnah et Djaballah (qui) véhiculent à travers le territoire national des discours haineux, régionalistes, extrémistes et diviseurs pour tenter de dresser des Algériens contre d’autres Algériens.» Quant au président Bouteflika, son discours n’est que «discours versatile, manipulateur et plein de contradictions […] soufflant tantôt le chaud tantôt le froid […] selon l’humeur de ses différents auditoires». Enfin, l'APW de Tizi dénonce « les commanditaires qui ont ordonné les expéditions punitives d’éléments d’un corps d’élite déguisés en gendarmes ou en CNS pour passer à tabac des citoyens», dans le but de « pousser les populations à une radicalisation extrême». Enfin, l’APW, «convaincue que la crise algérienne est éminemment politique (...) lance un appel en direction des forces démocratiques et sociales du pays ainsi qu’à la communauté internationale à conjuguer leurs efforts pour imposer au pouvoir un processus de démocratisation, seule issue de sortie de crise». L’APW de Tizi Ouzou a décidé de dégager une enveloppe financière au profit des victimes des émeutes de Kabylie ainsi que pour la construction d’un mémorial en leur hommage. Chaque famille de victime devrait recevoir 300'000 dinars (30'000 FF, 7500 FS) en cas de décès, 200'000 DA en cas d'invalidité et 50'000 DA en cas d'hospitalisation.

(La Tribune, La Tribune de Genève, CSSI 14.6) La poursuite de la protestation en Kabylie, son élargissement à d'autres régions et l'impact, encore difficilement évaluable, de la grande manifestation du 14 juin, rendent évidente la parte presque totale de contrôle de la population par les partis de la coalition gouvernementale, les organisations "de masse" qui en sont proches, et la déconnexion de la quasi totalité des partis d'opposition (FFS et PT exceptés) d'un mouvement se développant sans eux, et parfois contre eux. "La Tribune" estime que l'opposition non islamiste (FFS, PT et certaines personnalités) bénéficie "d'un grand crédit au sein des masses", mais qu'elle ne peut l'exploiter faute de libertés politiques, et du fait de "la manipulation de la télévision et de certains journaux privés" qui font "tout pour maintenir la confusion et l'amalgame" (notamment en mettant en avant une dimension "identitaire" berbériste de la contestation, alors que tous les observateurs indépendants, et l'opposition en question, s'accordent à lui accorder une base socio-économique et politique nationale). "Alors que tous s'accordent sur la faillite du pouvoir", y compris des journaux proches de partis ayant participé au pouvoir (comme "Liberté" et le RCD) ou entretenant avec lui un "compagnonage" historique objectif (comme le MDS), "les opposants" légaux réels (le FFS, le PT) "sont soumis soit à un bkack out total soit lynchés à longueur de colonnes", avec pour seul résultat perceptible l'absence d'alternative légale au pouvoir en place. Interrogé par "La Tribune de Genève", le sociologue Lahouari Addi en vient à considérer que la seule solution serait "une version algérienne de la Révolution des oeillets, qui verrait, comme en 1974 au Portugal, de jeunes officiers assurer la relève d'un pouvoir exténué"*

* (CSSI) La "Révolution des oeillets" au Portugal est pour beaucoup née de l'exaspération des "capitaines" face à des guerres coloniales inutiles et politiquement perdues, mais s'éternisant. On n'est pas réellement dans une situation comparable en Algérie. L'hypothèse évoquée par Lahouari Addi correspondrait sans doute plus à une sorte d'hypothèse "kémaliste", voyant émerger en Algérie une sorte de mouvement des "Jeunes algériens" comme il y eut un mouvement des "Jeunes turcs", avec pour programme la rénovation politique, sociale, culturelle du pays, sur une base nationaliste et moderniste. En fait, le MAOL n'appelle pas à autre chose qu'à ce "sursaut".

(AP 17.6) Une réunion, des représentants des six wilayas fédérées dans la "coordination interwilaya" des comités locaux (Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Boumerdès, Sétif et Bordj Bou-Arréridj) devrait se tenir le 19 juin pour décider des suites à donner à leur action. Selon un représentant des comités, cité par "Liberté", "Il n’y aura pas de marche-arrière. C’est un ultimatum. Il y a des dates-symboles qui pointent : le 25 juin (assassinat de Lounès Matoub), le 5 juillet (indépendance de l'Algérie). Le pouvoir n’a qu’un moyen d’appeler au calme, c’est de répondre à cet ultimatum. Libérer les détenus, ce n’est pas de l’apaisement. C’est gérer les conséquences d’une action. On n’est pas dupes. L’apaisement, c’est de répondre aux revendications légitimes de tout un peuple". Le 1er juin, la Coordination des aârch, daïras et communes de la wilaya de Tizi Ouzou avait rendu publique une lettre ouverte expliquant les raisons de l'action des comités :

(extraits)

    Il s'agit de revendications citoyennes dictées par la situation
    générale de l'Algérie faite de misère sociale, d'indigence culturelle
    ou de déni identitaire. En cela, elles ne diffèrent en rien des
    sursauts de dignité qu'ont connus les régions de l'ouest du pays
    au début des années 80, de Constantine en 1986, de la Casbah
    d'Alger pour être couronnés en octobre 1988, désormais repère
    historique de nos colères.

    Il est significatif et révélateur qu'à chacune de ces escales le
    pouvoir a répondu par la même sauvagerie, sans distinction et
    peut-être bien sans nuance. À des colères légitimes, il a opposé le
    mépris et la répression sanglante. À des espérances angéliques, il
    a répondu par la puissance du feu.

    Que se passe-t-il en Kabylie? Des forces de sécurité tirent à balles
    réelles sur des poitrines dénudées. Des femmes sans défense sont
    noyées dans les nuages de bombes lacrymogènes sur leur balcon
    et parfois jusqu'à l'intérieur des habitations. Même les hôpitaux et
    les universités n'y ont pas échappé. Mais le pouvoir n'a pas que la
    force du feu. Fidèle à sa culture de l'intox, il a actionné comme de
    tradition ses relais médiatiques et ses professionnels de la
    provocation pour induire en erreur le peuple algérien, ghettoïser
    notre région et l'installer durablement dans un cercle de violence
    infernale.

    Nous voulons un drapeau? Celui de l'Algérie digne et fière. De ses
    hommes, de ses richesses, de son histoire et de sa diversité. Nous
    voulons une langue nationale ? Oui ! Tamazight, à côté de l'arabe
    avec laquelle elle pourra trouver son épanouissement dans un
    enrichissement mutuel. Nous voulons un pays ? Oui! De Maghnia à
    Tébessa, de Tindouf à Tamanrasset. Ce que nous ne voulons pas?
    C'est le gendarme qui tue en Kabylie et mutile ailleurs. Ce que nous
    ne voulons pas, ce sont les bidonvilles de Tizi et les grottes
    habitées de Ghoufi dans les Aurès.

    Nous en appelons à votre vigilance, à votre intelligence pour
    déjouer les grossières campagnes de désinformation. Nous n'en
    appelons pas à votre solidarité parce que pour nous, vous êtes
    naturellement partie prenante, des acteurs à part entière de notre
    combat à tous : celui de la dignité de tous les Algériens dans une
    République libre, démocratique et sociale. Une République de
    citoyens d'où seront bannis la hogra, la marginalisation et la misère
    sous toutes ses formes.

En attendant, de nouvelles marches et manifestations sont prévues ou annoncées : A Tizi Ouzou, un collectif d'artistes et d'associations invitait à une manifestation le 18 juin « toute personne se reconnaissant dans la lutte citoyenne », avec quatre mots d'ordre : « Non à la hogra ! », « Tamazight, langue nationale et officielle », « Non à l'impunité ! » et « Non à la mise à mort des libertés ! »


(Liberté 18.6) Un Comité provisoire des citoyens d’Alger (CPCA) équivalent des comités intercommunaux de Kabylie, a été créé. Dans sa première déclaration, il accuse le pouvoir et les services de sécurité de "manipulation pour discréditer les actions populaires nobles et légitimes" et rend hommage aux algérois qui ont participé à la manifestation du 14 juin, dont il condamne la répression "sauvage". Pour le CPCA, attribuer les violences, le pillage et les déprédations commis le 14 juin aux manifestants venus de Kabylie et d’ailleurs relève d'une "lmachination visant à diaboliser la Kabylie aux yeux des autres régions du pays", et "les vrais voleurs" sont "ceux qui se sont succédé au pouvoir depuis l’indépendance, et qui se sont appropriés le Club-des-Pins, en louant leurs villas aux étrangers avec des devises". Le comité appelle à une marche le 23 juin aux côtés des habitants de Staouéli et Ain-Benian, pour "récupérer" les plages de "Club-des-Pins et Moretti", qui leur sont interdites. "Nous marcherons même s’ils ne nous donnent pas l’autorisation" a déclaré un porte-parole du comité, qui précise que celui-ci, encore provisoire, est ouvert à toutes les communes d’Alger et est en contact permanent avec la coordination des comités de villages et aârchs de Kabylie.

(Le Matin 14.6) Le Parlement européen a reçu le 12 juin une délégation du Congrès mondial amazigh (ONG de défense des peuples amazighs fédérant des associations culturelles berbères d'Europe et d'Afrique du Nord), conduite par son président, Rachid Raha, et composée de son secrétaire général, Lounès Belkacem, et de deux membres du bureau exécutif, Khadija Boulmedarat et Ahcène Bouzettinz. Le CMA demande au Parlement européen de maintenir sa pression sur l'Etat algérien et d'« intervenir sans délai afin d'amener le pouvoir algérien à mettre fin à ses crimes » qualifiés de « crimes contre l'humanité et, par conséquent, passibles du tribunal pénal international ». La délégation du CMA a aussi demandé aux parlementaires européens de « conditionner l'approbation de l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie au respect des droits de l'Homme, au respect des libertés démocratiques, à la reconnaissance constitutionnelle de l'identité amazighe, à l'instauration de l'Etat de droit et la fin des injustices de toutes natures ». Le CMA dénombre pour la seule Kabylie, depuis le début des émeutes en avril, une centaine de morts, 3 000 blessés, dont un grand nombre de mutilés et de handicapés à vie et les forces de sécurité multiplient, depuis près de deux mois « les provocations, les actes d'humiliation de la population, les sévices physiques et psychologiques sur les personnes arrêtées, les menaces sur les parents, les violations de domicile avec violence et pillages et destructions des commerces des citoyens ». La délégation du CMA a été reçue au Parlement européen à Strasbourg par la vice-présidente de cette institution, le groupe socialiste, des députés de la gauche unie, les Verts et la délégation pour le Maghreb. Le 17 mai dernier, le Parlement européen avait adopté à l'unanimité une résolution d'urgence sur l'Algérie. Une mission d'information pour « enquêter » sur place devrait dépêchée pour élaborer un rapport à soumettre à la plénière.

(AP 16.6) Réagissant aux violences en Algérie, les dirigeants de l'Union européenne réunis à Göteborg, en Suède, ont appelé le 16 juin les responsables algériens ''à un sursaut et à une initiative politique de grande ampleur pour surmonter cette crise''. Dans un projet de déclaration publié avec les conclusions du Conseil européen les Quinze soulignent que ''l'Union européenne ne peut rester indifférente à la tragédie que connaît l'Algérie''. L'UE s'affirme donc ''prête, aux côtés de l'Algérie, pour accompagner les réformes politiques, économiques et sociales dont elle a besoin pour retrouver la paix''.

(Quotidien d'Oran 14.6) Ferhat M’henni, président du Mouvement culturel berbère, tendance "Rassemblement national", a adressé une «mise au point à toute la presse nationale», au sujet des réactions provoquées par sa proposition d'"autonomie" de la Kabylie. Ferhat M’henni affirme que sa proposition n'est pas une manière détournée de revendiquer l’indépendance de la Kabylie, et estime que faire «passer l’autonomie pour une indépendance ou une sécession» revient à "donner d’ineptes leçons de nationalisme". Pour Ferhat M'henni, il s'agit d'«enfin entamer la décolonisation de nos institutions étatiques, protéger nos libertés et s’émanciper d’un pouvoir sanguinaire en lui arrachant les prérogatives qu’il a confisquées à nos régions depuis l’indépendance». Il affirme également que sa proposition ne concerne pas la seule Kabylie, mais toutes les régions du pays, même si la Kabylie paraît «de par toutes ses spécificités (...), la plus indiquée pour tester la première expérience de ce type, avant de l’étendre à l’ensemble du pays et, pourquoi pas, dans la perspective d’un Etat fédéral». Le Premier secrétaire du FFS, M. Kerboua, avait estimé dans «Alégeria-Interface» que la revendication de Ferhat est «une tentative de récupération très dangereuse des revendications citoyennes» et affirmé qu'à aucun moment, cette revendication n'avait été avancée par les citoyens manifestant contre la hogra et pour la démocratie. Par contre, le FFS propose une «régionalisation positive» de l'Algérie.

(Reuters 18.6 / Reuters, Le Monde, Le Quotidien d'Oran 20.6 / La Tribune, Liberté 21.6 ) La coordination des archs de Tizi-Ouzou a décidé, le 20 juin, du principe d'une nouvelle marche à Alger, le 5 juillet, avec les mêmes revendications (voir le texte de la plate-forme du 11 juin, en fin de bulletin) que celle du 14 juin. Des meetings, sit-in et conférences publiques sont prévus un peu partout pour maintenir la mobilisation et la pression. La coordination a en outre créé trois commissions permanentes en son sein : solidarité, suivi des disparus, réflexions et actions.

Des milliers de personnes ont manifesté pacifiquement le 20 juin dans les rues de Bordj Menaïel à l’appel de la coordination des comités de quartiers et de villages de la daïra (wilaya de Boumerdès). La veille, à Aïn Benian, une marche de femmes a été empêchée par les forces de police. Le 22 juin une marche était annoncée vers Moretti et le Club des Pins, sur la côte algéroise, à l'appel du Comité des citoyens intercommunal (C.CIC) de Aïn Benian et Staouéli, qui revendique "la réouverture de ces espaces à tous les citoyens et citoyennes" et dénonce la "hogra" et les "privilèges".

De son côté, le gouvernement algérien interdit les manifestations dans la capitale, au prétexte des émeutes du 14 juin. Dans un communiqué diffusé par l'agence officielle APS, le gouvernement annonce que le conseil des ministres a décidé de "suspendre jusqu'à nouvel ordre l'organisation de marches dans la capitale", et exprime "sa ferme détermination de faire face aux graves dérives et dérapages constatés à l'occasion des événements tragiques et douloureux qui se sont produits ces derniers jours." "Certaines parties tentent d'exploiter" ces événements, continue le gouvernement, "pour installer notre pays dans le chaos et l'anarchie". Les autorités, elles-mêmes accusées par la presse et l'opposition d'avoir provoqué les émeutes du 14 juin (et certaines de celles qui ont suivi, en Kabylie) n' identifient pas, mais stigmatisent "tous ceux qui ont utilisé et qui utilisent encore le désarroi de la jeunesse pour l'instrumentaliser au service d'intérêts occultés qui ont pour finalité la déstabilisation permanente de l'Algérie." Dans son communiqué, le gouvernement déclare qu'"il a également étudié un certain nombre de mesures urgentes qui visent, d'une part à mettre fin aux dérives constatées, d'autre part à répondre aux revendications légitimes formulées par les jeunes". Le gouvernement ne donne pas de précisions quant à ces mesures. Quant au président Bouteflika, se plaignant de l'absence d'interlocuteurs parmi les Kabyles révoltés, il a lancé le 19 juin à Tamanrasset un appel au calme en direction des jeunes, tout en leur rendant hommage pour ne pas être "tombés dans le piège du complot contre l'Algérie", estimant qu'il y avait bel et bien "un complot interne et externe pour casser l'unité de l'Algérie".

A l'invocation, rituelle, du "complot extérieur" par le gouvernement et le président, Sami Bouakouir, porte-parole du Front des forces socialistes (FFS), répond que "les vrais comploteurs, ce sont les tenants du pouvoir. Ce sont eux qui complotent contre le peuple et l'empêchent de jouir de ses droits. C'est une thèse qui est propre aux régimes staliniens, à chaque fois qu'il y a un mouvement populaire démocratique, le pouvoir tente de le casser en faisant miroiter des complots de l'intérieur ou de l'extérieur".

(Courrier de Genève 23.6 / Liberté 24.6 / La Tribune 25.6) Plusieurs centaines de personnes ont manifesté à Staouéli le 22 juin pour l'ouverture des plages du Club des Pins et de Moretti à la population, mais ont été empêchées d'accéder à ces plages par un impressionnant dispositif de sécurité qui a conduit la manifestation à se transformer en sit-in sur la place centrale de Staouéli. Depuis 1993, les deux stations balnéaires ont été transformées en une "résidence d'Etat" sous forme de camp retranché, où sont hébergés les dignitaires du régime (généraux, hauts fonctionnaires, chefs des partis "aux ordres", députés de la majorité), protégés par un mur de 4 mètres de haut, un chemin de ronde, des miradors et des gendarmes, le tout évidemment interdit au public, qui a donc vu deux plages publiques vastes et bien entretenues devenir de fait la propriété privée de la nomenklatura, et rester pratiquement inutilisées alors que les plages publiques sont étroites, bondées et polluées.

A Bejaïa, plusieurs milliers de femmes, 5 000 selon les organisatrices, ont observé le 23 juin un rassemblement devant le siège de la wilaya à l’appel du comité de solidarité des femmes de Béjaïa, et en soutien aux familles des victimes de la répression.

A Relizane, le "Comité pour la prospérité et la dignité" (CPD) appelait à une marche le 25 juin pour dénoncer «la condition sociale dans laquelle se débat le citoyen relizanais, l’absence de dialogue et surtout la dilapidation des deniers publics» par la municipalité. Le Comité demande au président de la République de dépêcher une commission pour enquêter sur les "dépassements" des élus locaux. Les commerces de la ville ont annoncé qu'ils seraient fermés pendant la marche, non autorisée, de crainte d'affrontements.

Une marche était également annoncée à Boumerdès à l'appel de la Coordination des comités de villages et arouch de Boumerdès, avec l'appui du Rassemblement des femmes algériennes libres (RAFAL), créé dans la foulée de la marche du 14 juin à Alger. La marche à laquelle appelle la coordination se veut, avant tout, un hommage à Matoub Lounes et se place sous les slogans : «Tamazight langue nationale et officielle, arrêt immédiat de la répression, retour de tous nos disparus et contre la hogra.». Dans le communiqué soutenant la marche, le RAFAL déclare : «Inquiètes de la gravité de la situation que traverse le pays, nous les femmes algéroises refusons de subir en restant cloîtrées dans nos douleurs, devant l’assassinat de notre jeunesse», et dénonce «le mépris arrogant du pouvoir à l’encontre des revendications légitimes de nos enfants».

(Libération 22.6 / AFP 24.6 / La Tribune, Le Matin 25.6 / Corr) Le troisième anniversaire de l'assassinat du chanteur Lounès Matoub aura lieu en Kabylie dans un climat explosif. Une grande marche était prévue à Tizi Ouzou, à l'appel de la Fondation Matoub, et des marches àtaient également annoncées à Bouira, Haïzer, Bechloul, M’chedallah, Staouéli, Cheraga, organisées par les comités des villages et des quartiers et les mouvements d'habitants. La Fondation Matoub appelle à l’observation d’une grève générale dans toute la Kabylie. La Fondation appelle la population, les organisations de la société civile, les comités locaux et les partis politiques démocratiques d’opposition à participer massivement à la marche pacifique de Tizi pour exiger toute la vérité sur l’assassinat de Lounes, la reconnaissance de tamazight comme langue nationale et officielle, un statut de martyrs pour toutes les victimes de la démocratie et de la dignité, des réponses positives aux revendications de la plate-forme de la coordination interwilayas des comités locaux. La Fondation conclut son appel par : «Toutes et tous ensemble pour dénoncer : tamhaqranit, la répression, l’impunité». A Bejaïa, le "Comité populaire de la wilaya" a appelé la population béjaouie à faire du 25 juin une journée de deuil et de recueillement, à observer une grève générale et à participer massivement aux meetings manifestations qui seront organisés dans les villes et villages de la wilaya.

Malika, sœur de Lounès et présidente de la Fondation Matoub explique, dans un entretien à "Libération", que le 25 juin, la marche commémorative de l'assassinat de Matoub aura lieu "à Tizi Ouzou et non pas à Alger comme nous le voulions, pour ne pas donner au pouvoir une nouvelle occasion de faire dégénérer, à coups de provocations, une manifestation pacifique"

Lors de la marche du 25 juin, la Fondation Matoub demandera, "la vérité et la justice sur l'assassinat de Lounès. Nous exigeons l'ouverture d'une véritable enquête puisque jusqu'ici tous les éléments permettant de savoir ce qu'il s'est réellement passé ont été méthodiquement écartés", déclare Malika Matoub, qui craint moins à Tizi Ouzou des incidents et des provocations que des "manipulations" du genre des tracts qui circulent en ce moment, "appelant à "l'autonomie de la Kabylie", signés par un pseudo groupe de libération de cette région, le MKL (...). Je ne voudrais pas qu'on profite de cette commémoration pour manipuler l'attachement de la jeunesse à mon frère et le présenter comme un partisan de l'autonomie. Aussi lié à la Kabylie qu'ait été Lounès, il ne faut pas oublier qu'il a été enterré dans le drapeau algérien (et qu'une) de ses chansons, écrite après qu'il ait été criblé de balles par la gendarmerie au cours des émeutes d'octobre 1988, dit "A mes frères, à l'Algérie toute entière, des montagnes du Djurdjura jusqu'au fin fond du désert. Montrons notre courroux, montrons que nous nous aimons." . "La seule indépendance que nous réclamons, c'est celle de l'Algérie, confisquée par la junte militaire depuis 1962", résume Malika Matoub.

En ce qui concerne la vérité sur l'assassinat de son frère, Malika se dit "depuis longtemps soumise à un lynchage médiatique mené par une formation politique, le RCD, qui s'oppose farouchement à toute enquête". Des messages de menaces lui parviennent. Un représentant en France du RND, proche d'Ahmed Ouyahia, Riadh Allal, "m'a proposé un véritable marché", raconte la soeur de Matoub : "En échange de mon silence sur l'internationalisation de l'affaire Matoub et sur les récents événements de Kabylie, il me promettait de me "donner" les noms des assassins de mon frère. Parmi eux, m'a t-il précisé, se trouvent des "patriotes"".Quant au procès en diffamation que lui avait intenté le député RCD, et chef de milice, Nordine Aït Hamouda, qu'elle accusait d'être "mouillé" dans l'assassinat de Matoub, Allal aurait assuré à Malika que le fait que Aït-Hamouda ait gagné son procès était un "cadeau" pour que le RCD reste dans la coalition gouvernementale. "Maintenant que ce parti a quitté le gouvernement, aurait ajouté Riadh Allal, "nous n'avons plus rien à perdre de ce côté-là. Tu gagneras en appel". Riadh Alll a tenu à « catégoriquement » démenti les propos que lui prête Malika Matoub. Malika Matoub conteste la thèse officielle de l'assassinat de son frère par des islamistes armés, et considère que cet assassinat a été commandité par le pouvoir avec la complicité du RCD. La femme de Matoub, Nadia, Nadia, la femme de Matoub Lounès, déclare quant à elle qu'elle a subi des pressions pendant son séjour à l'hôpital (elle avait été blessée, ainsi que sa soeur, dans l'attentat contre son mari) : "on m'avait sollicitée à l'hôpital pour signer (un) procès-verbal dans lequel on a rajouté (une) phrase indiquant que c'est le GIA qui était derrière l'attentat. Chose que je n'ai à aucun moment déclarée. A ce moment, j'avais vraiment peur pour ma vie. Je me suis dit : si jamais je tiens tête à ces personnes, demain les gens liront dans la presse que Nadia Matoub vient de succomber à ses blessures". Nadia Matoub s'est ensuite réfugiés en France : "J'ai repoussé au maximum mon départ pour la France. Mais la pression qui s'exerçait sur moi m'a poussée à prendre cette décision. J'étais constamment entourée de gens qui me suggéraient des déclarations".

Le 25 juin à Tizi Ouzou, la marche en l'honneur de Lounès Matoub a rassemblé dans le calme plusieurs dizaines de milliers de personnes.

(La Tribune, Jeune Indépendant 25.6) Les Coordinations des archs, daïra et commune de la wilaya de Tizi Ouzou se sont réunies le 24 juin à Makouda pour discuter de la marche prévue à Alger le 5 juillet 2001. Cette marche ne sera finalement pas une grande marche populaire, comme celle du 14 juin, mais une manifestation des délégués des comités locaux. Les comités des wilayas de Béjaïa et Bouira ont donné déjà leur accord quant à leur participation à la marche. Les comités entendent manifester de la place du 1er Mai vers la présidence de la République. Meetings, conférences et marches locales en Kabylie sont également prévus, afin de mobiliser sur place les personnes qui seraient tentées de se rendre à Alger malgré les risques d'affrontement et de provocations. Un collectif d’avocats et de journalistes devrait accompagner les délégués des comités à Alger pour prendre à témoin l’opinion sur les éventuels "dérapage" des services de sécurité.

La coordination (Comité populaire) de la wilaya de Bejaïa, elle, réunie le 22 juin à Ifri Ouzellaguen appelle à «plus de vigilance et d’intelligence dans la manière de faire pression sur les forces de répression», dont le Comité populaire recommande la «mise en quarantaine totale et généralisée». Le Comité recommande en outre de créer des «comités populaires de vigilance» et de faciliter «la circulation des personnes civiles et des marchandises.». Il appelle la population à «exiger sans cesse le départ des gendarmes et de tous les renforts des forces de répression dépêchées dans la région durant ces événements» et de «ne ménager aucun effort pour élargir le mouvement à toutes les régions du pays afin de rassembler toutes les Algériennes et tous les Algériens qui veulent en finir avec ce pouvoir mafieux et assassin».

(El Moudjahid 25.6) La Commission d’enquête sur les événements de la Kabylie présidée par le professeur Mohand Issaâd a entamé la rédaction d’un premier rapport. Parallèlement la commission continue d'étudier les documents et les témoignages reçus, dont des rapports d’autopsie, de l’enquête et de la procédure engagée par le tribunal militaire de Blida à l’encontre d'un gendarme. Mohand Issaâd a exprimé à "El Moudjahid" ses regret que «la Commission n’arrive pas à récupérer les balles qui ont causé la mort de ces jeunes à Beni Douala et Amizour. Nous ne savons pas où elles se trouvent. Nous les avons demandé partout mais personne n’a été en mesure de nous dire où elles sont». Mohand Issâd déclare également avoir «reçu des appels de la part de 11 gendarmes travaillant dans la région de Kabylie et un membre de la coordination des aârchs qui affirment avoir des choses à dire mais estiment que ce n’est nullement le moment de les rendre publiques», et que «trois responsables tout en reconnaissant détenir des informations importantes ont refusé de parler», par "peur". Sur l'objet général du travail de la commission, son président évoque une "succession troublante d’événements" en Kabylie : "Un événement à la rigueur deux peuvent relever de «l’accidentel». Mais quand une centaine de faits se succèdent, cela veut dire qu’il y a un plan". Reste évidemment à savoir quel plan, de qui et pourquoi... «Ce à quoi nous accordons de l’intérêt c’est ce qui est arrivé avant et pendant les événements. Nous voulons savoir comment ces événements nous sont tombés entre les bras».


(Le Matin, Digipresse, El Watan 26.6 / Le Monde 27.6) Cent mille personnes au moins, selon la presse privée, ont participé le 25 juin à Tizi Ouzou à l'appel de la Fondation Matoub Lounes à une manifestant, de l'Université au Tribunal, pour réclamer "la vérité sur l'assassinat de Lounès " et dénoncer le " Pouvoir assassin ". La manifestation s'est déroulée sans incident, du fait de la quasi absence des forces de sécurité, mais après la dispersion de la manifestation, quelques heurts et échanges de pierres et de grenades lacrymogènes se sont produits. Avant le début de la manifestation de Tizi, des manifestants s'étaient rendus sur les lieux de l'assassinat de Lounès Matoub. Na Aldjia, la mère de Matoub, a adressé une mise en garde au gouvernement. " Je leur lance un ultimatum jusqu'à jeudi pour faire la lumière sur les circonstances de l'assassinat de Lounès, sinon ça va barder ", a-t-elle déclaré en substance avant d'inviter la foule à se disperser dans le calme. La mémoire de Matoub Lounès a également été célébrée par des manifestations à Bejaïa, à Bouira, à Cheraga (w. Alger) entre le 23 et le 25 juin.
Pour le chanteur Idir, il est nécessaire de faire le point sur l'héritage de Matoub : "beaucoup de gens qui ne le connaissaient pas l'érige aujourd'hui en ami intime. Chacun essaie de récupérer son nom à des fins personnelles, politiques ou autres". Matoub voulait une Algérie "une et indivisible", poursuit Idir : "Dans ses chansons, s'exprimait l'Algérien d'où qu'il soit, "des rives de la Méditerranée aux confins du désert" ", rappelle Idir. Matoub a eu "le courage de dire qu'il n'était ni arabe, ni musulman. Mais beaucoup de gens, y compris ses adversaires, ont pris cela comme du séparatisme ou de l'extrémisme. D'où une série de contradictions autour de lui, de remous autour de sa personnalité". Pour Idir, les jeunes kabyles victimes de la répression, ces deux derniers mois, sont, comme Matoub, "des martyrs algériens".

(Le Soir 27.6 / Liberté, La Tribune 28.6) Les représentants des coordinations des comités locaux des wilayas de Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Boumerdès, Sétif, Bord Bou Arréridj, auxquelles se joignent Alger (la coordination d’Alger s’est élargie à 33 communes), Blida, Tipasa, Khenchela, Batna et Biskra devaient se réunir le 28 juin à Bejaïa pour l’organisation des détails pratiques de la marche des délégués des comités, le 5 juillet à Alger. On attend environ 2000 de ces délégués pour cette marche, qui ne sera donc pas une grande manifestation populaire comme l'ont été les marches du 31 mai, à l'appel du FFS, et du 14 juin, à l'appel des comités de village. Le 5 juillet, les délégués entendent remettre à la Présidence de la République, à l’issue de la manifestation, la plate-forme de revendications adoptée à El Kseur le 11 juin 2001 par la coordination -plate forme largement diffusée en Algérie et à l'étranger, mais que les autorités ont affirmé «ne pas connaître». La coordination "interwilaya" des comités locaux pourrait en outre décider d'autres actions que la manifestation du 5 juillet ("Liberté" évoque, sans autre précision, une "action d’envergure et "musclée"'.

La coordination des comités de villages, communes et aârchs de la wilaya de Bouira a appellé à une marche à Bouira le 28, avec comme mot d'ordre la libération inconditionnelle et sans aucune poursuite judiciaire" de toutes les personnes détenues à la suite des affrontements précédents.

Le comité intervillage de la commune de Tifra appelle à une marche pacifique pour le 29 juin à Sidi Aïch, en mémoire des deux jeunes assassinés par un policier le 26.

(FFS 25.6 / Quotidien d'Oran 27.6 / Liberté, La Tribune 28.6 / Corr) L'Assemblée nationale algérienne a ouvert le 26 juin un débat sur les "événements" de Kabylie, débat qualifié de "mise en scène" et boycotté par le FFS, qui considère qu'"arrive trop tard. Il aurait été du devoir d'un parlementaire, dans des nations où la représentation populaire n'est pas une fiction, de dénoncer et d'intervenir lorsque des forces de sécurité tirent à balles réelles sur des manifestants désarmés", et non pas plus de deux mois après le début de ces violences. Le FFS ajoute que "fidèle à ses engagements, (il) ne saurait se rendre complice, en cautionnant un simulacre de débat, d'un stratagème dont la finalité n'est autre que de vider de sa signification une contestation pacifique et populaire qui exige un changement radical du système".

A l'Assemblée, où 300 députés se sont inscrits pour intervenir, les députés de la coalition gouvernementale (FLN, RND, MSP), ont justifié la répression des manifestation, face aux représentants de l'opposition restée dans la salle (Indépendants, PT, et désormais RCD) qui ont dénoncé cette répression. Chaque "camp" a en outre accusé l'autre de menacer l'unité nationale. Pour l'indépendant Abdeslam Ali Rachdi, (ex FFS) "le pouvoir est l’unique responsable de ce qui est arrivé", et il est également "également responsable par la manière avec laquelle ont été gérés les événements et en particulier la tentative de dresser une région contre une autre en instrumentalisant la télévision". Le député RCD Ferdjellah a accusé le pouvoir d'«opposer des Algériens entre eux par un plan machiavélique où il a voulu présenter les manifestants de Kabylie comme une invasion étrangère venue menacer la cité algéroise (le 14 juin) en s’inspirant de la devise diviser pour régner». Quant aux députés du RND, du FLN, du MSP et de Ennahda, ils expliquent les événements par le «complot extérieur», «la main étrangère», «la fitna», «l’atteinte à l’unité nationale», «le nouveau terrorisme», «la manipulation», «la malédiction» et dénoncent «la responsabilité de la presse» (privée). Le Premier ministre Ali Benflis lui-même a joué la partition de la dénonciation du "complot étranger", en rapprochant les émeutes en Kabylie des «campagnes de déstabilisation» menées de l’étranger, au nom de la notion des «droits de l’homme», à laquelle il est trouvé une réactualisation à travers le concept des «minorités à protéger», ce qui pour le Premier ministre montre que «le néo-colonialisme n’a pas abdiqué et n’a pas abandonné sa prétention à régenter l’Algérie». Le député RND Mohamed Fader a directement accusé la France d’avoir fomenté les événements, de Kabylie, donnant pour "preuve" de cette responsabilité la couverture assurée par les média français à ces événements. Le député FLN Mohamed Chaouati, comme d'ailleurs plusieurs autres élus de la majorité gouvernementale, s'en est particulièrement pris à Hocine Aït Ahmed et au FFS, accusés de promouvoir une intervention étrangère dans les affaires intérieures de l’Algérie. Les députés islamistes se sont particulièrement illustrés dans ce débat sur des événements qui ont complètement dépassé les partis islamistes légaux (pour ne pas parler d'"islamistes de cour" ou d'"islamistes de hammam"...), et se sont produits en grande partie dans une région d'où ils sont politiquement pratiquement absents, et sur laquelle ils semblent avoir définitivement "fait l'impasse", quitte à la qualifier de "dernier morceau de l'Algérie française". Un député d'Ennahda, Mustapha Bouguerra, a demandé la dissolution du FFS et l'ouverture de poursuites judiciaires contre Hocine Aït Ahmed, accompagnée de la déchéance de la nationalité algérienne du président du FFS, coupable d'exiger un débat sur l’Algérie au sein de l’ONU. Le même député a proposé la rupture des relations diplomatiques avec les pays qui ont pris part au "complot" contre l'Algérie, à commencer, évidemment, par la France.

A l'ouverture du Conseil national de son parti, le 27 juin, le chef du MSP Mahfoud Nahnah a identifié les jeunes contestataires du Kabylie aux terroristes, et a accusé l'Etat de traiter les premier avec plus d'égards qu'il n'en a eu pour les islamistes (du FIS) en 1992. Sur sa lancée, le chef du MSP (un parti créé pour affaiblir le FIS...) en appelé au «Seïf el hadjadj» (au glaive de l'Etat) pour "mater les hordes destructrices" -c'est-à-dire les Kabyles- «sécessionnistes, impies, dépravées et souvent plongées dans la beuverie, et menaçant l’unité nationale». Le chef du MSP a assimilé ceux qui demandent le départ des gendarmes de Kabylie à des "partisans de l'Algérie française". Dans la foulée, Nahnah a accusé Hocine Aït Ahmed d'appeler à l'ingérence étrangère, et a évoqué l'existence d'une force militaire européenne et atlantique de 80'000 hommes en état d'alerte pour intervenir en Algérie aux côtés d'une «minorité kabyle» qu'il accuse de préférer des «drapeaux illégaux (berbères) au drapeau algérien, la langue française à l’arabe et le christianisme à l’Islam». Mahfoud Nahnah s’oppose en outre au départ de Bouteflika, car cela mettrait selon lui le pays dans une situation de vide institutionnel grave, et plaide pour l'union entre les deux seuls courants politiques à qui il consent à accorder quelque légitimité, «le courant nationaliste et le courant islamiste», dont l’union «fera des merveilles».

(Reuters 27.6) Le Premier ministre Ali Benflis a assuré que le gouvernement avait les moyens, si on lui en laissait le temps, de satisfaire les besoins exprimés ces derniers mois par les Algériens au travers d'une violente agitation sociale. S'exprimant lors du débat parlementaire consacré aux révoltes populaires, le Premier ministre a également assuré que les demandes formulées par la population seraient satisfaites par un ambitieux programme d'investissements. Pour Ali Benflis, la révolte populaire est motivée, "pour partie, par des revendications sociales et économiques, exprimées avec violence au moment même où le gouvernement a mis en place un programme économique ambitieux destiné, précisément, à prendre en charge, à court et moyens termes, ces légitimes besoins". Le 26 avril, le président Bouteflika a annoncé l'adoption d'un programme économique sur quatre ans. Selon ce projet, plus de sept milliards de dollars devraient être consacrés à des projets d'infrastructures et à des subventions pour le secteur public. "Aujourd'hui que nous disposons de moyens appréciables, le temps est nécessaire à la transformation de ces moyens en investissements, en postes de travail, en revenus, en nouvelles infrastructures et en logements, car le miracle de l'instantané n'est pas dans la nature de l'activité d'investissement", a expliqué Benflis, qui n'a toutefois pas donné de calendrier pour ce programme. Dans son discours, Benflis a jugé que la corruption dans l'administration était en grande partie responsable de la situation difficile dans laquelle se trouvait l'Algérie. Il s'est engagé à prendre des "mesures audacieuses, courageuses et inédites" pour "extirper la corruption (de l'administration et des services publics) et les remettre enfin au service des citoyens", sans toutefois détailler la nature exacte de ces mesures. "Les comportements irresponsables et l'amoralité de certains fonctionnaires et élus à travers le territoire sont à l'origine de certains problèmes que nous vivons", a-t-il estimé.

(AP 29.6 / Jeune Indépendant 30.6 / Liberté 1.7 / La Tribune 2.7) La coordination des comités locaux de sept wilayas a confirmé le 29 juin son intention d'organiser une marche pacifique le 5 juillet, jour de la fête nationale algérienne, à Alger. Dans un communiqué, la coordination des Aârchs souligne que cette marche ira de la place du Premier-Mai à la présidence de la République et qu'y prendront part uniquement les délégués des villages et des quartiers originaires des wilayas de Tizi Ouzou, Bejaïa, Boumerdès, Bouira, Sétif, Bordj Bou Araridj et Alger. Le gouvernement a interdit jusqu'à nouvel ordre toute manifestation à Alger. Cette décision avait été prise au lendemain de la marche du 14 juin, à l'appel de cette même coordination, qui avait rassemblé un million de personnes, avant que des violences, largement provoquées par les forces de sécurité ou des civils protégés par elles, ne fassent six morts, dont deux journalistes, et des centaines de blessés. ''Même après l'historique marche noire du 14 juin 2001 à Alger, aucune réponse n'est en vue si ce n'est la multipilcation des provocations, des campagnes de dénigrement du mouvement et des manoeuvres visant la vision du peuple'', écrit la coordination, qui ajoute que ''les revendications (reconnues par tous, y compris par le pouvoir) exprimées par la rue durant ce printemps noir 2001, en Kabylie d'abord et dans d'autres régions du pays ensuite, n'ont trouvé que mépris de la part du pouvoir'' -que la coordination met en garde : ''si notre plateforme de revendications ne trouve aucune satisfaction après notre action du 5 juillet 2001, il assumera seul les conséquences qui en découleront''. Parmi les revendications, on retrouve notamment le départ définitif des gendarmes de Kabylie, cibles privilégiées des manifestants depuis le début des émeutes, et acteurs principaux des débordements de la répression, la reconnaissance de tamazight comme langue nationale et officielle, la fin de la ''hogra'' (l'injustice, le mépris et les abus de pouvoir) et toute une série de revendications socio-économiques.

Avant la manifestation du 5 juillet, la coordination des archs, daïras et communes de Tizi Ouzou a lancé un appel à des actions en "accompagnement" de la marche algéroise. Le 3 juillet, des manifestations symboliques sont prévues (dépôt de gerbes de fleurs à la mémoire des victimes, visite des blessés). Le 4 juillet, il est prévu une grève générale dans toute la wilaya de Tizi Ouzou, opération baptisée «journée de villes et villages morts». Le 5 juillet, au moment où les quelques milliers de délégués des villages et de quartiers manifesteront à Alger, la coordination des comités locaux demande à la population de Tizi Ouzou d’observer des sit-in d’attente au niveau de chaque localité.

En attendant, les marches et manifestations continuent en Kabylie (et ailleurs). Des milliers de personnes ont marché le 29 juin à Bouira jusque devant la wilaya pour exiger la libération des personnes détenues à la suite des précédentes manifestations. Une délégation des manifestants a été reçue par le wali (préfet) à qui elle a déclaré : «à l’instar des populations kabyles, celle de Bouira a manifesté son ras-le-bol. Elle continue de le faire depuis deux mois dans le calme.» Et d’ajouter : «Nos citoyens ont été agressés, blessés et emprisonnés... Ce qui est urgent pour le moment, c’est de libérer les détenus.» Le wali a promis la libération des détenus pour le 30 juin. Toujours le 29 juin, à Idjeur (w. Tizi), une stèle à la mémoire d'une victime de la répression, tombée à la mi-mai, a été inaugurée lors d'une manifestation publique en présence d'une foule nombreuse.

Le 30 juin, des milliers de personnes ont manifesté à Oued Ghir (w. Bejaïa) pour exiger "le départ des CNS et la conversion de l’école de police de leur commune en lycée". Le même jour, à Ben M'hidi (w. El-Tarf), des centaines d'habitants armés de barres de fer et de manches en bois ont bloqué la route Annaba-El-Tarf en dénonçant la mal vie, l’injustice et en formulant auprès du wali des revendications sociales de base (logement, alimentation en eau potable, réfection des routes, accès à l'électricité). A Hammam-Righa (w. Aïn Defla), des manifestants ont observé un sit-in devant le siège de la daïra (sous-préfecture) à l'appui de revendications portant notamment sur la distribution des aides financières dans le cadre de l’autoconstruction, le logement, le chômage, et pour exiger le départ du Maire et du sous-préfet ainsi qu’une enquête sur la gestion de la commune et de la daïra.

(www.algeria-interface.com 29.6 / Liberté 30.6 / Le Soir, Le Matin 1.7 / Le Matin 2.7) Ali Tounsi, directeur général de la sureté nationale et le général-major Ahmed Boustila, commandant de la gendarmerie nationale seraient en passe de devoir quitter leurs postes, selon des "sources informées à Alger", évoquées par Algeria-Interface. L’annonce du limogeage des deux patrons des corps de sécurité impliqués dans la répression en Kabylie interviendrait le 5 juillet prochain, à l’occasion de l’anniversaire de l’indépendance, période des promotions au sein de l’armée algérienne. Les deux hommes devraient laisser leur place, respectivement, au colonel Bouacha, actuel directeur des services communs au ministère de la Défense nationale et au chef de la cinquième région militaire (Constantine), le général major Saïd Bey. Ces changements seront accompagnés d’une nouvelle répartition des postes de commandement. Le commandant des forces terrestres, le général major Gaïd Salah devrait être remplacé par le général major Fodil Cherif, actuel chef de la première région militaire (centre du pays dont l’algérois) et ancien patron de la lutte antiterroriste, lequel serait remplacé par le général major Kamel Abderrahmane, chef de la deuxième région militaire. En outre, on annonce la promotion au grade de général des colonels Bourenane Mohamed Rédha, Alioune Larbi et Yala Mohamed Tahar, respectivement directeur des finances, des transmissions et de la Marine nationale au ministère de la Défense nationale, et celle des généraux Mohamed-Tahar Bourzak, ancien attaché militaire à l'ambassade d'Algérie à Rome (Italie), Mohamed Zerhouni, directeur central de la logistique au MDN (ministère de la Défense nationale) et Bénali Bénali, ancien attaché militaire à l'ambassade d'Algérie au Caire (Egypte), au grade de général-major. Selon "Algeria-Interface", ces changements font l’objet d’"intenses tractations entre le commandement de l’armée, les généraux Larbi Belkheir et Khaled Nezzar, et la présidence de la République".

Par ailleurs, le porte-parole du commandement national de la gendarmerie a affirmé le 28 juin que celle-ci ne quittera pas la Kabylie :"Ni Tizi Ouzou ni Béjaïa ne peuvent se passer de la Gendarmerie nationale, ni la Gendarmerie nationale ne peut se passer de Tizi Ouzou et Béjaïa", a déclaré le colonel Hellab lors d’une conférence de presse. Pour le colonel Hellab, toutes les autres mesures d’apaisement possibles ont été entreprises et appliquées, les effectifs, dans les régions concernées ont été changées presque à 100%, les cas de "dépassements" signalés au commandement ont tous été pris en charge et leurs auteurs sanctionnés administrativement et pénalement. Le colonel a affirmé : "nous n’avons à aucun moment considéré que nous avions affaire à des ennemis ou à des adversaires. Nous sommes intervenus pour canaliser les manifestations de jeunes en colère et nous continuerons à les considérer comme étant des manifestants". Pour un membre de la Coordination de comités de village qui a requis l'anonymat, « le départ des gendarmes est une revendication centrale de la plate-forme d'El Kseur qui est d'ailleurs non négociable ».

(La Tribune 2.7) Un groupe d’anciens membres de la direction du FIS a rendu public le 30 juin un communiqué par lequel ils se disent disposés «à prêter main forte à la population de Kabylie pour faire aboutir ses revendications nationales d’ordre social, économique, politique et moral». Ali Djeddi, Omar Abdelkader, Kamal Guemazi, Mahmoud Boualoudhanin, Fouad Dlissi, Rachid Barkat et Ahmed Bouadjlan ajoutent qu’ils sont prêts à soutenir la promotion de tamazight comme langue nationale et officielle, mais y posent comme condition que la Kabylie «balaye de son chemin tous ceux qui ne s’en revendiquent que pour porter atteinte à l’Islam et à la langue arabe et prôner une dépendance par rapport à la France […]». Dans leur communiqué, les responsables islamistes invitent la population de Kabylie à veiller à ce que sa mobilisation ne soit pas dévoyée. Les signataires de ce communiqué, outre la libération d' Abassi Madani et Ali Benhadj, et de tous les détenus politiques, réclament que la lumière soit faite sur la question des disparus. "La Tribune" signale que les signataires du texte sont "partie prenante des mots d’ordre de la ligue de l’appel de la Oumma, un nouveau mouvement dont les membres se recrutent essentiellement dans les milieux islamo-conservateurs, qui a annoncé, il y a quelques jours, son intention de tenir, le 9 juillet prochain, son rassemblement au siège de l’association des oulémas à Hussein Dey". L'"Appel de l'Oumma" s'était particulièrement manifestée lors de son apparition par son rejet catégorique des projets de réforme du système éducatif. On retrouvait dans cet appel les noms de Khaled Bensmaïn, Abderrahmane Chibane, Djeddi et Boukhamkham. Toujours dans la mouvance islamiste, le chef du MRN, Abdallah Djaballah, s'apprêterait lui aussi à lancer une initiative s'adressant à toutes les forces politiques de l'opposition, et "calquée sur la démarche préconisée par le (FFS) dans son mémorandum".

(Liberté 30.6 / APS, Jeune Indépendant, El Moudjahid, Quotidien d'Oran, Le Soir, Le Matin 1.7 / Liberté 2.7) La commission parlementaire d'enquête sur les "évènements" de Kabylie, présidée par Ahmed Bayoudh, a entendu le 1er juillet le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, qui a, selon le communiqué de l'agence de presse officielle APS, «presenté un exposé dans lequel il a évoqué les déclarations des instances officielles de certains pays étrangers au sujet de ces douloureux évènements». Cette audition du ministre a permis à la commission de réitérer le discours officiel de dénonciation des «campagnes (étrangères) qui visent à déstabiliser le pays», et d'inviter la diplomatie algérienne à y "faire face". Le président de la commission d’enquête parlementaire, dans une interview accordée à "El-Moudjahid", réitère la thèse du complot et ne souffle mot des accusations portées contre les forces de répression. "Suite aux conclusions tirées du débat général sur la situation du pays, (la commission) a orienté ses recherches sur la thèse du complot étranger", déclare son président, qui accuse en outre, sur la base de "preuves irréfutables" (sur lesquelles il ne donne aucune précision) "certaines personnes" d'avoir "remis de l’argent aux émeutiers, du moins aux meneurs, afin de les pousser à détruire certains édifices", et affirme que "des scénarios ont été mis en place dans certaines villes afin de permettre aux télévisions françaises d’alimenter leur JT". Le président de la commission parlementaire évoque en outre la "coïncidence frappante entre les émeutes et certains événements sur la scène internationale, tels l’affaire Aussaresses, la conférence de Bernard Kouchner en Tunisie sur le "droit d’ingérence" et le débat aux Nations unies sur le dossier du Sahara Occidental". Pour "Liberté", la commission s'est contentée d'aller "chercher les arguments pouvant conforter la thèse qui lui convenait d’emblée pour dédouaner les vrais commanditaires de toute implication". Ahmed Bayoudh ne s'en tient cependant pas à la seule thèse du complot, et considère notamment que «les jeunes de la Kabylie ont exprimé tout haut ce que leurs congénères des autres wilayas pensent tout bas (et) ont répondu par la violence physique à la violence morale, dont ils ont fait l’objet, notamment celui émanant de l’administration». «Je ne suis pas, précisera-t-il, en train de légitimer la violence. J’essaie tout simplement de trouver des explications à ce qui s’est passé».

(AFP, Reuters 2.7 / AFP, AP 4.7 / La Tribune, AP, ATS, AFP, El Watan, Le Matin, Le Quotidien d'Oran, Liberté 5.7) Des milliers de délégués des comités locaux ont été empêchés de participer à la marche du 5 juillet à Alger, organisée par la coordination inter-wilayas (Bouira, Boumerdès, Bordj Bou Arreridj, Bejaïa, Sétif, Tizi Ouzou et Alger) des comités, par un impressionnant déploiement policier et militaire autour d'Alger. Au moins 5000 délégués ont été ainsi contraints de rebrousser chemin sur la route d'Alger, ou d'improviser des manifestation dans des localités éloignées. Environ 2000 délégués des comités locaux, essentiellement ceux d'Alger, des Aurès (Batna, Khenchela), de Djelfa et de Boumerdès, mais également quelques délégués des aarchs de Kabylie, qui avaient gagné Alger les jours précédents, ont néanmoins pu manifester autour d'une grande banderole "Algérie unie et indivisible" sur la place du 1er Mai, point de départ de la marche empêchées par les autorités, alors que la grande majorité des délégués, et notamment ceux des aarchs de Kabylie, étaient bloqués hors d'Alger par le dispositif policier. Dès le 4 juillet, les forces de sécurité avaient littéralement "bouclé" Alger en érigeant sur tous les axes routiers y menant, et jusqu'aux portes de la Kabylie, des barrages, essentiellement composée de gendarmes fortement armés, avec herses, barrières, chiens policiers, voire auto-mitrailleuses, notamment sur les routes nationales venant de Tizi Ouzou et Bejaïa. Les véhicules venant de Kabylie vers Alger ont été systématiquement refoulés, ceux immatriculés en Kabylie étant systématiquement fouillés. Dès le 4 juillet, les cars en provenance de Kabylie n'arrivaient plus à la gare routière algéroise du Caroubier. Des délégués ainsi empêchés de rejoindre Alger ont improvisé une manifestation à Naciria, à la limite des wilayas de Boumerdès et de Tizi Ouzou. A Alger même, les unités anti-émeutes étaient déployées dans tous les quartiers périphériques, notamment ceux de l'est et du sud. A l'issue du rassemblement des délégués présents à Alger, sur la place du 1er Mai, un porte-parole de la coordination interwilaya a invité les délégués présents à rejoindre leurs camarades bloqués par la gendarmerie à Tadmaït, où ils manifestaient. Les policiers présents sur la place du 1er Mai avaient auparavant invité les délégués présents à désigner des représentants pour déposer leurs revendications auprès des autorités, mais les délégués ont refusé, du fait de l'empêchement de la manifestation et du blocage des autres délégations hors d'Alger.

Deux lycéens de Beni Douala et d'Amizour, les deux localités où avaient éclaré les premières émeutes en avril, avaient été désignés pour remettre à la présidence la plate-forme de revendication des comités locaux. Ils n'ont donc pas pu le faire.

Le Premier ministre Ali Benflis avait réaffirmé le 2 juillet l'interdiction de toute marche à Alger, en affirmant que "si une délégation mandatée par des citoyens veut être reçue, elle le sera à condition que cela ne revête pas une forme de manifestation de rue". Ali Benflis a précisé que l'interdiction des manifestations ne concernait qu'Alger. Le ministère de l'Intérieur a également rappelé dans un communiqué que les manifestations étaient interdites à Alger, au prétexte de "prévenir et éviter toutes dérives ou dérapages préjudiciables". Les représentants des comités locaux ont répondu à cette interdiction que "le peuple n'a pas besoin d'une autorisation pour marcher, encore moins pour rencontrer son président et lui faire part de ses malheurs", selon les termes d'un porte-parole de la coordination de Tizi Ouzou, Meziani. Zahir Benkhellat, délégué d'Akbou (w. Bejaïa), a pour sa part estimé que "si la marche est réprimée, cela voudra dire que le pouvoir n'est pas en faveur d'un retour au calme". Le comité d'organisation de la marche s'était quant à lui contenté de prendre avec "avec regret" du "mépris et (de) l'arrogance affichés par le Premier ministre".

La coordination des arrchs et villages a souligné que si la plate-forme des revendications qu'elle entendait présenter le 5 juillet à Alger ne trouvait pas "satisfaction", le pouvoir en assumerait "seul les conséquences". La coordination s'engage "à redoubler de fermeté dans (les) futures actions qui seront de plus grande envergure et sur tout le territoire national".

La marche des délégués avait reçu le soutien de l'association de jeunes RAJ (Rassemblement actions jeunesse), pour qui elle devait "constituer un espoir pour l'instauration d'un Etat de droit". RAJ dénonce l'interdiction de la marche par le "pouvoir en place", et affirme que "le peuple ne peut se résigner à un retour à la case départ même face à la surdité du pouvoir, à la répression et à ses manipulations", et se demande si c'est "en interdisant l'expression de l'élan démocratique que l'on pourra contenir une si profonde aspiration au changement, à l'égalité des droits, à la dignité et à la liberté ?". Le Mouvement culturel berbère (MCB) soutient également la marche et condamne son interdiction. "le MCB avertit les tenants des centres de décision quant aux provocations meurtrières que peut rencontrer la manifestation" et réitère son soutien aux aarchs et à leurs "revendications démocratiques et légitimes". La marche a également reçu le soutien de la "Coordination des démocrates algériens", et de la "Coordination nationale de défense des libertés démocratiques". Les comités locaux de Tlemcen, des Aurès et des wilayas de Batna, Djelfa, Oum El Bouaghi, Biskra, Oran et Khenchela ont apporté leur soutien à la manifestation (ce qui n'a pas empêché la plupart des agences de presse "occidentales" d'évoquer une "marche de la Kabylie"). Des représentants de plusieurs organisations sociales et économiques, ou de sections locales de ces organsations (comme le CNES, le SETE), ainsi que des organisations de femmes, devaient être présents au sein de la manifestation. Plusieurs comités citoyens d'Alger et de la région appelaient également à y participer.

Les 4 et 5 juillet, une opération "villes mortes" s'est déroulée dans toute la Kabylie à l'appel de la coordination des aarchs, où elle a pris la forme d'une grève générale. A Tizi Ouzou et Bejaïa, le 4 juillet, tous les commerces, administrations et services publics étaient fermés. Par contre, les liaisons téléphoniques entre Bejaïa et le reste du pays, coupées depuis près de trois semaines (le central téléphonique avait été saccagé le 16 juin), sont progressivement rétablies.

Parallèlement, les manifestations "citoyennes" se poursuivent un peu partout en Algérie. Dans la wilaya d'El Tarf, à Bem M'hidi, la route nationale a été coupée le 3 juillet entre El Kala et Annaba par des jeunes manifestants qui protestaient contre la "hogra", le manque d'emplois et de logements.

Dans la wilaya de Guelma, la route a été coupée par des habitants de Mohcha, près de Nouadria, en manifestation de protestation contre l'absence d'électricité et d'eau potable.

A Aïn Sekhouna (w. Saïda), des centaines d'habitants ont assiégé la mairie le 2 et le 3 juillet pour exiger le départ du maire (RND), accusé de mauvaise gestion, de corruption et de ségrégation tribale.

A Berrahal (w. Annaba), les citoyens ont manifesté à l'intérieur de la mairie le 3 juillet contre les risques de pollution induits par l'extension d'une tone industrielle.

A Strasbourg, le 4 juillet, plusieurs centaines de manifestants, essentiellement des immigrés Kabyles de la région parisienne et de Rousien, ont manifesté devant le parlement européen. Une délégation des manifestants a été reçue par plusieurs députés européens. La manifestation était organisée par l'association des taxis kabyles de Paris et la Fondation Lounes Matoub.

A Haïzer (w. Bouira), la coordination des comités de village appelait à une grève de la faim illimitée dès le 6 juillet, et à un sit-in le 9 juillet, pour exiger la libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus.

(Reuters 2.7 / APS 4.7 / La Tribune, Liberté 5.7) Le président Bouteflika a déclaré le 4 juillet, lors d'une cérémonie de promotions et de décorations militaires, que les problèmes à l'origine des revendications exprimées dans les manifestations qui se succèdent depuis avril en Kabylie et dans le reste de l'Algérie avaient tous "sans exception" des solution, sauf en ce qui concerne les revendications "contraires à la constitution et aux lois de la République". Abdelaziz Bouteflika a assuré que l'Etat allait agir "loin des troubles ou de l'ingèrence étrangère en vue de trouver des solutions à tous les problèmes dans le cadre du respect des constantes de la nation". Le président algérien a reconnu que le pays traversait "une épreuve difficile compliquée par le nombre important d'instances et d'institutions inefficaces, outre la destruction de ce qui a été réalisé", et a déclaré qu'elle avait besoin "d'un saut qualitatif auquel prendront part tous les enfants du pays". Le Premier ministre Ali Benflis avait déjà fin juin affirmé que le gouvernement, avec des revenus pétroliers records de 22 milliards de dollars en 2000, avait les moyens de répondre aux problèmes sociaux de la population et de satisfaire ses "revendications légitimes", mais n'a donné aucune précision sur la nature, et le calendrier, de cette réponse. Lors de son intervention du 4 juillet, le président Bouteflika a à nouveau évoqué les "manoeuvres" extérieures contre l'Algérie, les "complots flagrants ourdis (...) aussi bien de l'intérieur que de l'extérieur" et les "commanditaires" des revendications portées par les manifestants des derniers mois.

(AFP 6.7 / Quotidien d'Oran, Liberté 7.7 / AP, Horizons, Liberté, El Watan 8.7 / La Tribune, El Watan, Liberté, Le Matin 9.7 / CSSI) Les comités de village de Kabylie (et d'ailleurs) tentent de donner une impulsion politique à leur mouvement, après avoir pendant longtemps assuré qu'il n'avait pas de visées "politiques" et qu'il n'entendait pas prendre la place des partis existant. Cette volonté nouvelle suscite d'ailleurs de nombreuses interrogations, notamment sur la possibilité d'une "manipulation" des comités par des partisans du pouvoir en place, pour les mettre en concurrence avec les partis d'opposition et, d'abord avec le FFS, afin de l'affaiblir. En sens inverse, le quotidien "L'Expression", proche de Bouteflika, dénonce l'infiltration du mouvement par des "autonomistes (kabyles) qui souhaitent radicaliser les revendications" et par des éléments qui ont "fréquenté les écoles trotskistes françaises d'Arlette Laguiller ou d'Alain Krivine, ancien compagnon du socialiste Jospin qui vient de confesser son passé trotskiste" *

* (CSSI) c'est nouveau, ça vient de sortir : le "complot trotskiste" découvert par "l'Expression" vient s'ajouter (et se conjuguer) au "complot français" et au "complot de l'Internationale socialiste" : l'"intifada" kabyle est donc manipulée par des trotskistes locaux formés par des trotsklstes français ayant aussi formé le Premier ministre socialiste français (lequel ne vient d'ailleurs pas des courants trotskistes personnifiés par Arlette Laguiller ou Alain Krivine, mais d'un troisième courant, le courant "lambertiste"). Au joli puzzle ainsi confectionné manque encore la pièce du "complot islamiste", mais on trouvera bien le moyen de la joindre aux autres. Place donc au "complot franco-socialo-islamo-berbéro-trotskiste". Et tant pis pour la seule formation estampillée "trotskiste" en Algérie, le Parti des Travailleurs de Louisa Hanoune, dont l'"Expression" ne nous dit pas si elle fait aussi partie du "complot" -ce qui serait d'ailleurs fort surprenant, vues ses déclarations récentes contre les "ingérences" étrangères et les tentatives de "division" de l'Algérie...

Après trois jours de réunions à Azzefoun, du 6 au 8 juillet, les délégués des comités de village de la wilaya de Tizi-Ouzou devaient se prononcer sur un projet de charte définissant les différents moyens d'actions pacifiques à mettre en oeuvre pour la concrétisation de la plate-forme adoptée le 11 juin à El-Kseur. Finalement, ce projet (prudemment intitulé "canevas d'avant-projet de charte"...) a été retiré faute de consensus sur son contenu. Les comités ont tout de même convenu de n'avoir aucun contact avec le pouvoir et de consulter leur base avant tout dialogue avec lui. Les revendications fondamentales des comités sont donc toujours les mêmes : retrait des gendarmes de Kabylie, reconnaissance de tamazigh, fin de la "hogra". La coordination des comités a affirmé sa détermination à maintenir la mobilisation par l'organisation de sit in et de meetings, avant une prochaine rencontre à Aït Zikki. Selon "La Tribune" et "Liberté", notamment, trois tendances (outre celle qui tente de maintenir la totale autonomie des comités) se disputent le contrôle du mouvement : l'une composée de "certaines personnalités politiques, dissidents de partis politiques ou nouvelles têtes trop ambitieuses", l'autre qui tenterait de transformer franchement le mouvement en un nouveau parti politique, la troisième qui tenterait de l'instrumentaliser au profit du pouvoir (ou, selon "Liberté", au profit d'objectifs purement matériels)Ces trois tendances ne seraient unies en fait que sur l'ouverture d'un "dialogue avec le pouvoir", que la quatrième tendance, encore majoritaire, refuse. Plusieurs délégués sont d'ailleurs intervenus pour affirmer leur refus de toute récupération, et insister sur le fait qu'aucun comité local n'avait le droit de s'exprimer au nom de l'ensemble des comités. Des contacts auraient cependant été établis entre la présidence et les archs par l'entremise d'une conseillère de Bouteflika, Mme Yahyaoui, selon "Le Quotidien d'Oran", qui aurait servi d'intermédiaire entre des délégués de Tizi Ouzou et le président de la République. Le wali de Bajaïa aurait joué le même rôle. Le Premier ministre Benflis avait pour sa part déclaré le 3 juillet que "si une délégation de représentants mandatés par des citoyens souhaite faire connaître ses préoccupations aux pouvoirs publics, les portes lui seront grandes ouvertes". Le président Bouteflika avait cependant resserré le champ de possibles négociations en en excluant les revendications, fondamentales pour les archs, du départ des gendarmes et de l'officialisation de tamazight.

Le comité populaire de la wilaya de Bejaïa, composé de représentants des comités locaux, des syndicats et des associations culturelles berbères, qui s'est lui aussi réuni, le 7 juillet, s'est également révélé traversé d'une divergence entre partisans du "dialogue" avec le pouvoir, partisans de la poursuite des actions autonomes, et partisans d'une structuration politique du mouvement. Le comité, où la tendance qui défend l'autonomie s'est révélée majoritaire (comme à Tizi Ouzou) a adopté à Kherrata une déclaration annonçant de prochaines actions nationales, et avertissant le pouvoir que les comités souhaitent "son départ immédiat". "Nous tirons notre force de votre répression et notre détermination de notre plate-forme de revendications libératrice et émancipatrice du peuple algérien". La déclaration réitère l'exigence d'un départ de la gendarmerie, celle de la libération des personnes détenues, et exprime son soutien aux grévistes de la faim de Bouira. Le comité, qui appelle à développer des actions de "désobéissance civile", qualifie de "démocratie directe" le système mis en place par les comités locaux : comités de vigilance assurant la sécurité, problèmes concrets des citoyens "pris en charge par nos délégués de quartiers, de villages et les délégués syndicaux qui fonctionnent dans une assemblée nommée comité populaire". La comité annonce des meetings dans les grandes daïras de toute la wilaya, et des manifestations nocturnes, ainsi qu'un grand concert à Bejaïa durant l'été, et des caravanes de sensibilisation et d'information sur tout le territoire national. Le comité populaire de Bejaïa n'exclut pas une marche sur Alger.

Une manifestation était annoncée pour le 9 juillet à Haïzer (Bouira) pour soutenir les quatre grévistes de la faim qui exigent la libération d'une dizaine de manifestants détenus. La grève de la faim a commencé le 6 juillet. L'un des grévistes a été hospitalisé. Les détenus le sont depuis près de trois semaines, sans jugement. Les grévistes de la faim ont reçu le soutien du FFS et du RCD. Le Premier secrétaire du FFS, Ali Kerboua, a rendu visite aux quatre grévistes à qui il a exprimé le soutien de son parti. Ali Kerboua a dénoncé les détentions des manifestants, et affirmé qu'ils avaient été sévèrement maltraités. Pour sa part, le vice-président RCD de l'assemblée de wilaya, Salah Boukharbab, a annoncé que son parti gelait toute ses activités au sein de l'APW jusqu'à la libération des détenus. Le 9 juillet, la Cour de Bouira devra statuer sur la libération ou le maintien en détention des dix manifestants.

Deux meetings sont également prévus, le 9 juillet dans la wilaya de Bejaïa, à Akbou et Sidi Aïch, deux autres à Amizour et Kherrata le 11, et un meeting à Bejaïa le 12. Du 14 au 16 juillet, le comité populaire de Bejaïa annonce des journées de réflexion.

Le 5 juillet, à travers toute la wilaya de Bejaïa, des marches et des rassemblements ont été organisés en hommage aux victimes de la répression et en soutien à la marche algéroise des délégués des comités de village. Des milliers de personnes ont manifesté à Bejaïa, paralysée par une grève générale. Des centaines de femmes ont manifesté à Akbou. Manifestations également à El-Kseur, Amizour, Sidi-Aïch, Seddouk, Aokas, Tichy, Adekar, Souk El-Tenine, Kherrata.

Le 6 juillet, plusieurs centaines de personnes ont manifesté à Bouira en solidarité avec les quatre grévistes de la faim qui exigent la libération de tous les manifestants encore détenus.

Selon un communiqué du Rassemblement des femmes algériennes libres (RAFAL), l'une de ses fondatrices, Mouheb Flora, aurait été licenciée par son entreprise (Saïdal) pour avoir participé au rassemblement avorté des archs à Alger, le 5 juillet.

Le 7 juillet, les habitants de Sidi M'Barek (w. El-Tarf) ont bloqué la route d'Annaba à El Tarf pour exiger l'alimentation en eau potable, la construction de logements sociaux et la réfection des rues du village. Le même jour, à Tréat (w. Annaba), les habitants ont occupé le siège de la municipalité, en exigeant le départ du maire et de ses adjoints.

(AFP 9.7 / Le Quotidien d'Oran 11.7 / La Tribune, El Watan, Le Matin 12.7) Les comités de village de Kabylie sont toujours à la recherche d'une structuration de leur mouvement qui sauvegarde son indépendance politique. Dans une conférence organisée par les comités locaux de Bejaïa, première d'une série de rencontres dans toute la wilaya, un représentant de la coordination interwilaya, Larabi Mohand, a suggéré que le mouvement de protestation observe une "halte" après 70 jours de lutte, et fasse le point sur ses revendications et ses stratégies. Pour le conférencier, le mouvement a besoin d'une "direction politique" (ce que d'autres représentants du mouvement, qui s'est toujours gardé de désigner des porte-paroles, refusent). Le 12 juillet, les représentations des comités locaux de la wilaya de Tizi Ouzou devaient se rencontrer à Assi Youcef pour éventuellement rediscuter d'un projet de charte, après une discussion infructueuse à Azzefoun, et surtout pour définir les actions à venir. Les comités locaux ont à faire deux choix : d'une part, celui entre le dialogue et la négociation ou de la poursuite de la confrontation avec le pouvoir, celui de la structuration politique ou du maintien de l'autonomie politique du mouvement, d'autre part.

A Bouira les grévistes de la faim qui protestaient depuis le 6 juillet devant la wilaya pour obtenir la libération des manifestants encore détenus, ont décidé le 9 de mettre fin à leur grève, sur avis médical, et après l'évacuation de l'un des leurs à l'hôpital, et la libération de deux des dix détenus. Huit personnes restent donc détenues depuis trois semaines.

A Khenchela, le maire RND de Baghaï a été démis de ses fonctions par le wali (préfet), à la demande des habitants de la commune. A Texenna (w. Jijel), les habitants demandent également le départ du Maire et la dissolution de l'assemblée communale. Même revendication à Aïn Tassera (w. Bordj Bou Arreridj) et Treat (w. Annaba).

(Le Matin 12.7) Dans un entretien au "Matin", le président de la commission d'enquête sur les "évènements" de Kabylie, Mohand Issaâd déclare que "ces événements ne sont pas tombés du ciel, que ce (n'est) pas Dieu qui les envoyés sur la tête comme un châtiment, mais qu'il y a un lien entre eux, qu'il y a quelqu'un ou quelques uns derrière eux". Il y a des "causes immédiates, il y a peut-être ceux qui tirent les ficelles", ajoute Mohand Issaâd -sans les désigner, mais en évoquant les "événements déclenchants : l'assassinat de Guermah et l'incident d'Amizour. Ces deux faits n'ont pas été déclenchés par le marasme social. Ce n'est pas la population de Béni Douala qui a tiré sur Guermah (...) ce n'est pas la foule qui a commencé". "J'ai l'intime conviction qu'il y a des responsables qui ont déclenché ces événements. Par la suite, d'autres sont venus récupérer les dividendes. D'autres encore ont trouvé dans ce terreau fait de marasme (...) une aubaine pour semer la discorde". Mohand Issaâd se dit en outre "intrigué" par le fait que les "évènements" se sont pour l'essentiel "cantonnés" à la Kabylie alors que la crise frappe toute l'Algérie. Le rapport de la commission est presque terminé et devrait être prochainement rendu au président Bouteflika. Le président de la commission refuse d'en divulger quoi que ce soit avant, mais selon "Le Matin", il sera "explosif"...

(Reuters 13.7 / Tribune, Le Matin, Le Soir 15.7) La coordination des comités locaux de Tizi Ouzou (CADC) a annoncé le 13 juillet son intention d'organiser une "action d'envergure nationale" le 8 août à Alger, pour maintenir la pression sur le pouvoir algérien. La date du 8 août devrait être celle de l'ouverture du Festival international de la Jeunesse, festival dont certaines informations annonçaient pourtant que les autorités algériennes avaient renoncé à l'organiser du fait notamment de son boycott par plusieurs organisations de jeunes, algériennes (comme RAJ) ou étrangères, comme les organisations liées aux Jeunesses Socialistes. La manifestation qu'entendent organiser les comités locaux de Tizi à Alger pourrait être une marche ou un sit in, mais les rassemblements sont toujours interdits à Alger. Dans un communiqué, la coordination de Tizi Ouzou estime qu'une telle manifestation devrait "dissiper les craintes d'un essoufflement" du mouvement, "tant voulu par le pouvoir". La coordination envisage également de saisir des instances internationales (l'ONU, l'Union européenne, un Tribunal pénalé international) de la situation en Algérie, et soumettre cette proposition à la réunion prévue le 20 juillet de la coordination interwilaya des comités locaux. La coordination de Tizi a élaboré un nouvel "avant-projet de charte" exprimant les principes du mouvement, et entend le soumettre à la base. Le CADC continue a refuser tout dialogue avec le pouvoir tant que ses revendications n'auront pas été satisfaites. La "structuration" du mouvement devrais se faire sur les bases suivantes : élection des délégués en assemblées générales des villages et des quartiers; composition de la coordination communale, structure de base, par les délégués élus des villages et quartiers; autonomie d'organisation et d'action des coordinations communales; prise de décision des coordinations par consensus, ou, à défaut, à la majorité, après débat en plénière.

A Bejaia se sont tenues, à l'initiative du comité populaire de la wilaya (qui est la coordination des comités locaux) les 14 et 15 juillet des journées d'études et de réflexion sur les perspectives du mouvement populaire, confronté notamment à la nécessité de donner une formulation politique à ses revendications -sans forcément se structurer en force politique spécifique, le choix de l'autonomie semblant toujours majoritaire au sein des comités locaux. De nombreux représentants de ces comités ont considéré que la plate-forme de revendication d'El Kseur, adoptée le 11 juin, devait être revue, actualisée et "enrichie" de revendications qui n'y sont pas, ou qui en avaient été écartées initialement (comme les points proposés par les délégués de Bejaïa et refusés par ceux de Tizi Ouzou en juin, et qui portaient sur l'abrogation du code de la famille et des dispositions "liberticides" du code pénal).

A Bouira, la coordination des comités de citoyens maintient l'appel à une marche, le 19 juillet, pour la libération inconditionnelle de tous les détenus, après la mise en liberté provisoire des huits derniers manifestants détenus.

A Batna, ce sont les comités de citoyens des Aurès (wilayas de Batna, Khenchela, Oum el Bouaghi, Biskra) qui se sont réunis le 12 juillet pour faire le bilan de l'action et de la plate-forme initiale. Les délégués ont d'abord constaté que les revendications populaire n'avaient pas été satisfaites, et que dans ces conditions, le mouvement devait se poursuivre.

(Le Point 13.7 / Le Matin 16.7 / CSSI) Le Parti socialiste des travailleurs (PST)* a tenu une conférence de presse le 15 juillet à Alger, pour démentir l'hypothèse d'une "manipulation" du mouvement de révolte en Kabylie par des "trotskistes". Cette hypothèse est "le comble du méprit envers un mouvement populaire de cette envergure", a déclaré le porte-parole du PST, Chaki Salhi, qui a affirmé le soutien de son parti au mouvement, mouvement qu'il a situé dans le cadre général d'une protestation contre l'ordre du monde et "l'impérialisme américain ainsi que son relais européen, en l'occurrence l'Internationale Socialiste". Le porte-parole du PST en a profité pour rejeter toute forme d'ingérence extérieure en Algérie, comme l'appel lancé par le FFS, et soutenu par l'I.S., pour une commission d'enquête internationale en Algérie. C'est le quotidien "bouteflikiste" "L'Expression",qui avait découvert la main troskiste "lambertiste" derrière les émeutes de Kabylie, et affirmé que "les autorités algériennes détiennent des preuves que des membres de la direction du PS (français) entretiennent des relations suivies avec la cellule lambertiste algérienne à Paris, dont les rapports sur la situation en Kabylie atterrissent quotidiennement à Matignon, où est installé le Premier ministre, dont les attaches avec les milieux trotskistes sont connues, ainsi que celles de son actuelle épouse, professeur de philosophie".

(Liberté 17.7 / Tribune, Le Matin 19.7) Une grande marche était prévue le 19 juillet à Bouira, à l'appel de coordinations de comités locaux de plusieurs wilayas, soutenus par plusieurs associations et organisations nationales, et de partis politiques. La marche aurait été officiellement autorisée (les autorités n'ont en tous cas exprimé officiellement aucune opposition). Des dizaines de milliers de personnes sont attendues non seulement de la wilaya de Bouira, mais également de celles de Tizi Ouzou, Bejaïa, Boumerdès, Sétif et Alger, les comités d'autres wilayas (Bordj Bou Arreridj, Biskra, Batna) étant représentés par des délégations. Les revendications de la marche sont ceux de la plate-forme d'El Kseur, à laquelle s'ajoute la revendication de l'annulation de toutes les poursuites engagées contre les manifestations des derniers mois.

L'association nationale de jeunes RAJ a appelé le 18 juillet à participer à la marche de Bouira et exprimé son soutien à "toute action pacifique destinée à faire aboutir les revendications sociales et démocratiques du peuple algérien".

A Tazmalt, des manifestants ont procédé le 18 juillet à la "fermeture" symbolique de la Mairie. Ils exigent la démission de la municipalité.

Par ailleurs, "Liberté" signale qu'un directeur de l'éducation de la wilaya de Bejaïa aurait été limogé pour avoir accepté de mettre des locaux d'un lycée à disposition à la coordination de wilaya des comités locaux - le syndicat SETE affirmant pour sa part que les locaux ont en fait été mis à la disposition du syndicat.

(Le Quotidien d'Oran, Le Soir, Liberté 18.7) Après trois journée de réflexions et d'études, qui se sont terminées le 17 juillet, le Comité populaire de wilaya de Bejaïa (coordination des comités locaux) a fait le constat des divergences qui le traversent. Une majorité des délégués s'en sont notamment pris aux syndicalistes du CNES et du SETE (enseignement) à qui ils reprochent de "s'autoproclamer l'élite et l'âme du mouvement au détriment et au mépris de la représentativité des délégués communaux". Les délégués "majoritaires" considèrent que la participation directe des syndicats au Comité populaire "peut mettre en minorité les délégués communaux et devenir un mouvement de corporation contraire à l'essence de la dynamique citoyenne". L'autre tendance estime au contraire que le mouvement "doit s'ouvrir à toutes les forces sociales de la société qui s'inscrivent dans cette dynamique populaire". La majorité dénonce en outre une "tentative tendancieuse pour structurer politiquement le mouvement" et appelle les citoyens de Bejaïa a demeurer vigilants afin de déjouer les tentatives de division et de récupération. Un autre clivage se fait sur la modification (par l'ajout de revendications "politiques", comme l'abrogation du code de la famille) ou non de la charte fondamentale du mouvement, la plate-forme d'El Kseur. A l'issue des journées de réflexion, deux synthèses contradictoires sur l'organisation, le fonctionnement et les perspectives du mouvement ont été proposées : l'une par la tendance apparemment minoritaire, qui propose l'enrichissement et l'actualisation de la plate-forme de revendications, l'autre qui entend faire conserver à celui son autonomie originelle, et s'en tenir aux revendications initiales. La tendance majoritaire (celle des délégués des communes) a quitté les journées d'étude de Bejaïa, pour tenie une réunion de travail à Amizour. Selon un délégué, cité par "Liberté", il est "hors de question que notre mouvement soit gauchisé à l'extrême comme veulent le faire certains. C'est valable pour l'autre mouvance extrémiste aussi" (les islamistes).

(Reuters 19.7 / Le Soir 22.7 / Tribune 23.7) Le mouvement populaire de contestation qui secoue l'Algérie depuis trois mois est à la recherche d'une structuration qui préserve son autonomie politique et lui permette de poursuivre la lutte, sans céder ni aux "provocations" ni aux tentatives de "récupération" du pouvoir. Une nouvelle action "d'envergure nationale" est annoncée pour le 8 août à Alger, malgré l'interdiction dans la capitale de toutes les manifestations. La coordination inter-wilayas des comités locaux a décidé d'une telle action, au terme d'une réunion tenue à Beni Ouartilane (w. Sétif), et a créé une "commission inter-wilayas" pour lancer une "campagne de sensibilisation" contre le Festival de la Jeunesse qui doit s'ouvrir le 8 août à Alger. Le mouvement populaire semble cependant se diviser progressivement. A Bejaïa, les délégués de 58 comités de quartier ont quitté la réunion "interwilayas" et ont tenu le lendemain, 21 juillet, une réunion du Comité Populaire de la commune, en réaffirmant dans une déclaration leur adhésion au comité populaire de la wilaya comme seul cadre représentatif du mouvement, niant ainsi la représentativité de la coordination et de la commission interwilayas, qu'ils qualifient de "tentative de diversion et de division" du mouvement. Le comité de Bejaïa organise pour le 25 juillet une marche et un meeting, avec comme revendications, outre celle du mouvement depuis sa naissance (la plate-forme d'El-Kseur) le départ du wali et la réhabilitation du directeur de l'éducation, sanctionné pour avoir accordé une salle du lycée à une réunion du comité populaire (ou d'un syndicat). Ces manifestations sont prévues au lendemain de la marche, du meeting et de la grève auxquels appellent l'autre tendance du mouvement populaire. Le 27 juillet, une marche silencieuse est annoncée en hommage à une victime de la marche algéroise du 14 juin. .

(AFP, Reuters 19.7 / La Tribune 23.7) Plusieurs milliers de personnes (4000 à 5000 selon la police, 10'000 à 15'000 selon l'agence officielle APS) ont manifesté le 19 juillet à Bouira, aux cris de "Pouvoir assassin" mais sans incidents, pour exiger des réformes politiques et sociales, la reconnaissance de tamazight et l'abandon de toute poursuite contre les manifestants des semaines précédentes. Bouira ressemblait toute la journée à une ville morte, les commerçants ayant tiré leurs rideaux métalliques par crainte de débordements.La coordination des comités de citoyens de la wilaya, qui s'est réunie le 22 juillet, appelle au boycott du 15ème Festival de la Jeunesse, dont l'ouverture est prévue le 8 aoûr à Alger.

(Tribune, Le Matin 23.7) Les manifestations populaires ont repris dans les Aurès, à Tkout, près de Batna, sous l'égide des comités de citoyens de la région. Les manifestants de Tkout revendiquent notamment la reconnaissance officielle de tamazight (et en particulier des prénoms berbères par l'état civil, de la transcription en caractères tamazight des panneaux routiers et des enseignes publiques), mais également une gestion transparente des collectivités locales. Le 21 juillet, un sit-in et une manifestation pacifique se sont déroulés à Tkout, où plusieurs centaines de manifestants ont procédé à la fermeture symbolique des institutions publiques (municipalité, sous-préfecture, recettes, poste etc...). A Alger, plusieurs manifestations ont également eu lieu, liées à la revendication du droit au logement. 47 familles hébergées dans un centre de transit à Bab Ezzouar ont protesté contre le fait qu'on leur ait attribué des logements inhabitables après avoir détruit les baraques qui les abritaient. A Zeralda, environ 200 personnes ont contesté l'attribution de logements à d'anciens hébergés d'un autre centre de transit, alors que des demandes "normales" sont en attente depuis plus de dix ans. A Si Mahdjoub (w. Médéa), des manifestants ont dénoncé les modalités d'octroi des "microcrédits" et ont procédé à une fermeture symbolique des locaux de la municipalité. A Tazmalt, les manifestants ont protesté par un sit in contre le retour du Maire, pourtant présumé démis de ses fonctions, et pour exiger le départ de l'exécutif communal et la mise sur pieds d'une commission d'enquête sur la gestion municipale "opaque et mafieuse".


Le rapport de la commission Issaâd
(AP, Le Monde, Quotidien d'Oran, El Watan, Liberté 29.7 / La Tribune, El Moudjahid, El Watan, Liberté, Le Matin 30.7) Le rapport de la commission d'enquête sur les "évènements" de Kabylie, présidée par Mohand Issaâd, remis le 25 juillet au président Bouteflika et rendu public le 28 juillet, accable la gendarmerie et la rend responsable de la provocation des émeutes, en notant que la police n'est quant à elle pas mise en cause par la population.

Selon le rapport de la commission d'enquête sur les "évènements" de Kabylie, présidée par Mohand Issaâd, le bilan humain de ces événements est le suivant :

1) - Dans un état nominatif des citoyens décédés, dressé par le
ministère de l’Intérieur pour la période du 22.04.2001 au
28.04.2001, il ressort les chiffres suivants : 13 décès pour la
wilaya de Béjaïa, 26 pour la wilaya de Tizi-Ouzou, 1 pour la wilaya
de Sétif et 1 pour Bouira.

Dans un autre état global, arrêté au 12 mai 2001, le ministère de
l’Intérieur donne les chiffres suivants :
- wilaya de Tizi-Ouzou : 30 décès, 147 blessés par balles, 77
autres blessés
- wilaya de Béjaïa : 13 décès, 29 blessés par balles, 220 autres
blessés
- wilaya de Sétif : 01 décès, 3 blessés par balles, 3 autres
blessés
- wilaya de Boumerdès : 05 blessés par balles, 01 autre blessé
- wilaya de Bouira : 01 décès, 06 blessés par balle.
Total : 45 décès, 190 blessés par balles, 301 autres blessés.

Pour les fonctionnaires de police, le même état donne 56 autres
blessés à Tizi-Ouzou, 224 à Béjaïa, un à Boumerdès et 6 à
Bouira.

Pour la gendarmerie nationale :
- wilaya de Tizi-Ouzou : 78 autres blessés
- wilaya de Béjaïa : 81 autres blessés
- Wilaya de Sétif : 13 autres blessés
- Wilaya de Bouira : 08 autres blessés.
Aucun gendarme n’a été touché par balle ou autre munition.

Soit un total de :
- 45 décès et 491 blessés parmi la population.
- 287 blessés dans les rangs de la police et 180 blessés dans les
rangs de la gendarmerie.
    Si l’on reprend l’état nominatif des citoyens décédés au 12 mai
    2001, on constate :
    - Que le décès du jeune Guermah Massinissa le 20 avril 2001, non
    mentionné, porte le nombre des victimes dans la wilaya de
    Tizi-Ouzou à 31.
    - Qu’à Tizi-Ouzou, le plus grand nombre de victimes est enregistré
    seulement sur deux jours, les 27 avril (8) et 28 avril (17), et à
    Béjaïa sur trois jours, soit les 25 avril (3), 26 avril (6) et 28 avril
    (4).
    - Que ces décès ont eu lieu dans plusieurs localités différentes :
    - wilaya de Tizi-Ouzou : 14 localités
    - wilaya de Béjaïa : 8 localités
    - wilaya de Sétif : 1 localité
    - wilaya de Bouira : 1 localité
    Soit 24 localités différentes, réparties sur 4 wilayas de Kabylie, et
    plus précisément 22 localités réparties sur les deux wilayas de
    Tizi-Ouzou et Béjaïa.

    - D’après un autre état nominatif du même ministère de l’Intérieur,
    arrêté au 11 juin 2001, le dernier chiffre passait à 27 localités
    touchées (16 à Tizi-Ouzou et 11 à Béjaïa). Le nombre des décès
    passait à 34 à Tizi-Ouzou, 17 à Béjaïa, tandis qu’on enregistrait un
    2e décès à Bouira et un décès à Alger.
    Mais il résulte de cet état, arrêté au 11 juin 2001, que le dernier
    décès est survenu le 29 mai à Tizi-Ouzou, le 27 mai à Béjaïa, le 26
    mai à Bouira, tandis que le jeune Haniche Hamid, blessé le 31 mai
    lors des manifestations d’Alger, succombait à ses blessures le 6
    juin 2001.

    Au 11 juin 2001, le nombre de décès s’élevait à 55 parmi la
    population et un parmi les gendarmes, mort accidentellement par
    électrocution.

    En revanche, et du 11 mai au 11 juin 2001, le nombre de blessés
    par balles passait pour les cinq wilayas (Tizi-Ouzou, Sétif,
    Boumerdès et Bouira) de 190 à 305. Le nombre des autres
    blessés, qui était de 301 au 12 mai, n’est pas indiqué dans l’état
    établi au 11 juin.
    - Pour les services de sécurité, le nombre de blessés, dont aucun
    par balle, passait de 467 (287 pour la police et 180 pour la
    gendarmerie) à 1579.

Le rapport estime que "la réaction violente des populations a été provoquée par l'action non moins violente de la gendarmerie, laquelle, pendant plus de deux mois, a nourri et entretenu les émeutes : tirs à balles réelles, saccages, pillages, provocations de toutes sortes, propos obscènes et passages à tabac". Ce ne sont donc pas les manifestants, pas même les émeutiers, qui ont été les agresseurs, mais les gendarmes : "Au commencement, ce ne sont pas les foules qui ont été l'agresseur. Elles ne sont pas à l'origine des deux événements déclenchants (la mort du lycéen Guermah et les incidents à Amizour". A propos de la mort de Massinissa Guermah, la commission relève les incohérences et les contradictions des témoignages des gendarmes, à commencer par ceux du gendarme qui a tué le jeune homme. Quant à la répression des manitestations, la commission relève que "si quelqu'un a forcément donné l'ordre de tirer à balles réelles, en revanche personne n'a donné l'ordre de cesser le feu". En outre, le rapport signale que les gendarmes sont intervenus sans réquisitions des autorités civiles, alors que la loi l'exige. Les ordres de ne pas utiliser les armes à feu avec munitions de guerre et de ne pas tirer avant que l'officier directeur des opérations ne l'ait lui-même fait, ordres donnés par le commandement de la gendarmerie, "n'ont pas été exécutés, ce qui donne à penser que le commandement de la gendarmerie a perdu le contrôle de ses troupes, ou que le gendarmerie a été parasitée par des forces externes à son propre corps, avec forcément des complicités internes qui donnent des ordres contraires, et assez puissantes pour mettre en mouvement la gendarmerie avec une telle rudesse pendant plus de deux mois et sur une étendue aussi vaste". La commission d'enquête dénonce le recours abusif à des armes et des munitions de guerre et constate que les victimes n'ont généralement pas été expertisées, mais établit que "la plupart des morts ont été touchés dans des parties vitales, les plus fragiles, situées dans la partie haute du corps humain", ce qui paraît "difficilement imputable au hasard de la dispersion des projectiles".

Le rapport réfute les innombrables invocations officielles ou officieuses (à commencer par celles du président Bouteflika lui-même, et à continuer par celles du wali de Bejaïa, attribuant les troubles aux éléments "trotskistes du PST, notamment ceux activant au sein de l'éducation") de l'implication d'une "main étrangère" ou de forces politiques algériennes dans les émeutes de Kabylie : "Si une main quelconque peut, aussi rapidement et aussi facilement, soulever une région du pays, loin des côtes, des ports et des aéroports, cela signifierait que l'Algérie est dangereusement vulnérable et que la République n'est pas capable de prévoir, déceler et contenir". Or "aucune force du paysage politique algérien n'est capable de soulever une région, sur une telle étendue et en si peu de temps, ni étendre les troubles à plusieurs localités de l'est du pays et y mettre fin en quelques jours". La commission évoque, sans trop y insister, l'hypothèse d'une "lutte de clans au sein du pouvoir où chacun essaye de pousser l'autre à l'erreur". Le rapport note cependant que les habitants du village de Beni Douala, d'où tout est parti, "sont de tendance FFS" et qu'ils ont "de tout temps manifesté une hostilité envers le pouvoir et les services de sécurité, et particulièrement la gendarmerie nationale" ("El Watan" s'interroge sur "la nécessité qu'il y a à apporter cette précision concernant la prétendue couleur politique des habitants de ce village...". C'est la gendarmerie elle-même qui impute d'ailleurs la responsabilité des émeutes à Beni Douala, après la mort de Massinissa, au FFS.

Quant aux causes de la révolte, "la mort de Guermah et l'incident d'Amizour ne sont que les causes immédiates", les "causes profondes (résidant) ailleurs : sociales, économiques, politiques, identitaires et abus de toutes sortes". Les responsabilités des événements sont donc "situées en amont", les "meneurs, les récupérateurs et les télévisions étrangères" accusés par les autorités n'étant intervenus "qu'en avail", après que les événements aient été déclenchés. La commission estime par ailleurs que les événements étaient prévisible, voire prévus : "les autorités étaient mises au courant et prévenues" de la "gravité de la situation et de l'hostilité contre les genmdarmes", et avaient bénéficié de nombreuses mises en garde de services de sécurité, municipalités, citoyens.

La commission dénonce enfin des "réticences et des refus déguisés dans ses demandes de renseignements, documents, balles extraites et radiographies". Des témoins n'ont pas voulu témoigner.

Finalement, la commission présidée par Mohand Issaâd a rendu un rapport beaucoup moins anodin que ne le craignait l'opposition, et l'opinion publique en Kabylie, instruites par le sort des précédents rapports de commissions d'enquête, jamais rendus publics ou enterrés. Le quotidien gouvernemental "El Moudjahid" s'en félicite : "la commission a réalisé un travail honnête et crédible qui a tenu compte de tous les éléments, en rétablissant les faits et en n'écartant pas les interrogations" (le même quotidien s'était précédemment signalé à plusieurs reprises en évoquant la thèse du "complot", écartée par la commission Issaâd). D'autres réactions sont plus réservées, si elles saluent également le courage du rapport : "La Tribune" considère qu'"en dépit de certaines de ses courageuses conclusions", la commission Issaâd "n'est pas arrivée à effacer totalement la revendication d'une commission d'enquête internationale et risque même de la relancer durablement si aucune suite n'est donnée aux premières conclusions de l'enquête". Le quotidien considère néanmoins que la publication du rapport de la commission "a finalement donné raison au mouvement de protestation populaire qui, dès le début de la répression, a dénoncé le comportement des gendarmes". "El Watan" regrette que la commission ne réponde pas clairement à la question : "qui a donné l'ordre aux gendarmes de tirer sur des jeunes civils désarmés ?", ne publie pas la liste nominative des victimes et celle des gendarmes qui ont tiré et tué, et n'ait pas relevé les effets des déclarations ou des actes politiques des autorités (du président de la République au ministre de l'Intérieur) dans le déroulement des événements. Pour "El Watan", rendre la gendarmerie seule responsable de ceux-ci "ressemble, à s'y méprendre, à une variante de l'acte isolé" servi comme explication à l'assassinat du président Boudiaf. "La lecture des conclusions de l'enquête laisse le citoyen sur sa faim", estime le quotidien, pour qui le rapport entraîne son lecteur "dans un dédale de questionnements et de pistes laissées ouvertes et visiblement sans issue", même si le rapport dévoile au moins une partie de la vérité.

Du côté des partis politiques, on note deux types de réactions : fortes réticences du FFS, mais aussi (pour des raisons opposées) du FLN et du MSP, accueil plus favorable du RCD (qui reste néanmoins critique), du RND et du PT).

Le Premier secrétaire du FFS, Ali Kerboua, estime que globalement, le rapport n'amène "rien de nouveau" et ne fait que confirmer "ce que nous connaissons déjà". Pour Ali Kerboua, le rapport "demeure ambigu sur les questions fondamentales, représentées par les aspects politiques de la tragédie", à propos desquels le rapport est constitué d'"une série de questionnements alors qu'une commission d'enquête ne pose pas de questions mais doit apporter des réponses". Le FFS reproche au rapport Issaâd d'"occulter" ou de "sous-entendre" la question des "commanditaires. Pour Ali Kerboua, le rapport "pose beaucoup trop de questions en n'apportant aucune réponse, d'où la nécessité d'une commission d'enquête internationale"

Le MSP reproche pour sa part au rapport sa "complaisance au profit de certaines parties" (l'opposition et les manifestants) et peu clair sur les "arrières-pensées" de la crise.

Le RCD qualifie, par la voix de Tarik Mira, le rapport de "réaliste" et relève qu'il "confirme avec éclat ce que tout le monde a constaté de visu sur le terrain", à savoir la "grave et entière responsabilité" de la gendarmerie. Le président du parti, Saïd Sadi, est plus réservé : pour lui, "le rapport Issaâd ne comporte ni moins ni plus que des généralités. Tout dépend de l'exécutions et des suites à lui donner".

Pour le PT également, les conclusions de l'enquête de la commission Issaâd confirment les témoignages des citoyens sur le terrain. Le PT relève en outre que le rapport contient des révélations "graves concernant l'instrumentalisation de la gendarmerie nationale à des fins obscures".

Le RND se félicite de la publication du rapport et y voit un signe de "la capacité de notre pays à trouver des solutions à ses problèmes en toute transparence".

Au sein du mouvement citoyen en Kabylie, qui avait appelé à boycotter les travaux de la commission, le rapport est accueilli avec un évident scepticisme, même si son honnêteté est assez généralement saluée : les conclusions de la commission "ne disent rien de ce que nous ne savions pas", considère le représentant de Bouzaguène, Amrouche Mohand Saïd, pour qui supposer que la gendarmerie ait été infiltrée consiste à la "disculper", si on ne dit pas par qui, et si la gendarmerie elle-même ne le dénonce pas. Et d'ajouter que s'attaquer seulement aux gendarmes "qui ont tiré comme s'ils n'avaient pas agi sur ordre" revient à "effleurer la réalité sans la dire". Le délégué de Larbaâ Nath Irathen, Mammeri Boukhalfa, renvoie les deux rapports (de la commission Issaâd et de la commission parlementaire) dos à dos : ils sont également "nuls et non avenus et carrément irrecevables. On se désintéresse du résultat". Pour Boucetta Rabah, délégué de Boumerdès, la commission Issaâd "a fait seulement des constats, sans plus". Kaci Yahiaoui, de Bouira, ironise : "la commission a informé l'opinion que ce sont les gendarmes qui ont tué en Kabylie (comme) la commission d'enquête sur l'assassinat de Boudial avait révélé que la victime était bel et bien Boudiaf". Les militants du mouvement local kabyle reconnaissent cependant que pour la première fois, le rapport d'une commission d'enquête nommée par les autorités (en l'occurrence, le président de la République), n'a pas été enterré. Des parents de victimes de la répression ont qualifié le rapport de "confus" ou "bâclé", et insuffisant quant à l'identification des "commanditaires" de la répression. "Nous voulons savoir qui a donné l'ordre de tirer", a déclaré à "Liberté" le père de Massinissa Guermah.

Quant au président de la commission d'enquête, Mohand Issaâd, il assure qu'il n''y a pas de "non-dits dans son rapport", sauf pour "ceux qui ne savent pas lire ou qui ne veulent pas comprendre ce qui est pourtant clairement expliqué". Mohand Issaâd reconnaît que le rapport "n'est sans doute pas parfait", mais affirme qu'il a "le mérite d'exister, d'avoir secoué beaucoup de choses et de personnes, d'avoir secoué le confort intellectuel dans lequel se complaisent beaucoup de ceux qui ne se sont jamais engagés d'aucune manière que ce soit quand il y a eu danger, (et) d'avoir été rendu public, ce qui est nouveau dans l'histoire de l'Algérie". "Liberté" le reconnaît : c'est la "première fois dans l'histoire de notre pays qu'une commission ait pu en dire autant sur un événement politique".

Les observateurs s'interrogent désormais sur la suite qu'aura le rapport Issaâd (le texte publié n'étant que celui d'un rapport préliminaire, et donc non définitif : la commission "reprendra ses investigations dès le 25 août prochain", a annoncé M. Issaâd, sans préjuger des pistes que la commission va suivre). C'est le président de la République qui avait décidé de la création de la commission et c'est désormais à lui, rappelle "La Tribune", qu'il incombe de décider de la suite à donner à son rapport. Un premier acquis pourrait être celui de la fin d'une certaine impunité des forces de sécurité. "La Tribune" suggère également que le rapport Issaâd pourrait manifester un début de contrôle du militaire par le politique, ce qui supposerait cependant que l'armée l'accepte. Pour "El Watan", au-delà des "sanctions minimales et qui pourraient relever en temps ordinaire de mesures disciplinaires internes, c'est à la gestion et au contrôle (de la gendarmerie) que le président se trouve confronté". Pour "Liberté", la présidence de la République "initiatrice de cette enquête doit prendre ses responsabilités car un rapport qui n'est pas suivi de décisions doncrètes n'en est pas un", mais une "diversion".

(Liberté 22.7 / Liberté 24.7 / Quotidien d'Oran, Liberté, Le Soir, Le Matin 25.7 / La Tribune, Liberté, Le Matin 26.7) Le mouvement de protestation né il y a trois mois en Kabylie "se distingue des précédents mouvements de contestation qu'a connus l'Algérie par la richesse de sa littérature politique", constate le quotidien "La Tribune", pour qui "c'est la première fois qu'un mouvement de rue, marqué par des émeutes (...), élabore un discours et donne un sens à la révolte des jeunes", en lui donnant une "dimension nationale". Il n'en reste pas moins que ce mouvement, précisément du fait de son pluralisme, est actuellement traversé de divergences politiques et stratégiques, qui ont conduit les coordinations locales et régionales des comités de base à multiplier ces derniers temps les réunions de réflexion, comme celle organisée du 14 au 17 juillet par le comité populaire de la wilaya de Bejaïa, ou celle organisée par la coordination des citoyens de la wilaya de Bouira. Les comités de la wilaya de Tizi Ouzou ont quant à eux adopté une "charte d'éthique". Le comité populaire de Bejaïa proclamait, dans un avant-projet de rapport de synthèse (refusé par la coordination intercommunale de Bejaïa, pour qui les comités locaux doivent rester souverains et la plate-forme d'El Kseur la "référence unique" du mouvement) le caractère "rassembleur, unificateur et autonome du pouvoir et de toute tutelle partisane" du mouvement. Dans un texte rendant compte des discussions précédentes, le Comité populaire estime qu'il est "urgent et vital" de doter le mouvement "d'une direction collégiale, compétente, comptable et révocable devant l'assemblée générale". Le 25 juillet le comité populaire organisait un meeting et une marche destinés à affirmer que le mouvement n'est pas divisé et que la coordination intercommunale est un produit des manipulations du pouvoir, mais lors desquels les divisions du mouvement ont été mises en évidence, par un appel à la population "à redoubler de vigilance et à débattre le rapport de synthèse", mais également par la menace 'une sorte de "tribunal populaire pour démasquer les diviseurs". Le meeting et la marche ont cependant été loin de rassembler les milliers de personnes que les grandes manifestations de Bejaïa avaient rassemblé en avril, mai et juin ("La Tribune" évalue la participation au meeting et à la marche du Comité populaire à "plusieurs centaines de personnes", "Liberté" à "environ 200 personnes" et "Le Matin" à "un millier de personnes", alors que les grandes manifestations unitaires en rassemblaient plusieurs dizaines de milliers). La coordination intercommunale, qui refuse notamment d'admettre la participation directe de syndicats aux instances de coordination du mouvement populaire, a elle aussi appelé la population à une marche et un meeting de protestation, accompagnés d'une grève générale, au lendemain de ceux organisés par le comité populaire. Elle dénonce "le travail fractionnel entrepris par certains individus à des fins politiciennes" et appelle, elle aussi, la population à la "vigilance" pour la sauvegarde de l'unité du mouvement. A El Kseur, le comité de la société civile a organisé un meeting populaire auquel "des milliers de personnes" selon "Le Matin" ont participé. Le porte-parole du comité, Ali Gherbi, a expliqué que les délégués communaux s'étaient retiré des journées de réflexion des 14-17 juillet parce que l'hégémonie de certains syndicats (SETE, CNES) "détournait le mouvement de la voie tracée par le sans des martyrs". La coordination inter-wilayas doit quant à elle se réunir fin juillet pour préparer l'action nationale prévue le 8 juillet à Alger, à l'occasion de l'ouverture du Festival mondial de la Jeunesse. Avant cela, la coordination de wilaya de Tizi Ouzou se réunit le 26 juillet.

Même en passe de se diviser, ou menacé de l'être, le mouvement inquiète cependant toujours non seulement le pouvoir, mais également les forces dites "islamo-conservatrices", totalement dépassées par son ampleur, la nature de ses revendications et sa radicalité. Dans la wilaya de Saïda, rapporte "Liberté", les imams de six mosquées ont diffusé un prêche virulent à l'encontre des manifestants de Kabylie, "ces berbères (qui) veulent porter atteinte à la langue du Coran". Or le prêche en question avait été auparavant "visé" par les services de la direction des Affaires religieuses, c'est-à-dire par les autorités politiques. Des fidèles choqués par ce prêche ont manifesté devant la mosquée El Atik et adressé une motion-pétition au ministre des Affaires religieuses.

(Courrier 25.7) Une centaine de personnes, membre d'associations berbères de Suisse et de France, mais aussi d'Algérie, du Maroc et du Niger, ont manifesté le 24 juillet à Genève devant le Palais des Nations pour témoigner de leur solidarité avec la population de Kabylie et appeler l'ONU à réagir à la répression des manifestations en Kabylie et à la négation des droits des Berbères. Le porte-parole du Congrès Mondial Amazigh, Nounes Belkacem, a dénoncé "les agissements criminels du pouvoir algérien". Les associations berbères ont remis à l'ONU une lettre lui demandant de "réaffirmer l'obligation du respect par l'Etat algérien des droits linguistiques et culturels des Amazighs" et d'engager une "action concrète de solidarité avec les victimes de la répression". Nounes Belkacem a relevé le silence de l'ONU, comparé à la prise de position de l'Union Européenne. Le porte-parole de l'Association culturelle berbère de Genève, M. Meziani, a dénoncé l'attitude des media officiels algériens, en particulier de la télévision, qui lors de la marche du 14 juin à Alger "a attisé la haine entre citoyens arabophones et berbérophones en présentant les marcheurs kabyles comme autant de casseurs venus détruite la capitale". Pour M. Meziani, les revendications des manifestants de Kabylie ne portent pas sur des problèmes régionaux, mais sur un problème national, posté par le "régime politique" de l'Algérie. Des représentants berbères marocains ont également dénoncé la répression subie par le mouvement berbère au Maroc.

(Liberté, Le Matin 26.7) Le président de la commission d'enquête sur les "évènements de Kabylie", Mohand Issaad, a remis le 25 juillet au président Bouteflika le rapport de sa commission. Selon une source "proche de la commission", évoquée par "Liberté", ce rapport ne serait "ni complaisant, ni apovalyptique". Il y serait noté que la plupart des morts enregistrés lors des émeutes l'ont été par balles touchant "les parties vitales les plus fragiles se situant dans la partie supérieure du corps", ce qui parait "difficilement imputable au hasard" et à des balles perdues; le rapport noterait aussi que les blessés par balles l'ont été "par des munitions de guerre". Dans "Le Matin", l'ancien sénateur Mokrane Aï Larbi note que trois mois après le début des émeutes et la création de la commission d'enquête, "aucun gendarme, hormis celui qui a tué le jeune Massinissa Guermah à Beni Douala, n'a été convoqué par un juge d'instruction", qu'aucun des blessés de la répression ayant déposé plainte n'a été convoqué par la justice, qu'"aucun des officiers de la Sûreté nationale, exerçant dans les wilayas de Tizi Ouzou et de Boumerdès (...) n'a été entendu".

(Quotidien d'Oran, Le Monde, El Watan 28.7 / Le Soir, Le Matin 29.7 / La Tribune, Le Matin 30.7) Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans le calme le 26 juillet à Bejaïa, à l'appel de la coordination inter-communale des comités locaux, qui l'a ainsi clairement emporté dans son "face-à-face" avec le "comité populaire" duquel elle s'était distancée, et qui n'avait rassemblé que quelques centaines de personnes la veille, également à Bejaïa, lors de sa propre manifestation. La manifestation de la coordination inter-communale exigeait notamment la réintégration des salariés licenciés pour avoir apporté leur soutien au mouvement de protestation, la levée des poursuites judiciaires à l'encontre de tous les manifestants et la réparation de tous les préjudices causés.

Le 29 juillet devait se tenir à Boghni une réuinion de la coordination interwilayas, réunion qui a été reportée en raison de la présence de deux délégations de Bejaïa, celle du Comité populaire, qui affirme que la population de Bejaïa n'a tranché "en faveur de personne" et que les deux délégations sont légitimes, et celle de la coordination intercommunale, forte de la participation massive de la population à la manifestation du 26, et qui affirme être "le cadre naturel du mouvement". La réunion de Boghni avait notamment à son ordre du jour la préparation de la manifestation nationale prévue le 8 août à Alger, à l'ouverture officielle du Festival mondial de la jeunesse. La coordination intercommunale accuse notamment le comité populaire de vouloir se transformer en parti politique "d'extrême-gauche" sous le nom de "Mouvement pour la résistance populaire", avec l'appui de syndicalistes du SETE et du CNES, et affirme disposer déjà du soutien d'au moins 35 coordinations communales sur les 52 de la wilayas, les autres devant suivre "très rapidement". La coordination intercommunale exige en particulier que tout membre de la direction du Comité populaire soit au préalable élu par sa base locale, ce qui excluait de fait les syndicalistes que le Comité populaire voulait voir représentés en tant que tels. La coordination refuse en outre l'"élargissement" de la charte d'El Kseur à des revendications explicitement politiques (abrogation ou retrait du nouveau code pénal et du code de la famille, ouverture des "champs politique et médiatique" etc...)

Les comités locaux de la wilaya de Bouira se sont quant à eux réunis le 27 juillet à Ath-Laâziz afin eux aussi de préparer les actions menées dès le 8 août, en Algérie même, mais également à l'étranger, parallèlement au Festival mondial de la Jeunesse : contacts avec les délégations étrangères et les sponsors pour tenter de les convaincre d'annuler leur participation, sit-in devant les ambassades des pays participants, etc...

Aux Ouacifs, ce sont les délégués de la coordination de la wilaya de Tizi Ouzou qui se sont réunis les 26 et 27 juillet, avec le même ordre du jours que celui des autres coordinations de wilaya (actions du 8 août), mais également la confrontation des différents points de vue sur l'actualisation ou non du texte fondateur du mouvement, la plate-forme d'El Kseur. Une minorité de délégués demande l'assouplissement des revendications, notmment en ce qui concerne le départ de la gendarmerie, et l'ouverture d'un "dialogue" avec les autorités. Finalement, les délégués ont adopté un premier projet de "principes directeurs", réaffirmant l'"indépendance et autonomie" du mouvement à l'égard "du pouvoir et des institutions de l'Etat", le refus de "toute forme d'allégeance et de substitution aux formations politiques" et le fonctionnement "horizontal" (démocratie-directe, pas de direction permanente) du mouvement. Un "code d'honneur" (code de comportement individuel) des délégués a également été, du moins dans une version provisoire, adopté : il engage les délégués "à ne mener aucune action qui vise à nouer des liens directs ou indirects avec le pouvoir" et à "démissionner publiquement du mouvement avant de briguer un quelconque mandat électoral".

(La Tribune 31.7) Le conflit entre le comité populaire de Bejaïa et la coordination intercommunale de Bejaïa a marqué la réunion de la coordination interwilayas des comités locaux, à Boghni, depuis le 29 juillet. S'estimant seule représentative du mouvement populaire, la coordination intercommunale a catégoriquement refusé de participer à une réunion à laquelle le comité populaire participerait également. Les coordinations de wilayas de Tizi Ouzou et de Boumerdès (ainsi que, avec d'autres modalités, celui de Bouira) ont proposé qu'un statut d'"observateur" soit accordé au comité populaire; celles de Sétif et Djelfa ont proposé que les deux instances bejaouies soit mises sur pied d'égalité (ce qui aurait entraîné iso facto le départ de la coordination intercommunale, plus représentative). Le bureau de la coordination interwilaya s'est rallié à la position de Tizi Ouzou et Boumerdès, et a proposé au comité populaire de Bejaïa de se contenter d'un statut d'observateur, ce qu'il a finalement accepté, à condition de disposer d'un temps de parole que la coordination intercommunale a d'abord refusé de lui concéder, pour ensuite l'accepter. Le comité populaire a accusé "ceux qui sont avec la coordination intercommunale" de vouloir "diviser le mouvement", accusation également portée contre le comité populaire par la coordination intercommunale, qui rappelle que la semaine précédente, les deux manifestations organisées successivement par l'une et l'autre instance ont permis de trancher la question de leur représentativité (quelques centaines de manifestants à l'appel du comité populaire, plusieurs dizaines de milliers à l'appel de la coordination intercommunale), et qui accuse en outre le comité populaire de vouloir se transformer en un parti politique "d'extrême-gauche".

(Le Soir 1.8 / El Watan 2.8) La coordination interwilayas des comités locaux s'est réunie le 1er août à Tizi Ouzou pour mettre au point les détails de la marche populaire du 8 août à Alger. Les délégués des wilayas de Boumerdès, Bouira, Bejaïa, Bordj Bou Arreridj, Sétif et Tizi Ouzou espèrent que des centaines de milliers de manifestants participeront à cette marche, doublée d'un appel à la grève générale nationale, mais tentent d'éviter que les "débordements" et les provocations du 14 juin ne se répètent. La marche devrait partir du stade du 5 juillet (où sera donner le coup d'envoi du Festival Mondial de la Jeunesse) pour se rendre vers la Présidence de la République, où deux enfants d'Amizour et Beni Douala devront remettre au président Bouteflika la plate-forme de revendication d'El-Kseur. Aucun autre contact ne devrait établi avec les autorités. La coordination appelle l'ensemble des Algériennes et Algériens à se joindre à la marche. Au cas où les autorités décideraient de fermer les accès vers Alger, la coordination inter-wilaya entend fermer, elle, les sorties d'Alger et organiser des sit-in devant les barrages de gendarmerie et de police. La capitale Algérienne serait ainsi doublement bouclée : par les forces de sécurité empêchant d'y entrer, et par les manifestants empêchant d'en sortir.

(AFP 4.8 / Le Matin, Jeune Indépendant, El Khabar 5.8 / Le Matin 6.8) Le ministère de l'Intérieur a annoncé le 2 août que la marche organisée par la coordination interwilayas des comités locaux était formellement interdite, comme l'avait été celle du 14 juin. Selon "El Khabar", les forces de sécurité ont renforcé leurs effectifs sur tous les accès à Alger depuis la Kabylie, en particulier Tizi-Ouzou, Bejaïa, Boumerdès et Bouira. Le coordination inter-wilayas maintient quant à elle sa marche, mercredi 8 août, avec départ à 12 heures du stade du 5-Juillet et avec comme but la Présidence de la République : un porte parole de la coordination a déclaré que celle-ci n'était pas concernée par l'interdiction de sa marche, puisqu'elle n'en avait pas demandé l'autorisation. La marche doit donc débuter sur les lieux, et au moment, du coup d'envoi du Festival Mondial de la Jeunesse. Les organisateurs de la marche menacent de répliquer par leur propre bouclage d'Alger à un bouclage de la capitale qui serait instauré par les autorités. Quant au Festival Mondial de la Jeunesse, son comité d'organisation y attent 15'000 participants, représentant plus d'une centaine de délégations. Toutes les cités universitaires d'Alger et de la région ont été vidées de leurs occupants réguliers pour accueillir les participants. La coordination interwilayas estime que par ce festival, "le pouvoir tente de se procurer une caution internationale (...) pour occulter sa nature génocidaire et brutale". L'association de jeunes RAJ a quant à elle qualifié le festival mondial de la jeunesse de "carnaval" présentant une "Algérie virtuelle" pour masquer l'Algérie réelle. La coordination entend, par la marche du 8 août, réaffirmer l'exigence de "la satisfaction totale et sans conditions" de la plate-forme d'El Kseur, élaborée le 6 juin. La coordination inter-wilayas avait appelé les mouvements de jeunes invités au Festival Mondial de la Jeunesse à la boycotter. En réponse à quoi un mouvement italien, l'"Assemblée nationale anticapitaliste", a estimé qu'au contraire la coordination devait utiliser le festival pour populariser ses revendications. La coordination a à son tour répondu aux Italiens en estimant inconcevable la participation à un festival placé sous le signe de la paix et de la joie mais organisé par un pouvoir qui tue sa propre jeunesse : "le pouvoir algérien qui est responsable de la mort de plus d'une centaine de jeunes Algériens, et de milliers de blessés, ne peut aujourd'hui faire valoir son engagement pour la paix alors qu'il assassine ses propres enfants", déclare le porte-parole de la coordination intercommunale de Bejaïa; or c'est ce pouvoir-là qui est l'organisateur du festival "avec comme slogan central : 'pour la paix et l'espoir', deux vocables qui, chez nous, sont utopies et leurre". Le porte-parole de la coordination de Boumerdès invite les jeunes italiens à ne "pas se tromper d'ennemis et (à) se solidariser avec la jeunesse algérienne", et non avec le pouvoir algérien. Et la coordination de Tizi Ouzou ajoute que "toute participation à ce véritable carnaval sera perçue comme une trahison envers nos martyrs".

(AP, AFP, APS, La Tribune, Le Soir 8.8 / Liberté, Le Matin 9.8) La grande manifestation de la coordination interwilayas des comités locaux n'a pu avoir lieu à Alger, le 8 août, du fait du bouclage de la capitale algérienne par un impressionnant dispositif de sécurité. Seuls quelques dizaines de manifestants, dont quelques délégués de la coordination, ont pu gagner Alger. Des milliers de manifestants sont demeurés bloqués sur les routes aux portes d'Alger, ou plus loin de la capitale. Selon la coordination interwilayas, plusieurs centaines de manifestants auraient été interpellés aux alentours du stade du 5-juillet, mais la plupart, sinon la totalité d'entre eux, auraient été libérés après quelques heures. A proximité des barrages installés par les forces de sécurité, plusieurs incidents et des affrontements entre forces de sécurité et manifestants ont eu lieu, notamment à Naciria et Tidjelabine. A Boudouaou, des milliers de manifestants ont fait face au barrage de gendarmerie.

Pendant ce temps, en Kabylie, une grève générale était massivement suivie, accompagnée d'opérations "villes mortes" à Tizi Ouzou et Bejaïa. Les wilayas de Tizi Ouzou et Bejaïa ont été totalement paralysées par la grève.

A Paris, plusieurs centaines de personnes (un millier selon les organisateurs) ont manifesté, à l'appel de la Fondation Matoub Lounès, leur solidarité avec le mouvement populaire en Kabylie (et dans le reste de l'Algérie). La Fondation a dénoncé le "festival macabre" (le festival mondial de la jeunesse) qui s'ouvre "dans un pays où le sang de la jeunesse est encore sur les pavés". "Nous sommes ici pour dénoncer ce festival pendant que la jeunesse algérienne se fait tuer", a déclaré Malika Matoub.

La marche de la coordination interwilayas avait reçu le soutien, non seulement des diverses coordinations et comités locaux, mais également de plusieurs partis (RCD) et mouvements nationaux (MCB -du moins sa tendance proche du RCD, Fondation Lounès Matoub, RAJ) et locaux hors de Kabylie (Association "Vie" de Staouéli), et dans l'émigration (collectif d'Algériens de France). "Le Soir" note par contre l'"étrange neutralité" du FFS, du Parti des travailleurs et du MDS à l'égard de la marche du 8 août, alors qu'ils avaient soutenu les marches précédentes (Le FFS ayant lui-même organisé la première grande marche sur Alger, le 31 mai, marche qui avait rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes). Des députés du FFS étaient cependant présents sur les lieux du rassemblement, près du stade du 5-juillet.

(AFP 9.8 / La Tribune, Le Matin, Le Quotidien d'Oran, El Watan, Le Soir 12.8 / El Watan, Le Matin13.8) En échouant une nouvelle fois dans sa tentative de manifester à Alger, le 8 août, la coordination des comités locaux de Kabylie a montré ses limites, tant politiques que régionales, alors que le pouvoir semblait réussir son opération d'"enfermement" du mouvement de protestation à la Kabylie (du moins pour l'essentiel). La coordination a mobilisé le 8 août des dizaines milliers de personnes, mais tout de même beaucoup moins que ce qu'elle réussit à mobiliser en Kabylie même, et moins également que ce que le FFS avait réussi à mobiliser dans sa propre manifestation algéroise, fin mai. Le 5 juillet déjà, la coordination des comités locaux avait échoué à manifester à Alger; auparavant, la manifestation du 14 juin avait tourné à l'émeute. Politiquement, l'organisation "horizontale" des comités locaux, la dilution des responsabilités, les contradictions entre eux, les ambiguïtés de certains comités et porte-paroles de comités, ont empêché une réelle structuration du mouvement. Pour le "Quotidien d'Oran", la coordination "est en passe de mener un mouvement indéniablement populaire vers l'impasse".

Pour sa part, le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, qui "installait" à Tizi Ouzou le nouveau wali, Hocine Ouadaï, a pris le contre-pied du rapport de la commission d'enquête sur les "événements" de Kabylie, présidée par Mohand Issaâd, commission qui estimait que la responsabilité de ses événements incombait essentiellement à la gendarmerie et que les partis politiques (en particulier le FFS et le RCD) n'y avaient pratiquement aucune part. Le ministre a accusé ces deux partis d'avoir "appelé aux émeutes et à l'affrontement" et d'avoir incité à "incendier les biens publics et l'immobilier de l'Etat". Pour le ministre, trois groupes refusent tout dialogue : "ceux qui n'ont rien à apporter de concret" (c'est-à-dire les comités locaux), "ceux qui ont échoué dans leur gestion des collectivité locale" (c'est-à-dire le FFS, qui est à la tête de la majorité des municipalités kabyles, et le RCD, qui est à la tête de la plupart des autres municipalités) et "ceux qui visent le pourrissement", et qui sont "les plus dangereux" (le ministre n'a cependant pas précisé s'il visait ainsi un clan du pouvoir ou les islamistes). Yazid Zerhouni a également évoqué la responsabilité de ceux qui veulent "réaliser de l'argent facile dans l'opacité et la magouille". Les élus FFS de Tizi Ouzou avaient décliné l'invitation à participer à la cérémonie d'intronisation du nouveau préfet. Dans une déclaration, les élus FFS de la wilaya expliquent que "la cérémonie à laquelle nous sommes conviés (...) obéit à une manoeuvre du pouvoir qui veut faire croire à la population qu'il aurait pris des mesures contre les responsables de la tragédie que nous vivons depuis avril 2001", alors que le ministre de l'Intérieur "a été le gestionnaire légal des événements qui ont martyrisé la région". Dès lors, les élus FFS déclarent refuser de "cautionner" par leur présence "cette mascarade", et considèrent le ministre "persona non grata" dans la wilaya.

En Kabylie, cependant, le mouvement continue d'organiser et de prévoir des manifestations. La coordination des comités locaux de la wilaya de Tizi Ouzou, qui s'est réunie à Aït Ziki les 10 et 11 août, appelle à participer à la marche organisée à Ifri-Ouzellaguen par la coordination de Bejaïa. le 20 août. Malgré l'échec du 8 août, la coordination de Tizi considère que le "mouvement s'affirme et mûrit" pendant que le pouvoir "se découvre à la face du monde entier, sous sa véritable nature tyrannique, dictatoriale et totalitaire, hostile à toute forme d'émancipation de la société". La coordination de Tizi s'est dotée de plusieurs commissions (solidarité, juridique, bilan).

Toujours dans la wilaya de Tizi Ouzou, les artistes et le mouvement associatif (dont le Collectif des femmes démocrates de Kabylie et le RAJ) organisent le 16 août une marche de soutien à la "plate-forme d'El Kseur" et de dénonciation du "Festival mondial de la jeunesse et de l'étudiant" et de l'"éthnocide organisé contre la Kabylie".

Dans la wilaya de Bejaïa, la coordination intercommunale a tenu le 10 août une réunion de bilan de la marche du 8 août, et d'organisation de celle du 20 août, à laquelle la coordination appelle à Ouzellaguen, à l'occasion de la commémoration du "congrès de la Soummam" (congrès programmatique du FLN) du 20 août 1956.

Dans la wilaya de Bouira, la coordination des comités locaux, qui s'est également réunie le 10 août, réitère ses revendications principales, dont le départ du wali (lequel, contrairement à ses collègues de Tizi Ouzou et de Bejaïa, n'a pas été remplacé à la faveur du récent mouvement préfectoral), l'arrêt des poursuites judiciaires contre les manifestants et la prise en charge des victimes des émeutes.

Dans d'autres wilayas, hors de Kabylie, des mouvements de protestation et de revendication continuent de se produire. A Guenzet (w. Sétif), des habitants ont coupé les voies de circulation le 10 août, en signe de soutien au mouvement populaire en Kabylie. A Mostaganem, un "comité provisoire de citoyenneté" a été créé le 9 août. Il s'est donné comme objectifs le lutte contre la hogra et le chômage, pour la promotion des problèmes de la jeunesse et des droits de la citoyenneté. A Negrine (w. Tebessa), des milliers de personnes (selon "Le Matin") ont manifesté pour exiger notamment le départ de l'exécutif municipal et du sous-préfet.

La coordination interwilayas des aârchs, daïras et communes s'est réunie dès le 12 août à Akbou, avec la participation (à titre d'observateur) de l'association RAJ, pour faire l'évaluation de la marche avortée du 8 août, et préparer celle du 20 août. Les représentants des wilayas de Bouira, Boumerdès, Bordj Bou Arreridj, Tizi Ouzou et Bejaïa se sont accordés à faire un bilan positif, au plan politique et médiatique, de la marche avortée du 8 aout.

(Le Monde 9.8) Dans un entretien au "Monde", le président de la commission d'enquête sur les "événements" de Kabylie, Mohand Issaâd, s'est dit convaincu que des changements vont intervenir en Algérie aux plans politique et institutionnel, après dix ans de crise : "une République ne peut continuer à vivre éternellement dans l'anarchie", a déclaré Mohand Issaâd, pour qui les événements qui ont éclaté en Kabylie auraient pu éclater dans d'autres régions : "les causes du soulèvement kabyle sont la conséquence d'un chômage endémique, d'une pénurie de logements criante, conjuguée aux effets néfastes d'une démographie galopante, des maux qui ne sont malheureusement pas une spécificité locale, mais un problème inquiétant à l'échelle nationale". Pour Mohand Issaâd, la revendication identitaire a été secondaire dans le développement de la protestation en Kabylie.

(Quotidien d'Oran, Liberté, Le Soir 15.8 / El Moudjahid, La Tribune, Le Jeune Indépendant, Le Matin16.8) Le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, qui procédait à l'"installation" dans ses fonctions du nouveau wali de Bejaïa le 15 août, est revenu sur les déclarations qu'il avait faites lors d'une cérémonie semblable, pour l'installation du nouveau wali de Tizi Ouzou, et à l'occasion de laquelle il s'en était pris (sans les nommer clairement) au FFS et au RCD, les accusant d'être responsables des troubles survenus en Kabylie. A Bejaïa, ce ne sont plus le FFS et le RCD qui ont été accusés par le ministre, mais des "radicaux de l'extrême-gauche" et des "anarcho-nihilistes" (sans autre précision) dont "l'objectif est d'affaiblir le pays" et d'"empêcher le dialogue" en intégrant des revendications "irresponsables" à celles, "légitimes", de la jeunesse. Au nombre de ces revendications "irresponsables", le ministre a cité le retrait de la gendarmerie de Kabylie. Yazid Zerhouni a appelé à "isoler les aventuristes". Il a notamment lancé cet appel aux intellectuels.

La visite du ministre à Bejaïa a, comme cela fut le cas à Tizi Ouzou, été boycottée par les deux principaux partis politiques de la wilaya, le FFS (majoritaire) et le RCD. Une centaine de manifestants ont tenté d'empêcher le ministre, déclaré "persona non grata" par la coordination intercommunale des comités locaux, d'entrer au siège de la wilaya.

Par ailleurs, les déclarations du ministre des Affaires religieuses, B. Ghlamallah, imputant à l'immigration algérienne en France une part de responsabilité dans les troubles en Kabylie, ont suscité des réactions de protestation d'organisations de la communauté algérienne de France (comme l'association "Voix Citoyenne" d'Aix en Provence), mais également de responsables politiques (comme le député de l'émigration pour le sud de la France, Kaci Redjdal). Le ministre avait exprimé, dans "Le Jeune Indépendant" du 13 août, sa "conviction intime" que ce sont de jeunes bi-nationaux franco-algériens qui étaient responsables des troubles en Kabylie. Pour "Voix Citoyenne", la communauté algérienne émigrée "n'a pas de leçons de patriotisme à recevoir de M. Ghlamallah", et celui-ci doit être "relevé de ses fonctions de ministre".

(Jeune Indépendant 16.8) Près de 10'000 personnes venues de toute la région ont assisté le 14 août à un meeting à El Kseur, pour réaffirmer leur soutien à la plate-forme des locaux ("plate-forme d'El-Kseur", dont le metting a réaffirmé qu'elle n'était "pas négociable") et dénoncer la répression du mouvement populaire. Le porte-parole deu comité d'El-Kseur, M. Gherbi, a notamment réaffirmé l'exigence du départ des gendarmes, et déclaré que "tout gendarme qui osera sortir de sa caserne en civil est considéré comme un terroriste".

(AFP, Reuters 20.8 / Le Monde 22.8 / Liberté 23.8 / Le Soir 27.8 / Liberté 28.8 / corr) La Coordination des comités de villages de Kabylie a réussi le 20 août sa démonstration de force dans la vallée de la Soummam (w. Bejaïa) , en y rassemblant des dizaines de milliers de personnes (une centaine de millier selon des estimations moyennes, un million selon les organisateurs) venues de toute la Kabylie, et en y manifestant pour la "réappropriation des dates historiques par le peuple algérien", à l'occasion de la commémoration du Congrès de la Soummam du FLN, le 20 août 1956 à Ifri. Les manifestants ont interdit l'accès à la vallée aux autorités, et aucune délégation officielle n'a pu célébrer l'anniversaire d'un congrès où par ailleurs, sous l'impulsion d'Abane Ramdane, assassiné ensuite par le FLN lui-même, le Front avait proclamé la primauté du politique sur le militaire et le projet d'une "Algérie démocratique et sociale", deux princuipes rappelés par la coordination des comités locaux de Kabylie, qui a dénoncé le "mépris du peuple et une confiscation de tous les pouvoirs, des libertés et des richesses nationales". Les célébrations officielles ont eu lieu à l'autre bout du pays, à Mascara, et n'ont bénéficié que de la présence du ministre des Anciens combattants. Une rumeur infondée (mais relayés par la presse) suggérait la présence dans la Soummam du président Abdelaziz Bouteflika, dont, a contrario, l'absence a été saluée par les manifestants comme une victoire de leur mobilisation. Des dizaines de milliers de manifestants ont donc manifesté en parcourant la dizaine de kilomètres séparant Akbou d'Ouzellaguen, scandant "Ulac smah, ulac" (pas de pardon) et "pouvoir assassin". Le slogan de "Kabylie autonomie" a été entendu, mais très marginalement. Les "arouchs" ont d'ailleurs eux-mêmes été brocardés par certains manifestants (les plus jeunes), qui les ont appelés "arrour" (scandales).

A Ouzellaguen, une grande banderole proclamait "1954-2001, le combat continue". Six jeunes y ont été tués au printemps 2001. Les autorités n'ont rien tenté pour empêcher la manifestation en Kabylie, alors qu'elles avaient tout fait (et à deux reprises réussi) pour empêcher les manifestations à Alger. "Le Quotidien d'Oran" constate ainsi que "le pouvoir est tranquille, la Kabylie peut rester à la marge". Le quotidien en rend également responsable la "nébuleuse des arouch" (structures villageoises) qui met "une contestation qui formulait des revendications nationales dans un cul de sac régional". "El Watan" est d'un autre avis : "Jamais sans doute la date du 20 août n'a été célébrée avec autant d'éclat". Mais d'autres quotidiens soulignent à la fois la réussite de la mobilisation en Kabylie et le fait précisément qu'elle ne s'est faite, aussi massivement, qu'en Kabylie, et que, selon "Liberté", s'instaure un "tête-à-tête durable entre une population décidée et un pouvoir stérile", avec au bout une "impasse". Le porte-parole de la coordination intercommunale de Bajaïa, Oudjedi Fares, a réaffirmé qu'il n'y aurait pas de négociation avec le pouvoir : "la plate-forme des revendications communes d'El-Kseur est suffisamment claire et le pouvoir n'a qu'à la satisfaire". Par contre, des membres du comité populaire de Bejaïa ont, lors d'une réunion le 27 août, évoqué la nécessité d'un "dialogue franc" avec le pouvoir afin de sauver le mouvement du risque de l'impasse.

Dans la wilaya de Tizi Ouzou également la coordination des comités locaux semble traversée de profondes divergences entre "dialoguistes" (avec le pouvoir) et "radicaux" (refusant toute négociation). Une réunion tenue à Illiten n'a pas permis de résorber ces divergences, et a au contraire illustré le danger qu'elles aboutissent à un éclatement de la coordination. Pour y parer, les "radicaux" entend en appeler à la base, persuadés qu'elle sera de leur côté. Une nouvelle réunion de la coordination devait se tenir le 29 août à Tizi Ouzou.

Le 20 août, les artistes et intellectuels de la wilaya de Bejaïa organisent une marche à Bejaïa même, pour manifester leur soutien au combat de la jeunesse et à la plate-forme d'El-Kseur, et dénoncer les "manipulations" et l'"intoxication" de la télévision nationale.

(Le Matin 26.8 / APS 29.8 / Le Matin, El Watan, Liberté, Le Soir 30.8) "Le dialogue est possible" avec les "aarchs" de Kabylie "et nul ne conteste les capacité des Algériens à le mener", a indiqué une "source gouvernementale" (non précisée) à l'agence officielle de presse APS, à la veille d'une réunion de la coordination interwilayas des comités locaux, à Bouira. La même source affirme que "le mouvement des citoyens, exprimés par les "aarchs', peut constituer un signe positif pour notre société". Dans son commentaire, l'agence officielle écrit pour sa part que "les échos des débats au sein des aarchs, que la presse nationale rapporte régulièrement, montrent que le mouvement est de nature à s'inscrire dans une perspective constructive" et que "les plate-formes publiées dans la presse peuvent constituer une base de discussions dans la mesure où elles ne proposent pas de porter atteinte aux fondements de l'Etat, à la constitution et aux lois de la République".

A Bejaïa, la coordination intercommunale a mis en garde les "émissaires du pouvoir" et a dénoncé "énergiquement les tentatives occultes et malsaines du pouvoir visant à la déstabilisation du mouvement par le biais de ses émissaires fantoches". La coordination a également dénoncé des regroupements "louches" destinés à entamer le dialogue avec le pouvoir.

A Tizi Ouzou, la coordination de wilaya des comités locaux a tenu le 29 août une réunion destinée à se prononcer sur trois actions proposées la semaine précédente, la grève des factures d'électricité et de gaz, la désobéissance civile progressive et la grève des impôts. La majorité des délégués locaux (comme ceux de Bejaïa) se sont prononcés favorablement sur ces trois actions (la grève des impôts et la désobéissance civile suscitant de plus fortes réticences que le grève des factures d'électricité et de gaz), alors qu'elles avaient été très contestées la semaine précédente. Une majorité de délégués se sont en outre prononcés pour le maintien telle quelle de la plate-forme d'El-Kseur, et à une nouvelle tentative d'action à Alger -une marche nationale le 5 octobre ou une réunion de la coordination interwilaya dans la capitale. Une marche nationale pourrait en outre être organisée à Ighil Imoula le 1er novembre, sur les lieux où a été rédigée la déclaration du 1er novembre 1954, date du déclenchement de l'insurrection nationale algérienne. Le blocage de la route nationale (RN5) a également été évoqué. Par contre, l'idée d'organiser un boycott scolaire a été abandonnée.

(La Tribune 25.8) Lors d'un rassemblement organisé à Beni Douala par le FFS, le député de Bejaïa Djamel Zenati a estimé que "la plus grande trahison" à l'égard du mouvement de protestation serait "de le mener vers l'impasse". Le mouvement doit "refléter la nature de la société, toutes catégories confondues". Djamel Zenati a réaffirmé le soutien du FFS à la "mobilisation de la société" et à un "mouvement de tous les citoyens", et a appelé à la méfiance à l'égard des discours de dénonciation de la politique ou des partis politiques en général, discours ne servant que les intérêts du pouvoir. "Le pouvoir en veut aux élus du FFS parce que le FFS a dit non à ses pratiques", a affirmé Djamel Zenati, qui a ajouté que le pouvoir qui "a tout fait pour nous créer des problèmes va certainement continuer". "Le système est en train de semer l'anarchie un peu partout dans le pays pour que personne n'arrive à reconnaître l'autre", ce qui montre que le mouvement citoyen "met réellement en danger la pérennité du système, qui est déjé condamné par l'histoire".

(AP 31.8 / AFP, La Tribune, Liberté, El Khabar, El Watan, Le Soir 2.9 / El Watan, Le Matin 3.9) La Coordination interwilayas des comités de village s'est réunie en "conclave" les 30 et 31 août à Bouira pour définir les actions à mener dans les semaines à venir. Les délégués des comités ont annoncé à l'issue de la réunion leur intention de retenter de manifester à Alger, le 5 octobre et le 1er novembre, pour les anniversaires des émeutes de 1988 et du déclenchement de la guerre d'indépendance. Les comités se proposent également de déposer des plaintes devant la justice internationale pour faire juger les responsables de la répression des émeutes de Kabylie. Les comités envisagent également d'engager un mouvement de désobéissance civile (refus d'impôts, de taxes et de redevances, dont dont les factures d'électricité), mais les propositions en ce sens font l'objet de controverses au sein du mouvement. Par contre, la coordination interwilaya a renoncé à recommander ou à soutenir un boycott de la rentrée scolaire, mais a demandé que les écoliers et lycéens n'effectuent cette rentrée que le deuxième jour, et que les lycéens passant des examens portent un brassard noir. La coordination a également interdit toute visite officielle dans les écoles, et proclamé le 15 septembre jour de deuil dans toute la Kabylie, à la mémoire des victimes de la répression.La réunion de Bouira a permis aux coordinations locales et régionales de faire le point sur les faiblesses du mouvement : "carences dans la gestion de l'information, manque de suivi des actions et décisions entérinées, mauvaise gestion des actions entreprises, insuffisances en matière de réflexion et non-capitalisation de toutes les sympathies exprimées au niveau national et international" ont été ainsi relevées.

La presse algérienne a fait état de plusieurs tentatives du pouvoir d'entamer un dialogue discret avec les comités locaux pour mettre fin au mouvement qui, après cinq mois, ne montre guère de signes d'essouflement, même si les affrontements entre forces de l'ordre et manifestants ont cessé, et que des divisions apparaissent au sein du mouvement entre "radicaux" et partisans d'un dialogue. Plusieurs émissaires auraient été dépêchés par le pouvoir pour provoquer ce dialogue. D'entre ces émissaires, "Liberté" cite le propre frère du président Bouteflika, Saïd, qui se serait rendu deux fois à Tizi Ouzou pour rencontrer des notables. De ^hauts cadres de l'Etat et des émissaires du général "Toufik" Médiène, chef des services spéciaux, auraient également pris des contacts. "Toufik" saurait fait savoir qu'il était prêt à recevoir des délégués, et que la plate-forme d'El-Kseur, fondement du mouvement, pourrait être satisfaite, y compris sur le point exigeant le départ des gendarmes de Kabylie. Les coordinations des comités locaux ont confirmé implicitement ces tentatives de contacts en déclarant qu'elles n'accepteront que des contacts "publics". La coordination intercommunale de Bejaïa a, lors de sa rencontre du 28 août à Aokas, déclaré qu'elle refuserait désormais de recevoir des émissaires d'Alger, et a dénoncé "énergiquement les tentatives occules et malsaines du pouvoir visant à la déstabilisation du mouvement par le biais de ses émissaires fantoches". La coordination des comités de village de Tizi Ouzou a également réitéré son refus de toute négociation de la plate-forme d'El-Kseur. La Coordination interwilayas semble cependant s'acheminer vers une reconnaissance de la nécessité d'un dialogue avec les formations politiques soutenant la plate-forme d'El Kseur (c'est-à-dire essentiellement le FFS et le RCD) et le mouvement associatif adhérant à l'"essence du mouvement".

Les divergences au sein du mouvement continuent cependant de se manifester. Dans la wilaya de Tizi Outou, un "Conseil communal de Tizi Ouzou" a été créé à l'issue d'une assemblée générale tenue le 27 août à l'initiative de 21 comités de quartiers et de village, parallèlement à la Coordination des comités de quartiers et de villages déjà existante. Le "Conseil communal", constitué de deux représentants (anonymes) par quartier, veut constituer une "véritable force de proposition" afin d'"influer positivement sur la gestion locale", en dépassant l'"aventurisme sans lendemain". Pour la nouvelle structure, la population "récuse de la manière la plus nette le jusqu'au-boutisme comme stratégie et l'impasse comme perspective". Le "Conseil municipal" entend s'ouvrir aux "compétences et (aux) expertises" des "personnalités scientifiques et politiques de tous bords" et des "différentes corporations", et se donne pour ambition de "construire un espace citoyen" afin de "contribuer de façon efficace à une prise en charge réelle et effective des préoccupations de nos concitoyens". Il affirme n'avoir pas "vocation à se substituer aux partis politiques et aux institutions de l'Etat" et semble disposé, contrairement à la coordination, à dialoguer avec le pouvoir.

Le Premier secrétaire du FFS, Ali Kerboua, rappelant que "le FFS a été le premier parti à s'inscrire totalement dans la dynamique nationale citoyenne à travers l'organisation des marches historiques du 3 et du 31 mai" à Alger, considère pour sa part, dans un texte adressé au quotidien "Liberté", qu'il faut "distinguer (la) dissidence nationale citoyenne des formes de structures qui s'y sont greffées artificiellement et dans lesquelles certains groupes et individus tentent de se refaire une virginité en cherchant, en vain (...), à dévoyer cette dynamique et à l'instrumentaliser à des fins de repositionnement clanique". Ali Kerboua précise que le FFS a demandé à ses militants d'agir pour "consolider ce mouvement pacifique porteur d'espoirs de changement démocratique pour l'ensemble des Algériennes et des Algériens", et pour combattre "toutes les formes de dérives qui mèneraient le mouvement vers l'impasse et le ghettoïsation dans le but d'imposer des projets dangereux (qui) font le jeu des clans au pouvoir, opposés à toute issue politique et démocratique à la crise".

Le 31 août, les comités de quartier de Tizi Ouzou ont accusé dans un communiqué la police de s'être "complètement désengagée de sa tâche", de refuser de recevoir les plaintes des citoyens et de les inviter à les adresser aux comités, et somme les autorités de prendre "sérieusement en charge" les problèmes d'hygiène et de sécurité. Le nouveau "Conseil communal" de Tizi Ouzou a pour sa part dénoncé "la prolifération de marchands à tout bout de rue, les vols et les agressions dont sont victimes quotidiennement les habitants, l'anarchie dans le stationnement et la circulation des véhicules, les lieux de débauche". Evoquant une "clochardisation" délibérée de la Kabylie par le pouvoir, le quotidien "Liberté" écrit que "la police, qui n'a jamais été la cible des manifestants, affiche une indifférence surprenante devant le climat d'insécurité qui commence sérieusement à éprouver la population", et se demande si le pouvoir n'est pas "tenté par une situation de pourrissement qui lui permettrait de se débarrasser, une fois pour toutes" du mouvement populaire en Kabylie. Un porte-parole de la Sûreté de wilaya de Tizi Ouzou a démenti à "Liberté" qu'a'cun citoyen ayant fait l'objet d'un vol ou d'une agression, "s'étant déplacé pour un dépôt de plainte, (ait) été refoulé" par la police, et assuré que la réception des citoyens se fait "de façon normale", que la police assure son service, que ses équipes "sont toujours sur le terrain" et que les "patrouilles se font régulièrement".

(Le Soir 27.8) Le chanteur Ferhat Mehenni a réitéré le 24 août son intention de créer un mouvement pour l'autonomie de la Kabylie dans le cadre de l'Algérie, et annoncé, en compagnie du linguiste Abdennour Abdesslam et du cinéaste Ali Mouzaoui, qu'un "précongrès" du mouvement sera organisé dans quelques mois.

(Liberté, Le Matin 5.9 / La Tribune, Liberté 6.9) La Coordination intercommunale de Bejaïa devait se réunir le 6 septembre à Semaoun, près d'Amizour, pour faire le bilan des actions entreprises et définir un programme d'actions pour maintenir la pression sur le pouvoir "jusqu'à satisfaction de la plate-forme" d'El Kseur. Les dates du 15 septembre et du 5 octobre pourraient être proposées comme celles de "journées de protestation nationale". Le 1er novembre serait également une journée d'"action d'envergure nationale", probablement sous la forme d'une marche populaire à Alger. De son côté, le "Comité populaire" de la wilaya de Bejaïa (l'autre tendance, désormais séparée, du mouvement populaire dans la wilaya) devait se réunir à Yemma Gouraya, avec pratiquement le même ordre du jour, et en présence, selon le comité, de "personnalités d'envergure nationale". La coordination des comités locaux de la commune de Tizi Ouzou s'est quant à elle réunie le 5 septembre à Tigzirt, afin de définir les modalités de concrétisation des décisions prises la semaine précédente par la coordination inter-wilayas, notamment en ce qui concerne le boycott des visites officielles et le non-paiement des factures de Sonelgaz (gaz, électricité, redevance télévision). A Tizi Ouzou précisément, une nouvelle structure, le Conseil communal, a été mise sur pied à la fin août. Les deux wilayas de Bejaïa et de Tizi sont donc désormais marquées par une scission du mouvement populaire, ou du moins des instances qui tentent de le représenter.

Selon "Liberté", qui évoque une "source sûre", le départ de la gendarmerie de la wilaya de Tizi Ouzou aurait été "décidé en haut lieu". La gendarmerie quitterait la wilaya de manière progressive, en commençant par les daïras (sous-préfectures) où des morts ont été enregistrés durant les "événements" : Beni Douala, Bouzeguène, Ouadhias, Tizi Ghenif, Azzefoun, Makouda et Ouacifs.

A Larbaâ Nath Irathen (w. Tizi Ouzou), Ferhat Mehenni a réitéré son annonce de la création du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK). Farhat a assuré que des comités locaux étaient en cours de constitution à Makouda, Azazga, Larbâa Nath Irathen et Illoula, et qu'une pétition circule, revêtuie déà de plusieurs milliers de signatures. "C'est pour éviter que du sang coule encore dans cette région que nous appelons à l'autonomie", a déclaré Ferhat Mehenni, qui a affirmé que l'autonomie de la Kabylie n'impliquait ni son isolement, ni son détachement de l'Algérie, "notre pays à tous", mais qu'elle supposait un gouvernement et un parlement régionaux responsables de la sécurité, de l'éducation, de la culture et de l'économie. Ferhat a également donné quelques détails supplémentaires sur son projet : la langue officielle de la Kabylie serait le kabyle, la structure de base le village (et non plus la commune).

(Le Matin, Tribune, Le Soir 9.9) Les porte-paroles de la coordination des comités locaux de la wilaya de Tizi Ouzou ont répondu dans un communiqué au FFS (mais sans le nommer), dont le Premier secrétaire avait affirmé, dans un texte publié le 2 septembre par "Liberté", la détermination à "agir contre toutes les formes de dérives qui mèneraient le mouvement vers l'impasse et la ghettoïsation dans le but d'imposer des projets politiques dangereux (...) (faisant) le jeu des clans au pouvoir". La coordination accuse le FFS de se livrer à des attaques "directes et indirectes" contre elle, de manquer "d'engagement" dans les structures du mouvement populaire en Kabylie (Mouvement qui n'a pourtant cessé de proclamer sa volonté de rester indépendant des partis politiques) et de vouloir "dynamiter l'unité dans la diversité" du mouvement en soutenant la création d'une nouvelle structure de coordination à Tizi Ouzou.

Dans la wilaya de Bejaïa, la seconde composante du mouvement populaire, le "Comité populaire" (CPWB), distinct de la Coordination intercommunale des comités de citoyens (CIC), annonce l'organisation pour octobre d'une action de protestation d'"envergure nationale" à Sétif, conjointement avec le mouvement local de la région et les milieux estudiantins d'Aïn El Fouara. L'une des revendications avancées à cette occasion sera la fin des poursuites juduciaires contre les jeunes émeutiers de Kherrata. Le CPWB annonce également une rencontre nationale "contre la hogra et la répression", en collaboration avec le Rassemblement action Jeunesse (RAJ), et une marche à Bejaïa le 25 septembre, sur la base des revendications de la plate-forme d'El-Kseur.. Le CPWB a tenu le 6 septembre une région consacrée au "bilan et perspectives" du mouvement, en présence non seulement de délégués des communes, mais également de représentants de syndicats (CNES, SETE), du mouvement RAJ et de représentants du mouvement populaire dans les wilayas de Bouira et de Sétif. De son côté, la Coordination intercommunale organise le 15 septembre à Bejaïa une marche populaire doublée d'une grève générale, et soutient les actions organisées les 5 octobre et 1er novembre par la coordination interwilayas. Le 6 septembre, la coordination intercommunale a adopté un "code d'éthique" sur la conduite du mouvement, et la prise de parole en son nom. ce code vise à "parer à toute déviation du mouvement de ses objectifs initiaux contenus dans la plate-forme d'El-Kseur". Il affirme la "nature démocratique, pacifique, revendicative et citoyenne du mouvement" et en exige le respect de tous les délégués, lesquels doivent également s'engager à ne pas utiliser le mouvement à des fins électoralistes, lucratives ou partisanes, à s'abstenir de "mener toute activité ou action qui vise à nouer des liens directs ou indirects avec le pouvoir et ses acolytes" et à se refuser de "se présenter aux échéances électorales futures ainsi qu'(à) tout poste politique dans les instances du pouvoir jusqu'à satisfaction entière de la plate-forme d'El Kseur".

(Le Soir 9.9) Un "haut responsable" de la présidence algérienne, s'exprimant sous couvert de l'anonymat (probablement Larbi Belkheir, selon "Le Soir"), a accusé dans "Le Quotidien d'Oran" les aârchs de Kabylie de "refuser le dialogue" que souhaite établir avec eux le pouvoir, et de ne pas vouloir "de solution à cette crise. Ils pensent peut-être que pour détruire (le) système, il faut entretenir le pourrissement", déclare le "haut responsable", qui considère que c'est "ce qui ressort de la plate-forme d'El-Kseur". Pour ce "haut responsable", la revendication des sârchs du départ de la gendarmerie de Kabylie est une "utopie".

(Liberté 12.9 / Quotidien d'Oran 13.9) L'Assemblée de wilaya (Conseil général) de Tizi Ouzou a dénoncé dans une résolution, le 11 septembre, "le refus de l'aide financière directe aux victimes (des violences en Kabylie) notifié officiellement par Zerhouni", le ministre de l'Intérieur, et affirmé que ce refus "ne pourra jamais dénier aux victimes des événements de Kabylie le statut de martyr de la démocratie que la population et les élus (de la wilaya) leur ont déjà fièrement reconnus". Pour les élus de la wilay, le refus des autorités d'accorder aux victimes de la répression en Kabylie le "statut de martyr de la démocratie" témoigne du fait que cette reconnaissance "les hante", et manifeste une "attitude haineuse, méprisante, provocatrice et porteuse de tous les dangers" visant à "régler les comptes avec une région traditionnellement hostile à toute forme de soumission et de compromission" et à "bloquer toute initiative louable des élus de l'APW". La résolution accuse le pouvoir à être "le premier à ne pas reconnaître les institutions de l'Etat et par là même (à) violer la Constitution et toutes les lois de la République".

(Algeria-Interface 14.9 / Le Matin, El Watan 16.9) L'appel au boycott de la première journée de rentrée scolaire a été largement suivi le 15 septembre à Bejaïa, où il a été accompagné d'une marche à laquelle des milliers de personnes ont participé, dans le calme à quelques échauffourées près, à l'appel de la Coordination intercommunale de la wilaya. Le même jour, à Bouira et dans d'autres localités de la wilaya, le même boycott a été organisé et souvent suivi à 100 %, accompagné de manifestations, notamment à Bouira même, à l'appel de la Coordination des comités citoyens de la wilaya.

Interrogé par "Algeria Interface", le porte-parole du Parti socialiste des travailleurs (PST), Chawki Salhi, évoquant le rôle joué par son mouvement et par l'extrême-gauche algérienne dans les événements de Kabylie, explique que lorsque le mouvement s'est déclenché, "les militants du PST et d'autres militants de gauche ou syndicalistes ont joué le rôle qui a consisté à transformer les émeutes en un mouvement organisé de contestation". En ce qui concerne les perspectives du mouvement, le porte-parole du PST estime qu'il doit "redémarrer à la rentrée" par une manifestation nationale à Alger (et non une "marche de Kabylie à Alger") et que "quand bien même le mouvement aurait des difficultés à reprendre, la colère des jeunes, elle, persistera".

L'initiateur du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), Ferhat Mehenni, a anmnoncé le 15 septembre que les assises constitutives du mouvement se tiendront "prochainement" . Des comités locaux du MAK existeraient déjà à Makouda, Azazga, Larbâa Nath Iraten et Illoula. Pour Ferhat Mehenni, l'existence du MAK "évitera aux revendications kabyles les issues dangereuses, les lassitudes des actions qui piétinent et qui sont la cause de la démobilisation et de l'exaspération de la jeunesse".

(El Watan 22.9 / Le Soir 23.9 / El Watan, Liberté, Le Matin 24.9) La présidence de la République a officiellement invité la coordination interwilayas des comités locaux à lui remettre la plate-forme d'El-Kseur (que la même présidence avait jusqu'alors refusé, et depuis cinq mois, de recevoir). Le Premier ministre Ali Benflis a été désigné comme interlocuteur de la coordination. Le communiqué de la présidence explique que cette initiative a pour but de répondre aux "manipulations" et aux "blocages" qui empêchent l'"aboutissement démocratique de la plate-forme d'El-Kseur" -sans d'ailleurs préciser à quelles "manipulations" et "blocages" il fait allusion. On note que le communiqué de la présidence reconnaît que "le mouvement citoyen né récemment a pour origine des faits graves et sans appel", ce qui tranche avec la rhétorique précédente et la théorie du complot avancée pendant des moins par le pouvoir. La coordination interailaya ne s'est pas encore prononcée sur l'invitation de la présidence; elle devrait le faire le 27 septembre lors d'une réunion à Freha.

En attendant, la coordination des comités de la wilaya de Tizi Ouzou (CADC) a annoncé une double marche le 5 octobre, à Alger (une marche des délégués, qui devrait logiquement être autorisée, si le communiqué de la présidence annonce effectivement un changement d'attitude du pouvoir) et à Tizi Ouzou (une marche populaire, accompagnée d'une grève générale). Lors d'une réunion à Ouaguenoun, le 20 septembre, la coordination a adopté son règlement intérieur et un avant-projet de "principes directeurs" et de "code d'honneur". La CADC a en outre appelé à la poursuite de la mise en quarantaine des brigades de gendarmerie, à invité les jeunes à s'abstenir de s'y rendre pour retirer leurs ordres d'appel au service national et a demandé que ces ordres leur soient remis par la police et la garde communale, et non la gendarmerie.

La coordination intercommunale de Bejaïa a elle aussi annoncé une marche à Bejaïa le 5 octobre, et sa participation à la marche d'Alger le même jour, alors que la structure concurrente, le Comité populaire, annonçait une marche et une grève générale pour le 25 septembre afin d'"exiger un droit de regard sur les 700 milliards de centimes alloués à notre wilaya" par le gouvernement, "afin que l'argent du peuple revienne au peuple" et soit utilisé pour la satisfaction de ses besoins prioritaire (alimentation en eau potable et en électricité, revêtement des routes, création d'emplois, notamment).

(Reuters, Le Soir 26.9/ Tribune 27.9) La Coordination interwilayas des comités locaux devait se réunir le 27 septembre à Freha (w. Tizi Ouzou), avec très vraisemblablement à son ordre du jour l'invitation lancée par le Président Bouteflika aux représentants des comités de remettre au Premier ministre Benflis la plate-forme d'El-Kseur. Les différents porte-paroles du mouvement populaire en Kabylie se sont prononcés avec une extrême prudence, et de fortes réticences, sur cette invitation. La Coordination intercommunale de Bejaïa a même rejeté l'initiative présidentielle et insisté sur le caractère non négociable de la plate-forme, et sur la nécessité de ne la remettre qu'au Président lui-même, et non au Premier ministre. Le Comité populaire de Bejaïa attend pour sa part un "engagement solennel" de Bouteflika, et invite à maintenir la pression sur le pouvoir jusqu'à "satisfaction onconditionnelle" de la plate-forme. A Tizi Ouzou, Amar Salli a déclaré : "Nous n'irons pas rencontrer Benflis parce que la proposition du pouvoir est venue avec cinq mois de retard" et qu'il s'agit désormais d'obtenir "une réponse officielle" aux revendications du mouvement. La majorité des délégués de la coordination de Tizi Ouzou considèrerait certes, selon "Le Soir", que la proposition du président est "une victoire politique pour les arouch, désormais interlocuteurs légitimes", mais que le président doit lui même donner une réponse à la plate-forme d'El Kseur.

(Le Matin 30.9) La Coordination des comités locaux de Tizi Ouzou (CADC) a adopté, lors de sa réunion à Freha, un "code d'honneur" en onze points, par lequel les délégués du mouvement s'engagent à respecter son esprit pacifique, à ne pas l'utiliser à des fins partisanes, à ne pas l'entraîner dans des compétitions électorales ou des options de prise de pouvoir, à ne pas briguer de mandat électoral ni accepter de poste politique et à ne pas faire de déclarations aux media au nom de la coordination interwilayas. Le code d'honneur impose également aux déléfués de se solidariser avec "toute personne faisant l'objet d'intimidations, menaces, pressions ou poursuites judiciaires". La CADC a confirmé son intention d'organisé le 5 octobre à Alger une marche de délégués, de la place des Martyrs à la présidence de la République, avec une remise "symbolique" de la plate-forme d'El-Kseur et d'une déclaration affirmant la représentativité exclusive de la coordination et l'exigence du respect de l'intégralité de la plate-forme

(Le Quotidien d'Oran 9.9 / El Watan 10.9) La résurgence, par la voix de Ferhat M'henni et la création d'un "mouvement pour l'autonomie de la Kabylie" (MAK), de l'idée d'autonomie de la Kabylie s'inscrit, selon "Le Quotidien d'Oran", dans un débat où "trois logiques" s'affrontent : celle, précisément, de l'autonomie régionale de la Kabylie, reprise par Ferhat après que le FFS l'ait évoqué au début des années '90, en s'appuyant sur l'exemple catalan; celle de la "refondation nationale", exprimée notamment par le RCD; et celle de la régionalisation proposée par le Comité, installé par le président Bouteflika, de réforme des structures et missions de l'Etat. A l'époque où le FFS avait exprimé sa conception de la décentralisation et de la déconcentration du pouvoir en Algérie, il était le seul à en faire un point important d'un programme politique. Il est aujourd'hui rejoint sur ce thème, avec des inflexions diverses, par Ferhat, d'une part (pour qui "l'autonomie ne sera ni une scission ni un séparatisme"), le RCD d'autre part, et même le comité de réforme de l'Etat (présidé par Missoum Sbih), qui propose une régionalisation sur la base de critères géographiques, climatiques, culturels et économiques.

A "El Watan", Ferhat Mehenni a expliqué que l'autonomie de la Kabylie devait la doter "d'institutions politiques (parlement, exécutif...) à même de lui assurer un décollage économique, prendre en charge sa langue et son école, asseoir sa stabilité civile et sécuritaire" en allégeant l'Etat central de missions "qu'il n'arrive plus à assurer au citoyen, comme la sécurité, l'éducation, l'économie". Et Farhat assure que la "refondation nationale" proposée par le RCD comme la "régionalisation positive" proposée par le FFS "ne sont rien d'autre que des demandes d'autonomie déguisées", avec le même contenu que celle proposée par le MAK, mais étendu à l'ensemble de l'Algérie, c'est-à-dire à d'autres régions que la Kabylie.

(AFP, Le Matin 3.10 / Tribune, El Watan, Liberté, Le Matin 4.10) Le Tamazight va devenir langue nationale en Algérie, à la suite d'une décision du président Bouteflika de modifier la constitution en ce sens, a annoncé le 3 octobre le Premier ministre Ali Benflis à des représentants (au moins présumés, mais semble-t-il désavouée par la coordination des comités) des comités de village et des archs de Kabylie. Le Premier ministre Benflis a déclaré qu'un "statut particulier" allait être accordé aux victimes des émeutes, qui recevraient une "juste indemnisation", et que des poursuites judiciaires allaient être lancées contre les "responsables des crimes et des assassinats", alors que le cas des "structures de sécurité" sera "étudié cas par cas". La plate-forme d'El-Kseur, "non négociable" selon la coordination des comités, exige le départ des gendarmes de Kabylie.

La Coordination interwilaya a prévu le 5 octobre une marche à Alger afin de remettre la plate-forme à la présidence de la République, qui avait jusqu'ici refusé de la recevoir et, à trois reprises, interdit les marches et manifestations destinées à la lui remettre. Le communiqué du gouvernement annonçant la reconnaissance de tamazight comme langue nationale et les autres décisions du président ne précise pas si la marche du 5 octobre est ou non autorisée, mais indique que les autres points de la plate-forme d'El Kseur "seront examinés dans le cadre des autres rencontres prévues avec les représentants des arouchs", et que le Premier ministre avait été chargé de préparer une rencontre entre ces représentants et le président Bouteflika "une fois que la plate-forme d'El-Kseur aura été cernée".

La rencontre annoncée par le communiqué du gouvernement n'a pas été reconnue par la coordination interwilaya comme l'engageant : des représentants de la coordination ont affirné à "El Watan" que les personnes rencontrées par le Premier ministre "ne représentent qu'elles-mêmes". Un représentant du Comité populaire de la wilaya de Bejaïa, Mohand Larabi (un syndicaliste du CNES) a cependant affirmé que des négociations "offieuses" avaient eu lieu entre "un haut responsablée de l'Etat et des membres de la Coordination intercommunale de Bejaïa" à la mi août, mais ces négociations n'ont pas été confirmées. La coordination interwilaya a également démenti (mais avant que ne tombe le communiqué du gouvernement annonçant des rencontre entre les représentants des archs et le gouvernement) qu'il n'y aura "pas de contact entre les délégués de la Coordination interwilaya et les autorités", et que les "rumeurs" sur de tels contacts ne sont destinés qu'à "mettre la pression" sur la coordination. "Il n'y a rien à négocier" et la plate forme d'El-Kseur n'est pas négociable, a déclaré au "Matin" un membre de la coordination interwilayas. Après que soit tombé le communiqué du Premier ministre, des représentants des archs et des comités de village ont qualifié de "manoeuvre" et de "manipulation" l'annonce par le gouvernement de contacts entre eux et lui. Un porte-parole de la coordination, M. Abrika, a déclaré à "Liberté" que "toute personne qui s'est déplacée à Alger au nom de notre mouvement est considérée comme un traître" et sera sanctionnée. M- Abriki attribue le communiqué gouvernemental à une volonté de "saborder" la marche du 5 octobre. Un délégué de la commune d'Akbou a affirmé qu'aucun représentant de la wilaya de Bejaïa n'avait été mandaté pour rencontrer le Premier ministre. La coordination des archs de la wilaya de Tizi Ouzou a publié un communiqué affirmant que "le mouvement n'a mandaté aucune autre délégation ou personne (que deux collégiens, une victime et le père d'une victime) à procéder au dépôt (de la plate-forme d'El-Kseur à la présidence) ni même à disloguer ou négocier". Interrogée par "Le Matin", deux représentants du mouvement, Belaïd Abrika de Tizi Ouzou et Ali Gherbi de Bejaïa, ont démenti avoir rencontré le Premier ministre et "toute entreprise de rencontre avec la Présidence de la République au nom du mouvement". Pour Ali Gherbi (Intercommunale de Bajaïa), le communiqué du Premier ministre "est un faux" émanant d'un "pouvoir maffieux",même s'il est possible que "quelqu'un ait trahi"

En attendant, la marche du 5 octobre a en principe été confirmée par ses organisateurs, avec comme revendication principale celle d'une "réponse officielle, urgente et publique à la plate-forme de revendication d'El Kseur". La marche partira finalement de la Grande Poste, pour arriver à la présidence par Didouche-Mourad. Deux délégués par village ou quartier y participeront. On attend 7000 à 10'000 personnes à cette marche, qui devrait être très étroitement encadrée par la coordination interwilaya.

(AFP 4.10 / AFP, RAJ 5.10 / Le Monde, Le Quotidien d'Oran, Le Jeune Indépendant 6.10 / La Tribune, Le Soir, El Watan, Le Matin, Liberté 7.10 / Le Matin 8.10) Pour la troisième fois consécutive, et malgré les signes d'"ouverture" que semblait avoir donné le pouvoir au mouvement de contestation né en Kabylie, les 4000 à 5000 délégués des archs et villages de Kabylie et de plusieurs autres wilayas, n'ont pu atteindre le centre d'Alger pour déposer à la présidence la plate-forme d'El-Kseur, comme ils en avaient l'intention. La marche des délégués avait finalement été interdite, la veille de sa tenue, par le ministère de l'Intérieur et le dispositif habituel de "bouclage" d'Alger vers l'est avait été installé. Deux barrages ont stoppé les délégués des comités locaux, qui ont tenu un sit in face aux forces de sécurité, et sont repartis dans le calme. A Alger même, des policiers anti-émeutes étaient déployés aux endroits névralgiques. Quelques délégués qui avaient réussi à se rendre dans la capitale, avant son bouclage, ont été dispersés par la police. Selon le "Jeune Indépendant", la police s'est livrés à Alger à une véritable "chasse au faciès" (kabyle) pour tenter de "débusquer" d'éventuels manifestants ayant réussi à gagner Alger maégré la bouclage de la capitale. Le député RCD Djamel Ferdjallah a déclaré que des gens avaient été arrêtés "pour la simple raison (qu'ils ont) un accent kabyle". La coordination des comités de citoyens de la wilaya de Bouira a dénoncé dans un communiqué le comportement des autorités : selon la coordination, "des dizaines de citoyennes et citoyens se sont vus confisquer leurs papiers d'identité, 598 arrestations ont été opérées, dont des femmes et des enfants mineurs, plusieurs interpellés ont été malmenée et d'autres ont subi des agressions verbales et des insultes en tous genre". Le coordination annonce qu'elle saisira "en temps opportun" des institutions internationales sur "les perpétuelles violations par le régime algérien des pactes internationaux qu'il a pourtant ratifiés". La coordination interwilayas des comités a prévu de se réunir les 11 et 12 octobre à Bejaïa pour faire le point de la situation. La coordination de Tizi Ouzou se réunit le 8 octobre. En attendant, plusieurs porte-paroles des comités ont annoncé, après une réunion le 5 octobre à Tizi Ouzou, immédiatement après l'échec de la marche algéroise, que le mouvement allait se "radicaliser", par la généralisation de la désobéissance civile jusqu'à la grève totale des impôts et redevances, l'occupation de la rue jusqu'à satisfaction de toutes les revendications de la plate-forme d'El-Kseur, et l'interdiction de la Kabylie à tous les représentants du pouvoir (c'est-à-dire de l'Etat central).

Par ailleurs, la coordination des archs et des comités locaux a l'impression de s'être fait duper par le gouvernement, après l'annonce par celui de rencontres entre lui et des représentants des comités locaux. Il semble bien que ce soient des représentants de mouvements concurrents de ceux regroupés au sein de la coordination interwilaya qui ont dialogué avec les autorités, dialogue au terme duquel celles-ci ont annoncé que les "principales revendications" (selon lui) du mouvement pourraient être satisfaites, donc la reconnissance de tamazight comme langue nationale (mais après un référendum). Le mouvement populaire en Kabylie exige en effet cette reconnaissance, mais comme langue officielle au même titre que l'arabe, et n'accepte pas que cette revendication soit séparée des quatorze autres points de la "plate-forme d'El-Kseur". Un porte-parole des archs a déclaré à l'AFP que le berbère était de toutes façons "déja de fait langue nationale", et que la seule nouveauté serait qu'elle figure en tant que telle dans la Constitution. Le porte-parole de la coordination communale de Tizi Ouzou a dénoncé un "pouvoir qui tente de monter une partie de la population contre l'autre et brouille les pistes en favorisant des structures parallèles", comme le Conseil communal de Tizi Ouzou (qui pourrait avoir été l'interlocuteur, ou l'un des interlocuteurs, du gouvernement, à moins qu'il ne s'agisse de représentants des associations "de citoyens" créées en Kabylie, à Tizi Ouzou par Rachid Aïssat et à Bejaïa par Lahcène Seriak, pour soutenir le président Bouteflika). La Coordination intercommunale de Bejaïa a mis au défi le gouvernement de rendre publique la liste de la délégation qu'il a reçue (mais selon "Le Soir", les noms de ces représentants devraient être rendus public prochainement) et dénonce une "manoeuvre politicienne". Une source "proche du Chef du gouvernement", évoquée par "Le Matin", a affirmé que "32 personnes représentant essentiellement Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira, ont été reçues par Benflis" le 3 octobre "pendant plus de trois heuires", et que ces personnes reuièrent l'anonymat. La même source assure que la délégation reçue par le Premier ministre le sera aussi par le Président Bouteflika "probablement vers la mi-novembre". Les comités locaux de Kabylie font quant à eux remarquer que le télévision publique n'a diffusé aucune image de la rencontre entre le Premier ministre et les représentants inconnus qu'il a ou aurait rencontrés. La coordination de Bejaïa affirme que "personne n'a été mandaté pour discuter au nom des archs avec les autorités". Du côté des partis politiques, le FFS a déclaré que "la revendication de tamazight en tant que langue nationale et officielle ne peut que s'inscrire dans le cadre d'un processus de transition démocratique qui consacre le pluralisme, les droits de l'Homme et restitue au peuple algérien son droit à l'autodétermination", et le RCD a accusé le pouvoir de tenter de "neutraliser, après l'avoir réprimée, une danymique porteuse d'une cuilture citoyenne en quête de justice". Par contre, le RND s'est déclaré satisfait des déclarations du gouvernement et a appelé à "la prévalence de l'intérêts général sur les surenchères". Le Parti des Travailleurs a salué dans la reconnaissance de tamazight et la prise en compte de quelques revendications des archs "une victoire pour la démocratie, pour la Nation algérienne", qui prouve qu'il est "possible de résoudre les problèmes (algériens), aussi complexes soient-ils, entre Algériens (...) et en Algérie-même, pour peu que s'exprime la volonté politique de ceux qui ont la charge des affaires du pays". Quant à Ferhat M'henni, porte-parole et fondateur du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), il a déclaré que "la Kabylie n'a pas de partenaire crédible", ni le Président ni le Premier ministre, et que la Kabylie doit "tenir le siège pour des mois encore", la solution étant "dans l'autonomie de la Kabylie".

(Tribune, Le Matin, Liberté 9.10 / Le Matin, El Watan 10.10 / Tribune, Liberté, Le Matin, Quotidien d'Oran, El Watan 11.10) Les noms des certains des représentants de comités locaux qui ont rencontré le 3 octobre le Premier ministre Ali Benflis ont été rendu publics le 8 octobre dans un communiqué à en tête d'une "Délégation des arouch de la coordination interwilaya des archs, daïras, communes et comités de citoyens". Le communiqué évoque une délégation de 40 personnes, mais ne donne les noms que de six d'entre elles : deux pères de victimes de la répression, Amer Boukheddad et Nacer Arab, et quatre représentants de comités, Cherif Mohand Cheraft et Lounis Bennacer (wilaya de Bejaïa), Ahmed Mimouni (wilaya de Tizi Ouzou) et Hocine Saïdani (wilaya de Bouira). Selon "Le Matin", plusieurs de ces personnes sont connues comme étant des "relais du pouvoir central", et deux d'entre elles seraient des militants des "associations citoyennes" de Bejaïa et Tizi, créées par le conseiller du président Bouteflika, Rachid Aïssat. Les six représentants, désavoués par les comités locaux, les coordinations "officielles" de leurs wilayas et par la coordination interwilayas, expliquent avoir décidé de rencontrer le Premier ministre pour "prendre acte publiquement de l'acceptation de la plate-forme d'El-Kseur par le président de la République" et pour "permettre à notre mouvement et obliger le pouvoir de communiquer (...) sans que les assassins tuent et que les innocents meurent". Ils assurent que leur décision de rencontrer le Premier ministre résulte de "concertations qui se sont déroulées depuis quatre mois", accusent "certaines personnes" à l'intérieur du mouvement populaire de se livrer à "l'exploitation lucrative et partisane de la mémoire de nos enfants assassinés", et refusent de se rendre "complices du dévoiement" du mouvement. Ils affirment enfin n'avoir voulu agir qu'en "facilitateurs pour l'aboutissement de la plate-forme", et non en tant que représentants du mouvement, et l'avoir clairement précisé au Premier ministre. Arab Aïssa a déclaré à "Liberté" avoit été contacté la veille de la rencontre par un "émissaire du pouvoir" qui l'a invité à participer à une rencontre sans préciser que ce serait avec le Premier ministre. Lors de la rencontre, Ali Benflis aurait assuré "Tant que je serai chef du gouvernement, le ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour faire aboutir les revendications contenues" dans la plate-forme d'El-Kseur, mais pour Arab Aïssa, les "invités" d'Ali benflis ont été piégés par l'annonce officielle d'une rencontre entre le Premier ministre et des "représentants des archs", ce qu'ils n'étaient pas et avaient précisé qu'ile n'était pas.

A Bejaïa, la coordination intercommunale a dénoncé dans une déclaration publiée le 9 octobre les "basses manoeuvres" du pouvoir, qui visent à mettre un terme au "grand mouvement d'espoir et de liberté" né en avril. La coordination bejaouie entend elle aussi développer de nouvelles actions sur le terrain (blocage des routes nationales, conférence nationale sur les "événements" du printemps, marches et grèves locales "synchronisées" avec des actions nationales). Le porte-parole du Comité de la société civile d'El-Kseur (CSC), Ali Gherbi, l'un des rares animateurs du mouvement à être connu du public, a annoncé le 9 octobre sa démission de la coordination de la wilaya de Bejaïa. La structure concurrente, le Comité populaire de la wilaya, a de son côté évalué positivement la rencontre entre le Premier ministre et les représentants désavoués des comités, en qualifiant les engagements de la présidence (reconnaissance de tamazight, jugement des auteurs d'assassinats, indemnisation et reconnaissance des victimes) de "réelle avancée", qui attend cependant "sa concrétisation dans la réalité". Le comité populaire, qui se dit "sans complexe quant à une éventuelle négociation dans la transparence", défend la nécessité d'un dialogue "sans exclusive, serein et public, retransmis en direct à la télévision". Il pose cependant comme condition l'arrêt de "toutes les poursuites judiciaires contre les acteurs du sursaut populaire à Kherrata, Sétif et Bouira".

Réunie à Tizi Ouzou le 8 octobre, la coordination des aârouch, daïras et communes (CADC) envisage de radicalier le mouvement par des opérations "villes et villages morts" et par la désobéissance civile. La CADC envisage également l'organisation d'une marche le 1er novembre. La CACD s'est particulièrement préoccupée de l'insécurité générale régnant à Tizi Ouzou depuis le début des émeutes en avril, et a appelé le maire et le wali à agir pour la réduire. Nombre de représentants des comités locaux considèrent que le développement de l'insécurité résulte d'une stratégie du pouvoir, visant à contraindre la population à renoncer à exiger le départ de la gendarmerie. "Le Matin" rend compte dans un long reportage de la situation à Tizi Ouzou, marquée par l'absence à peu près totale des autorités d'Etat, et la présence "substitutive" des archs, qui règlent les différends entre les personnes, y compris ceux qui auparavant étaient transmis à des tribunaux. Dans la région de Bejaïa également, les comités locaux et les municipalités tentent, avec de très faibles moyens, de pallier l'absence ou l'inactivité des structures d'Etat, en particulier des forces de l'ordre.

La coordination interwilayas des comités locaux devait quant à elle se réunir le 11 septembre à Bejaïa afin d'examiner les perspectives du mouvement. La Coordination devrait notamment se prononcer sur la saisine d'instances internationales.

Dans la wilaya de Bouira, la coordination des comités de citoyens a fait le 8 octobre quatre propositions à la coordination interwilayas : le non-paiement des factures de l'eau, l'organisation d'une conférence nationale avec les partis politiques qui ont soutenu le mouvement citoyen et reconnu son essence démocratique, le rejet des échéances électorales et l'internationalisation des revendications de la plate-forme d'El-Kseur.

(La Tribune, El Watan, Le Matin 14.10 / Liberté 15.10) La Coordination interwilayas des comités de citoyens, de daïras et de communes, dans une réunion tenue les 11 et 12 octobre à Bejaïa, a décidé d'organiser des marches populaires et des grèves générales le 17 octobre dans les chefs-lieux de wilaya, précédées de diverses actions de blocage des routes nationales, dès le 15 octobre. Une marche nationale est prévue le 1er novembre à Ighil Imoula (w. Tizi Ouzou). La coordination appelle au boycott des représentants de l'Etat, notamment des walis (préfets). La coordination a également recommandé de saisir les instances internationales de la situation en Kabylie, et a sommé le pouvoir de reconnaître la plate-forme d'El-Kseur comme seul document exprimant la position du mouvement, et la coordination elle-même comme seul interlocuteur.

Par ailleurs, l'hypothèse d'un boycott (en Kabylie du moins) des prochaines échéances électorales a été évoquée au sein des coordinations locales et régionales. Un délégué de Bouira, Bounadi Boulaïd, a appelé au boycott pour "déjouer (le) piège" des élections, ajoutant que de toutes façons, dans les circonstances actuelles, la population de Kabylie boycottera toute élection sans qu'on ait même besoin de l'y inciter. Un délégué de la coordination intercommunale de Bejaïa, Yazid Mehdi, est du même avis : les citoyens de Kabylie "s'abstiendront certainement de voter pour marquer, à leur manière, leur opposition au pouvoir". Les coordinations régionales, pas plus que la coordination interwilayas, n'appellent cependant pas explicitement à ce boycott, et un délégué de la coordination de Tizi Ouzou, Zeroual Mohand Saïd, déclare que "participer ou pas aux élections dépendra de la tournure que prendront les événements". Une première indication sur la mot d'ordre de la coordination interwilayas sera donnée au terme de sa prochaine réunion, les 30 et 31 octobre. La coordination n'a pas, pour l'instant du moins, retenu la proposition de boycott, et il semble que la coordination de Bouira soit la seule coordination de wilaya à la soutenir. Dans les autres coordinations de wilaya, on craint qu'un boycott des élections en Kabylie ait pour effet de favoriser les partis proches du pouvoir, la Kabylie étant un bastion des partis d'opposition, et qu'en se prononçant sur des échéances électorales, les comités locaux se sbustituent aux partis politiques. Un représentant de la coordination de Tizi Ouzou, H'sen Haddouche, a cependant assuré que le mouvement allait "réserver des surprises de taille à l'ensemble des partis politiques qui ont piétiné ou essayer de perturber les différentes actions programmées par la base citoyenne", sans pour autant préciser clairement à quels partis politiques il faisait allusion. Un engagement des comités locaux dans un débat purement politique (voire politicien), à propos d'une échéance électorale, pourrait, de l'avis d'autres représentants des comités locaux, opposés à toute prise de position à propos d'éléections, provoquer l'éclatement du mouvement, un peu comme le mouvement culturel berbère a souffert, et a finalement éclaté, en tendances concurrentes suivant les lignes de partage politique en Kabylie. Plusieurs personnalités ont cependant pris position, plus ou moins clairement, en faveur d'un boycott électoral. L'avocat, et ancien sénateur, Mokrane Aït Larbi, se prononce plutôt favorablement à un boycott, dans les colonnes du "Matin" : "l'appel au boycott des prochaines échéances électorales est un moyen pacifique pour faire aboutir la plate-forme des aârouch". L'animeur du mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), Ferhat M'henni, ne voit pas qui pourrait avoir l'"outrecuidance" de passer outre à un boycott des prochaines échéances électorales s'il "est décidé par l'interwilayas des aârouchs", et assure que "toute consultation électorale non validée par la Kabylie est nulle pour le régime". Des députés expriment le même avis, comme Arezki Ferrad (FFS dissident), pour qui organiser des élections sans la Kabylie serait comme reconnaître "l'autonomie de cette région". Du coup se pose la question de l'organisation des élections elles-mêmes, et donc de la prolongation éventuelle du mandat de l'actuelle Assemblée populaire nationale, dont la majorité des députés de l'opposition non islamiste ont précisément été élus en Kabylie. En principe, et selon la loi et la constitution, l'Assemblée actuelle ayant été élus pour un mandat de 5 ans le 5 juin 1997, son mandat prend fin le 4 ou le 5 juin 2002.

L'un des membres de la délégation reçue par le Premier ministre Benflis le 3 octobre a tenu une conférence de presse le 14 octobre pour donner un certain nombre de précisions sur cette rencontre controversée. Cherraft Mohammed Cherif (de Sidi Ayad, w. Bejaïa) a dénoncé le fonctionnement "dominé par un système totalitaire nocif" de la coordination interwilayas, et a assuré que la délégation reçue par Benflis n'avait "ni négocié ni dialogué" mais était seulement allée "prendre acte de la volonté des autorités de satisfaire les points contenus dans la plate-forme d'El-Kseur". Cherraft se défend d'être membre de l'"Association citoyenne de Bejaïa" ("bouteflikiste", se présente comme un militant du FFS et assure avoir "mis de côté son militantisme partisan" lorsqu'il a rejoint la coordination des comités locaux. Il affirme que sur les 37 personnes reçues par le Premier ministre, seules une dizaine étaient membres des comités, les autres étant "des citoyens algériens libres". La même délégation pourrait être prochainement reçue par le président Bouteflika.

A Tizi Ouzou, une délégation de l'association des commerçants a rencontré la municipalité, conduite par le maire FFS Ahmed Taleb, pour débattre avec lui de la situation dans laquelle l'absence à peu près totale des pouvoirs publics nationaux ont plongé la ville, laissant la municipalité et les comités locaux seuls face aux problèmes de sécurité, de commerce illégal, d'hygiène et d'aménagement. La municipalité a assuré les commerçants qu'elle ferait tout ce qui est en son pouvoir et en ses moyens pour répondre à ces problèmes.

(Liberté 17.10 / Tribune, Jeune Indépendant, Le Soir, Liberté, Le Matin, Le Monde 18.10) La mobilisation à laquelle les arouchs et les comités locaux appelaient la population de Kabylie, le 17 octobre, a été très inégale. Le mot d'ordre de grève générale n'a ainsi été que très partiellement suivi dans la wilaya de Bejaïa, sauf dans quelques localités (El Kseur, Aokas, Akfadou, Akbou, Seddouk et Adekar, dans la wilaya de Bejaïa), et les manifestations pacifiques ont généralement rassemblé beaucoup moins de monde que les mois précédents. Dans plusieurs localités, elles ont été annulées par les organisateurs eux-mêmes, comme à Tizi Ouzou (ou des manifestations "sauvages" ont toutefois eu lieu), ou n'ont rassemblé que quelques dizaines de personnes, comme à Bouira. A Bejaïa, la grève a été suivie dans les services publics (sauf les écoles), mais pas dans le privé. A Mchedallah (w. Bouira), la marche pacifique prévue par le Comité des citoyens a dégénéré en émeute. A Tizi Ouzou, un sit-in en mémoire des victimes des "événements" a été observé devant le siège de la wilaya. A El-Kseur et Akbou, les manifestations ont vu une forte participation (mais elles ont été suivies d'émeutes) et la grève a été largement respectée, comme d'ailleurs à M'chedellah. La veille, à Dra'a el Mizan, un sit in avait été organisé devant le tribunal, au moment où des personnes blessées dans les manifestations précédentes et ayant porté plainte contre les gendarmes, étaient interrogées par le juge d'instruction. A Tizi Ouzou et Bejaïa, les cérémonies officielles de commémoration du 17 octobre 1961 ont été perturbées par des manifestations.

A Tizi Ouzou, lors d'une rencontre entre les familles des victimes des "événements" du printemps et la coordination de wilaya des arouchs et comités locaux, une déclaration a été adoptée, mettant "en garde le pouvoir assassin et mafieux contre toute tentative visant à nous entraîner dans un processus de dislocation par la domestication d^'individus" et réaffirmant que la seule solution à la crise "réside dans la satisfaction pleine et entière" des revendications de la plate-forme d'El-Kseur, dont le départ des gendarmes de Kabylie.

Le prochain rendez-vous de mobilisation auquel les arouchs et comités locaux convient la population est fixé au 1er novembre, pour une marche nationale à Ighil-Imoula (w. Tizi Ouzou). D'ici là, c'est la cohésion et la capacité de mobilisation des coordinations locales et régionales qui risquent de leur poser problème. Ainsi, à Tizi Ouzou, la Coordination communale a suspendu sa participation à la coordination de wilaya. "Le Soir" note "la réticence, de plus en plus affirmée, des populations à s'engager dans les démonstrations de force que la coordination programme inlassablement". La rencontre entre le Premier ministre Benflis et des membres de comités populaires, désavoués par les coordinations, a encore accru le sentiment de dissensions et de suspicion au sein du mouvement.

Répondant aux questions du "Monde", le député et secrétaire international du FFS Ahmed Djeddaï fait la "différence entre le mouvement citoyen", dont le FFS fait partie, "et la structure -la coordination- sur laquelle a été greffé un concept qui relève de la manipulation : celui des arouchs". Ahmed Djeddaï observe qu'àlors que les comités de quartier et de village fonctionnent démocratiquement et privilégient le dialogue, "pour les arouchs, les liens du sang constituent le ciment de l'unité", ce qui contribuent à "ghettoiser" un mouvement "qui était en train de s'étendre à toute l'Algérie", et que le pouvoir a réussi à circonscrire à la Kabylie. Quant à la sortie de la crise, pour Ahhmed Djeddaï "la réponse est entre les mains du pouvoir", qui doit engager un "dialogue réel et accepté par tous" et prendre des "mesures politiques fortes", comme la levée de l'état d'urgence, qui ne sert plus qu'"à interdire les libertés et la vie démocratique".

Le Mouvement culturel berbère-Rassemblement national, présidé pourtant par le porte-parole du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), Ferhat M'henni, s'est démarqué de ce projet autonomiste : "l'idée d'autonomie de la Kabylie est une aventure dangereuse parce qu'elle participe à la division", a déclaré dans une conférence de presse le 17 octobre la coordinatrice nationale du MCB-RN, Rahma Samiha, qui a cependant constaté que la "faillite de l'Etat centralisé" ne pouvait être contestle, ni la "nécessité d'aller vers une gestion politico-administrative plus proche des préoccupations de la population", mais qui a reproché au MAK sa naissance "dans l'opacité, sans concertation aucune", voire "sponsorisée et pilotée par un groupuscule de séparatistes, auteurs du tract anonyme signé : MKL" (Mouvement pour la Kabylie libre). Du coup, "l'absence de travail préparatoire et pédagogique" autour du projet d'autonomie réduit celui-ci à une manoeuvre "politicienne" et à "un thème de campagne électorale", en provoquant une "fracture supplémentaire qui ne fera que renforcer le pouvoir central".

A Tizi Ouzou, l'assemblée de wilaya (APW, à majorité FFS) a décidé de maintenir les aides destinées aux victimes des "événements" de Kabylie (pour un montant de 40 millions de dinars, 4 mios FF, 1 mio FS), malgré le refus du ministère de l'Intérieur de valider la décision de l'assemblée au motif qu'elle ne rentre pas dans "les prérogatives de l'APW".

(La Tribune 21.10 / Le Matin 24.10 / Le Matin, Le Soir 25.10) "Le Matin" note l'entrée en scène en Kabylie de "facilitateurs", des citoyens "indépendants et libres" qui se disent "pris en otage entre le pouvoir et les aârouch" et veulent jouer les "intermédiaire" pour l'ouverture d'un dialogue. De son côté, la Coordination des comités de la wilaya de Tizi Ouzou (CADC), réunie le 24 octobre à Tizi, s'est livrée à un travail d'"explicitation" de la plate-forme d'El Kseur, et a préparé la marche populaire prévue pour le 1er novembre à Ighil Imoula. L'"explicitation" de la plate-forme a été rendu nécessaire, selon la commission qui s'y est livrée, pour en éviter toute "interprétation fallacieuse" et tout "travestissement de son esprit et de sa portée" par le pouvoir. La CADC réaffirme l'exigence de satisfaction intégrale de la plate-forme, dont les revendications sont réparties en quatre types, toutes qualifiées de "réparations" : "réparations" dues aux victimes de la répression, "réparations" par le châtiment et la sanction des responsables, "réparations" historiques et démocratiques, "réparations" socio-économiques. La CADC exige que le mouvement soit "partie prenante dans la mise en oeuvre des solutions, après satisfaction de la plate-forme de revendications d'El-Kseur" et que l'Etat reconnaissance "ses responsabilités unilatérales, pleines et entières, dans les événements du Printemps noir 2001", en présentant des "excuses publiques et officielles".

Les animateurs du mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK) semblent "radicaliser" leur discours pour mieux attirer à leur projet une partie du mouvement de protestation qui s'est développé en Kabylie. Ferhat Mehenni et Abdeslem Abdenour ont ainsi affirmé les 18 et 19 octobre dans des réunions publiques que "nous n'avons aucun lien de parenté avec les Arabes et par conséquent rien de commun. Ni la même identité, ni la même culture, ni la même vision des choses", et que "l'arabe en tant que langue ne sera pas enseigné dans nos écoles de Kabylie" autonome. Dans un communiqué, le Mouvement culturel berbère-Rassemblement national, présidé par Ferhat M'henni, se dit prêt à "oeuvrer à la promotion de l'idée" d'autonomie, mais sans tutelle du MAK ni de qui que ce soit.

(AFP, Liberté 31.10 / Liberté, La Tribune, Liberté, El Watan 1.11) Sur fonds de divergences, d'incertitudes et de désillusion, la coordination des arouchs et des comités locaux a appelé à la mobilisation populaire pour le 1er novembre à Ighil Imoula (w. Tizi Ouzou), à l'occasion de la célébration du déclenchement en 1954 de l'insurrection armée qui conduira à l'indépendance de l'Algérie. La marche du 1er novembre, placée sous le signe de la "réappropriation de l'histoire" et de la mémoire par le peuple, a pour objectif essentiel le maintien de la mobilisation populaire et de la pression sur le pouvoir, alors que la vie quotidienne dans les régions en état de quasi-insurrection depuis avril devient de plus en plus difficile, face à la quasi désertion des services publics étatiques de la région, et au manque de moyen dont disposent les collectivités locales (aux mains de l'opposition, et proches du mouvement populaire) pour y pallier. Une marche populaire est également prévue à Tizi Ouzou, mais à l'appel des organisations de la "famille révolutionnaire" (fédération des fils de chahid, organisation nationale des victimes du terrorisme", avec comme mot d'ordre "Pour une Kabylie unie dans une Algérie unie", et comme objectif de "faire barrage aux séparatistzes, autonomistes et radicalistes". Le 5 novembre, à l'appel du Mouvement des mères pour la protection des enfants, une marche est prévue à Bejaïa pour protester contre les grèves scolaires et l'implication forcée des élèves dans le mouvement de protestation en Kabylie, sous le slogan "Non à la prise en otage de nos enfants".

La coordination interwilayas du mouvement populaire s'est réunie les 30 et 31 octobre à Larbaa Nath Iraten et a adopté un texte d'"explicitation" de la plate-forme d'El Kseur, charte fondamentale du mouvement. La coordination interwilayas a également exprimé son soutien à la Coordination communale de Tizi Ouzou, confrontée à une "concurrence" au sein même du mouvement populaire. A Bejaïa également, la coordination intercommunale (CIC) est confrontée à la "concurrence" d'une autre coordination, le "comité populaire de la wilaya de Bejaïa" (CPWB), mais les deux coordinations seraient en contact... pour se coordonner l'une avec l'autre. A Larbaâ Nath Irathen, la coordination interwilaya a adopté à l'égard du pouvoir une position radicale : ni négociation, ni dialogue, ni contact, ni médiation, mais l'exigence de la satisfaction intégrale et inconditionnelle de la plate-forme d'El-Kseur, et sa mise en oeuvre avec les "arouch, daïras et communes" comme "partie prenante" (expression suffisamment ambigüe pour qu'un débat s'engage sur la question de savoir si elle manifestait une volonté de dialogue ou une revendication d'exclusivité). Quant aux élections, l'"explicitation" de la plate-forme d'El-Kseur contient certes une résolution impliquant un boycott de toutes les échéances électorales tant que la plate-forme d'El-Kseur ne sera pas satisfaite, mais plusieurs délégations (dont une délégation de Tizi Ouzou) ont refusé d'accepter cette "explicitation". Un certain nombre de délégués ont également exprimé leurs doutes sur les possibilités mêmes de faire accepter l'intégralité de la plate-forme d'El-Kseur par le pouvoir.

La "Coordination des démocrates algériens" (regroupant l'ANR, le CCDR, le FD, le MDS, le MLD et le RCD) appelle le pouvoir à mettre un terme aux "méthodes policières souvent substituées au traitement politique des problèmes", et accuse le pouvoir d'une "intention délibérée d'isoler la région de Kabylie et d'y maintenir le désordre, l'insécurité et la dégradation des conditions de vie et de travail". Pour sa part, le FFS a salué le mouvement populaire comme "une dissidence pacifique, citoyenne et nationale (qui) ouvre un processus de réappropriation par les Algériens de leur souveraineté confisquée", et a assuré que "ni les manipulations et infiltrations, ni les manoeuvres visant à le ghettoïser et à en pervertir le sens ne réussiront à dévoyer ou à briser cette dynamique politique de reconstruction démocratique".

(AFP, Reuters, AP 1.11 / Le Monde, Le Quotidien d'Oran 3.11 / El Watan 5.11 / La Tribune, Liberté, Le Matin 6.11 / www.algeria-interface.com 2.11) Plusieurs dizaine de milliers de personnes (30'000 selon des journalistes présents sur place) ont participé le 1er novembre, en l'absence totale des forces de sécurité, à la marche des Ouadhias à Ighil Imoula, près de Tizi Ouzou, à laquelle appelaient la coordination interwilayas des comités locaux et des aarchs. La marche a commencé aux Ouadhias et s'est ensuite scindée, seuls les délégués des aarchs ayant pu accéder à Ighil Imoula. Les marcheurs se sont arrêtés dans les villages du parcours pour déposer des gerbes de fleurs en mémoire des martyrs de la guerre de libération, déclenchée le 1er novembre 1954. Les orateurs ont dénoncé "la confiscation de l'indépendance par un clan du pouvoir dictatorial et criminel qui a retourné ses armes contre ses propres enfants". Ils ont également réaffirmé le caractère "non négociable" de la plate-forme d'El Kseur, et exigé une réponse "urgente et politique des autorités" à ses revendications. Parallèlement, une grève générale a été d'autant plus massivement suivie en Kabylie que le 1er novembre est jour férié dans tout le pays.

Le 5 novembre, après trois journées de grève, les travailleurs de l'éducation de la wilaya de Bejaïa ont manifesté devant le siège de la direction de l'éducation. Selon ses organisateurs, la manifestation a ressemblé plus de 6000 personnes. Le syndicat régional SETE-UGTA exige le création de 400 postes de travail (il en manque 1700), la titularisation des contractuels, la promotion des adjoints d'éducation et l'augmentation des budgets de fonctionnement des établissements scolaires. Selon le SETE, la grève a été suivie à 86 % le premier jour, 94 % le second jour. Une grève nationale de l'éducation devrait avoir lieu le 12 novembre, ponctuée d'une manifestation nationale devant le ministère.

A Tizi Ouzou, le président de l'Assemblée populaire communale (Maire), Ahmed Taleb, a été "suspendu", d'abord par la direction nationale du FFS, puis par la fédération de Tizi Ouzou, pour avoir participé le 1er novembre à une cérémonie (télévisée) de remise de grade à des gendarme. Le FFS de Tizi estime que cette participation est "une erreur politique grave" de la part d'éun élu "censé représenter et déendre le peuple qui a payé un lourd tribut dans le combat citoyen contre la hogra, l'injustice et l'exclusion". Le FFS de Tizi réaffirme " son soutien à la dissidence citoyenne nationale et pacifique" et son "engagement indéfectible aux côtés de la population dans son juste combat pour l'instauration de la démocratie". Il met en garde le pouvoir "qui pousse la situation au pourrissement, au désordre et à l'insécurité" et appelle les citoyens à la vigilance "pour déjouer toutes les tentatives du pouvoir" visant à "dénaturer et/ou à détourner le noble combat du mouvement citoyen". Pour avoir participé à la même cérémonie de remise de grade aux gendarmes, le président de l'Assemblée populaire de wilaya (Conseil général), Mohand Sarni (également FFS) a également été "suspendu" par le FFS et a du démissionner de son poste et présenter ses "sincères excuses à tous les citoyens et les citoyennes". Il est remplacé par son premier vice-président, Ezzine Rabia. Les deux élus du FFS ne sont pas (ou pas encore) exclus du parti, mais devront passer devant sa commission de discipline.

Interrogé par "Algeria Interface" sur le projet d'autonomie de la Kabylie, l'animateur du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), Ferhat M'henni, explique qu'"un statut de large autonomie conférera à la Kabylie des pouvoirs exécutifs et législatifs" lui permettant notamment de faire de tamazight sa "langue nationale officielle", avec l'arabe comme langue "de l'insertion dans le tissu national" et le français (entre autres) comme langue permettant de "maîtriser" les "domaines" qui ne peuvent l'être par le seul tamazight. L'autonomie permettrait en outre selon son promoteur de permettre à la Kabylie de recevoir "pour son développement" la part (qu'il évalue à 50 %) de ses contributions fiscales. Ferhat M'henni précise que les régions concernées par l'autonomie sont les wilayas de Tizi Ouzou et Bejaïa, la partie berbérophone de la wilaya de Bouira et les parties des wilayas de Boumerdès, Jijel, Sétif et Bordj Bou Arreridj issues de "l'ancienne Kabylie". Envisageant un référendum sur l'autonomie, Ferhat M'henni précise qu'il pourrait être organisé "une fois que la Kabylie se sera exprimée pour l'autonomie à travers une pétition ou un boycott des élections que compte organiser le pouvoir". Ce référendum serait organisé par le mouvement kabyle lui-même, "une fois épuisée tous les recours de dialogue". Affirmant n'avoir jamais été approché par le pouvoir, Ferhat se dit prêt à discuter avec lui de l'autonomie "pour éviter des soubresauts à la région qui est économiquement exsangue et lui épargner aussi de nouveaux bains de sang".

(Le Matin, Liberté 8.11) Dans un communiqué rendu public le 7 novembre, le Premier ministre a annoncé une rencontre, le 14 novembre, avec des "délégués" des aârchs, "qui seront mandatés", sans autre précision ni sur ce mandat, ni sur la structure qui l'aura décerné. Cette rencontre devrait être précédée d'une réunion préparatoire et suivie, selon "Liberté", de la création de groupes de travail mixtes gouvernement/aarchs sur les différents points de le plate-forme d'El-Kseur, puis d'une rencontre entre les délégués des aarchs et le président Bouteflika, rencontre au terme de laquelle un accord définitif sur la résolution de la crise serait annoncé. L'objectif de cette démarche serait "la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur", ce qui suggère que le gouvernement en accepte le principe. La question continue donc de se poser de la représentativité des "délégués" que le Premier ministre rencontrera. La coordination de Tizi Ouzou a d'ores et déjà récusé le "dialogue" annoncé par le Premier ministre : "les délégués du mouvement des aârouch, daïras et communes ne peuvent et n'ont pas le droit de participer à aucune rencontre avec le pouvoir assassin". Pour Ali Gherbi, membre de la coordination interwilaya, "seule la plate-forme d'El Kseur est ambassadrice", et elle est "scellée et non négociable". Et "toute personne ou groupe de personnes qui s'eventureront à pèrendre langue avec le pouvoir (...) (auront) à rendre des comptes devant le peuple algérien".

(La Tribune 12.11 / Liberté 15.11) Le Premier ministre Ali Benflis a reçu le 14 novembre une délégation des aârchs de Kabylie (contestée par la coordination interwilayas, qui a refusé de répondre positivement à l'invitation) . Selon un communiqué des services du Premier ministre, ces contacts "s'inscrivent dans le cadre de la préparation d'une rencontre entre le président de la République et les délégués et membres des arouch" à une date non précisée. Une nouvelle réunion entre le Premier ministre (ou ses représentants) et les délégués locaux est prévue le 6 décembre. Ces réunions risquent d'approfondir le clivage au sein du mouvement citoyen de Kabylie, entre "radicalistes" et "dialoguistes", ceux-ci affirmant être soutenus, contre la position "officielle" de la coordination interwilayas, par plusieurs comités locaux et coordinations locales ("La Tribune" cite ceux de Bouzguene, Yatafen, Illilten et Larbaâ Nath Iraten). La Comité populaire de Bejaïa s'est également prononcé contre la position de la coordination interwilaya

(TG 23.11) Ferhat M'henni, porte-parole du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie, qui s'est rendu à Genève pour prendre part à l'examen et à la discussion du rapport de l'Algérie devant le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, déclare dans un entretien à la "Tribune de Genève" que le MAK n'est pas un mouvement "séparatiste", et que son projet d'autonomie "implique un parlement et un gouvernement locaux dans le cadre de la République algérienne". Répondant aux réactions négatives du FFS et du RCD à l'égard du MAK et de son projet, Ferhat M'henni signale que les deux partis revendiquent aussi l'autonomie "à demi-mot" (dans le cadre d'une régionalisation "à l'espagnole" pour le FFS, d'une "refondation nationale" pour le RCD), et que la différence entre le MAK et ces deux partis tient au fait que le premier limite son projet à la Kabylie "tandis qu'ils veulent l'étendre au reste du pays".

(Tribune 22.11 / Liberté 27.11 / Tribune, El Watan, Liberté 28.11) Des dizaines de milliers de personnes ont participé à El Kseur, le 26 novembre, à un meeting à l'appel du Comité de la société civile d'El-Kseur, et des coordinations de Bouira et Amizour. Le porte-parole du comité d'El Kseur, Ali Gherbi, a exprimé le refus de toute concession à l'égard du pouvoir, proclamé qu'"on est prêts à se sacrifier, grands et petits, jusqu'à la victoire", et exigé l'annonce officielle et publique par le pouvoir de "la satisfaction" de la plate-forme d'El-Kseur. Ali Gherbi a exigé du Premier ministre Benflis l'annulation de la rencontre prévue le 6 décembre entre lui et des représentants "dissidents" du mouvement citoyen (qu'il a qualifié de "traîtres" traînant un "casier judiciaire" : "si cette rencontre a lieu, de très grandes actions seront menées ce jour-là et ça va tourner mal". Le 20 novembre, à El Kseur, les membres de la coordination qui avaient accepté de rencontrer le Premier ministre ont failli être lynchés par de jeunes manifestants.

La coordination interwilayas doit se réunir les 5 et 6 décembre pour déterminer une "nouvelle étape" du combat. Des organisations internationales devraient participer à cette réunion. Avant cela, le 29 novembre, la coordination des aarchs de Tizi Ouzou devait se réunir afin de "contrer" l'action de la délégation qui a accepté de rencontrer le Premier ministre. Un comité préparatoire de la rencontre prévue le 6 décembre entre cette délégation, non officiellement reconnue par les coordinations, et le Premier ministre Ali Benflis, a été mis sur pieds. Les militants des aarchs et personnalités locales "indépendantes" qui acceptent de rencontrer le gouvernement expliquent qu'il s'agit de consacrer "publiquement la mise en oeuvre des revendications de la plate-forme d'El-Kseur"; pour une partie du mouvement, qui ne se sent cependant pas représentée par ceux qui iront discuter avec le Premier ministre, le dialogue n'est pas "un tabou". Selon un délégué d'Illilten, Mahmoud Maâmart, une vingtaine de coordinations locales ne seraient plus d'accord avec la ligne "radicale" qui, selon elles, mène le mouvement "vers l'impasse". Pour cette tendance "dialoguiste" du mouvement, "le pouvoir doit discuter avec des délégués authentiques (...) qui peuvent arracher des acquis".

(Le Soir, El Watan, Le Matin 2.12 / Liberté, Le Jeune Indépendant3.12) Le comité préparatoire de la rencontre des membres et délégués "dissidents" des aarchs avec le Premier ministre sur "la mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur", rencontre prévue le 6 décembre, a formé une "cellule de communication" composée de six personnes. Selon "Le Soir", le Premier ministre devrait annoncé ce 6 décembre l'institution et la constitutionnalisation de tamazight comme langue "nationale et officielle" de l'Algérie. Quant à la gendarmerie, dont la plate-forme d'El-Kseur demande le départ de Kabylie, tous ses escadrons quitteraient effectivement la région, et un certain nombre de brigades seraient transférés hors des centre urbains.

Le Comité populaire de Bejaïa, "concurrent" de la coordination "officielle" membre de la coordination inter-wilayas (CADC), a annoncé qu'il était "partie prenante" de la négociation avec le gouvernement. De son côté la CADC de Tizi Ouzou appelle à une grêve générale et des sit-in le 6 décembre, pour manifester son opposition à la rencontre entre le chef du gouvernement et les délégués "dissidents" (qu'êlle qualifie d'"usurpateurs"). Elle a également exprimé son intention de s'opposer à toute échéance électorale tant que les revendications de la plate-forme d'El-Kseur ne seront pas satisfaites, mais a renvoyé à plus tard l'appel à la grève des impôts qu'elle evisageait de lancer. La CADC prépare également une rencontre entre le mouvement associatif, des ONG, des parents de victimes et des personnalités -mais pas de représentants de partis politiques.

Il semble que l'on soit en train d'assister à l'émergence d'une deuxième coordination de comités locaux, avec (selon "Le Soir" et, moins affirmatif, "El Watan") l'appui du FFS, qui renvoie "dos à dos" le pouvoir et l'aile "radicale" de la CADC de Tizi Ouzou, qui vient d'exclure neuf de ses membres pour "non respect du code de l'honneur" et pour avoir accepté de rejoindre la tendance "dialoguiste", après avoir rendu publique une déclaration dans laquelle ils déclarent refuser "de participer à la mort certaine et programmée du mouvement citoyen", dirigé "vers l'inconnu" par sa tendance radicale. Un représentant de la tendance "dialoguiste", M. Amrouche, de Bouzeguène, a cependant nié qu'une cooordination parallèle ait été crée, mais invité le mouvement à choisir une nouvelle stratégie pour sortir de l'impasse.

(Le Matin, Liberté 5.12 / Liberté, Tribune, Le Matin, Le Jeune Indépendant 6.12) La rencontre entre le gouvernement et les représentants de la tendance "dialoguiste" des aârchs devait avoir lieu le 6 décembre en fin d'après-midi. Selon une source gouvernementale, pas moins de 1000 représentants des comités locaux de Kabylie devaient participer à la rencontre, destinée à examiner la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur. Cet examen devait se faire en cinq ateliers réunissant représentants des comités et représentants du gouvernement, sur les thèmes, respectivement, de l'identité amazighe, des réparations dues aux victimes du "printemps noir 2001", des poursuites judiciaires des responsables desviolences, des revendications démocratiques et historiques et des revendications socio-économiques. "La Tribune" observe que les objectifs du gouvernement, au-delà des déclarations sur la constitutionnalisation de tamazight (le mouvement populaire demande, lui, précisément, qu'elle obtienne le statut de langue nationale et officielle), restent beaucoup plus "flous" et "généralistes" que ceux de la plate-forme d'El Kseur. Le travail consistant à rapprocher les objectifs gouvernementaux de ceux de la plate-forme risque donc de prendre du temps et ne s'achèvera certainement pas avec la réunion du 6 décembre. Une autre rencontre est d'ailleurs prévue, entre les représentants des comités et le président Bouteflika cette fois, à une date encore inconnue, mais après que tous les points de la plate-forme d'El Kseur aient fait abordés dans le cadre de la première discussion ouverte le 6 décembre. Pour le comité préparatoire de la rencontre, celle-ci constitue "un grand examen de la société et de l'Etat-nation sur leurs capacités à communiquer et à porter les grands projets historiques de l'Algérie". Pour M. Bekouche, délégué de Bejaïa, il ne s'agit pas d'aller négocier la plate-forme d'El-Kseur, puisqu'elle est acquise, mais sa mise en application. M. Bekouche affirme en outre le caractère national des revendications : "Tous les Algériens sont concernés et se reconnaissance" dans la plate-forme, et non les seuls Kabyles.

Face à la tendance "dialoguiste" du mouvement, la tendance radicale, qui contrôle la coordination interwilayas, et bénéficie désormais du soutien du RCD et du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), a dénoncé dans le rencontre du 6 décembre une "mise en scène", et insisté sur le fait que la concrétisation des revendications de la plate-forme d'El Kseur, qualifiée de "seule ambassadrice du mouvement", est de la responsabilité du Président de la République et non du chef du gouvernement. Dans un communiqué le RCD dénonce un régime "nourri à la culture de la manoeuvre et de la manipulation" et qui "parie sur le pire (...) en se fabriquant les délégués à la semaine". Le MAK dénonce quant à lui des "arouch taïwan préfabriqués" qui s'apprêtent à "brader leur honneur et le sang des martyrs kabyles", et suggèrent que "l'impunité et peut-être l'argent que leur offrirait momentanément le pouvoir (justifieraient) leur démarche". La coordination interwilayas qualifie en outre les représentants des aârchs qui participeront à la rencontre de "délégués autoproclamés", les accuse de n'avoir "jamais assisté à une assemblée générale du mouvement" et de bafouer le code d'honneur de celui-ci, qui interdit toute rencontre "fractionnelle" avec le pouvoir. "Cette réunion n'est qu'une autre manipulation du pouvoir et en tant que telle, elle est vouée à l'échec", affirment les représentants de la coordination interwilayas, dans une "tournée" auprès des journaux de la presse privée. Les représentants de l'Interwilayas démentent en outre que celle-ci ait quoi que ce soit à voir avec les "actions de représailles" exercées contre des partisans du dialogue : ces actions "sont le fait de citoyens en colère" que la coordination fait tout pour "inciter au calme". Le comité de citoyens de Haïzer n'en a pas moins qualifié les "dialoguistes" de "traîtres à la nation, en donnant publiquement leurs noms et fonctions. La liste des 31 délégués "dialoguistes" du 3 octobre sera d'ailleurs affichée un peu partout en Kabylie. Selon "La Tribune", des membres de la délégation de Bouira auraient renoncé à participer à la rencontre avec le Premier ministre, "de peur d'être lynchés". L'un des délégués reçus par le Premier ministre le 14 novembre a été "appréhendé" par la coordination d'Aït Djennad, et a, selon "Le Matin", a "failli être lynché" par des citoyens. Pour autant, un porte-parole de la coordination, Belaïd Abrika, a affirmé le caractère pacifique du mouvement, affirmant que "des membres de la Coordination ont arrêté des citoyens ayant pris des armes pour s'attaquer aux gendarmes pendant les moments les plus chauds des émeutes qui ont ensglanté la Kabylie" et démentant toute mise en place de "tribunaux populaire" par les aârchs.

Le même jour que la rencontre Benflis-représentants "dialoguistes" des comités locaux devait se tenir à Souk El Thenine une réunion de la coordination Interwilayas, avec à l'ordre du jour : les perspectives du mouvement, et quelques propositions, comme celle d'entamer des poursuites judiciaires au niveau d'instances internationales contre les responsables de la répression. Des sit-in sont prévus dans la wilaya de Bejaïa, à l'initiative de la coordination intercommunale, devant toutes les brigades de gendarmerie pour réitérer l'exigence de leur départ et pour dénoncer les "personnes non mandatées qui vont prendre langue avec le pouvoir assassin", alors que le comité populaire de Bejaïa a exprimé son soutien, non à la rencontre proprement dite du 6 décembre, mais au dialogue. A Bouira, Tizi Ouzou et Bejaïa, des mots d'ordres de grève générale ont été lancés. La coordination de Tizi Ouzou a lancé une "caravane" d'explication dans les localités de la wilaya pour expliquer les raisons de l'exclusion de neuf délégués "dialoguistes". "Le Matin" estime que la division du mouvement entre "dialoguistes" et "radicaux" accentue "le malaise et le pourrissement dans la région", et accuse le pouvoir de l'entretenir sciemment. "Liberté" considère que face aux contradictions qui traversent le mouvement, "une halte s'impose". Pour autant, le délégué de la coordination de Tizi Ouzou, Mustapha Mazouzi, estime qu'"après neuf mois de combat, le bilan (du mouvement) ne peut être que positif", et affirme que le mouvement ira "jusqu'au bout de (son) combat". Mustapha Mazouzi assure au "Matin" que "la population meurtrie ne pardonnera pas à ceux qui ont voulu ou voudraient faire des concessions à un pouvoir citoyen", mais assure que la coordination n'a "jamais appelé au lynchage des faux délégués". A l'inverse, Mahmoud Mamart, délégué d'Illiten, "dialoguiste", mais considérant avec suspicion la rencontre du 6 décembre entre le Premier ministre et "des délégués autoproclamés", fait un constat "amer" : "on aura droit soit à des pseudo-solutions imposées à une délégation non représentative, soit à l'embrasement général". M. Mamart signale que ceux qui acceptent "un dialogue franc et sincère avec de vrais délégués mandatés" reçoivent quotidiennement des menaces de mort. Membre de la tendance "radicale", un délégué d'Akfadou, membre de l'Interwilayas, a indirectement répondu en déclarant à "Liberté" que "ceux qui sont prêts à trahir le sang de nos valeureuse martyrs du printemps noir, en se leurrant sur l'offre manoeuvrière du pouvoir, (n')auront qu'à assumer les conséquences de leur dérive face à leurs concitoyens de Kabylie". Pour un délégué "dialoguiste" de Bouzguène, Arezki Yahoui, exclu de la coordination de Tizi Ouzou, mais bénéficiant du soutien des délégués de sa commune, "le dialogue n'est ni un tabou ni une abdication", mais le pouvoir a mis des signaux contradictoires, entre des communiqués officiels positifs en faveur du dialogue, et "des manoeuvres absolument condamnables qui jettent le doute sur cette volonté" par la création de "faux représentants du mouvement citoyen". Participant au "dialogue" avec le pouvoir, M. M. Bekouche, délégué de Bejaïa, dénonce quant à lui une "frange occulte qui veut faire durer le pourrissement". A Tizi Ouzou, plusieurs membres de la coordination des comités de quartiers et villages de la commune ont lancé un appel soutenant la rencontre du 6 décembre, et dénonçant "les pyromanes (...) qui ont adopté le jusqu'au-boutisme comme stratégie et l'impasse comme perspective".

Par ailleurs, près de six mois après la création de la commission d'enquête parlementaire sur les "événements" de Kabylie, président par M. Maboud, le rapport de la commission n'a toujours pas été rendu public, alors qu'il était prévu qu'il le soit à fin septembre. Dans l'entourage de la commission, on se refuse à tout commentaire sur les raisons de ce retard. Dès son installation, cette commission a été tenus et très haute suspicion par l'opposition politique (qui n'y participe pas) et l'opinion publique en Kabylie, suspicion nourrie lors du débat parlementaire de juin sur les "événements", lorsque des députés "islamo-conservateurs" qui forment l'essentiel des membres de la commission avaient, alors qu'aucune enquête n'avait commencé, accusé la France d'être l'instigatrice des émeutes en Kabylie. Sur place, en Kabylie, la commission s'était heurtée à l'hostilité de la population. Et après la publication du rapport de l'autre commission d'enquête, celle présidée par Mohand Issaâd, qui avait chargé les autorités, et notamment la gendarmerie, de l'essentiel des responsabilités des "événements", ce que pouvait encore dire la commission parlementaire n'avait plus grande importance. Le retard de la publication des conclusions de la commission Bayoud pourrait dès lors indiquer soit que cette commission tente de faire coïncider son rapport avec celui de la commission Issaâd, soit que, une fois de plus, le rapport sera purement et simplement enterré, comme le furent précédement ceux des commission d'enquêtes sur l'assassinat du président Boudiaf ou sur la fraude électorale.

(El Watan, Liberté 8.12 / Le Monde, La Tribune, Liberté 9.12 / Le Matin 10.9) Le gouvernement et les "dialoguistes" des aârchs ont comme prévu tenu le 6 décembre leur réunion commune. La réunion a duré cinq heures et s'est achevée par un accord portant sur la mise en place des quatre ateliers de travail prévus, sur l'indemnisation des victimes du printemps, sur les poursuites contre les responsables des morts et des violences, sur le statut de tamazight et les "revendications démocratiques et historiques" et sur les revendications socio-économiques. Ces ateliers devaient entamer leurs travaux dès le 8 décembre. Selon l'agence officielle de presse APS, un cinquième "atelier", sur la participation des citoyens à la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur est envisagé. Les quatre "ateliers ont écé constituée et installée le 8 décembre . Ils sont coprésidés par un représentant de la présidence (pour l'atelier sur tamazight) ou du gouvernement et un délégué des comités. Officiellement, il n'est pas question pour les "dialoguistes" de négociation, mais de "discussions sur les voies et les moyens de mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur". Au terme des travaux des "ateliers", les délégués "dialoguistes" doivent rencontrer le président Bouteflika. Le Premier ministre a plaidé pour un dialogue "sans manipulation aucune" et assuré qu'eun sujet n'était tabou. Il a également déclaré que la cause défendue en Kabylie était "une cause citoyenne" qui a permis "une avancée extraordinaire de la démocratie en Algérie". Pour un participant à la rencontre, père d'une victime de la répression, les représentants citoyens ont "pris des risques", la population les "attend" et on n'a "pas le droit de trahir les morts". Dans un communiqué, les services du Premier ministre ont loué le "sens élevé des responsabilités" des "délégués des arouchs", et leur "volonté de contribuer à (la) mise en oeuvre (des revendications de la plate-forme d'El-Kseur) dans le cadre des lois de la République".

Pour le porte-parole de la délégation citoyenne, Salim Allilouche, la rencontre du 6 décembre est une "victoire de l'Algérie sur l'injustice et le mépris"et le comité préparatoire de la rencontre réaffirme dans un communiqué son "adhésion totale à la démarche du dialogue et au rejet de toute forme de violence". "Nous comptons concrétiser et mettre en application tous les points inscrits dans la plate-forme d'El-Kseur et nous n'avons l'intention de céder sur aucune revendication", a assuré Salim Allilouche. La discussion avec le Premier ministre n'est donc pas une "négociation" mais l'ouverture d'un "dialogue sincère" pour "la concrétisation de tous les points inscrits dans la plate-forme d'El-Kseur".

En revanche, les neuf délégués "dialoguistes" exclus de la coordination interwilayas évoquent dans une déclaration "l'ampleur des échecs consommés aussi bien du côté de la mise en scène organisée par le pouvoir et orchestrée par le laboratoire le plus douteux de fabrication de représentants de citoyens" que du côté de la tendance la plus radicale du mouvement, "qui a lancé en vain des appels à la grève et à la confrontation avec les gendarmes". Pour les "dialoguistes" exclus de la CADC, "ce double échec disqualifie définitivement les tenants du pourrissement et les fossoyeurs de la liberté". Se réclamant de la tendance "dialoguiste" du mouvement citoyen, Arezki Yahoui (coordination de Bouzeguène) estime que le président Bouteflika doit intervenir directement dans les discussions, en ouvrant des négociations avec des représentants officiels de l'Interwilayas. Arezki Yahoui reproche au président Bouteflika de n'avoir fait que désigner pour une discussion avec "des citoyens qui ne représentent qu'eux-mêmes" un "chef du gouvernement dépourvu constitutionnellement du pouvoir de décision". Pour lui, c'est le président, "seul habilité à prendre des décisions politiques et (à) répondre constitutionnellement aux revendications de la plate-forme d'El-Kseur", d'engager le dialogue "sous une nouvelle forme".

Quant à la coordination interwilayas, que les délégués présents aux discussions du 6 décembre accusent d'être devenue comme la coordination de Tizi Ouzou et l'Intercommunale de Bejaïa "un moyen de pression pour servir les intérêts de certaines personnes", elle a dénoncé les participants à la rencontre avec le gouvernement en les qualifiant "d'énergumènes sans foi ni loi qui s'attribuent le rôle de négociateurs sans mandat aux fins de discuter d'une plate-forme dont ils ignorent même le contenu" et de "délégués usurpateurs, opportunistes et sans scrupules", et a estimé que les actions menées le 6 septembre en Kabylie pour dénoncer la rencontre ont été "une réussite totale", avec des grèves générales "suivies à 100 %" et des émeutes qui ont éclaté "dans la quasi-totalité des communes". "Liberté" estime par contre que le mot d'ordre de grève générale en Kabylie "n'a guère été suivi", et en tout cas pas dans les proportions souhaitées par l'Interwilaya, que la population est restée spectatrice des émeutes, menées par des adolescents, plus par "désir d'en découdre" avec les représentants de l'ordre que par "obéissance aux consignes des chefs autoproclamés", et que "les commerçanmts qui ont baissé rideau ne l'ont fait que pour éviter la casse, mais nullement par adhésion aux mots d'ordre du mouvement". Pour l'Interwilayas, le mouvement "appartient surtout à la rue et personne n'a les capacités de le dompter". Pour la CADC de Tizi Ouzou, "la population a définitivement choisi son camp : celui de ceux qui n'ont pas accepté la compromission avec le pouvoir". Les délégués de la Coordination interwilayas des aârchs, qui se réunissaient les 6 et 7 décembre à Souk El Tenine, ont retenu le principe de l'opposition à toute consultation électorale tant que la plate-forme d'El Kseur ne sera pas satisfaite. La délégation de Bejaïa, divisée sur la question, ne s'est pas prononcée, et la délégation de Boumerdès a vainement tenté un report de la discussion sur ce thème. L'interwilayas a en outre annoncé qu'elle "engagera des actions d'envergure nationale pour faire aboutir ses revendications". Elle tiendra sa prochaine réunion les 27 et 18 décembre à Sidi Aèich Arouch (w. Bejaïa). Elle y débattra notamment de la proposition de la coordination de Bejaïa d'organiser une conférence nationale sur l'avenir du mouvement", en faisant appel aux intellectuels, animateurs du mouvement associatif, artistes et acteurs politiques "issue de partis démocrates", selon Farès Oudjedi, délégué de Bejaïa.

Le succès ou l'échec de la réunion du 6 décembre est difficile à évaluer. D'une part, on a été loin du "millier" de délégués annoncés la veille de la réunion, et le Premier ministre Ali Benflis a encore lancé un appel aux "radicaux" du mouvement pour leur assurer que "toutes les portes sont ouvertes pour trouver une solution", que le dialogue qu'il proposait ne recelait "ni ruse ni piège" et que "l'aggravation de la crise en Kabylie ne sert personne", mais d'autre part, la tenue même de la réunion a encore accentué la crise au sein du mouvement, dont l'unité a été sérieusement ébranlée, non pas tant par les "manoeuvres" du gouvernement que par ses propres contradictions, trois tendances s'y faisant jour, chacune affirmant être représentative du mouvement et de la population : une tendance "radicale", qui "tient" la coordination interwilayas et refuse tout dialogue avec le pouvoir tant que celui-ci, par le président Bouteflika, ne s'est pas engagé publiquement à appliquer intégralement la plate-forme d'El-Kseur; une tendance "dialoguiste" qui a participé à la réunion du 6 décembre, et une autre tendance "dialoguiste" qui a récusé cette réunion et ceux qui y ont participé, mais qui accepte le principe de négociations et récuse la ligne "radicale" de la coordination interwilayas. Pour toutes ces tendances, cependant, la plate-forme d'El-Kseur reste, au moins rhétoriquement, le texte de référence.

(AP, Le Matin, Le Quotidien d'Oran 12.12 / La Tribune, El Watan 13.12) Plusieurs centaines de délégués de la coordination interwilayas et des comités de village de la wilaya de Tizi Ouzou ont manifesté le 12 décembre sans incident à Tizi Ouzou pour exiger la libération des personnes arrêtées lors des émeutes des 6 et 7 décembre dans la région, et pour dénoncer les discussions du 6 décembre entre le Premier ministre Ali Benflis et des délégués citoyens non reconnus par la coordination interwilayas.

A Bouira, une centaine de manifestants se sont rassemblée à l'appel de la Coordination des comités de citoyens de la wilaya, pour dénoncer les "pseudo-dialoguistes" du 6 décembre. "Le mouvement appartient désormais à la rue", a proclamé un délégué de Haïzer.

La coordination intercommunale de Bejaïa a prévu une marche populaire le 14 décembre, pour exiger la libération des personnes arrêtées. Elle dénonce "la stratégie du pire d'un pouvoir aux abois qui ne cesse de manoeuvrer pour entraîner (la) région et l'Algérie dans un cycle infernal de violences, afin de se maintenir en place". La coordination a rendu public un appel lancé au Secrétaire général de l'ONU Kofi Annan à l'occasion de la Journée internationale des droits de l'Homme, le 10 décembre. "A l'ère où le monde évolue dans le sens d'édifier un village planétaire, où les droits collectifs et individuels (soient) pleinement consacrés et respectés, nos population vivent quotidiennement un déni des libertés et une violation manifeste des droits de l'Homme les plus élémentaires pratiqués par un régime mafieux et assassin", écrivent les délégués de Bejaïa à Kofi Annan, à qui ils demandent de "venir en aide à (des) populations en danger de mort".

Quand aux "dialoguistes" du 6 décembre, ils ont, annonce "Le Quotidien d'Oran", décidé de porter plainte contre les représentants de la coordination interwilayas après l'affichage de leurs noms dans toute la Kabylie, plusieurs de ces "dialoguistes" ayant ensuite été victimes de menaces et de saccages de leurs domiciles.


(Reuters 20.12 / www.algeria-interface.com 20.12, 23.12 / La Tribune, Le Soir, Liberté, El Watan, Le Quotidien d'Oran, Le Matin 23.12) Plusieurs milliers de personnes (5000 selon des journalistes indépendants) ont manifesté le 20 décembre à Tizi Ouzou à l'appel de la coordination des aarchs et comités de la wilaya (CADC) pour exiger la libération de six manifestants arrêtés il y a deux semaines, et en détention provisoire depuis, et pour dénoncer les "traîtres" (les "dialoguistes" ayant participé le 6 décembre à des discussions avec le Premier ministre). Quelques affrontements se sont produits à la fin de la manifestation, devant la gendarmerie, faisait quelques blessés (entre dix et soixante selon les sources, dont deux gendarmes) et aboutissant à au moins quinze nouvelles arrestations, dont trois aboutissant à des mises en détention provisoire.

A Bejaïa, une délégation du Comité populaire de la wilaya (CPWB) devrait rencontrer le 25 décembre le wali et le procureur pour obtenir la libération de neuf manifestants détenus depuis les derniers affrontements. Les 3 et 4 janvier, le CPWB compte organiser une conférence régionale du "mouvement citoyen" pour évaluer la marche du mouvement, sa stratégie et ses perspectives. Par ailleurs, des démarches de "réunification" du mouvement ont été entreprises entre le CPWB et la Coordination intercommunale de la wilaya, les deux structures concurrentes du mouvement citoyen en Petite Kabylie. Les deux structures ont exprimé leurs intentions "unitaires", et réclament ensemble la libération des détenus. La Coordination, qui a tenu réunion le 21 décembre à Amizour, a adopté le principe de rejet de toute consultation électorale "jusqu'à satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur", la question étant de savoir si ce rejet se traduira par un appel à l'abstention ou par un empêchement concret des opérations électorales. Un délégué d'Akfadou, Farès Oudjedi, intertogé par "Le Quotidien d'Oran", a cependant démenti qu'une décision de boycott ait été prise : "Il n'a pas été question d'appeler la population au boycott des prochaines élections. Un débat est encore (en cours) à l'intérieur de notre coordination", précise le délégué, qui ajoute cependant que "le principe du rejet de toute échéance électorale" a été arrêté, mais que la position des coordinations des wilayas de Bejaïa et de Boumerdès n'est pas encore clairement établie. La Coordination dénonce la rencontre du 6 décembre entre des représentants, réels ou autoproclamés, du mouvement populaire (qualifiés d'"arouch in vitro") et le gouvernement. Elle prévoit de saisir les instances internationales des "crimes contre l'humanité" commis durant les derniers mois en Kabylie.

Les coordinations de wilaya ont décidé de faire de la journée du 12 janvier (le Nouvel An berbère) un jour férié. La coordination interwilaya se réunira les 27 et 28 décembre à Sidi Aïch (w. Bejaïa)

Selon un document confidentiel établi par le gouvernement, co-signé par un représentant des "dialoguistes", Salim Alilouche, et dont "Algeria-Interface" rend compte, le pouvoir aurait ben et bien reconnu la légitimité et le bien-fondé des revendications du mouvement populaire en Kabylie, mais ne serait pas pour autant prêt à y répondre conformément aux exigences de la plate-forme d'El-Kseur. La réponse du gouvernement consisterait à "fractionner" les revendications du mouvement, notamment en dissociant la revendication identitaire des autres revendications, et en la consacrant comme revendication centrale et majeure -alors qu'elle ne l'est pas dans la plate-forme d'El-Kseur. Le pouvoir serait donc prêt à accepter la demande de reconnaissance de "tamazight, langue nationale et officielle", et d'y ajouter un enseignement nouveau de l'histoire de l'Algérie en ne la faisant pas remonter à son arabisation mais en la prolongeant, en deçà, jusqu'à la "période antique", mais traiterait séparément et plus succintement les autres revendications. Les autorités seraient prêtes à accorder un statut de "martyr de la citoyenneté" aux victimes de la répression, mais se conteraient de répondre à la revendication du départ de la gendarmerie de Kabylie par le "déplacement des brigades de gendarmerie mal-situées", situées au centre-ville ou face à des établissements publics (comme des lycées). Sur les "réparations dues aux victimes", représentants du gouvernement et des "dialoguistes" auraient abouti à une position commune, soulignant la responsabilité de l'Etat dans les "événements". Les représentants citoyens exigent plus précisément que l'Etat reconnaisse officiellement et publiquement "ses responsabilités unilatérales, pleines et entières" dans les événement, et organise une "cérémonie présidentielle et solennelle" en mémoire des victimes. L'Etat devrait en outre accorder des "réparations morales et matérielles" aux victimes et à leurs ayants-droit et renoncer à toutes les poursuites à l'encontre des manifestants.

En ce qui concerne les revendications socio-économiques, le texte ne prévoit qu'un "plan d'emploi pour les jeunes des wilayas concernées", l'accroissement de l'offre d'emploi "par la reprise de la production et de l'investissement productif" et l'encouragement à la "création de PME", ainsi que des réponses assez vagues sur la "réforme monétaire", la "refonte du système fiscal" et la "lutte contre l'inflation". Sur les revendications politiques, le texte se contente de proposer la mise en place d'un "Conseil de gouvernement décentralisé à Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira". Quant aux questions relatives aux droits de l'homme et à la justice sociale, aucune proposition précise n'est faite.

Face à la démarche du gouvernement et des "dialoguistes" du 6 décembre, le débat se poursuit au sein du mouvement, entre trois tendances : les "radicaux", qui refusent toute négociation, les "dialoguistes" qui acceptent de discuter avec le pouvoir, sur la base de la plate-forme d'El-Kseur et pour sa concrétisation, mais à la condition que la discussion se fasse avec des représentants officiels des coordinations de comités locaux, et les "dialoguistes" non délégués par les coordinations, et qui ont participé à la discussion du 6 décembre.

Représentant de la tendance "radicale" du mouvement, Belaïd Abrika, de Tizi Ouzou, qualifie, dans un entretien à Algeria-Interface, la rencontre de "rencontre de la trahison" et de "négociations clandestines, avec des gens anonymes", dont la majorité sont "des serviteurs du pouvoir" (et de citer "le Dr Amokrane, qui est un attaché militaire"), quand il ne s'agit pas d'"escrocs qui ont des affaires en justice". Belaïd Abrika justifie la "mise en quarantaine" des personnes qui ont eu des contacts avec le Premier ministre, "parce qu'ils ont usurpé la représentation populaire". Quant aux attaques physiques contre les familles de personnes qui participent aux discussions avec le pouvoir, il estime que "lorsque certains trahissent la mémoire des martyrs, il peut arriver des choses que nous ne pouvons contrôler" et que "dans tout mouvement, il y a des traîtres". Enfin, Belaïd Abrika reconnaît une certaine "démobilisation" du mouvement, mais l'attribuent à ceux qui "poussent vers la démobilisation pour justifier la négociation", et promet des "révélations" à ce sujet.

Pour la deuxième tendance ("dialoguiste", mais n'ayant pas participé aux discussions du 6 décembre avec Ali Benflis), Rezki Yahoui, exclu de la coordination interwilayas, qualifie ces discussions de "faux dialogue" et observe que "chaque fois que le pouvoir fait un pas vers le pourrissement, nos extrémistes à nous en font un de leur côté", et que lorsque "le Premier ministre organise un simulacre de dialogue avec un groupe hétéroclite, tout à fait inconnu du mouvement, (on voit) nos extrémises qui poussent les jeunes devant les brigades de gendarmerie". Rezki Yahoui, pour qui s'il y a des "traîtres" dans le mouvement, ce sont "ces extrémistes" et ceux qui lancent des "appels aux meurtres" et commettent des agressions contre les familles des personnes ayant discuté avec Benflis (un peu partout en Kabylie ont été placardées les listes des personnes participant au "dialogue" avec le gouvernement depuis le 6 décembre, sous le titre : "Les traîtres du sang des martyrs du Printemps noir"), reprend l'hypothèse avancée par l'ancien sénateur Mokrane Aï Larbi, d'une inflitration par "des agents de clans du pouvoir" aussi bien des "faux délégués discutant avec Ali Benflis" que de "la tendance extrémistes du mouvement". Sur le principe même d'une négociation, il réaffirme que "la Plate-forme d'El Kseur n'est pas le Coran", et qu'"affirmer qu'elle est non négociable ne fait qu'apporter de l'eau au moulin de ceux qui poussent à la confrontation et veulent mener le mouvement vers l'impasse". Par contre, la désacraliser, c'est "ouvrir une perspective vers sa concrétisation", ce qui serait "une avancée pour toute l'Algérie". Mais le représentant des "dialoguistes" pose à cela deux conditions préalables : que "les délégués taïwan" (ceux qui ont diacuté avec Benflis) rentrent chez eux et que le "simluacre de dialogue" face place à une véritable négociation entre le pouvoir et le mouvement, et que les détenus soient libérés.

La position de Rezki Yahoui a été d'une certaine manière exprimée également par le Premier secrétaire du FFS, Ahmed Djeddaï, lors d'une conférence de presse le 22 décembre. Pour Djeddaï, qui a réaffirmé le soutien du parti à la "dissidence citoyenne", il est du devoir du principal parti de Kabylie "de libérer le mouvement citoyen du ghetto imposé par le pouvoir, les radicaux populistes et ses relais, pour éviter l'essouflement (du) mouvement (et) une situation de pourrissement qui mènerait la région et le pays au chaos". Mais pour le FFS, le mouvement n'aboutira que "s'il s'inscrit dans une démarche nationale que seuls les partis politiques pourraient concrétiser". Ahmed Djeddaï a en outre distingué les aarchs des comités de village, les premiers étant une "greffe" des "services" sur un mouvement populaire basé sur les seconds, et a qualifié les interlocuteurs du Premier ministre, le 6 décembre, de "personnes manipulées par les services" et "en aucune manière représentatives".

Enfin, pour la troisième tendance, celle présente lors des discussions du 6 décembre avec le Premier ministre, Salim Allilouche assure que les ateliers de réflexion mis en place après ces discussions "ont atteint leur vitesse de croisière" et que les travaux se déroulent "normalement" sur les "modalités de mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur et de ses revendications pleines et entières". Selim Allilouche assure que lui et les autres participants à ces discussions et aux ateliers de réflexion sont "indefectiblement" engagés pour "faire aboutir les revendications inscrites dans la plate-forme d'El-Kseur, et cela sans renoncer à un quart de point de la plate-forme".


La Commission d'enquête sur les "événements" de Kabylie présidée par Mohamd Issaâd a remis le 26 décembre son "rapport définitif", c'est-à-dire un court texte conclusif au rapport remis en juillet, au président Bouteflika (un rapport "fondamental" et non "préliminaire", a précisé le 24 décembre Mohand Issaad). Pour la Commission, la poursuite des troubles en Kabylie, et le fait que "la peur n'a pas disparu", interdit toute investigation utile supplémentaire. La commission met en cause la "lisibilité" des textes de l'état d'urgence (décret présidentiel et arrêté interministériel de février 1991, arrêté interministériel non publié de juillet 1993). La commission considère que l'arrêté de 1993, contraire au décret du 9 février, a permis un glissement de l'état d'urgence vers l'état de siège, en "violation de la règle de la hiérarchie des normes" (qui pose comme principe qu'un arrêté ne peut être contraire à un décret), en accordant des pouvoirs exceptionnels aux commandants des régions militaires et en introduisant une "double compétence" civile et militaire fauteuse de confusion entre "maintien de l'ordre" (confié à l'autorité civile) et "rétablissement de l'ordre" (confié à l'autorité militaire). Le rapport souligne également l'impossibilité de déterminer clairement les responsabilités des agents de l'Etat dans la situation en Kabylie, compte tenu de leur non respect de la loi. Il conclut à l'illégalité de l'intervention de l'autorité militaire )laquelle n'est pas le commandement de la gendarmerie, mais le commandement de la région militaire), et évoque la possibilité d'une action du pouvoir menée au mépris de la loi. Pour le rapport, "le respect de la loi n'est pas encore entré dans la culture des responsables". Lors du forum organisé par le quotidien "El Youm" le 24 décembre, Mohand Issaâd avait expliqué que la commission avait "choisi délibérément de ne pas donner de noms de responsables", cette désignation étant du ressort des autorités : "ce n'est pas à nous de faire le travail des autres", avait lancé Mohand Issaad, qui avait ajouté "ceux qui sont en haut savent qui parmi eux sont responsables". Quant à la situation en Kabylie, Mohand Issaad avait exprimé son inquiétude ("personne n'est en mesure de prévoir comment elle peut évoluer"), et appelé au dialogue, tout en déplorant que lors des discussions lancées le 6 décembre entre le Premiere ministre et des représentants les "citoyens libres") autoproclamés du mouvement populaire, "la Kabylie ne se (soit pas fait) correctement r(représenter)" par des délégués réellement mandatés.

RAPPORT CONCLUSIF DE LA COMMISSION D'ENQUETE SUR LES EVENEMENTS DE KABYLIE

DÉCEMBRE 2001

(Le Matin 25.12 / Le Jeune Indépendant, www.algeria-interface.com 29.12 / Le Matin, Liberté 30.12 / La Tribune, El Watan, Liberté, Le Soir 31.12) Le rassemblement de 200 à 500 délégués de la coordination interwilayas, prévu le 30 décembre devant la représentation de l'ONU à Alger, n'a pu avoir lieu. De nombreux délégués ont été empêchés de gagner la capitale, d'autres (environ 90 selon "Liberté") ont été interpellés et certains arrêtés et conduits au commissariat d'Hydra et dans d'autres postes de police. Des journalistes ont également été bousculés, et des pellicules de photographes confisquées. Des barrages de police avaient été dressés à Naciria (w. Boumerdès) et Boudouaou et Dar El Beïda (Alger) pour empêcher les délégués de venir de Kabylie. Toutes les rues autour de la représentation de l'ONU, à Hydra, étaient bouclées. Les délégués de l'Interwilayas devaient remettre au représentant de l'ONU une motion appelant le Secrétaire général Kofi Annan à "user de son pouvoir" pour satisfaire la déclaration d'El-Kseur, et exigeaient en outre la libération des manifestants encore détenus. Le bureau du représentant de l'ONU a produit un communiqué dans lequel il souligne qu'il est disponible à recevoir toute délégation ou partie souhaitant le rencontrer. Les personnes arrêtées ont été libérées en début de soirée le jour même. Le FFS et le RCD ont dénoncé l'intervention policère et les interpellations de délégués. Dans un communiqué, le FFS accuse "le pouvoir totalitaire, fidèle à ses traditions de répressions et de manipulation", d'avoir commune nouvelle nouvelle atteinte "à l'exercice des libertés et des droits politiques", et considère que la démarche de l'Interwilayas auprès de l'ONU représente le "seul recours devant l'absence totale de recours interne". Le FFS appelle à la mobilisation des citoyens pour imposer "l'abrogation des lois d'exception".

2002

(El Moudjahid 31.12 / Quotidien d'Oran, Le Matin 2.1 / La Tribune, El Khabar, El Watan, Le Soir 3.1) Alors que les manifestants et délégués arrêtés et incarcérés en décembre étaient toujours, le 2 janvier, en détention, malgré l'incessante revendication de leur libération par l'ensemble (toutes tendances confondues) du mouvement populaire en Kabylie, Bejaïa accueille les 3 et 4 janvier la Conférence régionale du Comité populaire de la wilaya (CPWB), avec à son ordre du jour le bilan critique de neuf mois de mobilisation, la redéfinition des stratégies de lutte et de l'organisation du mouvement et l'enrichissement de la plate-forme d'El-Kseur par de nouvelles revendications, de portée nationale (laïcité de l'Etat, abrogation du code de la famille, levée de l'état d'exception, gel des amendements du code pénal relatifs à la presse, ouverture des media publics...). Le CPWB entend "faire de la dynamique populaire en cours l'alternative qui mènera le peuple algérien à recouvrer sa totale dignité" et organiser "la révolte des opprimés (...) dans l'intelligence et la vigilance, au niveau national et international". Quant à l'autre structure régionale du mouvement, la Coordination intercommunale, elle appelle, avec le soutien des coordinations de Tizi Ouzou, de Bouira et de Boumerdès, à une marche, appuyée par une grève générale, pour la libération des détenus, le 3 janvier et organise un gala de solidarité avec les victimes du "printemps noir" et leurs familles.

"La Tribune" note en outre un "redéploiement" des deux partis politiques qui dominent la Kabylie, le FFS et le RCD. Le Premier secrétaire du FFS avait affirmé que "la politique doit reprendre ses droits" en Kabylie comme dans toute l'Algérie, et les élus du parti ont tenu des rassemblements le 30 décembre devant les palais de justice de Tizi Ouzou et de Bejaïa pour exiger la libération des détenus et l'arrêt des provocations et des intimidations du pouvoir. La fédération FFS de Bajaïa annonce que "le FFS oeuvrera d'une manière synergique et convergente avec les acteurs sociaux pour stopper (la) logique d'impasse politique répétée (et) réhabiliter le politique". A Bejaïa, le FFS a dénoncé la tentative du pouvoir de "rééditer le scénario des élections truquées en faisant fi de la situation chaotique qui prévaut dans les différentes régions du pays", et a annoncé qu'il "ne cautionnera pas la tenue d'une quelconque élection dans cette conjoncture" -la question du boycott n'ayant cependant pas encore été tranchée par la direction du parti.

Le RCD, de même, considère que seule une réponse politique est à même de dénouer la crise, et que "tant qu'il n'y a pas de réponse politique, (...) la protestation pacifique du mouvement citoyen est légitime".

En constatant dans son rapport "final" sur les "événements" que des agents de l'Etat, à tous les échelons, "continuent à prendre des libertés avec la loi" et que "le respect de la loi n'est pas encore entré dans la culture des responsables", la commission d'enquête présidée par Mohand Issaâd semble confirmer la nécessité d'un "retour à la politique", d'autant qu'elle estime que "l'émergence spontanée et rapide des ârchs doit attirer l'attention sur la nécessité d'une représentation réelle des populations" et qu'elle reprend même, implicitement, la vieille revendication du FFS (à laquelle s'est désormais ralliée le RCD) de levée de l'état d'urgence, puisqu'elle estime que les différents textes sur lesquels s'appuie l'état d'urgence aboutissent à un "glissement subtil" vers l'état de siège. Pour Mohand Issaâd, s'exprimant dans un entretien à "El Moudjahid", les autorités savent qui est responsable des "événements" de Kabylie et savent quelles décisions peuvent permettre de sortir de la crise. Le rapport Issaâd met cependant hors de cause le commandement de la gendarmerie, qui "a donné des ordres pour ne pas tirer à balles réelles, et on à continuer à tirer" à balles réelles. Il écarte la thèse de la "main étrangère" et insiste sur la nature socio-économique de la crise.

Le président de l'autre commission d'enquête (parlementaire, celle-là), Ahmed Bayoud, a déclaré à "El Khabar" que sa commission aboutissait à des conclusions différentes de celles de la commission Isaâd : "le manque de canaux de dialogue et de consultation (est) la principale cause des émeutes de la région", déclare Ahmed Bayoud.

Du côté du "dialogue" entre les "citoyens libres" et le gouvernement, les "ateliers" de travail ont adopté toute une série de résolutions explicitant de leur point de vue la plate-forme d'El Kseur, et devant être remises au Premier ministre le 3 décembre, avant une rencontre entre les "citoyens libres" et le président Bouteflika. Huit résolutions ont été adoptées : elles portent sur

Les délégués "citoyens" déclarent : "nous retournons heureux de la mission accomplie auprès de nos villes, de nos villages, de nos familles et de nos ârchs, la plate-forme d'El-Kseur plaintement réalisée", et annoncent leur intention de "convoquer un conclave interwilayas élargi à la totalité des délégués dûment mandatés pour réaliser le bilan financier de notre mouvement". Un porte-parole des délégués "citoyens" a affirmé que "les points inscrits dans la plate-forme d'El-Kseur n'ont pas subu de changement" et que si le pouvoir ne tenait pas sa promesse de satisfaire les revendications de la populations, "les manifestations reprendront". Quant aux délégués "officiels" des aârchs dont les noms avaient été cités comme pouvant rejoindre les "dialoguistes", Ali Gherbi (Bejaïa) et Belaïd Abrika (Tizi Ouzou), ils ont démenti ces rumeurs, qu'Ali Gherbi qualifie d'"intox" et Belaïd Abrika de "manoeuvre montée de toutes pièces par le pouvoir et une certaine presse en même temps". Ali Gherbi précise que "Bouteflika est notre seul interlocuteur" et qu'il n'y aura de dialogue avec lui qu'à la condition de l'acceptation et de la satisfaction de la plate-forme d'El Kseur.

(La Tribune, El Watan, El Moudjahid, Le Matin, Liberté 6.1 / Jeune Indépendant, El Watan, Le Matin 7.1) Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont participé le 3 janvier à Bejaïa, à l'appel de la Coordination intercommunale, à une marche pour exiger la libération des manifestants encore détenus, et la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur. La presse privée estime que la manifestation a été un succès pour ses organisateurs, et relance le mouvement en Kabylie, après neuf mois de lutte. Une marche est également prévue à Bouira, le 12 janvier, jour de l'an berbère (décrété férié par les aarchs) sur les mêmes objectifs que celle de Bejaïa. Le FFS a de son côté appelé à un nouveau sit-in le 7 janvier devant le siège de la wilaya de Tizi Ouzou, à l'appui de la revendication de libération des détenus.

Les conclusions des travaux des "ateliers" installés début décembre lors du "dialogue" entre le Premier ministre Benflis et les "citoyens libres" devaient être remises le 7 janvier à Ali Benflis, avec des projets de "résolutions communes". Cette remise a cependant été reportée à une date non précisée, mais "rapprochée", ce qui laisse supposer que le gouvernement pourrait avoir l'intention d'élargir le dialogue à des représentants de la tendance "radicale" du mouvement citoyen afin de l'engager dans une sortie politique de crise. En tous cas, les conclusions des ateliers relatifs aux "réparations dues aux victimes" et aux "poursuites pénales" semblent poser problème aux représentants du gouvernement. Le ton de ces conclusions, et l'alignement général des textes issus des ateliers sur la plate-forme d'El-Kseur, peuvent en effet difficilement, en l'état, recevoir l'aval inconditionnel des autorités. Il en va notamment ainsi de l'exigence du départ de la gendarmerie de Kabylie, difficilement acceptable par le pouvoir central, et de celle de la traduction devant des tribunaux civils de "tous les coupables et responsables avérés à tous les niveaux de commandement dans les événements".

Pour la coordination interwilayas, en tous cas, la fin des travaux des ateliers, auxquels elle n'a pas participé, et l'annonce des résolutions reste encore "un non-événement" participant du "scénario (d'un) simulacre de dialogue". "El Watan" signale d'ailleurs que les conclusions des "ateliers mixtes" rendues publiques ne portaient que la signature des représentants des "citoyens libres", et pas celles des représentants du gouvernement. Le porte-parole des "dialoguistes", Selim Alilouche, a annoncé une révision de la constitution, portant officialisation de tamazight, avant les élections législatives. Il assure que les "dialoguistes" n'ont "pas négocié (mais) dialogué et apporté plus que ce prévoit la plate-forme" d'El Kseur. Les "dialoguistes" ont en outre accusé le RCD de tenter de récupérer le mouvement, et accusé deux animateurs de la tendance "radicale" du mouvement citoyen, Belaïd Abrika et Ali Gherbi, d'être "au service des forces occultes du pouvoir". "Le Jeune Indépendant" suggère pour sa part qu'Ali Gherbi serait en contact avec les services du Premier ministres "pour préparer le terrain à (une) nouvelle session de dialogue", avec des "délégués représentatifs et auquel la population pourra adhérer". En attendant, un délégué de la coordination d'Aït Khelili a exclu de ses rangs l'un des "dialoguistes", Mehalli Arezki, qui a fait son autocritique. Quant au RCD, il a annoncé que l'un de ses militants, Amar Chenafi, des Ouadhias, avait été enlevé par cinq hommes le 2 janvier, interrogé sur les rapports entre le RCD et le mouvement citoyen, et même "torturé". Le porte-parole du RCD, Hamid Lounaouci, a qualifié celui des "dialoguistes", Selim Alilouche, de "Kabyle de service manipulé par le pouvoir".

(www.algeria-interface.com, Le Monde 8.1 / Quotidien d'Oran 9.1 / Tribune, El Watan, Le Matin 10.1) Le 1er Yannayer 2952 (Nouvel An) du calendrier amazigh (12 janvier) sera célébré en Kabylie (Tizi-Ouzou, Bejaïa, Bouira) sur le mode d'une journée de mobilisation.

Dans la wilaya de Bouira, la Coordination des comités de citoyens appelle le 12 janvier à une grève générale et une marche populaire à Bouira, pour exiger la libération de tous les détenus.

Dans la wilaya de Bejaïa, où le 12 janvier a également été proclamé jour férié par le mouvement populaire, une réunion de la Coordination intercommunale était prévue le 10 janvier à Tifra, pour faire le point après le succès de la marche du 3 janvier et déterminer l'attitude à adopter face aux tentatives du gouvernement de "prendre langue" avec le mouvement, après le "dialogue" lancé le 6 décembre. "La Tribune" note cependant que la coordination est traversée par le conflit entre les deux partis dominant la région, le FFS et le RCD, et que ce conflit implique désormais également les "sans parti", dont Ali Gherbi, qui accuse des militants du RCD d'avoir modifié sans en référer au mouvement le contenu de la lettre que les délégués de celui-ci voulaient remettre au représentant de l'ONU à Alger. "Le Quotidien d'Oran" (notamment) signale que la lettre remise finalement au représentant de l'ONU comptait sept pages, soit six de plus que celle adoptée par la coordination interwilayas. Le RCD réfute les accusations portées contre lui, et le vice-président du parti, Djamel Fardjallah, dément toute implication de "gens du parti dans cette affaire".

Dans la wilaya de Tizi Ouzou, la coordination des arcouch, däiras et communes a prévu toute une série de manifestations le 12 janvier, précédées le 11 d'un cortège accueillant à l'aéroport la dépouille du vieux militant de la cause amazigh, décédé récemment, Bessaoud Mohand Arab, puis d'un hommage à sa vie et son oeuvre,

Dans un entretien à "Algeria Interface", le porte-parole des "dialoguistes", Salim Allilouche, initialement membre de la coordination intercommunale de Bejaïa, dénonce l'infiltration du mouvement populaire par des "arrivistes, des éléments du RCD qui ne s'étaient jamais impliqués" et qui, sur "instruction de leur direction" ont "infiltré le mouvement après avoir noyauté les comités de village", afin de "s'attirer la sympathie de la population qui le vomissait". Du coup, le FFS, jusque là "absent", est également entré en scène. Salim Allilouche explique son choix du dialogue par la volonté de "redonner au mouvement son essence originelle, celle d'une contestation de jeune". De là, en réponse à l'appel au dialogue lancé par le Premier ministre Ali benflis en octobre, l'inititiative de contacter le gouvernement : "Nous représentons la base, ceux qui sont morts, ceux qui vivent la même situation que nous : chômeurs, exclus de la vie publique et de la décision politique". "où étaient (les partis politiques), surtout le RCD et le FFS (...) lorsque la Kabylie avait besoin d'eux ?", demande le porte-parole des "dialoguistes", qui s'en prend également aux "gens qui n'ont rien à voir" avec le mouvement mais qui "tentent de l'utiliser", comme Ferhat M'henni (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie) ou Ahmed Benyahia (opposant de la fin des années '70), et qui affirme que la base du mouvement adhère déjà à la démarche du dialogue : "elle attend du concret", et "n'attend rien de cette poignées de gens qui n'ont rien à voir avec le mouvement" (les "radicaux")

Interrogé par "Le Monde", le président de la Commission nationale d'enquête sur les "événements" de Kabylie, Mohand Issaâd, revient sur la publication prématurée (due à une fuite) des conclusions de son rapport, et déclarer qu'il déposerait "plainte immédiatement" s'il savait qui était à l'origine de la "fuite" (vers "Le Jeune Indépendant" et "Algeria-Interface"). Mohand Issâd exclut qu'il puisse s'agir d'un membre de la commission, et assure que l'initiative de la fuite ne provient pas non plus de la présidence. Sur les conditions de sortie de la crise, Mohand Issaâd considère qu'il faudrait "avant tout clarifier la situation entre les institutions et savoir qui est responsable de quoi" : il faut cesser "de poser le problème de la crise algérienne en termes de rivalités, même si elles existent", déclare le président de la Commission d'enquête.

(AFP 12.1 / Jeune Indépendant, Quotidien d'Oran, El Watan, Le Matin 13.1 / Le Matin 14.1) Les comités locaux de Kabylie et leurs coordinations (toutes tendances confondues) ont affirmé le 12 janvier, jour du nouvel-an berbère (Yennayer) leur volonté de faire de ce jour un jour férié ("chômé et payé") dans toute l'Algérie. Dans toute la Kabylie, des expositions, des conférences, des concerts, des manifestations et des grèves ont célébré cette journée, à l'appel des comités et des coordinations. Selon le calendrier berbère, d'origine phénicienne, réformé à l'époque romaine, le 12 janvier est le premier jour de l'an 2953.

A Bouira et Bejaïa, notamment, des marches, qui ont rassemblé au total plusieurs dizaines de milliers de personnes, ont eu lieu pour exiger la libération des détenus et dénoncer les "dialoguistes". A Ouzellaguène, une stèle portant l'inscription en tamazight "les prochains printemps ne seront plus noirs" a été érigée à la mémoire des cinq habitants de la commune tués dans la répression du mouvement du printemps 2001. A Mizrana (w. Tizi Ouzou), le municipalité a été fermée symboliquement par des habitants en colère.

La rencontre prévue le 12 janvier entre le chef du gouvernement et les "dialoguistes" (les "citoyens libres") a été une nouvelle fois reportée à une date indéterminée. Selon leur porte-parole, Salim Allilouche, ce seraient les délégués citoyens qui auraient pris la décision du report en posant comme préalable à la rencontre la libération des manifestants arrêtés et encore détenus. Ce nouveau report suscite des interrogations dans la presse, dont plusieurs titres évoquent l'hypothèse d'un abandon par le gouvernement (ou par le président) du dialogue avec des délégués non mandatés par les coordinations "officielles", et d'une recherche de nouveaux interlocuteurs, d'autant qu'au sein de l'interwilayas, une tendance favorable à un dialogue (mais pas celui jusqu'ici engagé) semble se dessiner. Le démenti officieux de la présidence au sujet d'une révision constitutionnelle semble aller dans ce sens, cette révision pouvant contenir l'officialisation de tamazight, ce qui était considéré par nombre d'observateurs comme une concession du pouvoir aux "dialoguistes". Le Haut Commissariat à l'amazighité a de son côté réaffirmé son soutien à la revendication de l'officialisation de Yennayer comme fête légale dans toute l'Algérie.

Le porte-parole du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK) a adressé au Comité des droits socio-économiques et culturels de l'ONU une lettre lui demandant d'exiger de l'Algérie "le respect total des conventions internationales qu'elle a ratifiées pour assurer la primauté du droit international sur le droit national scélérat". Pour Ferhat M'henni, la Kabylie vit "le martyre depuis près de 40 ans" et l'Algérie un "deuil permanent depuis bientôt dix ans". Il attend du comité de l'ONU son intervention auprès de l'Etat algérien pour qu'il accepte "en l'état la plate-forme d'El-Kseur élaborée par la Kabylie".

(Le Matin 20.1 / La Tribune, Liberté 21.1) D'une centaine à un demi-millier (selon les sources) de délégués de la coordination intercommunale de Tizi Ouzou ont tenu le 20 janvier un sit-in devant le Tribunal de Tizi Ouzou pour exiger la libération des manifestants encore détenus. A Bejaïa, à l'appel du Syndicat d'entreprise des travailleurs de l'éducation (SETE), une grève a paralysé presque totalement l'activité de tous les établissements scolaires. Le SETE réclame la réintégration de 218 salariés licenciés et le paiement immédiat et intégral de tous les salaires.

Alors que le Premier ministre Ali Benflis aurait déclaré à "El Watan" qu'il n'y aura pas de révision constitutionnelle (donc pas de reconnaissance constitutionnelle de Tamazight comme langue nationale et officielle) avant les élections législatives, les "radicaux" comme les "dialoguistes" au sein du mouvement populaire ont réaffirmé leur exigence d'une révision avant toute élection, et leur refus de celles-ci en Kabylie avant la satisfaction "pleine et entière" de la plate-forme d'El-Kseur. "Si le pouvoir tient à organiser les élections sans que la plate-forme d'El Kseur soit satisfaite pleinement et entièrement, alors à ce moment-là, il peut compter sans la Kabylie", a-t-on déclaré au sein de la coordination de Tizi Ouzou. La même position a été exprimée au sein de la coordination de Bejaïa. En fait, "compter sans la Kabylie" ne devrait pas trop "déranger" le pouvoir qui n'y dispose plus de relais fiables.

(Le Quotidien d'Oran 23.1 / La Tribune, El Watan, Le Matin 24.1) La coordination des aarchs, daïras et communes de la wilaya de Tizi Ouzou (CADC) a démenti le 23 janvier une information parue dans la presse, faisant état de contacts entre le pouvoir et des délégués du mouvement en vue de relancer un dialogue. "Il n'y a ni contact ni dialogue avec le pouvoir. (...) Si dialogue il y a, il ne peut se faire qu'après la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El Kseur" a déclaré un représentant de la CADC, Amara Chalal, qui a ajouté que "la contestation continuera ainsi que les manifestations de rue pour exiger la satisfaction de nos revendications" et dénoncer les "dialoguistes", et précisé que cette position était commune à toutes les coordinations de wilayas. La coordination des comités de citoyens de la wilaya de Bouira a d'ailleurs pris la même position que celle de Tizi Ouzou, ainsi que l'Intercommunale de Bejaïa. La presse (notamment "Le Quotidien d'Oran") avait annoncé le 23 janvier qu'un dialogue entre le pouvoir et les "radicaux" des aarchs était sur le point d'être engagé, à la faveur d'une "conférence nationale" sur la Kabylie, organisée peut-être en mars par les coordinations de wilayas des comités locaux, avec la participation de toutes les tendances du mouvement (y compris les "dialoguistes" récusés par l'aile "radicale" de l'Interwilayas, et le soutien des partis politiques de la région (FFS et RCD).

Dans une conférence de presse, la porte-parole du Parti des Travailleurs, Luisa Hanoune, a appelé le pouvoir à "prendre ses responsabilités" en satisfaisant les revendications de constitutionnalisation de tamazight, en libérant les détenus et en jugeant les auteurs des assassinats commis lors du "printemps noir", mais s'est aussi, comme le FFS, distancée des aarchs comme structure d'organisation du mouvement : "En Kabylie, c'est un mouvement politique". Louisa Hanoune a accusé "des forces internationales" d'être "derrière les arouchs", et a relevé que si le mouvement de protestation en Kabylie était largement médiatisé, celui qui se déroule dans d'autres wilayas, sur les mêmes objectifs et pour les mêmes raisons, reste largement inconnu.

Le porte-parole du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), Ferhat Mehenni, a adressé une lettre au Secrétaire général de l'OTAN, lettre dans laquelle, au nom de "l'intérêt" que l'Alliance est supposée porter "à la stabilité des régions du monde", Ferhat Mehenni se dit "confiant" dans la "vigilance" de l'OTAN afin déviter que les Kabyles, "victimes du terrorisme islamiste et de la violence étatique" ne soient l'objet "de nouveaux massacres à l'avenir".

(Le Matin 27.1 / Le Matin, La Tribune 28.1) La coordination intercommunale de Bajaïa a décidé le 25 janvier de "radicaliser" ses actions, et de mener des actions symboliques, comme la dépabtisation des infrastructure, le noircissement des plaques de signalisation routière, le rétablissement d'écriteaux en tamazight. La coordination confirme également son rejet des futures opérations électorales, et réaffirme la revendication de libération de tous les détenus. Quant à la coordination de Tizi Ouzou, elle a rendu publique une déclaration dénonçant les "dialoguistes" se réclamant des comités locaux de la commune, appelant à leur "mise en quarantaine", et même à leur "réserver un châtiment exemplaire".

(APS 30.1 / Jeune Indépendant, Quotidien d'Oran, Liberté, Le Matin 31.1) La Coordination intercommunale de Bejaïa, réunie les 29 et 30 janvier à Souk El Thenine, a adopté le principe de l'organisation, seule ou avec d'autres coordinations, d'une "conférence nationale" du mouvement populaire. Les discussions ont été houleuses, cette conférence étant contestée par une partie des délégués de la coordination. La position de principe adoptée par la coordination de Bejaïa devra encore être soumise à la coordination interwilaya, qui devait se réunir le 31 janvier à M'chedellah (w. Bouira). Cette proposition est contestée par plusieurs coordinations locales et régionales, dont la CADC de Tizi Ouzou La rencontre devrait en outre être l'occasion de trancher la question du boycott des élections à venir, et peut-être d'adopter une nouvelle version d'un document à remettre à la représentation de l'ONU à Alger. S'agissant du boycott des élections, la question qui se pose au mouvement populaire en Kabylie est celle du "confinement" probable du boycott dans la seule Kabylie, ce qui ne saurait gêner outre mesure le pouvoir qui n'attend de toutes façons rien de ces élections dans cette région, mais de leur tenue dans le reste de l'Algérie.

Selon certaines informations, une rencontre des "dialoguistes" du mouvement populaire avec le Premier ministre serait "imminente", afin de "couronner" le travail effectué dans les "ateliers" qui ont suivi la rencontre de décembre. La coordination des comités de quartiers et villages de Tizi Ouzou a de son côté appelé sa base à "réserver un châtiment exemplaire" à neuf "dialoguistes" ayant participé aux précédentes discussions avec le Premier ministre, dont la coordination publie les noms et qu'elle dénonce "publiquement pour haute trahison".

(Le Quotidien d'Oran, Liberté 3.2 / La Tribune, Jeune Indépendant 4.2) Le Premier ministre Ali Benflis a invité le Comité populaire de la wilaya de Bejaïa (CPWB) à participer "à la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur". Un porte-parole du Comité populaire, structure concurrente de la coordination des aârchs, a répondu à cette invitation en rappelant que tout dialogue avait des conditions préalables (la libération des détenus, l'arrêt des poursuites judiciaires, notamment), mais en affirmant également que le dialogue est "plus que jamais de mise pour éviter que d'autres forces occultes ne prennent la place qui revient de droit à la dynamique sociale". Le CPWB a réaffirmé sa disponibilité à participer "à des négociations sérieuses, sans exclusive et transparente". Pour Louahab Khoulalene, le refus de tout dialogue et de toute négociation revient à nier toute possibilité de concrétiser la plate-forme d'El-Kseur, en la proclamant "scellée et non-négociable". Pour un autre porte-parole du Comité populaire, Fateh Mansour, "il faut bien sortir de l'impasse", ce qui sera possible "lorsque les autorités (auront) montré des signes d'apaisement forts". La coordination concurrente (l'Intercommunale de Bejaïa), "l'invitation faite au CPWB est un non-événement".

Un délégué "dialoguiste", Bekacem Benaïssa, a appelé le 2 février à Alger à un retour des services de sécurité en Kabylie : "la population souffre des dépassements des radicaux et de l'insécurité engendrée par la mise en quarantaine des gendarmes", a expliqué Benaïssa, pour qui la situation d'insécurité qui règne en Kabylie, notamment dans la région de Tizi Ouzou, profite essentiellement à la mafia locale. "Il faut sanctionner les gendarmes qui ont tué" en Kabylie, mais cela ne signifie pas qu'il faille continuer d'exiger le départ de la gendarmerie de la région, a expliqué le délégué "dialoguiste", qui a également dénoncé les agressions dont sont victimes les "dialoguistes" de la part des "radicaux" (lui-même affirmant en avoir été victime). Quant aux gendarmes, la presse a noté leur réapparition hors de leurs casernes dans la région (et la ville) de Tizi Ouzou, à des barrages mixtes armée/gendarmerie, ce qui a suscité des mouvements de protestation, soutenus par la coordination des aârchs.

A Tizi Ouzou, le nouveau président de l'Assemblée populaire de la wilaya (Conseil général), Ali Belkheïr, a annoncé que l'Assemblée ne tiendrait pas compte de l'interdiction qui a été notifiée par le ministre de l'Intérieur aux assemblées de wilayas (Conseils généraux) et de communes (Conseils municipaux) de laisser des "personnalités étrangères" assister à leurs réunions, et de recevoir des "délégations étrangères". Ali Belkheïr a dénoncé "les tentatives des hauts dirigeants du pays de limiter le champ d'action des élus du peuple".

Le rapport final de la commission d'enquête parlementaire sur les "événements" de Kabylie, présidée par Ahmed Bayoud, a été remis le 2 février au président de l'Assemblée. Composée de 21 membres (des députés des partis gouvernementaux FLN, RND, MSP, Ennahda et indépendants, les députés de l'opposition l'ayant boycottée), la commission avait été instituée par l'Assemblée le 2 mai. Elle avait reçu pour mandat de "chercher les véritables raisons à l'origine des incidents survenus dans certaines wilayas et de situer les responsables dans la mort d'innocents et les dégâts occasionnés". La rapport Bayoudh contient trois chapitres et conclut à des responsabilités personnelles, non institutionnelles, dans les événements du printemps 2001 : le commandement de la gendarmerie aurait donné l'ordre de ne pas tirer sur les manifestants, et les manifestants tués par des balles venues de la gendarmerie seraient donc les victimes d'actes isolés, souvent dus à des situation de légitime défense dans laquelle se seraient retrouvés les gendarmes*. La Commission Bayoudh affirme en outre que des "terroristes" se seraient mêlés aux manifestants

* ce qui n'explique pas comment des manifestants ont pu être abattus dans le dos...

(Le Matin 6.2 / La Tribune, Le Matin 7.2) Le Premier ministre Ali Benflis a confirmé dans un entretien à l'agence officielle de presse APS que la "séance de clôture des travaux des ateliers" créée en décembre entre représentants du gouvernement et "dialoguistes" du mouvement populaire en Kabylie, devait avoir lieu le 7 février. Le Premier ministre devrait recevoir lors de cette séance, des délégués, la synthèse finale des travaux des "ateliers", et a assuré que les "perspectives" ainsi dégagées seront ensuite portées à la connaissance du président Bouteflika. Une rencontre entre Bouteflika et les "dialoguistes" pourrait être annoncée à la suite de celle du 7 février. Le premier ministre a réaffirmé la "disponibilité" du gouvernement au dialogue avec toutes les parties "qui le souhaitent" pour trouver des solutions à des "aspirations idenditaires" et à des "problèmes économiques et sociaux que nul ne peut occulter". Le porte-parole des "dialoguistes", Selim Allilouche, a déclaré au "Matin" que ceux-ci s'opposeraient (comme les "radicaux" à la tenue d'élections "avant l'acceptation de la plate-forme" d'El-Kseur.

Du côté des "radicaux" du mouvement, qui dénient toute représentativité aux "dialoguistes", la coordination interwilaya organisait, le même 7 février, un rassemblement de délégués devant la représentation de l'ONU à Alger pour lui remettre symboliquement une lettre (déjà transmise par fax), portant sur la situation en Kabylie, les droits de l'homme, les détenus, et la plate-forme d'El-Kseur.

A Tizi Ouzou, la Coordination des aârchs (CADC) a dénoncé la "campagne d'intimidation" que le retour des gendarmes dans la rue (en l'occurrence à des barrages communs avec l'armée) manifeste selon elle, et a réitéré son refus de ce "retour". Le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK) a lui aussi protesté contre le "retour sur le terrain" des gendarmes.

(Liberté, Le Quotidien d'Oran 10.2 / La Tribune, Le Matin, Liberté 11.2) Une soixantaine de délégués de la Coordination interwilayas ont été interpellés par la police le 7 février dans le quartier algérois d'Hydra, pour les empêcher de tenir un sit-in devant le siège de la représentation de l'ONU, à qui ils devaient remettre la plate-forme "explicitée" d'El-Kseur, et une lettre dénonçant la détention de jeunes manifestants à Bejaïa et Tizi-Ouzou depuis plusieurs semaines.

Le même jour, le Premier ministre Ali Benflis procédait à la clôture officielle des travaux des "ateliers" ouverts dans le cadre du "dialogue" entre le gouvernement et les "dialoguistes" du mouvement populaire (les "citoyens libres"), mais sans apposer la signature du gouvernement au bas des conclusions de ces travaux, ce qui, implicitement, revient à "renvoyer la balle" au président de la République" (lequel rencontrerait les "dialoguistes" dans le courant février), le tout sur fonds de contestation de ce "dialogue" tant par les coordinations "officielles" des aârchs et comités locaux que par les coordinations concurrentes, comme le Comité populaire de la wilaya de Bejaïa (CPWB), qui a, dans un message au Premier ministre, "rejeté le simulacre de dialogue que vos services ont préfabriqué pour casser la dynamique populaire et insultert le sacrifice des centaines de morts et des milliers d'autres victimes". Le CPWB se dit cependant favorable au dialogue en tant que tel, comme "acte de civisme", mais aussi comme "moment de lutte". Il pose cinq conditions préalables à l'ouverture du dialogue : la libération "immédiate" de "tous les détenus du mouvement", la levée de toutes les poursuites judiciaires à l'encontre des "citoyens impliqués dans le mouvement", la levée de toutes les interdictions de manifester à Alger, l'engagement formel du président de la République de "faire de tamazight une langue nationale et officielle" inscrite comme telle dans la Constitution, et enfin "la traduction devant les juridictions civiles des auteurs d'assassinats et leurs commanditaires".

La présidence de la République a publié le 10 février un communiqué invitant "les représentants du mouvement citoyen des aârouch" à une rencontre avec le président Bouteflika. Le communiqué ne précise pas à quelle "branche" du mouvement populaire kabyle l'invitation est adressée, mais elle est dans la logique du "dialogue" engagé pèar le Premier ministre Benflis avec les "citoyens libres" dont Selim Illilouche est le porte-parole. Selon "Liberté", la rencontre pourrait se tenir vers le 14 février.

(AP 12.2 / Le Temps, La Tribune, Le Quotidien d'Oran 13.2 / La Tribune, Le Matin, Liberté 14.2) De violents affrontements ont opposé le 12 février en Kabylie manifestants et policiers, notamment devant les brigades de gendarmerie, alors que la région était paralysée par une grève générale massivement suivie. Les manifestants répondaient à un appel de la coordination des aârchs à protester contre les "gendarmes assassins" ressortis de leurs casernements pour tenir des barrages avec l'armée "au moment où les familles des 107 martyrs attendaient de les voir en prison pour leurs crimes". La coordination voulait réaffirmer "la mise en quarantaine des gendarmes" et dénoncer leur réapparition dans des barrages comme une "grave provocation". La mise en liberté provisoire, le 10 février, de dix manifestants détenus à Tizi Ouzou depuis deux mois était pourtant apparue comme une mesure d'apaisement, d'autant que le même jour le président Bouteflika appelait les aârchs à un dialogue direct. Une rencontre entre le président et des délégués des aârchs (ou des "citoyens libres", auxquels pourraient se joindre des "personnalités nationales", des élus au parlement et quelques délégués "radicaux" dissidents) pourrait avoir lieu avant la fin du mois de février. Selon "Le Quotidien d'Oran", des militants "radicaux" du mouvement populaire, plus ou moins liés au Comité populaire de la wilawa de Bejaïa, ou au PST (parti socialiste du travail, extrême-gauche), pourraient rejoindre les "dialoguistes" pour "occuper le terrain". Dans "Le Matin", un représentant du Comité populaire de la wilaya de Bejaïa, Fateh Manseur, explique que la plate-forme d'El-Kseur "ne constitue qu'une étape, jusqu'au départ (du) système)". Rabah Hamitouche, porte-parole des "dialoguistes", explique de son côté que "des forces occultes au sein du pouvoir veulent embraser la Kabylie", et évoque "ceux qui font de l'import-import", et "le nombre de camions qui arrivent d'Alger et de Boumerdès prendre des quantités énormes de sable de Oued Aïssi". Un dissident du mouvement populaire (non rallié aux "dialoguistes" mais exclu de la coordination "opfficielle"), Mahmoud Mamart, accuse (dans "Le Temps" de Genève) le mouvement de s'être "fascisé" et d'agir désormais "comme le FIS au début des années 90, en imposant une seule et unique ligne de conduite, en ne remettant pas en jeu le mandat des délégués et en usant de violence". Pour Mahmoud Mamart, une minorité aurait intérêt à ce que la situation de chaos perdure en Kabylie, car elle en tire bénéfice : "Sans forces de l'ordre actives, ceux-là font leur propre police. Ils ferment les yeux sur l'activité des trabendistes et perçoivent en échange une commission. Ils ont repris le business des gendarmes". Ces accusations sont réfutées par les représentants des aârchs, qui accusent les dissidents d'être "téléguidés depuis El Mouradia (la présidence de la République) afin de nuire à la cohésion du mouvement".

L'invitation présidentielle au "dialogue" n'a obtenu le soutien d'aucun des deux partis dominant en Kabylie : le Front des Forces Socialistes la récuse catégoriquement, le RCD s'interrogeant sur sa signification ("Il est difficile de porter une appréciation sur un communiqué émanant de centres de décision qui ont pour habitude de dire la chose et son contraire", déclare le porte-parole du RCD).

Pour le FFS, s'exprimant par la voix de son porte-parole national Bouaïche Chaffaa, la proposition présidentielle n'est que "l'énième manoeuvre du pouvoir pour casser la dynamique citoyenne et la dissidence nationale", et "le pouvoir a déjà choisi ses dialoguistes", tout en déployant en Kabylie "un dispositif sécuritaire important (...) pour conditionner les gens de la région et ramener les négociations à une compromission", avec pour seul objectif la tenue des élections, alors que le mouvement populaire a pour objectif essentiel "que le pouvoir parte !", et que le mouvement citoyen "établit comme préalable à toute rencontre la réponse officielle et publique du président de la République relativement aux revendications de la plate-forme d'El-Kseur". Les organes régionaux kabyles du FFS (principal parti de la région) se sont également exprimés. Le FFS de Bejaïa a rendu publique une déclaration s'interrogeant sur "les opportunités ayant motivé l'invitation au dialogue émanant de la présidence de la République", parallèlement à "l'implication de l'armée en Kabylie et (à) la délivrance massive des autorisations de port d'armes à feu". Le FFS de Bejaïa suspecte "des manipulations" programmées par "les cercles du pouvoir et leurs relais" pour détourner de sa signification "une contestation pacifique et populaire qui exige un changement radical du système". Pour le FFS bejaoui, la population kabyle refuse à la fois la "ghettoïsation" et la transformation de la région en "champ de bataille", mais ambitionne d'être "l'un des bastions de la troisième voie" (entre pouvoir et islamisme). Dans un communiqué, le FFS de Tizi Ouzou qualifie pour sa part (le 12 février) la "dualité dialoguiste-radicaux" au sein des aârchs de "stérile", et dénonce la "tentative de perversion de la lutte et de la revendication citoyenne à travers un pseudo-dialogue pour un pseudo-résultat en usant de la manipulation et de l'amalgame". Le FFS dénonce également "le mépris le plus total affiché par les tenants du pouvoir à l'endroit de la revendication citoyenne et démocratique, en faisant abstraction de la notion la plus élémentaire des droits de l'homme", et souligne "l'asphyxie totale de la région, qui aggrave la situation insoutenable en matière de déficits d'emplois (...) et de maux sociaux (vols, prostitution, drogue, agressions...", cette situation étant de plus favorisée par "la marginalisation des syndicats véritablement autonomes et représentatifs et l'instrumentalisation (par le pouvoir) de la centrale syndicale de l'UGTA". A Tizi Ouzou, le Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (SATEF) appelle à une journée de grève et à une marche le 11 mars, à l'appui de revendications socioprofessionnelles et pour exiger le décentralisation du versement des salaires.

Le quotidien "Liberté" a fait effectuer un sondage sur la crise kabyle :

Le sondage a été réalisé entre le 15 janvier et le 5 février auprès d'un échantillon de 1756 personnes, représentatif de la population de plus de 18 ans.

(Quotidien d'Oran, Le Matin 20.2 / La Tribune 21.2) Les sept manifestants arrêtés à Bejaïa lors des émeutes du 8 décembre, et qui étaient détenus depuis lors, ont été libérés le 19 février, quatre d'entre eux étant condamnés pour "trouble à l'ordre public" à une peine couverte par leur détention préventive et les trois autres étant acquittés des charges pesant sur eux. Auparavant, les manifestants de Tizi Ouzou et Bouira encore détenus avaient déjà été libérés (mais toujours inculpés).

La libération des derniers manifestants détenus et les décisions prises lors du dernier Conseil des ministres, s'agissant de la réforme du système scolaire et de l'enseignement de tamazight, semblent avoir obtenu un écho assez favorable en Kabylie, où elles sont souvent interprétées comme des signes (certes insuffisant) de "bonne volonté" du Président et du gouvernement, allant dans le sens d'un réglement de la crise, mais devant être accompagnées de mesures supplémentaires, notamment celles revendiquées par la plate-forme d'El-Kseur sur le jugement des responsables de la répression et de ses morts.

Le Comité populaire de la wilaya de Bejaïa s'est réuni le 20 février, notamment pour se prononcer sur les initiatives du pouvoir, et les voix s'y font nombreuses pour se prononcer en faveur du "dialogue comme moyen pacifique et démocratique de lutte citoyenne", et "remédier à la situation qui bloque l'ensemble de la région depuis près d'une année".

La coordination des aärchs de Tizi Ouzou, y compris sa tendance "radicale", serait également prête à ouvrir une "consultation avec les pouvoirs publics".

A Bouira, des délégués du mouvement citoyen se sont félicités de la libération des sept détenus d'El Kseur, tout en exigeant en outre la levée "de toutes les poursuites judiciaires à l'encontre de tous les détenus du printemps noir". La coordination de la wilaya est cependant divisée entre deux tendances, qui ne s'opposent cependant que sur les modalités de l'organisation du mouvement . Deux réunions concurrentes de coordination ont eu lieu simultanément à Bechloul et Haïzer. A El Adjiba, un rassemblement a été tenu par les habitants pour exiger l'éclairage public, l'est potable et l'aménagement urbain de la commune.

Les "dialoguistes" du mouvement citoyen ont désigné un nouveau porte-parole, en la personne d'Arab Aïssa, père et oncle de victimes de la répression du "printemps noir", qui remplace Salim Allilouche. Ce changement indique, selon le nouveau porte-parole, un "changement de méthode de travail" afin de donner un nouveau souffle au mouvement citoyen, qui prépare une nouvelle rencontre avec le président Bouteflika. Le nouveau porte-parole a cependant reproché à son prédécesseur d'avoir pris "trop d'initiatives sans consulter les autres délégués". "Notre objectif est de concrétiser la plate-forme d'El-Kseur", a réaffirmé Arab Aïssa, qui explique que pour ce faire "nous (les dialoguistes) avons choisi la voie du dialogue et les autres (les radicaux) ont fait un autre choix", mais qui lance un appel "aux partis politiques, aux associations, à la société civile pour appuyer et soutenir cette démarche" de recherche du dialogue avec les autorités. et appel a également été lancé aux "radicaux" des aârchs, tout en affirmant que "ceux qui pensent que nous sommes plus maniables que les aârouch radicaux se trompent", que les "dialoguistes" resteront "fidèles au serment (...) prêté sur les tombes" des victimes de la répression et que la "la plate-forme d'El Kseur est non négociable".

(Quotidien d'Oran, El Watan, Liberté 24.2 / La Tribune, Le Matin 25.2) Huit des manifestants qui furent détenus à Tizi Ouzou, poursuivis pour "attroupement, port d'armes prohibées et destructions de biens" publics et privés,. ont été condamnés avec sursis, et deux autres relaxés, le 24 février. Tous avaient été mis en liberté provisoire le 10 février. Quatre des manifestants ont été condamnés à huit mois de prison avec sursis et 2000 DA d'amende, quatre autres à six mois de prison. Les avocats (qui ont fait appel du jugement) ont dénoncé un verdict "fait pour légitimer (une) détention préventive qui a duré plus de deux mois", et la coordination des aârchs de Tizi Ouzou a dénoncé la "perversion" d'une justice "instrumentalisée".

A Azeffoun (w. Tizi Ouzou), la décision d'implanter une sûreté de daïra (sous-préfecture) a suscité l'opposition du Maire, Dahmane Mansouri, qui proteste contre la réquisition de locaux communaux que la municipalité entendait utiliser pour un projet "créateur de richesses" et d'emplois pour la population (une unité de conditionnement, de congélation et d'exportation de produits de la pêche). A Beni Douala (w. Tizi Ouzou), les délégués des comités locaux ont organisé in sit-in devant un barrage de gendarmes et de militaires pour protester contre la présence des gendarmes, mis en "quarantaine" par le mouvement, dans les barrages de l'armée.

"La Tribune" annonce, "de sources fiables", que le président Bouteflika interviendra le 27 février sur le dossier du mouvement populaire en Kabylie et sur ses revendications, notamment l'officialisation de tamazight et son introduction dans le système éducatif. La Coordination des aârchs de Tizi Ouzou a annoncé qu'elle liait sa position à l'égard des élections (boycott, actif ou passif, ou non) à la satisfaction des revendications de la plate-forme d'El-Kseur. et notamment au départ des gendarmes de Kabylie, mais a menacé d'étendre ce boycott à un "rejet dans le fond et la forme" des élections, dans toute l'Algérie, et à l'émigration, notamment en France. "Nous ne sommes pas là pour donner une bouée de sauvetage à ce système. Au contraire, s'il faut qu'on l'aide à se noyer, on le fera", a déclaré le 21 février à Tizi Ouzou un porte-parole de la CADC, Belaïd Abrika. A Sidi Aïch (w. Bejaïa), la coordination interwilayas des aârchs a également réaffirmé sa ligne "radicale", et dénoncé avec virulence les "dialoguistes", qualifiés de "traîtres".

Le principal parti de Kabylie, le Front des Forces Socialistes, a annoncé une série d'actions pour les prochaines semaines, notamment dans la wilaya de Bejaïa, après le "test" réussi d'un meeting à Sidi Aïch, en janvier, qui, écrit "La Tribune", semble "avoir conforté les militants quant à la popularité encore intacte de leur parti" (Le réinvestissement du terrain par le FFS va évidemment susciter des initiatives comparables du RCD, aucun des deux partis ne pouvant laisser le terrain à l'autre). A Bouira, lors d'un meeting, le Premier secrétaire du FFS, Ahmed Djeddaï, a déclaré que les jeunes de Kabylie avaient engagé "une deuxième révolution après celle de leurs parents contre les colons", et affirmé qu'ils ne combattaient pas pour l'autonomie de la Kabylie, "mais pour toute l'Algérie". Pour le Premier secrétaire du FFS, la reconnaissance du statut de "martyr" à "toutes les victimes de la répression" est l'une des conditions de l'ouverture d'un véritable dialogue entre le pouvoir et les forces politiques et sociales. Ahmed Djeddaï ne fait pas seulement allusion aux victimes de la répression du printemps et de l'été 2000 en Kabylie, mais également à toutes celles de la répression en Algérie depuis l'indépendance, notamment à celles de la répression du mouvement d'opposition en Kabylie en 1963 (plus de 400 morts, tous membres du FFS, et 3000 personnes torturées), à celles d'octobre 1988, aux victimes du terrorisme et aux "disparus". Le statut de "martyr" est pour l'instant réservé aux victimes de la guerre d'indépendance, qu'il s'agisse de combattants ou de victimes civiles des forces françaises (mais pas aux victimes algériennes du FLN et de l'ALN).

(Liberté, Quotidien d'Oran 27.2 / El Watan 28.2) Certaines sources laissaient entendre le 26 février que le président Bouteflika allait rencontrer, le 28 février, une délégation des aârchs de Kabylie, afin de régler la crise kabyle avant les élections, prévues pour le 30 mai. Selon ces sources (non précisées par les quotidiens qui s'y réfèrent), l'invitation présidentielle (à une réunion "strictement technique" selon "Le Quotidien d'Oran") aurait été lancée à la fois aux "dialoguistes" qu'aux "radicaux". La rencontre entre le président Bouteflika et des représentants des comités locaux a cependant été démentie par l'un des porte-parole des "dialoguistes" du mouvement citoyen, Selim Allilouchde, qui a déclaré que cette rencontre "n'aura lieu que lorsque nous aurons terminé notre travail de sensibilisation et d'information sur le terrain" (Selim Allilouche a par ailleurs affirmé qu'il était toujours porte-parole du mouvement des citoyens libres, contrairement à ce qu'un autre représentant de ce mouvement, Aïssa Arab, avait affirmé en annonçant qu'il était, lui, ce porte-parole. D'autres rumeurs laissent en outre entendre que le président s'apprêterait à prendre d'"importantes mesures" à la fin de la semaine afin de faciliter le règlement politique du conflit en Kabylie.

(Liberté, El Khabar, Quotidien d'Oran, El Watan, Le Matin 3.3 / Tribune 4.3) Le ministre algérien de la Justice, Ahmed Ouyahia, a exprimé une opinion défavorable sur le contenu du rapport de la commission indépendante (commission Issaâd) d'enquête sur les événements de Kabylie, en qualifiant le rapport de document emploi de généralités mais dénué de tout témoignage, et ne permettant donc pas à la justice d'engager des procédures contre les responsables de la centaine de morts recensés pendant les "événements". Le ministre a "regretté" les commentaires et les conclusions du rapport de la commission, qui concluait à de graves "dépassements" des forces de l'ordre. Le président de la Commission nationale (officielle) consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNPPDH), Farouk Ksentini, a exprimé le 27 février sa crainte que les membres des commissions auxquels le rapport de la commission Issaâd a été remis (il s'agit des commissions chargées de la réforme du Code pénal, du Code de procédure pénale, du Code civile et du Code de procédure civile) ne tiennent pas compte des recommandations du rapport, et a regretté que celles-ci n'aient pas été concrétisées "immédiatement".

Quant à l'autre rapport d'enquête, celui de la commission parlementaire présidée par Ahmed Bayoud, il n'aurait pas encore été remis aux députés, signale "El Khabar", alors qu'il l'a été au président Bouteflika et au Premier ministre Benflis.

Le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, a en outre annoncé que les gendarmes ne quitteraient pas la Kabylie, contrairement à l'exigence constamment réaffirmée du mouvement populaire, et qu'il ne saurait être question que du renouvellement de leurs effectifs, en mutant notamment les gendarmes impliqués dans la répression des manifestations. Cette déclaration a suscité de la part des comités locaux de Kabylie une première réaction en forme de dédain : le ministre peut dire ce qu'il veut, ça n'est pas lui qui décide... Les coordinations locales et régionales ont réaffirmé l'exigence du départ de Kabylie des brigades de gendarmerie, exigence contenue dans la plate-forme d'El-Kseur, réputée "scellée et non négociable". La coordination des aârchs de Tizi Ouzou a appelé à des Sit-In le 3 mars devant les barrages communs de la gendarmerie et de l'armée, pour réclamer le départ de la première.

(AP 9.3 / AP, Le Quotidien d'Oran, Liberté, Le Matin 10.3 / Liberté, Le Matin, El Khabar, Le Jeune Indépendant 11.3) La coordination interwilayas des aârchs a appelé le 9 mars au "rejet" des élections législatives du 30 mai. La coordination, réunie à Bechloul (w. Bouira) a lancé un appel à tous les Algériens pour participer "activement et massivement à l'action de rejet" de la "mascarade" électorale, dénoncée comme une "opération-spectacle" du pouvoir.

De leur côté, les "dialoguistes" qui avaient pris part au dialogue avec le gouvernement ont dénoncé le 10 mars l'utilisation du mouvement citoyen en Kabylie à "des fins inavouées" et déclaré qu'ils n'avaient pas l'intention de "se substituer aux partis politiques" pour décider à leur place de la participation ou du boycott. Les "dialoguistes" ont confirmé que leur porte-parole officiel est Arab Aïssa, et non plus Selim Allilouche, qui s'est "écarté du mouvement" en créant le "mouvement des citoyens libres", que les "dialoguistes accuse de s'en prendre pèle-mème "aux partis politiques, aux patriotes, aux Gld et même à une catégorie de la population", en s'employant "à diviser les rangs des citoyens" et à pousser "à l'affrontement". Les "dialoguistes" appellent à une rencontre "le plus tôt possible" avec le président Bouteflika pour "hâter la solution de la crise". Ils affirment être en "contact permanent avec les représentants radicaux du mouvement" et appellent "à la réconciliation entre les frères de la région" afin de permettre de "*faire aboutir les revendications contenues dans la plate-forme d'El-Kseur". De son côté, le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni n'a pas craint d'annoncer que la situation en Kabylie était en voie d'être réglée, et de suggérer que les autorités étaient en contact avec l'aile "radicale" des aârchs -ce que celle-ci dément. Quant au Premier ministre Benflis, il a annoncé que le président rencontrera "la semaine prochaine" (le 13, selon "Le Jeune Indépendant") les représentants des aârchs et que d'"importantes mesures seront prises afin de convaincre les habitants de (Kabylie) de participer aux prochaines élections législatives". D'entre ces mesures, "Le Jeune Indépendant" suggère que pourrait prendre place la levée de l'état d'urgence après que le directeur de cabinet du président de la République, Larbi Belkheir, l'ait ("à titre personnel") évoqué dans un entretien au "Monde". Le Parti des Travailleurs et le FFS se sont toujours prononcé en faveur de la levée de l'état d'urgence, en vigueur depuis 1992. Le MSP s'en réjouit par avance, le FLN s'en remet au président de la République, mais le RCD estime que c'est un "faux problème".

Selon "Le Quotidien d'Oran", qui fait état de confidences de "dialoguistes", le président Bouteflika aurait l'intention dans les prochains jours de répondre à certaines revendications de la plate-forme d'El-Kseur (mais pas à toutes, le départ des gendarmes de Kabylie étant refusé au profit d'une délocalisation des brigades de gendarmerie hors des centres urbains), comme la reconnaissance de tamazight en tant que langue nationale puis comme langue officielle. Un consensus entre le gouvernement et les "diualoguistes" aurait été trouvé pour la reconnaissance d'un statut de "martyrs de la citoyenneté" aux victimes de la répression. Selon la porte-parole du Parti des Travailleurs, Louisa Hanoune, le président Bouteflika n'aurait pas les coudées franches pour régler le problème de la Kabylie, mais serait prêt à donner satisfaction à plusieurs points importants de la plate-forme d'El-Kseur, mais pas aux revendications "portant atteinte à l'unité nationale", ni au départ de la gendarmerie.

(AFP 12.3 / Libération, Courrier International, Reuters, Le Quotidien d'Oran, Le Matin13.3 / Le Monde, Le Jeune Indépendant, Le Temps, Le Matin, Liberté, El Watan 14.3) Le président Bouteflika, dans un discours à la nation tenu le 12 mars (en arabe classique, mais rediffusé en traduction tamazight), a annoncé plusieurs mesures répondant partiellement aux revendications exprimées dans la plate-forme d'El-Kseur du mouvement populaire de Kabylie. D'entre ces mesures, le président a annoncé sa décision "en toute liberté et en toute conviction d'inscrire dans la Constitution le tamazight comme langue nationale, sans autre intention que de servir le pays et l'intérêt national". Le mouvement kabyle revendique cependant la reconnaissance de tamazight comme langue non seulement nationale (ce qu'elle est, de fait, déjà), mais également officielle. Abdelaziz Bouteflika explique que s'il choisit de reconnaître tamazight comme langue nationale sans passer par un référendum populaire, c'est qu'il craint une réponse négative du peuple.

Le président a également annoncé des sanctions contre les gendarmes, accusés par les comités locaux de Kabylie d'être responsables du déclenchement et de la répression du mouvement populaire : "24 gendarmes, dont 5 officiers, ont été incarcérés pour homicide et usage d'armes à feu", dont le gendarme responsable de la mort de Massinissa Guermah, qui avait été l'événement déclencheur des émeutes, et "tout le monde sera jugé et personne n'échappera à la rigueur de la loi", a assuré le président, qui a par contre répondu à la revendication du départ des gendarmes de Kabylie en estimant qu'elle n'était pas "raisonnable" : "Il est inconcevable d'exiger le démantèlement de la gendarmerie alors que le pays tout entier poursuit sa lutte contre le terrorisme barbare et les autres formes de criminalité". Abdelaziz Bouteflika a cependant annoncé le réexamen de l'implantation de la gendarmerie, et le relève de 681 officiers, sous-officiers et hommes de la gendarmerie. Enfin, le président s'est engager à faire assumer par l'Etat "les conséquences d'une faute découlant de ses agents ou d'un dysfonctionnement de ses services", et a promis la prise en charge des dégâts matériels, avec "programmes de relance économique et sociale" à l'appui.

Les réactions au discours du président sont contradictoires : si "Liberté" considère que "la Kabylie a gagné", "El Watan" considère que les concessions du président représentent "peu" et viennent "bien tard", même si "une porte s'entrouvre légèrement devant la crise en Kabylie", et qu'en adoptant une partie des revendications du mouvement kabylie, le président met fin à sa "diabolisation". Pour "Le Quotidien d'Oran" également, "le temps perdu grille l'effet d'annonce" et le président "n'a fait que confirmer ce dont la rue s'était faite l'écho depuis plusieurs mois", mais son discours pourrait néanmoins "constituer un repère (pour) tous ceux qui, de près ou de loin, (cherchent) un ancrage politique (au) dénouement de la crise kabyle". "Le Matin" qualifie pour sa part le discours présidentiel de "plaidoirie pathétique" d'un "système roublard et manipulateur", et reproche au président sa tentative de "saucissonner" la plate-forme d'El-Kseur. Le quotidien proche du MDS considère par ailleurs que le discours présidentiel "marque la fin du processus de dialogue entamé le 6 décembre dernier" avec la frange "dialoguiste" du mouvement de Kabylie.

En Kabylie, les réactions sont également très contrastées, selon qu'elles émanent de l'aile "radicale" ou de l'aile "dialoguiste" du mouvement populaire, mais le spepticisme semble dominer. Pour les "radicaux" des aârchs, Belaïd Abrika, a rejeté le discours présidentiel "dans le fond et dans la forme", et a affirmé que le mouvement restait décidé à "empêcher le déroulement des élections" en Kabylie jusqu'à la satisfaction pleine et entière des revendications de la plate-forme d'El-Kseur. Un porte-parole de la coordination des aârchs de Tizi Ouzou a estimé que "le président a raté une occasion de plus (de) dénouer la crise". Le Maire (FFS) de Bejaïa, Rachid Chabati, estime que le discours présidentiel n'apporte rien de nouveau, et qu'"on a déjé entendu ce qui a été dit" par le président. Le porte-parole du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie, Ferhat Mehenni, ne voit dans le discours présidentiel qu'une confirmation que "l'autonomie est la solution" pour la Kabylie et que "le pouvoir est dans l'impasse". A l'inverse, le porte-parole des "dialoguistes", Arab Aïssa, s'est déclaré satisfait du discours du président, mais a ajouté qu'il fallait que les promesses présidentielles soient rapidement concrétisées. Plusieurs membres fondateurs du mouvement citoyen ont appelé la population et le mouvement au calme, et à "barrer la route à ceux qui veulent faire de la Kabylie une région hors-la-loi, un espace de non-droit". Cet appel au calme est lancé "en dépit de certaines insuffisances et du retard mis à répondre aux revendications citoyennes", afin de "marquer d'une pierre blanche" la reconnaissance de tamazight, "avancée considérable" permettant d^"engager un dialogue responsable à même de concrétiser, dans sa plénitude, la plate-forme des revendications citoyennes".

A Bejaïa, les délégués de la coordination intercommunale ont organisé le 12 mars un sit-in devant le siège de la wilaya pour protester contre la mise à disposition des "dialoguistes" de locaux publics pour y tenir une réunion publique, et pour réitérer leur refus des élections. La coordination a annoncé pour le 19 mars une marche en hommage à Belkacem Krim. Le domicile d'un "dialoguiste" a été incendié. Le syndicat de la santé de la wilaya a décidé d'une grève générale du secteur, pendant dix jours dès le 18 mars.

Du côté des partis politiques, le chef du groupe parlementaire FFS, Ikhlef Bouaïche, le président a tenu un discours "électoraliste et racoleur" destiné à légitimer les élections et à désamorcer leur boycott en Kabylie, mais le président "n'a rien apporté de nouveau sur le plan socio-économique et politique". Ikhlef Bouaïche relève notamment que Bouteflika "n'a pas dit un mot sur la lavée de l'état d'urgence, sur les libertés et sur le respect des droits de l'homme". Le porte-parole du parti, Chafaâ Bouaïche, pour qui "le président s'est adressé à sa propre clientèle" et non au pays, relève qu'ériger tamazight en langue nationale revient à enfoncer une porte ouverte ("Tamazight langue nationale ? Elle l'est de fait depuis toujours") et que le président n'a rien dit de la procédure à suivre pour concrétiser sa promesse. Le porte-parole du RCD Djamel Ferdjallah a exprimé ses doutes : "Nous sommes habitués aux promesses de Bouteflika, qu'il n'a jamais tenues depuis son élection" en 1999, et a relevé le caractère contradictoires des déclarations de Bouteflika qui se sont succédées (le président avait en effet affirmé un jour que tamazight ne sera "jamais" langue nationale en Algérie); le chef du groupe parlementaire RCD, Tarik Mira, le président Bouteflika a fait un "discours de circonstance afin d'inciter les gens et les partis à aller aux élections", mais considère tout de même comme une "avancée symbolique importante" la reconnaissance de tamazight comme langue nationale, même s'il ne s'agit que de promesses. Le Comité des citoyens pour la défense de la République (CCDR), qui dénonce une "tactique à des fins électoralistes", et le MDS, ont également fait connaître leur désapprobation, pour le moins, du message présidentiel.

A l'inverse, le FLN est satisfait du discours du président, se félicite de la reconnaissance de tamazight, qui ne "fera que renforcer la démocratie" et salue le "courage" d'Abdelaziz Bouteflika. Le Parti des Travailleurs regrette le caractère tardif des décisions présidentielles, mais considère qu'elles peuvent permettre d'"amorcer un tournant positif" et d'ouvrir des perspectives de réglement politique de la crise algérienne. Le PT voit en outre dans les décisions du président la confirmation que la volonté politique est la condition du règlement de la crise.

Du côté des islamistes, on semble vouloir faire le gros dos (ou "chipoter" sur des détails) face à une mesure (la reconnaissance de tamazight) à laquelle on n'était pas favorable, Ennahda, le MRN et le MSP se contentant de souhaiter que le tamazight reconnu le soit dans sa transcription arabe (alors que la transcription en caractère latin est plus utilisée, et que tamazight dispose en outre de son propre alphabet), Ennahda regrettant en outre que la reconnaissance de tamazight ne fasse pas l'objet d'un référendum.

La question est enfin posée par les observateurs de la méthode à suivre pour concrétiser la promesse présidentielle, et des échéances de cette concrétisation, le président étant resté très vague sur ces deux questions. Faute de référendum, ce devrait être au parlement (et à ses deux chambres) d'approuver la reconnaissance constitutionnelle (et donc la modification de la constitution) de tamazight. Mais quel parlement va s'en charger : l'actuel, ou celui qui sera issu des élections de juin ? Et le président ne va-t-il pas tenter de faire passer, par la même occasion, d'autres réformes constitutionnelles, destinées à renforcer ses propres pouvoirs ? Selon le porte.parole des "dialoguistes" kabyles, Arab Aïssa, le président se serait engagé à convoquer les deux chambres du Parlement avant la fin de l'actuelle législature. Selon "certains membres du gouvernement et des parlementaires", cités (mais pas nommés) par "El Watan", ce serait le parlement issu des urnes le 30 juin qui aurait à se prononcer, ce qui confirmerait le caractère de "mesures de désamorçage du boycott des élections en Kabylie", voire de piège tendu au FFS et au RCD*, caractère que nombre d'observateurs prêtent aux intentions proclamées dans son discours par Bouteflika.

* Aucun des deux partis ne s'est encore définitivement prononcé sur sa participation aux élections, mais "El Watan" suggère que le premier des deux qui prendra une décision entraînera une décision inverse de l'autre : Le RCD "ne peut se résoudre à être sur le même longueur d'onde (que le FFS) et vice-versa", et si l'un ne va pas aux élections, l'autre se chargera "d'y aller à grande enjambée".

(El Watan 16.3 / El Ribat, Liberté, El Watan 17.3 / La Tribune 18.3) Les parquets de Bejaïa et de Tizi Ouzou ont lancé le 17 mars des appels à témoins sur les "cas de décès" survenus dans les deux wilayas en relation avec les émeutes et la répression du "printemps noir" en Kabylie. Ces appels sont adressés précisément aux familles et ayant-droit des victimes, pour qu'elles apportent leur témoignage devant les tribunaux, afin que les poursuites judiciaires déjà engagées (et des poursuites à engager) puissent aboutir. Après que le président Bouteflika ait assuré que les responsables des violences seraient poursuivis et sanctionnés, et que les victimes et leurs proches bénéficieraient de réparations, voire pour les premières d'un statut de "martyrs de la démocratie", des indemnités provisionnelles pourraient être accordées aux personnes concernées. Quant au redéploiement de la gendarmerie (le président et le gouvernement ayant exclu son départ de la Kabylie, mais admettant une réorganisation de son implantation vers les campagnes, en laissant les villes à la police (sur le modèle français...), des "commissions de sécurité" ont été instituées pour étudier au cas par cas la situation des brigades de gendarmerie.

Le RCD a appelé le 17 mars tous les Algérien(ne)s à soutenir la contestation "citoyenne et pacifique" de Kabylie. Le communiqué du RCD dénonce les "expéditions punitives" des forces de sécurité contre la population. Le Parti des Travailleurs s'est de son côté montré satisfait de la "réaction homogène de soulagement et d'espoir" née de l'annonce de la constitutionnalisation de tamazight comme langue nationale, mais observe qu'il y a une évidente contradiction entre les intentions d'apaisement du président Bouteflika et la répression violente de la marche du FFS le 14 mars. S'agissant de la Kablie, le PT condamne le saccage des édifices publics, dont il accuse (au titre de "commanditaires") les "partisans acharnés de la liquidation des services et entreprises publics, de la déréglementation et des licenciement massifs". Le PT se déclare solidaire des travailleurs de la Sonelgaz qui observent une grève pour protester contre "ces actes qui menacent leurs emplois et leur intégrité physique", et considère qu'au-delà de la légitimité de leurs revendications démocratiques, les jeunes manifestants "radicaux" de Kabylie sont manipulés. Même le FIS (du moins la tendance de Rabah Kébir) s'est déclaré, dans le bulletin "El Ribat", satisfait de la décision présidentielle de reconnaître tamazight comme langue nationale, même s'il conteste la méthode de cette décision, qui "ne respecte pas les règles constitutionnelles". "El Ribat" regrette que la voie référendaire n'ait pas été utilisée pour que "toute la société algérienne" se prononce sur "la question berbère". L'instance exécutive du FIS à l'étranger dénonce en outre "la politique du tout ou rien" des aârchs de Kabylie, qui "ne veulent rien négocier" mais imposer "leur diktat" au pays.

(El Watan, Liberté 23.3 / Liberté, Le Matin, El Watan, APS 24.3 / La Tribune, Le Temps (Genève), El Watan, Le Matin 25.3 ) Une "nouvelle carte sécuritaire" a été décidée par les autorités algériennes en Kabylie, impliquant le départ de la gendarmerie d'un certain nombre de localités, dont les grandes villes, et leur remplacement par la police (sûreté nationale) en application des mesures annoncées par le président de la République le 12 mars. Le directeur général de la Sûreté nationale. Ali Tounsi, s'est d'ailleurs rendu à Tizi Ouzou le 21 mars. Quatorze ou quinze des trente-sept brigades de gendarmerie pourraient être évacuées dans la wilaya de Tizi Ouzou. Dans la wilaya de Bejaïa, les unités de gendarmerie de Seddouk, Ouzellaguen et Chemini ont été évacuées le 23 mars, et quatre autres brigades devaient être évacuées dans les jours suivants, dont celle d'El Kseur. Au 24 mars, sept brigades avaient été évacuées : Azazga, Tizi Ouzou, Maatkas et Beni Douala dans la wilaya de Tizi Ouzou, Seddouk, Chemini et Ouzellaguène (Hellouane) dans la wilaya de Bejaïa. A Beni Douala et Bouzeguène, des postes de police urbaine ont déjà été inaugurés. A Tizi Ouzou, le groupement de gendarmerie installé au centre ville a été transféré dans la caserne militaire du Bordj Turc. Au total, ce seraient 21 ou 22 brigades de gendarmerie qui devraient laisser place à des unités policières, dans les deux wilayas de Tizi Ouzou et Bejaïa, mais aucun départ de la gendarmerie n'est annoncée dans la wilaya de Bouira, et il semble que même dans les deux wilayas de Tizi Ouzou et de Bejaïa, les "départs" des gendarmes se soient en réalité traduits (comme à Tizi Ouzou) par des replis sur des casernes proches.

Les localités évacuées par la gendarmerie sont souvent celles où ont été constatés depuis avril 2001 de graves "dépassements" dans la répression (Ighrem, El Kseur, Barbacha, Ighil Ali, Kherrata), comme l'avait d'ailleurs laissé entendre le président Bouteflika. Le commandement national de la gendarmerie explique que son redéploiement "dans une nouvelle carte sécuritaire" se place dans le cadre des "mesures d'apaisement" décidée par le président, et que ce redéploiement prendra en considération "la protection des personnes et des biens (...), la lutte contre le crime organisé, le racket, l'atteinte à l'environnement et, bien sûr, la lutte contre le terrorisme qui sévit encore dans la région".

Les gendarmeries évacuées seront réoccupées par la police, mais dans toute la Kabylie, leur évacuation a provoqué non seulement des scènes de joie de la part de manifestants, mais souvent également des affrontements, soit avec les gendarmes en partance, soit avec les policiers leur succèdant. A Azazga (w. Tizi Ouzou), la gendarmerie a été occupée et détruite par les manifestants. A Seddouk (w. Bejaïa), son évacuation s'est accompagnée d'affrontements qui ont fait un mort et plusieurs blessés parmi les manifestants.


(Reuters 25.3 / AFP, Le Monde, El Watan 27.3 / La Tribune, El Watan, Liberté 28.3) La "délocalisation" d'une quinzaine de gendarmeries des wilayas kabyles de Tizi Ouzou et de Bejaïa, et le remplacement des gendarmes per des policiers, n'ont finalement pas fait baisser la tension en Kabylie, ayant cette mesure a été presque immédiatement suivie, les 25 mars, d'une opération policière de grande envergure lancée contre les représentants des aârchs à Tizi Ouzou et à Bejaïa. Le 25 mars, quatre membres de la coordination intercommunale de Bejaïa, dont Ali Gherbi, ont été arrêtés alors qu'ils tenaient un sit-in pour protester contre la condamnation de cinq manifestants à un an de prison ferme. Les quatre ont été placés sous mandat de dépôt et incarcérés.A Tizi Ouzou, la police a investi le siège de la coordination des aârchs et arrêté 18 délégués des comités. Plusieurs autres délégués sont recherchés par la police, et ont quitté leur domicile pour des destinations inconnues. Selon "El Watan", les généraux Mohammed Touati et Saïd Bey auraient effectué une visite "secrpte" à Bejaïa.

Une partie de la presse arabophone avait exprimé (avant l'opération policière du 25 mars) son inquiétude face à ce mouvement, considérant qu'il fait le jeu des "extrémistes" et des "séparatistes" kabyles, alors que l'ensemble de la presse francophone saluait le retrait partiel des gendarmes, quitte à estimer, comme les "radicaux" des aârchs que la mesure est insuffisante et tardive. Belaïd Abrika, porte-parole de la coordination des aârchs de Tizi Ouzou, a déclaré que lorsque tous les gendarmes auront quitter la Kabylie, le calme reviendra. Quelques heures plus tard, la police, qui a remplacé les gendarmes à Tizi Ouzou, investissait le siège de la coordination et arrêtait 18 délégués.

Le durcissement de l'attitude du pouvoir central et les opérations policières du 25 mars ont été condamnées, outre les coordinations des aârchs, par les deux principaux partis implantés en Kabylie, le Front des Forces Socialistes (FFS) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), mais également par le Mouvement démocratique et social (MDS) et le Parti des Travailleurs (PT), ainsi que la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH), la Fondation Lounès Matoub et le Mouvement culturel berbère-Coordination nationale.

Pour le FFS, le coup de force du pouvoir porte "gravement atteinte aux droits de l'homme et aux libertés" et "ne peut que mener à l'exacerbation des tensions, à la poussée aux extrêmes et à l'irréparable". Les élus FFS de l'Assemblée de wilaya (Conseil général) de Tizi Ouzou ont dénoncé le mépris du pouvoir à l'égard des "revendications citoyennes légitimes" et l'entretien (par le pouvoir) de "l'amalgame, l'anarchie, le désordre et, en d'autres termes, la crise". En recourant à "la provocation et la répression aveugle et sauvage", le pouvoir vise "l'entretien du pourrissement et la singularisation de la Kabylie, (favorise) l'impasse, (nourrit) les vélléités séparatiste et (encourage) les jusqu'au-boutistes", ajoutent les élus du FFS. Le porte-parole national du FFS, Chafaa Bouaiche, a affirmé que "rien, en encore moins la répression, ne pourra mettre fin à la dissidence citoyenne si ce n'est l'arrestation de tous les Algériens", et que "la solution réside dans le départ de ce système totalitaire, maffieux et assassin". Le FFS appelle les Algériens à demeurer "vigilants et mobilisés pour faire échec aux manoeuvres occultes du pouvoir et ses provocations continuelles, et afin d'imposer l'alternative démocratique et sociale".

Le RCD appelle à la solidarité de toutes les "forces patriotiques" et de l'opinion internationale avec "l'insurrection civique porteuse d'une alternative démocratique". Pour le RCD, "la tragédie de Kabylie doit servir à libérer la nation des politiques claniques qui ont appauvri, discrédité et fragilisé l'Algérie".

Le Parti des Travailleurs, qui relève "la contradiction énorme et inquiétante entre, d'un côté, la mise en oeuvre (de) mesures d'apaisement et d'un autre, des actes répressifs", trouve "étrange" les conditions dans lesquelles des animateurs du mouvement des aârchs ont été arrêtés, en pleine opération de délocalisation de la gendarmerie, et se demande qui a intérêt à "alimenter la crise" dans le pays. Le PT, qui réitère ses divergences avec les positions politiques et les méthodes des aârchs, condamne tout recours à la répression et aux enlèvement, et appelle à la "libération des personnes arrêtées (et) à la levée du dispositif de répression".

La Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme dénonce les "expéditions punitives" et la "répression sauvage" en Kabylie, mais également l'arrestation des syndicalistes du SNAPAP à Oran et de manifestants à Aïn Defla.

La Fondation Matoub Lounès dénonce "l'arrestation massive des jeunes" et la "chasse aux délégués", et accuse le pouvoir de vouloir "pousser la Kabylie à adopter une stratégie de lutte armée pour se défendre", afin de pouvoir ensuite "accentuer la répression" contre la Kabylie, en présentant les Kabyles comme des "terroristes".

Les Maires de Larbaâ Nath Irathen et d'Irdjen ont dénoncé les brutalités policières et assuré de leur "indéfectible soutien" les "populations assiégées par les forces de la répression.

(Le Matin, Le Quotidien d'Oran, Liberté 31.3 / Tribune, El Khabar, El Watan, Liberté 1.4) La wilaya de Tizi Ouzou a été en grande partie paralysée le 31 mars par le premier jour de la grève générale à laquelle la coordination des aârchs a appelé (pour les 31 mars et 1er avril) pour exiger la libération des détenus, le départ de la police du siège de la permanence de la coordination et la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur. Dans la wilaya de Bejaïa également, la grève générale avait été proclamée pour le 31 mars et le 1er avril et était largement suivie le 31 mars. Dans la wilaya de Bouira, la coordination des comités citoyens a lancé un appel à la grève pour le 1er avril.

A Tizi Ouzou et Azazga, les procès des derniers délégués et manifestants détenus ont débuté le 31 mars au Tribunal correctionnel. Onze accusés ont été jugés le 31 mars à Tizi Ouzou en l'absence de leurs défenseurs, qui se sont retirés en signe de solidarité avec l'action de la coordination des aârchs et la grève générale. Le procureur a requis des peines d'un à deux ans de prison, le verdict sera connu ultérieurement. 43 autres militants et manifestants sont encore sous mandat de dépôt et emprisonnés à Tizi Ouzou. A Azazga, neuf accusés ont été condamnés à six mois de prison ferme. A Bouira, cinq délégués des aârchs, détenus, ont entamé le 27 mars une grève de la faim, qui se poursuivait le 30, et 32 militants et manifestants arrêtés devraient être présentés au parquet le 1er avril.

La coordination des aârchs de Tizi Ouzou a adressé au Secrétaire général de l'ONU Kofi Annan une lettre dans laquelle elle l'exhorte à user de son autorité "pour faire pression sur le pouvoir algérien qui fait fi des conventions et déclarations universelles des droits de l'Homme, qu'il a pourtant ratifiées", et que "cesse cette répression féroce et inégalée qui s'abat sur des populations désarmées menant un combat pacifique pour la satisfaction de revendications démocratiques, justes et légitimes".

La Fédération internationale des Ligues des droits de l'Homme a également dénoncé une "nouvelle vague de répression et de violence", notamment (mais pas exclusivement) en Kabylie, et demandé aux autorités algériennes d'y mettre fin et de soncormer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des autres textes internationaux fondamentaux.

La Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme a demandé la démission du ministre de l'Intérieur et prié les ONG internationales et le Comité des droits de l'Homme de l'ONU de dénoncer la répression en Kabylie.

Du côté des partis politiques, le FFS, le PT et le RCD ont à nouveau dénoncé la répression. Dans un message au Conseil national du FFS, le président du parti, Hocine Aït Ahmed, constate que "la répression sauvage ordonnée par les tenants du pouvoir et qui se poursuit toujours a déclenché les extraordinaires manifestations de solidarité et de revendications multiples à l'échelle nationale", et ajoute que "le souci de préserver l'unité du pays et de signifier leur congé aux détenteurs illégitimes de la puissance publique fut la cause directe de la naissance de cette dissidence citoyenne pacifique et nationale. Cette dynamique, en dents de scie , mais sans cesse en développement , demeure l'axe principal de l'alternative démocratique à laquelle nous devons continuer de travailler d'arrache-pied". Pour sa part. le président du RCD, Saïd Sadi, a estimé, dans une déclaration au "Monde", que "ce qui se passe en Kabylie est pire que sous l'occupation française. C'est un massacre à huis-clos qui laisse la communauté internationale indifférente", a ainsi estimé le chef du RCD, Saïd Sadi, pour qui "le pouvoir se comporte comme en 1991 lorsqu'il a décapité le FIS" (avec le soutien du RCD...). La porte-parole du Parti des Travailleurs, Louisa Hanoune, a constaté que les policiers se comportaient en Kabylie "exactement comme leurs prédécesseurs, les gendarmes" et a exclu qu'il puisse s'agit là du seul "comportement de quelques éléments affolés ou zélés". Pour Louisa Hanoune, les policiers antiéémeutes (les CNS) "ont forcément reçu des ordres pour agir de la sorte". Dans son message au Conseil national du FFS, Hocine Aït Ahmed avait également estimé que la conduite de la répression est "une traduction opérationnelle d'une volonté politique sans équivoque", et que "les unités de la gendarmerie avaient bel et bien reçu, d'Alger, l'ordre de réprimer sans état d'âmes les populations désarmées".

Enfin, la décision du FFS de boycotter les élections et d'en appeler à une "dissidence citoyenne" a été saluée par les porte-paroles des comités locaux. Belaïd Abrika, de la coordination de Tizi Ouzou, a qualifié cette décision d'"extraordinaire" et s'est félicité de ce que "pour la première fois" un "bloc uni" se dessine "face à ce pouvoir assassin et mafieux".

Du côté des "dialoguistes" du "mouvement citoyen", on a dénoncé dans une déclaration la volonté de "certains délégués" (les "radicaux") d'"empêcher l'application (des) décisions d'envergure nationale" prise par le président de la République, comme le départ des brigades de gendarmerie ou la reconnaissance de tamazight". Les "dialoguistes" dénoncent cependant également "certains dépassements" commis par le pouvoir, "touchant certaines familles non concernées par des actes conformes à la loi".

(FFS 2.4)Le Front des Forces Socialistes a dénoncé dans un communiqué le 2 avril "de véritables chasses à l'homme, des expéditions punitives et des exécutions sommaires" dont se sont rendues coupables les forces de sécurité pour "terroriser la population" en adoptant un "comportement digne de l'armée coloniale". Les élus FFS de l'Assemblée de wilaya (Conseil général) dénoncent dans un autre texte les "assassinats et (les) atteintes flagrantes aux droits de l'homme et à la dignité de la population", les arrestations et les interpellations, les "procès sommaires et expéditifs débouchant sur des condamnations très sévères, (les) descentes punitives et (les) humiliations quotidiennes" dont se rendent coupables gendarmes et policiers, ainsi que les "atteintes criminelles aux biens publics et privés". Les élus FFS appellent les ONG nationales et internationales des droits de l'homme à "peser de tout leur poids en faveur de l'arrêt immédiat de la répression". La Maison des droits de l'Homme de Tizi Ouzou (branche régionale de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme) trouve "curieux" que ce soit "au moment où l'on pouvait s'attendre à un calme relatif que la situation bascule de nouveau suite à l'occupation musclée et de nuit des permanences du mouvement citoyen", et s'interroge sur "les objectifs de cette stratégie de mise sous tenxion" de la Kabylie. La fédération UGTA de Tizi Ouzou appelle le pouvoir "à faire cesser (la) violence en mettant fin immédiatement à la répression et à la terreur utilisées systématiquement pour normaliser la région".

(Corr 5.4 / AP 5.4 / APS, Liberté, Le Matin 7.4 / La Tribune, Le Matin, Liberté 8.4) Le président Bouteflika a signé le 7 avril un décret relatif au statut "des droits des victimes des évènements ayant accompagné le mouvement pour le parachèvement de l'identité nationale" (périphrase nouvelle pour désigner les "évènements" de Kabylie), a annoncé la présidence. Le statut doit, selon le communiqué de la présidence, "consacrer les droits des victimes et des ayants-droits dans l'esprit de la réponse apportée à la revendication identitaire nationale", ce qui manifeste la volonté de la présidence de réduire la protestation en Kabylie à sa seule composante culturelle (berbériste). La présidence explique qu'elle entend ainsi "donner, dans les meilleurs délais, une application effective aux mesures annoncées" dans le discours du 12 mars du président Bouteflika (le discours annonçait, outre l'octroi d'un statut aux victimes de la répression, la reconnaissance de tamazight comme langue nationale et le redéploiement de la gendarmerie), mais ajoute que cette reconnaissance des droits des victimes de la répression "doit être appréciée à l'aune de la légitimité de la revendication identitaire et ne saurait constituer une caution, ni à la violence et à la destruction, ni encore moins à la poursuite de la violence".

La consécration de tamazight comme langue nationale de l'Algérie est en principe attendue pour le 8 avril, lors d'une séance du parlement (ses deux chambres réunies). Le projet* a été présenté par le Premier ministre le 6 avril aux commissions parlementaires. Selon la presse algérienne, les deux partis majoritaires, le FLN et le RND, ont donné des consignes pour voter "oui" à la proposition présidentielle, consignes qui devraient être suivies par leurs députés, alors que le Front des Forces Socialistes et le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie ont décidé de boycotter la séance.

Le FFS a décidé de "ne pas s'associer à cette manoeuvre grossière" d'un régime ne cherchant pas à résoudre la crise de Kabylie mais uniquement à se maintenir, et le Premier secrétaire du parti, Ahmed Djeddaï, a dénoncer une volonté de "singulariser davantage une partie de la population" et d'"ouvrir une brêche aux aventuriers pyromanes de tout bord pour justifier ensuite le recours à la violence". Pour Ahmed Djeddaï, l'Algérie est en face d'"un régime en fin de parcours qui tente vainement de se réanimer en organisant le désordre et la confusion et en jouant à la discorde nationale". Le Premier secrétaire du FFS accuse en outre le gouvernement de "corrompre" les députés en leur faisant approuver en même temps le projet présidentiel de semi-reconnaissance de tamazight et un projet de loi sur leurs propres retraites. S'agissant de tamazight, le FFS reproche au projet de consacrer l'émiettement de la langue berbère et de poursuivre dans une logique "coloniale" consistant à dresser les arabophones et les berbérophones les uns contre les autres. Quant au RCD, il refuse de "s'impliquer dans un processus dévoyant une préoccupation nationale, démocratique et légitime, au profit de manoeuvres politiciennes destinées à tenir des élections truquées". Pour le RCD, si "la réappropriation de l'identité nationale est l'un des axes" de son combat, "le droit à la vie transcende toute revendication".

* Le projet ajoute un nouvel article 3bis à la Constitution, disposant que "Tamazight est également langue nationale", au lieu que de modifier simplement l'article 3 actuel ("l'arabe est langue nationale" devant "l'arabe et tamazight sont langues nationales").

A Tizi Ouzou, le wali a accusé les animateurs de la coordination des aârchs de "chefffer à béanc de jeunes innocents avec un discours virulent" et des "envoyer se faire tuer". En réponse à quoi les élus de l'Assemblée populaire de wilaya (APW, Conseil général) ont dénoncé la responsabilité du pouvoir, les provocations des services de sécurité et la stratégie de pourrissement décidée à Alger, et ont adopté une résolution dénonçant les "pratiques fascistes et fascisantes visant à instaurer un climat de terreur, de psychose, voire de préguerre". L'APW exige la libération "immédiate et inconditionnelle de tous les citoyens détenus arbitrairement, l'arrêt de toute poursuite judiciaire, des arrestations et des interpellations, l'arrêt des intimidations et des harcèlements par les différents corps de sécurité et le lavée de l'état de siège et du quadrillage imposés à la population".La résolution appelle enfin "les élus à tous les niveaux à former une chaîne de solidarité et à se constituer prisonniers auprès du commissariat central de Tizi Ouzou", ainsi qu'à verser leurs indemnités dans un fonds de solidarité avec les victimes du "Printemps Noir".

A Tizi Ouzou, le 7 avril, 9 militants et manifestants ont été condamnés à des peines de prison ferme allant de six mois à une année. A Larbaâ Nath Irathen, trois manifestants ont été condamnés à deux mois de prison ferme. A Draâ El Mizan et Tizi Ouzou, des sit in se tiendront le 8 avril devant les tribunaux pour exiger la libération de toutes les personnes arêtées

Plusieurs appels et manifestations de solidarité avec la Kabylie ont été lancés ou ont eu lieu dans le monde. En France, le "Rassemblement pour une Algérie progressiste" (RAP) de Marseille et la "Gauche Citoyenne" de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ont lancé un appel contre "le massacre à huis clos" en Algérie, dénonçant la "fausse concession" faite par le président Bouteflika par la reconnaissance de tamazight comme langue nationale, en même temps que "la répression se déchaîne contre les manifestants pacifiques". Les signataires de l'appel* s'associent au boycott des élections législatives ("un acte surréaliste" dans les conditions actuelles en Algérie), considèrent la plate-forme d'El-Kseur comme "la seule base d'entente possible" et en appellent à l'opinion internationale "pour qu'elle s'élève contre ce massacre à huis clos et exerce sur le pouvoir des pressions pour qu'il respect ses propres lois". Plusieurs milliers de personnes ont manifesté à Paris le 6 avril de la Nation à la République pour dénoncer la répression en Kabylie et soutenir le mouvement populaire.

* Notamment : Idir, Fellag, Dilem, Daniel Prevost, Sid Ahmed Agoumi, Slimane Benaissa. L'appel a également été signé par les associations culturelles berbères de Paris, du Val-d'Oise et de Nancy, la Maison Kabyle de France.

Le professeur Mohand Issaad a confirmé au "Matin" l'existence d'une tentative de médiation en Kabylie, tout en réfutant le terme de "médiation" : il s'agit d'une tentative de "trouver une solution" à la crise en Kabylie, tentative dont il affirme n'avoir pas eu l'idée lui-même, mais qui émanerait d'un groupe de personnes issues de la société civile : "(des) femmes) et (des) hommes irréprochables", dont, selon "El Watan", l'avocat Mokrane Aït Larbi. Mohand Issaâd, qui fut président de la commission nationale d'enquête sur les "événements" de Kabylie, ajoute que des contacts ont déjà été pris avec "des notables, des personnes importantes en Kabylie". "Le Matin" fait état de tentatives de contacts avec le porte-parole de la coordination des aârchs de Tizi Ouzou, Belaïd Abrika, qui refuserait de participer à des discussions tant que leurs objectifs et leurs initiateurs ne sont pas connus.

(La Tribune, Liberté, L'Expression, Le Matin 14.4 / Liberté, El Watan, Le Matin 15.4, corr.) La coordination des aârchs de Boghni a appelé à une marche populaire le 15 avril pour "dénoncer les enlèvements arbitraires des citoyens innocents, demander la libération immédiate des détenus, refuser la clanestinité", et pour la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur. La marche fait suite à l'arrestation, le 1er avril, de quatorze manifestants, dont douze ont été condamnés le 8 avril à des peines de prison pour "attroupement illégal". A Alger, un délégué de la coordination des comités de Tizi Ouzou, Mustapha Mazouzi, a été arrêté le 12 avril, et un membre de la direction du Mouvement démocratique et social (MDS) a été arrêté après avoir appelé à une marche de soutien aux détenus de Kabylie. On compte actuellement une cinquantaine de militants et de délégués des comités locaux de Kabylie, détenus dans les trois wilayas kabyles (six à Bejaïa, onze à Tizi Ouzou, une quarantaine à Bouira, où 32 détenus devaient être présentés au juge le 15 avril, après avoir passé trois semaines en prison. A Tizi Ouzou, le 14 avril, quatre manifestants ont été condamnés à deux mois de prison ferme, et deux autres à six mois avec sursis. A Oum El-Bouaghi, où 58 manifestants ont été déférés devant le tribunal, 36 ont été condamnés à des peines de prison ferme allant de six mois à deux ans, plus des amendes et des temps de privation des droits civiques. 11 accusés ont été condamnés à deux ans, 10 à un an et 14 à six mois. 22 accusés ont été acquittés.Les accusés niaient pourtant avoir participé à des actes de violence, certains affirmant n'avoir signé leurs PV d'audition que sous le menace des policiers. A Azazga, neuf jeunes manifestants ont été relaxés par le tribunal, alors que le procureur avait requis des peines de un à deux ans de prison. "Le Matin" signale que de nombreux parents et proches des militants arrêtés (ou encore recherchés) se plaignent de pressions et d'intimidations de la part des services de sécurité : des personnes âgées sont par exemple régulièrement convoquées à la police pour être interrogées sur les activités de leurs fils.

L'Assemblée populaire de wilaya de Tizi Ouzou (APW, Conseil général) appelle, dans une lettre ouverte, les élus des autres APW à "simpliquer activement aux côtés des populations dans le combat pacifique quotidien pour le démantèlement du système et le recouvrement de la souveraineté populaire". Les élus de l'APW de Tizi Ouzou affirment dans leur lettre ouverte que la "dissidence citoyenne, pacifique et nationale" dont la Kabylie est le foyer (mais dont elle n'a pas l'exclusivité) est née du "souci majeur de préserver l'unité nationale et de signifier la fin du règne des détenteurs illégitimes de la puissance publique".

Le Front des Forces Socialiste organise le 19 avril un meeting à Bejaïa, animé par le Premier secrétaire du parti, Ahmed Djeddaï. Le FFS a appelé en outre ses élus locaux et nationaux à se rassembler le 15 avril devant le Palais de Justice pour exiger la "libération de tous les détenus". "El Watan" constate qu'"un nouveau dynamisme s'est emparé des structures de bases" du FFS en Kabylie.

(CMA 13.4 / AFP, AP 18.4 / AFP, AP 20.4 / Le Quotidien d'Oran, Liberté 21.4 / La Tribune, El Watan, Le Matin, Liberté 22.4 / Corr) La Kabylie a massivement, et généralement calmement, commémoré dès le 18 avril le premier anmniversaire du déclenchement du "printemps noir" de 2002, en même temps que le 22ème anniversaire du "printemps berbère" de 1980. Le 18 avril, plusieurs milliers de personnes ont rendu hommage, sur sa tombe, à la première victime du "Printemps Noir", Massinissa Guermah, assassiné dans une gendarmerie de Beni Douala le 18 avril 2001. Le père de Massinissa a déclaré : "Le pouvoir assassin a tué des citoyens sans défense mais le mouvement citoyen a rompu le mur de la peur et du silence". Les dirigeants du FFS, Ahmed Djeddaï, et du RCD, Saïd Sadi, ont participé à cette journée de recueillement, organisée partout en Kabylie.Des centaines de milliers de personnes ont défilé le 20 avril dans les deux principales villes de Kabylie, Tizi Ouzou et Bejaïa, dans le calme, à l'appel des coordinations des aârchs et des comités locaux. Ces marches ont été accompagnées de grèves générales. A Tizi Ouzou (plus de 100'000 manifestants, jusqu'à 500'000 selon "Liberté") comme à Bejaïa (plusieurs dizaines de milliers de participants), les manifestants exigeaient notamment la libération de tous les militants et manifestants détenus, la satisfaction "pleine et entière" de la plate-forme d'El-Kseur, "scellée et non-négociable". et soutenaient le boycott des élections du 30 mai. Des marches ont également été organisées à Bouira (plusieurs milliers de participants), à Tazmalt, à Boumerdès (plusieurs milliers de participants) et à Souk El Ténine, le 21 avril.


A l'étranger, des manifestations et rassemblements de soutien ont eu lieu notamment à Montréal et à Paris. A Paris, plusieurs milliers de personne (5500 selon la police, 30'000 selon les organisateurs) ont manifesté de la République à la Nation à l'appel, notamment, de la Fédération des associations culturelles amazighes de France (FACAF).

La "Fédération des citoyens pour l'Algérie de Massinissa" appelle à une marche européenne de solidarité, de Luxembourg le 5 mai à Bruxelles le 18 mai, via Paris le 12 mai.

A Agadir, le Conseil fédéral du Congrès mondial Amazigh a exprimé son "soutien indéfectible" au "mouvement citoyen démocratique et pacifique des Aarchs de Kabylie", et sa condamnation du "pouvoir algérien mafieux et assassin dont les méthodes répressives (assassinats, enlèvements, expéditions punitives, violations de domicile, arrestations, condamnations) rappellent tristement celles de l'occupation coloniale".Le CMA exige la libération inconditionnelle de tous les détenus et la satisfaction "pleine et entière" des revendication de la plate-forme d'El-Kseur. Le CMA considère en outre que la "constitutionnalisation de Tamazight comme langue nationale, sans contenu ni calendrier, n'est qu'une énième mystification destinée à détourner l'attention de l'opinion et à réduire la pression internationale", et appelle l'Europe et les institutions internationales à "prendre sans délai des sanctions économiques et diplomatiques à l'encontre du gouvernement algérien". Le CMA dénonce également l'"oppression" et la "marginalisation économique" des berbères au Maroc, les opérations militaires contre les Touaregs au Mali et au Niger, l'hispanisation des Canaries, la répression des berbérophones en Tunisie et en Lybie. Le CMA se félicite enfin de l'introduction de tamazight comme langue d'enseignement dans le système éducatif français.

A Bejaïa, l'Assemblée populaire de wilaya (APW, Conseil général) a dénoncé dans une résolution politique la répression dont sont victimes les militants et manifestants du mouvement populaire. L'APW en appelle aux instances internationales pour qu'elles fassent pression sur le gouvernement algérien. Pour le groupe FFS de l'Assemblée, les arrestations "pour délit d'opinion" ne font que nourrir la violence.

(Le Matin 22.4) "Le Matin" signale que des habitants, en particulier des jeunes, de plusieurs localités de la wilaya de Sétif (Guenzet, Draâ Kebila, Lemroudj) ont été contraints de fuir leur domicile et de se réfugiés dans d'autres régions, du fait de la répression engagée par la gendarmerie et la police dans la région. Gendarmes et policiers procéderaient à des "descentes" de nuit dans des cafés, à des rafles, à des provocations et à des passages à tabac.

Communiqué de la Fédération de Sétif du Front des forces socialistes

Nous dénonçons les arrestations arbitraires

     Pendant que le Pouvoir et son administration persistent
     dans la marche électoraliste vers le chaos, ses services
     de sécurité organisent de véritables descentes et de
     chasses à l'homme contre la population qui refuse la
     soumission et la résignation.
     Pour normaliser la société, les services de sécurité n'ont
     pas hésité à réprimer de manière féroce, avec un
     acharnement inqualifiable, les citoyens des communes
     de Draâ Kebila et de Guenzet (wilaya de Sétif).
     Les provocations, les arrestations et les humiliations
     sont le quotidien des jeunes de ces deux communes
     depuis le 25 mars à ce jour.
     La fédération FFS de Sétif dénonce avec force ces
     arrestations arbitraires des citoyens de Draâ Kebila et de
     Guenzet, le harcèlement de sa population et exige la
     libération immédiate et inconditionnelle des détenus.
     Le FFS appelle à la vigilance pour déjouer les complots
     visant à déstabiliser toute une région, à la mobilisation
     dans le cadre de la dissidence citoyenne nationale et
     pacifique pour imposer l'alternative démocratique.

Le premier secrétaire fédéral, M. Abouchi


(HRW 18.4 / El Watan, Le Quotidien d'Oran 24.4 / La Tribune, Le Matin 25.4) La coordination intercommunale de Bejaïa devait mettre sur pied le 25 avril à Ighrem une "commission de réflexion" chargée de définir les actions du mouvement dans les prochaines semaines et une coordination interwilaya est prévue pour la fin avril, pour peaufiner la campagne de boycott des élections législatives. Onze listes ont été déposées à Bejaïa, soit 8 listes de partis et 3 listes "indépendantes", et douze listes à Tizi Ouzou (onze de partis et une indépendante) malgré l'opposition manifestée aux élections, non seulement par le mouvement populaire, toutes tendances confondues, et les aârchs, mais désormais également par les assemblées élues, conseils municipaux (APC) et conseils généraux (APW). Le mouvement populaire doit également poursuivre sa campagne pour la libération de tous les militants et délégués détenus. Une soixantaine de détenus de Tizi Ouzou et cinq détenu de Bouira pourraient commencer une grève de la faim le 27 avril. A Bejaïa, 94 détenus sont en grève de la faim depuis le 23 avril. Le 25 avril, la coordination des comités locaux de Tizi Ouzou devait se réunir pour décider des actions publiques à mener sur ce terrain, et sur celui du boycott électoral A Bejaïa, l'Assemblée de wilaya (APW) a installé le 23 avril une "cellule de crise" afin de transmettre aux autorités concernées les demandes du mouvement citoyen, à commencer par la libération des détenus.

Dans une lettre adressée au président Bouteflika, l'ONG de défense des droits humains "Human Rights Watch" lui demande de donner suite aux promesses qu'il avait faites de punir les responsables des violences policières (y compris celles des gendarmes) perpétrées en Kabylie. "Le sentiment que les gendarmes peuvent tuer et saccager dans l'impunité alimente le mouvement de protestation en Kabylie", a estimé le porte-parole de HRW, Hanny Megally. L'organisation demande que soient divulguées toutes les mesures adoptées pour traduire en justice les membres des forces de sécurité suspectés d'avoir commis des abus, et considère qu'"une investigation rigoureuse et transparente des cas de ce type" relèterait, avant les élections du 30 mai, une "volonté de rompre avec le passé". Trois policiers antiémeutes (CNS) ont été condamnés le 22 avril à trois ans de prison par le tribunal criminel de Bejaïa, pour des actes de destruction et de vol dans des commerces de la localité.

Au sein de l'ancien syndicat unique UGTA, des syndicats locaux et des fédérations syndicales locales et régionales se sont ralliés au mouvement de protestation contre la répression. L'Intersyndicale de Bejaïa avait appelé à la grève le 7 avril, les section de Bejaïa et de Tizi Ouzou du syndicat des travailleurs de l'éducation (SETE) à la grève le 23 avril et des sections locales du syndicat menacent de rejoindre les syndicats autonomes.

(Jeune Indépendant, Le Matin, Liberté 28.4 / La Tribune, Liberté, Le Matin 29.4) Plusieurs dizaines de militants et délégués des comités locaux de Kabylie, emprisonnés, ont entamé depuis plusieurs jours une grève de la faim illimitée pour protester contre leur détention et exiger leur libération. L'ancien sénateur, et avocat, Mokrane Aït Larbi, a annoncé que les détenus de Bejaïa, dont Ali Gherbi avaient entamé leur grève le 23 avril, ceux de Tizi Ouzou et Bouira le 27 avril, et qu'ils avaient l'intention de la poursuivre jusqu'à leur libération. Il a lancé un appel aux organisation nationales et internationales de défense des droits humains pour que ces détenus soient reconnus et détendus comme "prisonniers d'opinion". Mokrane Aït Larbi exige leur "libération immédiate et sans condition". Selon lui, ces militants ont été arrêtés "sur instruction écrite du ministre de l'Intérieur, donc du gouvernement, pour des considérations extra-judiciaires", et doivent donc, de même, être libérés "par une décision politique".

A Azazga, quatre manifestants détenus depuis 22 jours sont passés en jugement, trois ont été acquittés et le quatrième condamné à un an de prison avec sursis.

A Bejaïa, le Comité de la société civile d'El-Kseur appelle à une grève de trois jours à partir du 30 avril, et au blocage des routes nationales. Pendant ce temps, les cérémonies d'hommage aux victimes des "événements" continuent de se succéder en Kabylie. Le 27 et le 28 avril, plusieurs milliers de personnes ont pris part à des marches et des rassemblement, notamment à Maâtkas, Souk El Ténine, Azazga, Larbaâ Nath Irathen (w. Tizi Ouzou), Sidi Aïch et Adekar (w. Bejaïa). A Aït Laâziz, une pétition a été lancée pour demander le départ des gendarmes.

Le "Journal Officiel" publique le décret présidentiel fixant les droits des victimes des "événements" de Kabylie : ces droits vont de la période allant d'avril 2001 au 14 avril 2002; ils sont accordés aux personnes qui ont participé aux événements. Sont considérées comme des victimes toute les personnes décédées ou ayant subi des dommages corporels. Le montant de la pension mensuelle est fixé à 16'000 dinars (400 FS, 300 Euros) lorsque la victime a laissé des enfants à charge. Les ayants-droits des victimes décédées perçoivent une indemnisation sous forme de capital global équivalant à jusqu'à 120 fois le montant de la pension mensuelle. Pour les victimes ayant subi des dommages corporels, une rente est prévue de 4000 à 10'000 DA/mois selon la gravité de l'incapacité subie-.

(La Tribune, Liberté, Le Matin 2.5) Les délégués et militants du mouvement citoyen incarcérés à Tizi Ouzou, pour la plupart depuis plus d'un mois, ont suspendu le 30 avril la grève de la faim qu'ils avaient entamée le le 27 avril pour dénoncer leur "détention arbitraire". Une soixantaine de détenus participaient à cette grève de la faim, dont la suspension n'est pas détinitive : ils menacent en effet de la reprendre le 7 mai s'ils ne recouvrent pas leur liberté. Des parents de détenus ont annoncé qu'eux aussi étaient prêts à entamer une grève de la faim si leurs proches n'étaient pas libérés, et ont précisé que parmi les détenus, des asthmatiques, des cardiaques et des diabétiques "risquent le pire en prison". L'un des grévistes, Mohamed Nekkah, délégué de Ouaguenoun, aurait d'ailleurs été victime d'un coma diabétique et hospitalisé le 30 avril, avant d'être reconduit en prison.

Aux Ouadhias, plusieurs centaines de personnes ont participé à un hommage aux victimes de la répression, autour d'une stèle qui leur est dédiée.

(La Tribune, Le Matin 5.5 / El Watan, Liberté 6.5) Deux militants du mouvement citoyen de Tizi Ouzou ont été arrêtés les 4 et 5 mai, s'ajoutant aux dizaines d'autres précédemment arrêtés et dont beaucoup sont encore détenus. Une manifestation a eu lieu devant le tribunal de Tizi Ouzou le 5 mai pour exiger la libération "immédiate et inconditionnelle" des détenus. A Bejaïa, les délégués des comités locaux détenus depuis fin mars poursuivent leur grève de la faim entamée le 23 avril pour exiger leur libération et, dans l'immédiat, la reconnaissance de leur statut de détenus d'opinion. L'état de santé des grévistes de la faim s'est sérieusement détérioré, selon leur famille. 25 manifestants déjà condamnés ont été rejugés en appel le 5 mai. Cinq d'entre eux ont vu leur peine réduite de moitié et passer d'une année à six mois, et neuf ont été relaxés.Une marche de soutien aux détenus, organisée par les étudiants de l'université de Bejaïa, a été bloquée par la police le 5 mai à la sortie de l'enceinte de l'université. A Timezrit, par contre, les lycéens ont pu manifester pour exiger la libération de tous les détenus. A Boghni, le 5 mai, une marche populaire à l'appel de la Coordination communale a appelé à la libération de tous les détenus et au rejet des élections du 30 mai. Le Congrès Mondial Amazigh a adressé un appel à la Haut Commissaire de l'ONU pour les droits de l'Homme, Mary Robinson, lui demandant d'user de toutes ses prérogatives et de toute son influence "afin que cesse (la) mise à mort lente des prisonniers d'opinion en Kabylie".

A Bouira, 25 manifestants arrêtés fin mars et déjà condamnés à des peines de prison allant de quatre mois avec sursis à deux ans ferme, devraient comparaître en appel le 7 mai. A Setif, onze manifestants de Bir Haddada, le 27 avril, ont été condamnés à un an de prison, et deux autres à six mois, par le tribunal d'Aïn Oulmène. A Draâ El Mizan, tous les manifestants arrêtés après le 25 mars ont finalement été acquittés par le tribunal. A In Salah, des dizaines de jeunes ont été arrêtés les 27 et 28 avril et mis en détention, après ce que des habitants dénoncent comme de "véritables rafles". A Tighennif (w. Mascara), plusieurs dizaines de manifestants d'Oued El Abtal ont été présentés au procureur.

(Le Jeune Indépendant 15.5 / La Tribune, El Khabar, Liberté, El Watan 16.5) La coordination interdäiras du sud-ouest de la wilaya de Tizi Ouzou (Tizi Ghenif, Draâ El Mizan, Borhni, les Ouadhias) a appelé à une marche populaire le 16 mai à Draâ el Mizan pour exiger la libération des détenus que compte encore la région (cinq, dont trois enseignants). A Tizi Ghenif, quatre délégués des comités locaux ont été arrêtés le 15 mai après qu'une manifestation ait empêché la tenue d'un meeting électoral du candidat "Assirem" (indépendant) Rabah Benchikhoune. Le 15 mai, une grève générale a été suivie à Titi Ghenif en guise de protestation contre ces arrestations. Un délégué du mouvement citoyen a également été arrêté à Souk El Tenine (w. Bejaïa) le 14 mai. A Bouira, où 29 militants et délégués du mouvement citoyens étaient jugés en appel, 14 d'entre eux ont été condamnés à des peine six mois de prison avec sursis à 8 mois de prison ferme (pour six accusés).

A Bejaïa, une marche populaire est prévue le 19 mai, et un sit-in devant le Palais de Justice le 26 mai, avec les mêmes mots d'ordre que ceux mis en avant depuis des semaines : libération des détenus, satisfaction "pleine et entière" de la plate-forme d'El-Kseur, boycott des élections du 30 mai.

A Tigzirt, une marche populaire a été empêchée par les forces de sécurité, qui l'ont dispersée avant qu'elle se forme.

Le 19 mai à Bruxelles, une marche de solidarité avec la Kabylie est organisée par le Congrès mondial amazigh. La remise d'une lettre au président de la Commission européenne est prévue.

Selon "El Khabar", qui se réfère à "une source du FFS, digne de confiance", des "représentants du pouvoir" se sont rendus en Suisse pour rencontrer le président du Front des Forces Socialistes, Hocine Aït Ahmed, pour tenter de le convaincre de tenir des meetings et de participer à des actions pour ramener le calme en Kabylie.

DÉCLARATION DU FRONT DES FORCES SOCIALISTES

Front des Forces Socialistes

56, Avenue Souidani Boudjemaa 
Alger   tel : 021694141 
Fax : 021484554   


Représentation à l'étranger

Alger, le 19 mai 2002

Encore une fois, les forces de sécurité ont procédé à l'arrestation de dizaines d'étudiants de l'université de Bouzaréah dont le seul tort est d'avoir protesté contre la présence du Chef de l'Etat au sein de l'Université .

Au lieu de répondre aux revendications de la famille universitaire, qui ne demande que la préservation du caractère public de l'Université algérienne, le Chef de l'Etat continue sa campagne pour les futures " élections ".

L'attitude méprisante et arrogante des autorités, ignorant les revendications légitimes des Algériennes et des Algériens, contribue largement au pourrissement d'une situation déjà explosive.

Le F.F.S dénonce avec la plus grande fermeté la répression sauvage de la manifestation des étudiants. Par ailleurs il s'élève contre l'arrestation ce jour de Mr KHELIL Dahmane, militant des droits de l'homme et son ami SID AHMED Mourad ainsi que l'enlèvement de Mr CHOUICHA KOUIDER, membre du bureau national du CNES à Oran pour les besoins de la visite " électorale "du chef de l'Etat.

Le Front des Forces Socialistes réitère son soutien aux revendications de la famille universitaire et sa solidarité effective avec les étudiants arrêtés.

Le FFS exige leur libération immédiate et inconditionnelle et le respect des franchises universitaires.

Le FFS appelle tous les étudiants à s'organiser dans des cadres autonomes pour revendiquer leurs droits pacifiquement.

P/ Le Secrétariat National
Le Premier Secrétaire 
Ahmed Djeddaï

(AFP, Liberté 26.5 / Corr 20.5) Des affrontements se sont produits le 26 mai à Bejaïa, après l'interdiction d'une marche d'étudiants devant se rendre devant la wilaya. Dans la nuit précédente, la caserne de la garde communale de Bouhinoun (w. Tizi Ouzou) a été incendiée, après le démantèlement d'une barricade érigée par des manifestants.

A Paris, la Coordination de solidarité avec la Kabylie (qui regroupe une cinquantaine d'associations) appelait pour le 26 mai à une marche de soutien aux délégués et militants du mouvement populaire emprisonnés en Kabylie, de protestation contre la répression et de soutien au boycott des élections législatives du 30 mai. Dans la prison de Kherrata (w. Bejaïa), huit détenus du mouvement citoyen ont décidé d'observer une grève de la faim à partir du 26 mai pour dénoncer leur "arrestation arbitraire" et exiger leur libération.

(Le Matin, Le Jeune Indépendant 6.6) A El Esnam (w. Bouira), un délégué du mouvement citoyen local a été arrêté le 2 juin, sous l'accusation d'être responsable des émeutes qui ont frappé la ville, et, selon le commandant de la gendarmerie, d'avoir été trouvé en possession de 18 grammes de kif et d'un poignard. Cette arrestation a suscité la colère deu mouvement citoyen, et des affrontements avec les gendarmes et la police, suivis de six nouvelles arrestations. Dans plusieurs localités de l'est du pays, des manifestations ont tourné à l'meute et aux affrontements avec la police et la gendarmeroe, dès le lendemain des élections du 30 mai, mais pour des motifs renvoyant aux conditions d'existence désastreuses des populations, et en particulier au manque d'eau. A Beni Malek (Skikda), le 31 mai, la population a érigé des barrages sur les routes menant au centre-ville pour protester contre l'absence d'eau depuis 17 jours. Le 5 juin, à Demnia, près de Collo, les habitants ont occupé la rue pour protester contre le manque d'eau, l'absence d'électricité et l'état des routes. A Oued Ahtmania (w. Mila), les victimes des innondations qui ont fait plusieurs morts ont dénoncé l'abandon dans lequel elles sont laissées par les autorités. A Abadla, plusieurs manifestants ont été arrêtés le 4 juin, après des affrontements. La manifestation avait également pour cause les conditions de vie de la population. Les mêmes motifs ont provoqué des manifestations et des affrontements à Souani (w. Tlemcen).

(La Tribune, Liberté, Le Matin 9.6 / El Watan, Liberté, Le Matin 10.6) Selon "La Tribune", plusieurs délégués des comités de citoyens de Kabylie plaident pour une "trêve politique" dans l'affrontement entre le pouvoir et le mouvement populaire en Kabylie, après que la Kabylie ait massivement rejeté le scrutin du 30 mai, mais que le Constitutionnel ait néanmoins validé les résultats obtenus dans la région, avec un taux d'abstention de plus de 97 %. Pour ces délégués, qui se sont exprimés lors des dernières réunions des coordinations régionales des comités locaux, les émeutes "justifient (...) la répression sauvage" du pouvoir et lui permettent de présenter à la communauté internationale des "circonstances atténuantes" au bilan de cette répression (119 morts, des milliers de blessés, des centaines d'arrestations). Une tendance semble se dessiner au sein du mouvement populaire pour réintégrer l'ensemble des acteurs politiques et sociaux de la région dans un mouvement plus maîtrisé et plus pacifique.

Dans un "point de vue" publié par "El Watan le 10 juin, plusieurs personnalités* en appellent à une telle remise à jour de la stratégie du mouvement d'opposition, avant qu'il ne soit trop tard, c'est-à-dire avant les élections locales qui pourraient "mettre le pays dans un état insurrectionnel" si le pouvoir tentait de "forcer le passage" pour en revenir à une situation d'hégémonie d'un seul parti (le FLN), et si, en face, "les représentants authentiques du mouvement citoyen" n'arrivaient pas à faire que celui soit "apte à porter l'idéal démocratique dans une action constructive" :

*
Rabah Naceri (P/APW de Béjaïa) ; Mohand Arezki Ferrad (ex-député) ; Abdelaziz Djeffel (élu APC Aïn El Aloui, Bouira) ; Smaïl Saïdani (SG du MLD) ; Zoheir Rouis (président Forum démocratique, Paris) ; Soufiane Djilali (président du Mouvement pour les libertés et le développement).

Le Premier ministre Ali Benflis s'est quant à lui prononcé pour un dialogue "sans exclusive" avec le mouvement citoyen, une fois le nouveau gouvernement formé. Ali Benflis s'est déclaré "prêt à aller aussi loin que possible avec les représentants du mouvement des archs pour trouver une solution réelle et raisonnable à la crise". La Coordination des aârchs, daïas et communes (CADC) a répondu à cette offre de dialogue en déclarant que "tout contact (avec le pouvoir) doit être soumis à la base en plénière", mais a reconnu que le mouvement était entreé "dans la gestion (d'une) nouvelle phase".

Le RCD dénonce dans un communiqué les pressions et les intimidations subies par ses militants. Selon le RCD, "trois militantes ont reçu (...) des lettres de menaces et des visites d'intimidation les sommant de quitter (le parti)", dont un membre, cadre supérieur, aurait été licencié pour raisons politiques, et un autre aurait échappé à une tentative d'enlèvement à Aghouni Gueghrane, dans la région des Ouadhias (Kabylie).

A Tizi Ouzou, le Tribunal correctionnel a condamné un délégué du mouvement populaire des Ouacifs à trois mois de prison ferme pour "attroupement" et "outrage à corps constitué", et relaxé un supposé manifestant (qui s'est révélé n'être qu'un berger faisant paître son troupeau au moment d'une manifestation), tous deux arrêtés le 29 mai. Le comité local a dénoncé le verdict. Dans la même wilaya de Tizi Ouzou, deux responsables de la garde communale, ceux de Yakouren et d'Ifigha, ont été radiés par le wali pour avoir refusé d'aller chercher les urnes contenant les votes des "corps constitués" lors des législatives du 30 mai. Plusieurs présidents d'APC (Maires) font toujours l'objet de poursuites judiciaires de la part du wali, pour avoir refusé de participer à l'organisation des élections. Toujours à Tizi Ouzou, après une semaine de grève du personnel administratif et de la voirie, les sections syndicales UGTA de la municipalité de Tizi Ouzou ont été vonvoquées devant le juge dans un procès en référé intenté par la municipalité, qui les accuse d'avoir provoqué une grève illégale. Les syndicats ont élaboré une plate-forme de revendication exigeant notamment le vote du budget municipal dans sa version initiale, la libération du Théâtre communale des unités de police qui l'occupent depuis le 24 mars, un contrôle médical et des ouvriers de la voirie et leur régularisation.

(Liberté, El Watan, Le Quotidien d'Oran, Le Matin 16.6 / Le Matin, Liberté 17.6) La coordination des aârchs et comités locaux de Tizi Ouzou (CADC) a rejeté, le 15 juin, les indemnités accordées par le décret présidentiel du 7 avril aux parents des victimes et aux blessés du "Printemps Noir" en Kabylie. "La sang de nos enfants n'est pas à vendre", ont proclamé les parents des victimes. La CADC rejette ces indemnités "tant que la plate-forme d'El-Kseur n'est pas satisfaite".

A Bejaïa, le collectif d'avocats qui défend les 28 militants et délégués du mouvement citoyen détenus en attente de jugement dénonce les "tergiversations judiciaires" et demande des "mesures d'apaisement", qui devraient prendre la forme d'une remise en liberté provisoire des détenus. Le porte-parole du collectif d'avocats, Me Zahir Moussasseb, dément les rumeurs de négociations avec le pouvoir. "Le Quotidien d'Oran" croit cependant savoir que des émissaires du Premier ministre Ali Benflis ont discuté récemment avec 17 représentants des aârchs "pour s'entendre sur les dernières actions à entreprendre dans le cadie d'un dialogue". Benflis négocierait notamment la libération des détenus "pour dégeler la situation".

Le Comité populaire de la wilaya de Bejaïa appelle à l'organisation d'une "conférence nationale regroupant les représentants des mouvements de révolte de toutes les régions du pays". Le CPWB appelle "les intellectuels, les artistes et politiciens épris de liberté, de démocratie et de justice sociale à s'impliquer". La conférence nationale à laquelle appelle le CPWB devrait, selon lui, élaborer "une plate-forme de revendications nationales en tenant compte de la plate-forme d'El-Kseur".

A Tizi Ouzou et Azazga, huit personnes doivent être présentées devant le juge. Des sit-in à l'appel des comités locaux sont prévus devant les deux tribunaux, pour soutenir les accusés. A Bejaïa, un délégué de la Coordination intercommunale a été mis sous contrôle judiciaire après avoir été arrêté.

(Liberté 19.6 / L'Expression, El Watan 20.6) Les coordinations de wilaya des aârchs et comités locaux de Bejaïa (CICB) et de Tizi Ouzou (CADC) devaient se réunir le 20 juin, respectivement à Sidi Ayad et Ath Mahmoud, pour faire le point de la situation, et éventuellement répondre aux propositions de "dialogue sans exclusive" lancées par le Premier ministre Benflis, propositions dont on peut remarquer que, contrairement à ce qui s'est produit depuis avril 2001, elles n'ont pas été rejetées a priori par le mouvement populaire. Des conditions préalables au dialogue sont cependant posées par le mouvement, à commencer par la libération des militants et délégués encore détenus.Les coordinations récusent également les "contacts informels et individuels", et prônent un dialogue ouvert et officiel entre elles et le pouvoir. L'existence de contacts entre des émissaires du gouvernement et des représentants des aârchs avait été évoquée par des membres du collectif d'avocats assurant la défense des délégués détenus, mais démentie par les délégués eux-mêmes, et par les coordinations locales.

A Tizi Ouzou, 48 Présidents d'Assemblées populaires communes (maires) FFS se sont rassemblés le 18 juin devant les bureaux du wali (préfet) pour protester contre la convocation par la police de cinq d'entre eux, qui avaient refusé d'obtempérer aux réquisitions de l'administration centrale pour les législatives du 30 mai. Le 18 juin, c'était au tour du Maire de Tizi Ouzou, M. Aouam, de devoir se présenter au commissariat. Les maires FFS ont demandé à rencontrer le préfet, qui a refusé de les recevoir. Le FFS dénonce non seulement ce "mépris à l'encontre des élus locaux", mais une tentative de les entraîner "sur un terrain de violence". Le FFS a annoncé son intention de déposer plainte contre le wali pour "entrave à l'exercice des fonctions de présidents d'APC en tant qu'élus", et envisage d'appeler à une "grève des élus", pour protester contre le harcèlement dont ceux-ci sont l'objet -et qui s'est notamment traduit par le suspension du Maire d'Azeffoun de ses fonctions.

(L'Expression 22.6 / Le Matin, Liberté 23.6 / La Tribune, Liberté, El Khabar, Le Matin 24.6) Les représentants des comités locaux de 31 communes, cordonnés au sein de la Coordination intercommunale de Bejaïa (CICB), se sont rencontrée les 20 et 21 juin pour un "conclave" qui a rejeté l'offre de "dialogue" émanant du Premier ministre Benflis. L'une des raisons de ce refus semble être le maintien du ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, à son poste. La coordination a démenti toute prise de contact entre elle et le gouvernement, et dénoncé "le pouvoir mafieux et assassin "qui persiste dans la manoeuvre et la manipulation", en maintenant des militants et des délégués en prison et en poursuivant les arrestations, tout en appelant au "dialogue". Le CICB réaffirme l'existence de la satisfaction "pleine et entière" de la plate-forme d'El-Kseur, et appelle la population "à organiser dans la dignité des journées commémoratives à la mémoire du chantre Lounès Matoub", assassiné le 25 juin 1998. La Fondation Matoub appelle quant à elle à une marche populaire à Tizi Ouzou, le 25 juin, accompagnée d'une grève générale, pour exiger la vérité sur l'assassinat du chanteur, la satisfaction des revendications citoyennes et la libération des détenus. Dans le village natal de Matoub Lounès, à Taourirt Moussa, la Fondation organise une série de manifestations commémoratives, inaugurées le 22 juin par la mère de Matoub, Aldjia. Une stèle à la mémoire du chanteur devait être inaugurée le 24 à Tizi Rached. Selon "El Khabar", les forces de sécurité auraient obtenu de "nouvelles preuves" de l'implication du GSPC de Hassan Hattab dans l'assassinat de Lounès Matoub, preuves qui consisteraient en la découverte d'un "registre des attentats" commis par les groupes du GSPC des régions de Mezrana et Sidi Ali Bounab. Selon les autorités, deux des membres du groupe auteur de l'assassinat seraient toujours en activité au sein du GSPC, quatre auraient été éliminés, un aurait été arrêté (Malek Medjnoun) et un se serait rendu (Chenoui). La thèse de l'implication du GSPC (ou d'un GIA) dans l'assassinat est toujours contestée par une large partie de l'opinion publique kabyle, qui en rend "le pouvoir assassin" responsable. La Fondation Matoub Lounès dénonce les "sévices" auxquels sont soumis les deux présumés islamistes armés accusés par les autorités de l'assassinat de Matoub, sévices destinés à "leur arracher des aveux tendant à fabriquer des preuves contre deux terroristes repentis", et à "discupler des personnes sur lesquels pèsent de fortes présomption", allusion à des responsables du RCD que la rumeur désigne comme les commanditaires de l'assassinat.

Selon "Le Matin", le gouvernement "semble s'être engouffré depuis peu dans un jeu des plus opaques", et de "grosses manoeuvres" à l'intention du mouvement citoyen : un délégué sous contrôle judiciaire aurait été invité, dans un commissariat, à accepter l'offre de dialogue d'Ali Benflis "en échange de l'annulation des poursuites dont il fait l'objet". Plusieurs délégués emprisonnés auraient reçu et continuent de recevoir des visites d'"envoyés spéciaux du Pouvoir" (souvent des militants du FLN, ajoute "Le Matin") leur offrant la liberté ou la clémence en échange de leur participation à un "dialogue". Un ancien député FLN, Me Zeghouati, a reconnu avoir, avec les députés FLN et RND "élus" dans la région, "fait des propositions aux délégués emprisonnés" à Bejaïa, mais nie avoir été chargé d'une mission. Les délégués détenus ont refusé ces propositions, mais l'un de leurs avocats, Me Saheb, a estimé que ce type de contacts révélerait le "caractère éminemment politique" de la détention des délégués, et confirmerait donc qu'ils sont bien des "détenus politiques".Le professeur Mohand Issaâd multiplierait de son côtés les contacts avec des personnalités pour trouver "une solution à la crise de la Kabylie". Mais toutes ces tentatives se font parallèlement à la répression, et sans mesure d'apaisement concrète sur le terrain. Le pouvoir central continue en outre de s'en prendre aux autorités locales qui avaient accompagné le mouvement populaire de refus des élections législatives du 30 mai : le Maire FFS d'Azeffoun (w. Tizi Ouzou) a été arrêté le 23 juin, après une manifestation de la population et des délégués de la coordination communale d'Akerrou. Mansouri Dahmane a été conduit à Tizi Ouzou chez un juge d'instruction, qui avait délivré contre lui un mandat d'amener, qui l'a entendu et l'a ensuite libéré. Le wali (préfet) de Tizi Ouzou avait déposé plainte contre le Maire d'Azeffoun pour son refus d'organiser les élections législatives, et l'avait suspendu de son mandat de maire.

(Liberté 27.6) L'anniversaire de l'assassinat, le 25 juin 1998 près de Beni Douala, de Matoub Lounès a été largement célébré en Kabylie, par la Fondation Matoub Lounès et par les coordinations locales et régionales du mouvement citoyen -dont les délégués se réunissent en "conclaves" de wilaya, à Tizi Ouzou, le 27 juin, et de toutes les wilayas (interwilayas) les 30 juin et 1er juillet à Tigzirt, pour faire le bilan du mouvement et décider des actions à mener pour le poursuivre. Une "action d'envergure nationale" pourrait être organisée le 5 juillet à Alger.

Selon "Liberté", le pouvoir pourrait tenter un geste d'"apaisement" en Kabylie en libérant les détenus du mouvement citoyen le 5 juillet, à l'occasion de la Fête de l'indépendance. Cette rumeur de libération fait suite aux contacts engagés par des représentants du gouvernement avec plusieurs délégués détenus, qui dénoncent le "chantage" dont il font l'objet, et récusent les "manoeuvres machiavéliques du pouvoir". Des émissaires du gouvernement tentent depuis plusieurs semaines de convaincre les délégués du mouvement citoyen de participer à un dialogue. Les détenus du Tizi Ouzou ont, dans une déclaration publique, refusé de participer à ce qu'ils considèrent comme une manoeuvre, et posent comme préalable à tout dialogue "la libération inconditionnelle de tous les détenus à l'échelle nationale", et la satisfaction des revendications de la plate-forme d'El-Kseur. Les détenus de Bejaïa ont également refusé les offres des émissaires du gouvernement.

(Liberté, Le Matin 30.6 / Le Matin, Liberté 1.7) La coordination interwilayas des comités locaux et des aârchs de Kabylie a décidé, le 30 juin à Iflissen, d'organiser le 5 juillet un rassemblement à Alger (Place des Martyrs, 11 heures), pour exiger une nouvelle fois la satisfaction "pleine et entière" de la plate-forme d'El-Kseur. L'interwilayas rejette les offres de dialogue du gouvernement, et pose comme condition à ce dialogue la libération de tous les détenus du mouvement populaire, et l'acceptation des revendications de la plate-forme d'El Kseur par le pouvoir.

Le Comité populaire de la wilaya de Bejaïa, structure parallèle à la Coordination intercommunale de Bejaïa, appelle à la tenue d'une conférence nationale à Bejaïa, le 4 juillet, pour "l'élaboration d'une plate-forme de revendications nationales". Le porte parole du CPWB a précisé que "les partis politiques ne seront pas associés à cette conférence". De son côté, le Comité de la société civile d'El-Kseur, affilié à la Coordination intercommunale, a réitéré l'exigence de la satisfaction "pleine et entière" de la plate-forme d'El Kseur, de la libération "immédiate et inconditionnelle" de tous les détenus et de l'arrêt des poursuites judiciaires contre les militants et les délégués du mouvement citoyen. Le Comité récuse en outre les tentatives de dialogue du gouvernement.

(Le Matin, Liberté 4.7) Le 5 juillet à Alger (Place des Martyrs) devrais se tenir un rassemblement, accompagné en Kabylie d'une grève générale, auxquels appellent les comités locaux et les aârchs de Kabylie, avec deux revendications : la satisfaction "pleine et entière" de la plate-forme d'El-Kseur, "scellée et non négociable", et la libération des détenus . Ce rassemblement coïncide avec le 40ème anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, et est plassé sous le slogan "40 ans... barakat !". Dans son appel au rassemblement, la coordination interwilayas des comités et des aârchs évoque le "sceutin de la honte" et la "mascarade électorale" du 30 mai, et affirme que l'Assemblée élue au terme de ce scrutin n'est "ni populaire ni nationale dans la mesure où l'écrasante majorité du peuple l'a boycottée". Pour l'Interwilayas, "le Pouvoir doit aujourd'hui assumer son échec et s'en remettre à la volonté populaire après ce désaveu historique".

(Liberté, El Watan 6.7 / L'Expression, El Watan 7.7 / El Watan 8.7) Le rassemblement auquel appelaient les aârchs et les comités locaux de Kabylie, le 5 juillet à Alger, pour exiger la satisfaction "pleine et entière" de la plate-forme d'El Kseur et la libération "immédiate et inconditionnelle" des détenus, et dénoncer "l'usurpation de la volonté populaire par des indus députés", a été empêché par la police anti-émeutes, qui a bloqué la sortie de Tizi Ouzou, et établi des barrages Draâ Ben Khedda et à Naciria le passage des manifestants vers Alger -la capitale étant quadrillée par la police. Les barrages ont été le lieu d'affrontements, à coups de pierres et de grenades lacrymogènes, entre manifestants et policiers. A Tizi Ouzou, la grève générale proclamée par la coordination des aârchs et des comités de la wilaya a été massivement suivie.

Contrairement à cu'une rumeur persistante laissait supposer, les militants et délégués des comités locaux détenus n'ont pas été libérés à l'occasion du 40ème anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. Ils restent donc en prison, sans que la date de leur procès (si procès il y a) ne soit connue, ni d'ailleurs précisément les chefs d'accusation retenus contre eux. A Tizi-Ouzou, Bejaïa et Bouira, les détenus du mouvement citoyen avaient reçu la visite d'émissaires du pouvoir qui semblaient leur faire miroiter une libération en échange de leur accord avec le "dialogue" auquel appelle le Premier ministre Benflis. Les délégués emprisonnés ont refusé ce marché.

La "Conférence nationale" à laquelle avait appelé le "Comité populaire de la wilaya de Bejaïa" (concurrent de la coordination des aârchs) s'est tenue, sous une forme réduite, le 5 juillet, après s'être vu refuser l'autorisation d'être tenue dans le lieu prévu. Plusieurs délégations (dont celle du Rassemblement Actions Jeunesse) et représentants des media n'ont pu assister à la conférence du fait de ce changement de lieu de dernière minute. La conférence était placée sous le mot d'ordre "40 ans, barakat, le peuple algérien veut recouvrer sa souveraineté et sa dignité". Les organisateurs ont annoncé la création d'un "comité national pour la libération de tous les détenus", et la mise sur pieds d'un comité national provisoire chargé d'organiser "une rencontre nationale pour la structuration du mouvement, l'élaboration d'une plate-forme nationale alternative à la crise et sociale et politique, et à la mise en place des comités d'actions populaires dans toutes les régions du pays".

(La Tribune, Liberté, El Watan, Le Matin 11.7) Treize détenus du mouvement citoyen, arrêtés le 22 mai à Draâ Ben Khedda, ont comparu le 10 juillet en deuxième instance à Tizi Ouzou pour attroupement sur la voie publique, outrage à corps constitué et empêchement du vote (pour les législatives du 30 mai). L'un des treize accusés a été relaxé, trois autres ont vu leur acquittement en première instance confirmé, les neuf autres ont été condamnés à des peines de deux à trois mois de prison avec sursis, soit des peines plus faibles qu'en première instance (trois à six mois ferme). Dans le moment même du procès, devant le tribunal, 13 manifestants qui exprimaient leur solidarité avec les accusés ont été interpellés par la police. L'avanbt-veille, huit manifestants avaient déjà été arrêtés, dont deux ont été placés sous mandat de dépôt.

La création d'un Comité national pour la libération des détenus des événements de Kabylie, projetée par le Comité populaire de la wilaya de Bejaïa (CPWB) , a été reportée par ses initiateurs, qui ont enregistré avec regret de la refus de la Coordination des aârchs de la même wilaya (CICB) de participer à la création de ce comité. La CICB se réunit en "conclave" le 11 juillet. "Liberté" signale des divergences en son sein, entre les partisans de l'ouverture d'un "chantier de réflexion" pour définir des perspectives à la poursuite de l'action, et ceux de l"action continue", qui seraient majoritaires. Le CICB devrait également se prononcer sur les élections locales prévues le 10 octobre, le tendance semblant être à leur rejet, ou à leur conditionnement par la "libération immédiate et sans condition" des détenus et par la satisfaction "pleine et entière" des revendications de la plate-forme d'El-Kseur.

(L'Expression 14.7 / El Watan, Le Matin 15.7) Les coordinations locales et de wilayas des aârchs semblent s'acheminer vers un appel au boycott des élections locales prévues le 10 octobre prochain, à l'instar des élections législatives du 30 mai, et malgré les conditions politiques différentes qui prévalent pour les premières (qui, si elles ont lieu "normalement", donnent en Kabylie des majorités massives aux partis d'opposition) et les econdes, toujours suspectes de manipulations et de fraude. La Coordination intercommunale de Bejaïa appelle en tous cas au boycott des élections locales, sauf satisfaction "pleine et entière" de la plate-forme d'El-Kseur d'ici là. En cas de boycott le 10 octobre, ce seraient au moins 150 communes (celles des wilayas de Bejaïa et de Tizi Ouzou, et plusieurs communes des wilayas de Bouïra, Sétif et Boumerdès) qui se retrouveraient sans autorités locales élues. Du côté du principal parti politique de la région, le FFS, on relève que de toutes façons, dans le système centralisateur actuel et sous la pression constante du pouvoir, les autorités locales légitimes, élues lors du dernier scrutin, sont dans l'impossibilité matérielle de jouer leur rôle et de faire leur travail.

(La Tribune, L'Expression, El Watan, Le Matin, Liberté, El Khabar 18.7) Les Maires de Bouzeguene (RCD) et d'Azeffoun (FFS), dans la wilaya de w. Tizi Ouzou, ont été placés le 17 juillet sous contrôle judiciaire par un juge d'instruction de Tizi Ouzou, alors qu'une manifestation se tenait pour les soutenir, à l'appel des coordinations locales du mouvement populaire kabyle et du Front des Forces Socialistes. Un troisième maire, celui de Timizart (RCD), a également été entendu par le juge, mais pas mis sous contrôle juduciaire. Les maires FFS et RCD de Kabylie sont en butte à une offensive politico-judiciaire du pouvoir central, pour leur refus de se prêter à l'organisation des élections législatives du 30 mai. La Coordination des comités de village de la commune de Bouzeguene a exprimé son soutien à son maire, qui "n'a fait qu'adhérer et apporter son soutien total au mouvement citoyen" dans sa commune. La coordination met "en garde toute personne postulant à son remplacement". Avant ces trois maires, six autres (cinq du FFS, dont celui de Tizi Ouzou, et un du RCD) avaient également été auditionnés par le juge, le 16 juillet.

La fédération de Tizi Ouzou du Front des Forces Socialistes a tenu une conférence de presse pour dénoncer "les harcèlement inqualifiables ciblant en fait le parti, à travers les présidents des APC" (les maires), et a reproché au préfet de Tizi Ouzou de s'en prendre au FFS "au lieu de s'occuper du développement de la région". Le Maire d'Azzefoun, Mansouri Dahmane, estime lui aussi que "l'administration, incapable de gérer des problèmes politiques, se rabat sur les élus". Le FFS relève également que la justice semble fonctionner selon le principe du "deux poids, deux mesures", selon où elle s'exerce : trois maires poursuivis à Tigzirt pour les mêmes chefs d'accusation que ceux de Tizi Ouzou, mais seuls ceux-ci ont été mis sous contrôle judiciaire. Le Premier secrétaire fédéral de Tizi Ouzou, Nasser Abib, estime que "le pouvoir cherche à pousser le FFS vers l'extrémisme", mais affirme que c'est peine perdue : "Nous ne sommes pas le FIS, nous sommes pacifiques, notre parti ne versera jamais dans la violence et nous luttons pour l'instauration de la démocratie", pas pour prendre le pouvoir. La direction nationale du FFS a annoncé qu'elle allait s'adresser au Premier ministre Benflis pour "s'expliquer" avec lui sur ce conflit. Le RCD a également dénoncé dans les poursuites à l'encontre des maires une manifestation de "chasse aux sorcières" et dénoncé l'"excès de zèle" du préfet, qui "obéit à Zerhouni" (le ministre de l'Intérieur) "qui continue sa politique de répression au lieu de lutter contre le terrorisme". En marge de cette offensive du pouvoir contre les maires de l'opposition (et donc contre l'opposition), "El Khabar" signale que des "dissidents" du FFS et du RCD auraient l'intention de créer un nouveau parti en Kabylie.

A Bejaïa, les délégués détenus depuis le 25 mars, dont Ali Gherbi, ont annoncé qu'ils entamaient une grève de la faim à partir du 18 juillet pour protester contre leur "interminable incarcération". La Coordination intercommunale des comités de Bejaïa a annoncé qu'elle ne cessera pas la protestation jusqu'à la libération de tous les détenus.

L'ancien président de la commission d'enquête sur les "événements" de Kabylie, Mohand Issaâd, constate, dans "La Tribune", que "les conditions du dialogue avec la Kabylie ne sont apparemment pas réunies", et qu'il y a "peut-être des gens qui n'ont pas du tout intérêt à ce que le calme revienne en Kabylie".

(CSK 19.7 / AFP 20.7 / AP, La Tribune, Le Matin, El Watan, Liberté 21.7 / Liberté, Le Matin, El Watan 22.7) Le Premier ministre Ali Benflis a réitéré le 21 juillet son appel au dialogue avec les responsables du mouvement populaire de Kabylie. S'exprimant à l'Assemblée populaire nationale dans le cadre de son discours programmatique, il a invité la Coordination interwilayas à "créer une dynamique vertueuse qui aboutira à une solution définitive à une situation qui a trop duré et qui pénalise en premier lieu la Kabylie". Cette nouvelle invite du Premier ministre n'a suscité au sein de la coordination que des réponses négatives, dans l'attente de la réponse "officielle"du mouvement. Les porte-parole des coordinations locales ont exprimé l'exigence préalable de la libération des délégués et militants exprimés, avant toute ouverture de "dialogue". La coordination de Tizi Ouzou a appelé le 19 juillet au rejet des élections locales du 10 octobre, et à une marche (sur la prison de Tizi Ouzou) le 25 juillet, grève générale à l'appui, pour exiger la libération des détenus. La coordination menace, si cette exigence n'est pas acceptée par le pouvoir, d'"expulser" de la région tous les chefs de daïras (sous-préfets). Un porte parole de la coordination de Tizi Ouzou, Belaïd Abrika, qui est réapparu en public après quatre mois de clandestinité, a affirmé que "la question du dialogue ne se pose pas" et que "la solution ne peut passer que par la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur, scellée et non négociable". Pour Belaïd Abrika, l'offre de dialogue du Premier ministre "est en dessous des exigences du mouvement citoyen et des espérances de la population".

A Paris, la Coordination de solidarité avec la Kabylie (CSK) appelle également à la libération des "détenus politiques de Kabylie" et au "boycott des élections locales algériennes", ainsi qu'à une marche à Paris, le 6 octobre (14 heures, de Nation à République). La CSK déclare dans un communiqué qu'elle considère "comme complices du pouvoir criminel tout participant aux élections avant la satisfaction pleine en entière de la plate-forme d'El-Kseur explicitée à Larbâ Nath Irathen", et exige "l'arrêt des soutiens français, européen et américain au régime criminel des généraux" algériens.


Ali Benflis et Ahmed Djeddaï La direction nationale du Front des Forces Socialistes a rencontré, le 18 juillet, le Premier ministre Ali Benflis pour demander au gouvernement de faire cesser les "harcèlements dont font l'objet les élus, les militants et des sympathisants du FFS", mais également les provocations et les itimidations de l'administration envers des militants et des sympathisants, "notamment des enseignants" (dont certains ont été licenciés pour des raisons politiques), l'obstruction, qui dure depuis deux ans, à la reparution du journal "Libre Algérie". Le FFS a également transmis au Premier ministre l'exigence de "la libération immédiate et inconditionnelle de l'ensemble des détenus de la dissidence nationale citoyenne et pacifique". Le Premier secrétaire national du parti, Ahmed Djeddaï, a expliqué au Premier ministre que la non-participation des élus locaux du parti (pour laquelle ils font l'objet de poursuites de la part des représentants du pouvoir) est "une opposition politique" qui relève "de la démocratie" et d'un "droit démocratique", et se situe "dans la droite ligne du parti, qui a rejeté l'ensemble du processus" électoral du 30 mai. Le FFS a donc transmis au Premier ministre son refus des procédures engagées par les walis (préfets) contre les présidents d'APC (maires) réfractaires, procédures que le FFS considère par ailleurs comme illégales puisque l'organisation des élections n'est pas de la compétence des maires mais des préfets et des sous-préfets, et qu'au surplus les préfets n'ont pas de pouvoir de "réquisition" des maires, mais uniquement de "substitution" à ceux-ci. Comme prévisible, le Premier ministre n'a pris aucun engagement sur les demandes et les exigences du FFS, mais la délégation de celui-ci a noté qu'Ali Benflis s'était montré "attentif" et "à l'écoute" de ses interlocuteurs.
Communiqué du FFS

      Suite aux harcèlements dont font l’objet les élus, les militants et les sympathisants
      du FFS, une délégation du secrétariat national a rencontré le 18 juillet 2002 le
      Chef du gouvernement.
      Cette rencontre a porté sur : 
      1- l’arrêt du harcèlement subi par les élus du FFS, notamment les P/APC.
      2- l’arrêt des provocations et des intimidations de l’administration envers les
      militants et sympathisants du FFS, notamment des enseignants (Annaba,
      El-Oued, Bordj El-Kiffan, etc.).
      3- la levée des blocages rencontrés depuis deux années, empêchant la parution
      du journal Libre Algérie, notamment la délivrance de l’agrément malgré les
      nombreuses démarches entreprises auprès des ministères de la justice, de
      l’intérieur et de la communication.
      La délégation du FFS a aussi réitéré son exigence portant sur la libération
      immédiate et inconditionnelle de l’ensemble des détenus de la dissidence
      nationale citoyenne et pacifique (Tizi Ouzou, Bouira, Béjaïa, El-Bayadh, Sétif,
      In-Salah, In-Aménas, Oum El-Bouaghi, etc.).

      Le premier secrétaire national
      Ahmed Djeddaï

Par ailleurs, une mobilisation relativement faible semblée avoir marqué le 20 juillet les manifestations organisées dans plusieurs localités de la wilaya (Akbou, Amizour, Sidi Aïch) par la Coordination intercommunale de Bejaïa, pour exiger notamment la libération "immédiate et inconditionnelle" des détenus du mouvement populaire. Quelques affrontements se sont produits avec les forces de police à Amizour. A Bejaïa, les délégués détenus entamaient le 22 juillet leur cinquième jour de grève de la faim. Le 21 juillet, lors du jugement en appel de 12 manifestants arrêtés le 19 mai et condamnés à six mois de prison ferme, a abouti à une réduction de peine de trois pour sept condamnés, et a confirmé la peine des cinq autres.

(L'Expression, La Tribune, Le Matin 25.7) La Coordination interquartiers et villages de Bejaïa appelle à une grève générale le 27 juillet, et à une marche populaire à Bejaïa, pour obtenir "la libération des détenus politiques du mouvement citoyen, le départ de la gendarmerie, la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur et le rejet des pseudodépuités issus de la mascarade électoral du 30 mai". La coordination constate une "démobilisation inquiétante" du mouvement populaire. Les détenus du mouvement citoyen à Bejaïa ont entamé le 25 juillet leur huitième jour de grève de la faim pour exiger leur libération, et leurs camarades détenus à Tizi Ouzou pourraient les rejoindre dans ce mouvement, alors que les arrestations se poursuivent. Un délégué de la coordination de Tizi Ouzou a été arrêté le jour même de l'annonce faite par le Premier ministre Benflis de sa disponibilité au "dialogue" avec les aârchs.

A Tizi Ouzou, la coordination des aârchs et comités locaux a appelé pour le 25 juillet à une marche pour exiger, elle aussi, la libération des "détenus d'opinion du mouvement citoyen pris en otages par le pouvoir maffieux et assassin". La coordination a lancé un ultimatum aux autorités, exigeant la libération des détenus dans les trois jours, sous peine de voir les chefs de daïras (sous-préfets) être expulsés de la wilaya, dès le 29 juillet.

(AP 25.7 / La Tribune, El Watan, Le Matin 28.7 / Liberté 29.7 / CSK 19.7) Une marche à l'appel de la coordination des aârchs de Tizi Ouzou, pour exiger la libération des détenus du mouvement citoyen, a été bloquée, le 27 juillet, par les forces de police, qui ont établi des barrages sur tous les principaux accès à Tizi Ouzou, et refoulé des groupes de marcheurs convergeant vers le point de départ de la manifestation, Université Mouloud-Mammeri. De petits groupes de manifestants ont néanmoins pu se diriger vers la prison, où sont détenus depuis le 18 mars des militants et délégués des comités locaux, et des affrontements ont éclaté entre manifestants et forces de police à la Cité des Genêts et devant l'hôpital. La grève générale décidée pour accompagner la marche a été massivement suivie à Tizi Ouzou.

A Bejaïa également, la marche populaire à laquelle appelait la Coordination intercommunale, pour exiger la libération des détenus et la satisfaction "pleine et entière" de la plate-forme d'El-Kseur, a été empêchée par les forces de police, le 27 juillet Là encore, quelques affrontements se sont produits entre policiers et manifestants, sur fond de grève générale largement suivie (sauf dans les localités de la côte).

Devant l'Assemblée nationale, Ali Benflis a appelé à un "sursaut des bonnes volontés (..) particulièrement au sein du mouvement des aârchs". Contrairement à ce que certains bruits laissaient supposer, le Premier ministre Benflis, intervenant devant l'Assemblée populaire nationale pour présenter le programme de son gouvernement, n'a annoncé aucune mesure d'apaisement en Kabylie, et s'est contenté de réitérer son appel à un "dialogue" rejeté, sous la forme où il est présenté, par les coordinations des comités de Kabylie, qui ont lancé un ultimatum expirant le 28 juillet à minuit pour la libération des détenus, faute de quoi les chefs de daïras (sous-préfets) de la région en seraient "chassés". Des renforts de police vers les daïras ont d'ailleurs été signalés dès le 27 juillet dans les wilayas de Bejaïa et de Tizi Ouzou, où la coordination de wilaya des aârchs et comités locaux a "mise en demeure" les 21 chefs de daïras de la wilaya de "quitter les lieux" le 28 juillet à minuit, "faute de quoi vous assumerez les conséquences qui en découleront". A Bejaïa, la coordination intercommunale a annoncé que les routes nationales seront bloquées à partir du 28 juillet.

Parallèlement, les avocats des détenus menacent de se retirer en bloc des procédures si leurs doléances ne sont pas prises en compte. A Tizi Ouzou, 33 détenus ont rendu publique une déclaration dénonçant leur détention. Sept d'entre eux ont annoncé qu'ils entamaient une grève de la faim. A Bejaïa, où plusieurs délégués détenus ont entamé une grève de la faim depuis le 17 juillet, leur état de santé se dégrade, au point qu'ils n'ont pu se rendre au parloir de la prison le 28 juillet pour rencontrer les membres de leur famille.

Le chef du parti islamiste légal MSP, Mahfoud Nahnah, s'en est pris à Oran à l'un des porte-paroles du mouvement des aârchs, Belaïd Abrika, et à la presse rendant compte des prises de position d'Abrika. Nahnah, qu'Abrika qualifie de "girouette", de "populiste moyenâgeux" et de "mégalomane baâthiste qui se cache derrière la religion pour faire passer les thèses de l'arabisme", a dénoncé Abrika comme "chrétien" et reproché à la presse d'ouvrir ses colonnes à un "chrétien".

En France, la Coordination de Solidarité avec la Kabylie appelle le 6 octobre à une marche de solidarité avec la Kabylie, à Paris (14 heures, de Nation à République), sous les mots d'ordre de "Liberté pour les détenus politiques de Kabylie" et de "bolycott des élections locales algériennes". La CSK appelle l'opinion publique française à "exiger l'arrêt de la répression en Kabylie" et exige également "l'arrêt des soutiens français, européen et américain au régime criminel des généraux" algériens. Elle adresse une "lettre ouverte à toutes les associations, organisations, comités et personnes" en vue d'une action internationale de soutien à la Kabylie le 6 octobre 2002, quatre jours avant les élections locales (prévues le 10 octopbre 2002), dont elle soutien le boycott par les aârchs. La CSK précise que "nul n'est obligé d'abjurer ses convictions pour trouver sa place, légitime", dans le rassemblement auquel elle appelle, et elle assure que le 6 octobre, "chacun pourra afficher le nom de son organisation sur une banderole propre, dans le respect de la sensibilité de chacun, afin de démontrer l'ampleur de notre union pour la liberté". L'action du 6 octobre, la CSK la souhaite internationale, et elle appelle donc à des actions coordonnées en France et hors de France, "dans toutes les villes du monde où cela sera possible". Elle appelle également les forces politiques et personnalités qui ne souhaiteraient pas s'exprimer sur les élections algériennes a, au moins, exiger la libération des détenus politiques kabyles.

(Jeune Indépendant 31.7 / Liberté 1.8) Depuis le 28 juillet, dans plusieurs daïras (sous-préfectures) de Kabylie, des manifestants ont attaqué les sièges des daïras pour tenter de forcer les sous-préfets (chefs de daïras) à quitter la région, conformément à l'ultimatum lancé par les coordinations des aârchs, qui exigent la libération "immédiate et inconditionnelle des détenus du mouvement citoyen", revendication également formulée par plusieurs partis politiques d'opposition, dont le FFS.

Dans un entretien au "Jeune Indépendant", l'un des porte-paroles les plus connus du mouvement des aârchs, Belaïd Abrika, dans la clandestinité depuis des mois, dénonce la politique de "division", de "pourrissement" et d'"essouflement" menée en Kabylie par le pouvoir, qui d'un côté "lance des invitations au dialogue" et de l'autre, "redouble de fércité en s'acharnant sur les manifestants".

(detenusk@yahoo.fr 2.8 / La Tribune 3.8 / El Watan 4.8 / El Watan, Liberté 5.8) Avant que soit annoncée par la présidence de la République la libération des détenus du mouvement citoyen, les cinq détenus de Bejaïa engagés dans un mouvement de grève de la faim depuis 18 jours, dont Ali Gherbi, avaient fait savoir qu'ils poursuivraient leur mouvement jusqu'à leur libération. Ces détenus devaient passer le 5 août devant la Chambre d'accusation pour l'examen de leur demande de mise en liberté provisoire. Le quotidien "La Dépêche de Kabylie" a lancé une pétition exigeant du pouvoir algérien la libération "immédiate et inconditionnelle" des détenus politique de Kabylie, et la Coordination intercommunale de Bejaïa a appelé la population à une marche le 20 août à Ifri pour cette libération. Elle lance un appel aux détenus de Lekhmis et de Kherrata, en grève de la faim depuis le 18 juillet, pour qu'ils suspendent leur grève afin de préserver leur état de santé. A Tizi Ouzou, deux manifestants interpellés fin juillet ont été acquittés et par le tribunal correctionnel le 4 août, alors que le procureur réclamait des peines de six mois et un an de prison.

Le communiqué de la présidence, anonçant la libération des détenus (4.8) :

«Les dernières élections législatives ont marqué un succès certain pour la démocratie dans notre pays. Malgré les conditions difficiles dans lesquelles elles se sont déroulées, les précautions prises partout pour assurer leur régularité et leur honnêteté, ont permis aux Algériens conscients de leurs droits et de leurs devoirs de s'exprimer en toute liberté et de choisir en toute connaissance de cause leurs représentants à l'assemblée nationale populaire. Il est essentiel que les échéances électorales prévues par les lois de la république soient strictement respectées pour mettre fin à une situation transitoire qui se prolonge indûment et renferme en elle-même bien des sources de malentendus et de désaccords.

L'enjeu de la consultation électorale du 10 octobre prochain est particulièrement important, car il s'agira du renouvellement de la représentation populaire au niveau des communes et des wilayas. Les nouvelles assemblées qui seront mises en place à ces niveaux auront à gérer la vie quotidienne des citoyens et assureront un contact permanent entre eux et les représentants de l'état. Les électeurs qui seront libres de leurs choix, en seront responsables aussi, et il faut qu'ils sachent que leur décision va engager lourdement leur avenir. L'état, de son coté, prendra toutes les dispositions pour que les opérations électorales se déroulent en toute clarté et que rien ne vienne altérer la volonté exprimée par les citoyens à travers les urnes. Le succès de ces élections sera une garantie d'une meilleure prise en charge des préoccupations et des besoins de tous les Algériens à travers le territoire national et il constituera une avancée certaine dans l'édification que nous av ons entreprise d'un état de droit. Il appartient à tous les citoyens qui veulent participer à cette oeuvre collective de préserver leurs droits en exerçant leur devoir électoral et en apportant leur concours au succès de ces élections.

Pour l'organisation du scrutin et les dispositions pratiques à mettre en application, les partis politiques ont été dûment consultés, qu'il s'agisse de ceux qui ont une représentation au parlement ou même de certains qui n'ont pas participé aux dernières législatives. Certains leaders de partis politiques représentés à l'assemblée populaire nationale et actuellement absents d'Alger, se sont excusés de ne pouvoir participer à ces consultations dont ils appuient la tenue et apprécient l'utilité.

Le président de la république, qui attache le plus grand prix à ce que les prochaines élections se déroulent dans les meilleures conditions possibles, est soucieux de tout mettre en oeuvre pour ramener la paix sociale dans toutes les régions du pays qui doivent assurer leur avenir à travers le choix de leurs représentants communaux ou de wilaya. C'est en poursuivant ses efforts de rétablissement de la concorde civile que le chef de l'état, agissant dans le cadre de ses prérogatives constitutionnelles et dans le but de ramener le calme et la paix dans les coeurs et les esprits, a pris ce jour des mesures de grâce au profit de toutes les personnes condamnées dans le cadre de manifestations portant atteinte à l'ordre public sur l'ensemble du territoire national».


(AFP 5.8 / AP, Le Quotidien d'Oran 6.8 / L'Expression, L'Actualité 7.8 / Le Matin, Liberté 8.8) Les détenus du mouvement citoyen, essentiellement en Kabylie (mais au total dans dix wilayas), ont été libérés le 5 août à la suite d'une grâce présidentielle accordée à toutes les personnes "condamnés dans le cadre de manifestations portant atteinte à l'ordre public sur l'ensemble du territoire national", c'est-à-dire pour leur participation au mouvement de contestation et aux émeutes qui ont touché l'Algérie depuis avril 2001.

95 détenus ont été libérés à Tizi Ouzou, Azazga, Draâ El Mizan, Bejaïa et Kherrata. Les détenus de Bejaïa ont été accueillis par les cris de joie d'une foule nombreuse venue les attendre à leur sortie de prison. Par la même occasion, les militants contraints depuis des mois à une semi-clandestinité pour éviter d'être arrêtés, tel le porte-parole de la Coordination de Tizi Ouzou, Belaïd Abrika, ont pu reprendre le combat au grand jour.

La libération des détenus était l'une des conditions posées par le FFS pour participer aux élections locales du 10 octobre. Le Premier secrétaire du FFS s'est félicité de cette première mesure, tout en précisant que le parti attendait maintenant que "les autres mesures d'urgence soient prises". La libération des détenus a été accueillie avec une grande satisfaction par presque toute la classe politique, y compris dans l'opposition, et avec joie par la population de Kabylie. Le RCD s'est félicité des libérations, tout en précisant qu'elle ne concernait que des personnes détenues pour "délit d'opinion", et qu'elle n'a étlé obtenue que "par la pression populaire" (sous-entendu : pas par le FFS). Le PT y a vu le signe que lorsque la volonté politique existe, les solutions politiques se trouvent. Le mouvement El Islah a salué la libération des manifestants détenus, mais a demandé que la démarche s'étende à tous les prisonniers politiques. Par contre, le MDS dénonce "l'utilisation immorale et odieuse des détenus du mouvement citoyen comme moyen de chantage par le pouvoir et comme monnaie d'échange par le FFS", lequel FFS est désormais considéré par le MDS comme l'un des "alliés rentiers et islamistes" du Pouvoir. Proche du MDS, le quotidien "Le Matin" tient à peu près le mêmne discours : son directeur, Mohamed Benchicou, qui s'en prend avec une particulière virulence au Premier secrétaire du FFS, Ahmed Djeddaï, accuse le FFS et Hocine Aït Ahmed de s'être "laissés corrompre par le machiavélisme d'un Pouvoir qui vient de les associer à une comédie grotesque et fatale".

La libération des détenus a en outre été perçue comme une confirmation de la soumission de la justice au pouvoir politique, dans la mesure où cette libération était demandée depuis des semaines, voire des mois, par les avocats des détenus, sans succès, et qu'elle a finalement été obtenue d'un coup après une négociation politique entre la présidence et le FFS. Le porte-parole de la coordination de Bouzeguène, Cherif Hamici résume : "Nous avons une justice aux ordres. L'arrestation étant politique, la libération ne peut être que politicienne". "Liberté" constate également qu'"actionné pour servir d'alibi à la répression", puis d'instrument au dialogue, "l'appareil judiciaire a montré, encore une fois, que son indépendance n'est que pure illusion".

(AP 5.8 / AFP, Quotidien d'Oran 6.8 / L'Expression, Le Jeune Indépendant, El Watan, L'Actualité 7.8 / La Tribune, Le Matin, Liberté 8.8) Après la libération des détenus du mouvement citoyen, la question de la satisfaction des autres conditions posées par le FFS pour sa participation aux élections locales du 10 octobre se pose. D'entre ces conditions, on peut noter l'arrêt des poursuites contre les Maires (FFS ou RCD) qui avaient refusé de participer à l'organisation des élections législatives du 30 mai. Le Secrétaire fédéral du FFS à Tizi Ouzou a annoncé que "toutes les poursuites judiciaires engagées depuis le mois de juin dernier contre les présidents d'APC à Tizi Ouzou ont été levées". Le porte-parole du parti, Ikhlef Bouaïche, a déclaré que le président Bouteflika s'était engagé à concrétiser toutes les conditions du FFS "préalables à une participation aux élections locales".

Rendant compte de ses entretiens avec le président Bouteflika, le Premier secrétaire du FFS, Ahmed Djeddaï, a d'ailleurs confirmé que pour son parti, les élections locales "ne constituent pas une solution à la crise algérienne", et que cette solution était toujours contenue dans les propositions faites par le FFS le 12 mai, dans le mémorandum adressé aux "décideurs réels" du pays. Le porte-parole du FFS, Ikhlef Bouaïche, a en outre rappelé que "dans sa démarche, le FFS ne s'adresse pas exclusivement à la Kabylie, même si cette région est aujourd'hui la plus proche du chaos". Pour Djeddaï, la participation aux élections, si elle se confirme, doit permettre "non seulement d'élargir la dissidence citoyenne, mais également d'enclencher une dynamique politique suffisamment forte pour provoquer le changement auquel aspire la société". Il s'agit de "transformer le mouvement de colère en dynamique politique", et de "libérer les citoyens de l'emprise des passions", mais également de celles des pesanteurs et des pressions exerées sur le mouvement populaire par le pouvoir, par certains partis politiques et par des éléments supposés "radicaux". Ahmed Djeddaï a enfin réaffirmé que l'objectif du FFS était "le départ des militaires et le changement du régime".

La position des aârchs à l'égard des élections fait également débat. La tendance dominante au sein des coordinations locales et régionales, et au sein de la coordination interwilayas, semble toujours être au boycottage des élections locales, mais l'unanimité n'est plus de mise, d'autant que de nombreux militants du FFS sont également militants des aärchs et des comités locaux, et qu'au sein de la population, la position défendue par exemple par le Maire (FFS) d'El Kseur, le Dr Aberkane, a un écho certain : "Pas question de laisser les mafieux régenter la ville comme par le passé". Or le seul moyen légal d'éviter le retour des "délégations exécutives communales" nommées par le pouvoir, ou la désignation de municipalité issues de partis totalement marginaux mais propulsés au pouvoir local par le boycott, est de participer aux élections locales.

Sur le fond, la libération des détenus du mouvement citoyen a renvoyé la balle du "dialogue" dans le camp des aârchs, d'autant que la mobilisation en Kabylie pour la libération des détenus avait fait passer au second plan l'exigence de la satisfaction "pleine et entière" de la plate-forme d'El-Kseur, réputée "scellée et non négociable". Les porte-paroles des coordinations, et les détenus libérés, ont réaffirmé cette exigence. D'entre les points de la plate-forme qui font problème politique, le point 11 stipule "la mise sous l'autorité effective des instances démocratiquement élues de toutes les fonctions exéxcutives de l'Etat ainsi que les corps de sécurité" (ce qui est effectivement totalement contradictoire de la pratique algérienne depuis quarante ans, mais ce qui suppose également que l'on accepte l'élection démocratique d'instances politiques, et donc que l'on renonce au boycott des élections). Le "départ immédiat" des gendarmes de Kabylie est également refusé par le pouvoir. Pour autant, le thème du "dialogue" n'est plus tabou au sein des aârchs et de leurs coordinations. L'un de leur porte-parole, Ali Gherbi, de la coordination de Bejaïa, a déclaré à la radio d'Etat à la sortie de la prison de Bejaïa qu'il n'avait "pas peur du dialogue" et que le mouvement souhaitait "des garanties allant dans le sens de la crise, et inelctuctablement la déclaration de l'acceptation de la plate-forme d'El-Kseur". L'appel au dialogue lancé à intervalles réguliers par le président de la République ou le Premier ministre n'obtient donc encore qu'une réponse ambigue des porte-paroles du mouvement des aârchs en Kabylie : le principe du dialogue n'est pas récusé, mais la condition de la "satisfaction pleine et entière" de la plate-forme "scellée et non négociable" d'El Kseur est toujours posée comme prélalable. Pour Ali Gherbi, "il faut d'abord la reconnaissance de la légitimité des revendications de la plate-forme d'El-Kseur. Une fois ce principe reconnu et établi, on pourra se mettre à la table des discussions mais après avoir au préalable consulté la population". Pour Cherif Hamici, de la coordination de Bouzeguène, "le combat continue jusqu'à la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur", cette plate-forme étant d'ailleurs "de portée nationale", et non pas régionale (kabyle) : "On se bat pour la démocratie, les droits de l'Homme, pour l'Etat de droit en général. Le combat n'est pas circonscrit à la seule Kabylie". La question est de savoir si cette position, la seule exprimée jusqu'à présent au sein du mouvement, y fait toujours l'unanimité. Au sein de la population de Kabylie, l'attente d'une sortie pacifique de la crise est en effet de plus en plus manifeste. Sur les quinze points de la plate-forme, peu ont été satisfaits, et ceux qui l'ont été ne l'ont été que partiellement : mise en place d'un système d'indemnisation des victimes de la répression (mais dont les modalités ont été récusées par les familles), jugement des responsables des crimes commis pendant la répression (des poursuites ont été annoncées, mais on ne sait pas précisément à quoi elles ont abouti), statut de "martyr" des victimes de la répression (à l'instar des victimes de la répression française pendant la guerre de libération) (le président Bouteflika a annoncé que le problème devait être "étudié la tête froide et codifié dans un statuit juridique approprié", ce qui n'a pas encore été fait), départ de la gendarmerie de Kabylie (il ne s'est effectué que sous la forme d'une délocalisation partielle au niveau des villes), consécration de tamazight comme langue nationale et officielle (seul le statut de langue nationale a été accordé)... Le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, n'en a pas moins déclaré sur une chaîne de radio que la plate-forme d'El-Kseur était "dépassée" puisqu'intégrée dans le programme du gouvernement.

Quant aux élections locales, le FFS ne devrait pas être le seul parti d'opposition (ou réputé tel) à y prendre part, y compris en Kabylie. La position du FFS n'est d'ailleurs pas forcément définitive, le parti ayant affirmé qu'il pouvait encore se retirer de l'élection si les conditions qu'il posait à sa participation, outre la libération des détenus, n'étaient pas remplies. Pour le Parti des Travailleurs, la libération des détenus "vient confirmer (...) que les solutions existent pour peu que s'exprime la volonté politique". Le PT appelle maintenant le pouvoir à prendre des "mesures politiques plus hardies". Il annonce que sa décision de participer ou non aux élections locales sera dictée, comme lors des élections législatives, par "sa responsabilité d'aider et d'organiser (...) la population pour que vive la nation algérienne une et indivisible", ce qui laissait clairement augurer d'une décision favorable à la participation électorale.

Le RCD est dans une position plus difficile : il ne pouvait ni laisser le FFS seul en lice (avec le PT) en Kabylie, sans courir le risque de disparaître, ni donner l'impression de courir aux basques du FFS. "L'Expression" évoquait début août la possibilité d'un refus officiel du RCD de participer aux élections, accompagné d'une "infiltration" de membres du parti sur des listes "indépendantes", le tout sur fonds de discours "radical" collant à celui des aârchs. C'est finalement cette hypothèse qui se réalisera.

"L'Actualité" considère que le principal affrontement électoral en Kabylie se fera entre le FFS et le "conglomérat des indépendants".

La Coordination de Tizi Ouzou (CADC) devait se réunir le 8 août à Bouhinoun pour adopter le document de rejet des élections locales du 10 octobre, document réaffirmant la condition préalable de la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur pour lever l'appel au boycott. Le document contient des mesures à l'encontre des candidats et des partis participant aux élections. Selon "Le Jeune Indépendant", la CADC pourrait procéder à l'exclusion des militants du FFS. A Bejaïa, la Coordination intercommunale devait également se réunir le 7 août. Plus radical encore (du moins dans le discours), le Comité populaire de Bejaïa appelle à "resserrer les rangs pour ne pas laisser de faille aux politicards qui veulent se substituer à la révolte populaire pour l'asservir". Les porte-paroles des coordinations des aârchs ont pour leur part répété que "le FFS est un parti politique autonome (qui) est libre de prendre les décisions qui lui conviennent" (Cherif Hamici), mais qui devra "en assumer les conséquences".

(Afrik.com 6.8 / Jeune Indépendant 13.8 / L'Actualité 14.8 / AP, L'Expression 17.8 / AFP 20.8 / L'Expression 22.8 / L'Expression, L'Actualité, Le Matin, Liberté, Jeune Indépendant 24.8 / La Tribune 25.8) Plusieurs milliers de personnes ont manifesté le 20 août à Ifri (w. Bejaïa) pour appeler au rejet des élections locales du 10 octobre, à l'appel de la coordination interwilayas des aârchs. Les orateurs ont condamné la décision du FFS de participer au scrutin, et on demandé au parti de "revenir sur sa décision" et de "faire preuve de sagesse". Belaïd Abrika, représentant de Tizi Ouzou, a affirmé que "ceux qui veulent nous casser, nous diviser, font des rêves irréalisables" et qu'il n'y aura "pas de vote". Réunie le 17 août à Zmenzer (w. Tizi Ouzou), la coordination interwilaya a adopté le document explicitant les raisons du rejet des élections. Précédemment, les différentes coordinations de wilayas avaient adopté la même position. Les coordinations ont commencé à organiser des meetings "antivote" et ont organisé une "caravane antivote" pour populariser leur position. A Bouira, le 22 août, un meeting antivote a été empêché par des barrages policiers. A Tizi Ghennif, des manifestants ont "intercepté" et mis en fuite une commission féminine chargée d'inciter les citoyennes à aller voter le 10 octobre. A en juger par les relations qui en sont faites par la presse, les metings antivote ne semblent pas mobiliser beaucoup de monde (entre 200 et 500 personnes à Souk El Thenine le 22 août).

Pour "La Tribune", deux camps vont s'affronter jusqu'au 10 août en Kabylie : celui de ceux qui, avec le FFS (mais également le PT) ont décidé de participer aux élections (sur une ligne d'opposition au pouvoir) et celui de ceux qui, avec les aârchs (mais également le RCD) appellent au boycott du scrutin et vont tenter d'empêcher la tenue de celui-ci. "Le risque d'affrontement physique" entre les partisans du boycott et ceux de la participation au combat électoral existe, constate "La Tribune". Ce risque apparaît d'autant plus réel que les coordinations des aârchs peinent à maintenir la mobilisation, ce qui pourrait les conduire à la radicalisation, et que le mouvement citoyen est divisé entre partisans du boycott et partisans de l'utilisation de "tous les moyens, même légaux" (y compris, donc, les élections) pour faire émerger une alternative au pouvoir en place. Les partisans du boycott pourraient en outre être rejoints par des "mécontents" présents au sein de tous les partis politiques qui participeront aux élections, "mécontents" qui contestent les candidatures présentées par ces partis -voire, le cas échéant, leur propre place sur les listes présentées).

Le RCD et le MDS ont également décidé d'appeler au boycott des élections. Si la position du MDS n'a guère d'influence électorale, celle du RCD pourrait renforcer l'abstention le 10 octobre -sans toutefois permettre à celle-ci d'atteindre le "sommet" des élections de la fin mai, où elle avait dépassé 97 % à Tizi Ouzou et Bejaïa... Le choix du RCD de "coller" aux aârchs ne semble d'ailleurs pas faire l'unanimité au sein du parti, puisque (selon la presse) des militants du RCD (dont, selon "La Tribune", des membres de la direction nationale, sont présents comme candidats sur des listes électorales indépendantes (voire même, toujours selon "La Tribune", sur celles du FFS...) alors que leur parti est supposé boycotter les élections. L'un de ces candidats explique à "La Tribune" qu'on ne peut pas prendre le risque d'abandonner les municipalités à des administrateurs directement désignés par le pouvoir. Pour "L'Expression", le RCD "ne pouvait faire autrement" que rejoindre le camp du boycott "puisque tous les sondages effectués sur le terrain donnaient le RCD perdant sur toute la ligne", notamment face au FFS.

La position du Parti des Travailleurs reste par ailleurs assez ambigue : ce parti semblait avoir décidé dans un premier temps de participer aux élections locales (APC) , mais y a finalement renoncé, tout en se présentant aux élections départementales (APW). Dans un communiqué adressé au quotidien "L'Actualité", la direction du parti explique que le programme gouvernemental (au niveau national) prive les communes de leurs pouvoirs (par le biais d'un transfert de compétences au niveau régional et au profit de l'administration centrale, mais également par le fait des restrictions budgétaires) et que "Le Parti des Travailleurs ne saurait prendre part à un scrutin tout en sachant pertinemment que ses militants seront dans l'impossibilité de remplir leur mandat (et) d'aider les Algériens et les Algériennes à améliorer leurs conditions de vie".

Les "ponts" ne sont cependant pas totalement coupés entre les partis d'opposition qui participent aux élections et les aârchs. Une rencontre s'est ainsi tenue le 12 août entre le FFS et la coordination des aârchs de Tizi Ouzou (CADC). Le FFS a expliqué à la CADC qu'il avait pris la décision de participer aux élections "pour ne pas livrer nos collectivités sur un plateau d'argent au pouvoir", et éviter la mise en place d'administrations municipales directement désignées par le pouvoir central. "Nous n'avons pas le droit d'abandonner la population entre les mains d'aventuriers qui ne font que reproduire les dessins du pouvoir", a déclaré le Secrétaire fédéral du FFS de Tizi Ouzou, M. Diaf. Pour la CADC, en revanche, il faut "priver le pouvoir de tout oxygène pour l'amener à la reddition", position que le FFS juge irréaliste tant que la "dissidence citoyenne" reste pour l'essentiel cantonnée à la Kabylie : "Notre participation est une manière de déghettoïser le mouvement citoyen et d'aller vers une dissidence citoyenne au niveau national, seule à même de faire tomber le système", explique M. Diaf.

Dans un entretien à Afrik.com, le Secrétaire national du FFS Ikhlef Bouaïchi explique que les élections législatives et municipales "ne sont tout simplement pas de même nature", les premières désignant des députés "au service du pouvoir et (qui) sont loiun des préoccupations de la population, alors que les municipales la concernent directement" et que les élus locaux "règlent les problèmes de la vie quotidienne". Ikhlef Bouaïchi explique qu'en tant que parti de gauche, le FFS a "le devoir politique et moral d'être aux côtés de ceux qui ont organisé la dissidence citoyenne", ce qui suppose d'"avoir des élus pour être à l'écoute de la population et donner un sens politique à tous ces mouvements de révolte", et de ne "pas laisser la population seule en face du pouvoir et de son appareil répressif". Le Secrétaire national du FFS confirme que si les conditions posées par le parti pour sa participation aux élections locales ne sont pas respectées, "le pouvoir devra prendre ses responsabilités et en assumer seul les conséquences", le FFS pouvant quant à lui quitter à n'importe quel moment le processus électoral.

Le 17 août, dans un entretien accordé à deux quotidiens algériens, Hocine Aït Ahmed a expliqué que la participation du FFS aux élections locales se justifiait par la volonté du parti de "développer la dynamique pacifique citoyenne à l'échelle nationale", de ne "pas laisser le vide dans les communes de Kabylie" et de "barrer la route à toutes les catégories de mafias qui les ont privatisées et pillées".

Au sein même du mouvement citoyen, des divergences, voire des divisions, semblent s'accentuer. "Le Matin" signale que "depuis l'annonce par le FFS de participer aux (élections), des "désertions" dans les rangs de la "coordination de Bejaïa) ont été signalées". Deux des représentants du mouvement, Ali Gherbi et Mohand Saïd Zeroual, qui avaient accepté des contacts avec des émissaires du pouvoir se le voient reprocher par leurs camarades. Or la volonté d'établir un réel dialogue avec le gouvernement semble progresser au sein de la population, et la position des deux délégués pourrait se révéler plus proche que celle des "radicaux" de l'état d'esprit de la majorité des Kabyles. Dans un communiqué, la coordination de Tigzirt s'en prend à un autre porte-parole connu du mouvement, Belaïd Abrika, qu'elle qualifie de "gourou" et dont elle dénonce, comme un "groupuscule", les partisans : "Nous tenons à dénoncer les agissements de ce groupuscule qui s'est érigé en conscience directive du mouvement citoyen allant jusqu'à contrer toute initiative visant à solutionner la crise dans laquelle se débat la Kabylie depuis 17 mois". La coordination de Tigzirt accuse Abrika de s'être "érigé comme la direction du mouvement avec le soutien actif de journaux à la solde de clans dont l'unique intérêt est la continuité du pourrissement de la situation en Kabylie pour retrouver leur compte". Chaïb Boubekeur, délégué des Aït Djennad, dénonce la "surmédiatisation" de certaines figures du mouvement, dont Abrika. Le fonctionnement même des coordinations est contesté en leur sein

Par ailleurs, des parents de victimes des "évènements" ont dénoncé leur abandon par les aârchs : "certaines coordinations ignorent même le nombre des blessés dans leurs villages ou quartiers", ont dénoncé ces parents, qui considèrent que cet abandon a poussé certaines familles (19 dans la wilaya de Tizi Ouzou) à s'adresser aux autorités pour être prises en charge, dans le cadre des dispositions adoptées par le président Bouteflika en avril (le décret présidentiel prévoit une indemnisation matérielle de 1,92 million de dinars (environ 30'000 E, 40'000 FS) par victime, mais ne contient aucune précision sur le jugement des responsables des morts.

(L'Expression 28.8 / L'Expression, Le Matin 29.8 / Corr) Le Comité populaire de Tazmalt a dénoncé, dans une déclaration publique, les tentatives de "relais du pouvoir assassin (...) de tenir leurs meetings" dans la commune, et appelle la population "à aller voter pour conquérir son pouvoir local et choisir en toute liberté ses représentants". D'autres comités locaux, notamment à Ouzellaguen et El-Kseur, ont exprimé des positions comparables, et dénoncé les tentatives du RCD ou du MAK d'"instrumentaliser" le mouvement populaire.

A M'chedallah, la coordination des comités citoyens annonce son autonomie par rapport à la coordination de la wilaya de Bouira et dénonce "toute ingérence et manipulation par les relais du pouvoir visant à parfaire le travail des policiers". Les trois délégués de la coordination locale, exclus par la coordination de wilaya, ont vu leur mandat renouvelé. Auparavant, la coordination locale de Takerboust avait décidé de rallier la coordination de wilaya de Bejaïa. La coordination de la wilaya de Bouira semble divisée en trois groupes, qui semblent surtout diverger à propos des pratiques et des modes d'organisation du mouvement, mais partager la même position de rejet des élections.

Des meetings "antivote" sont régulièrement organisés par les coordinations locales et de wilayas en Kabylie : à Iferhounène le 28 août, Belaïd Abrika a assuré qu'il n'y aura après le 10 octobre "ni maire, ni DEC" (administrateurs municipaux nommés par l'Etat en l'absence de maires) ni chefs de daïras (sous-préfets). Ces meetings ne semblent toutefois pas attirer une grande foule. Ils se tiennent d'ailleurs en concurrence avec des meetings organisés par des partisans de la participation électorale (à Tazmalt, le comité populaire, "participationniste", a organisé un meeting le 28 août, et la coordination intercommunale, "boycottiste", un autre le 29. Pour le comité populaire, le vote est un acte de "résistance pacifique", et l'empêchement du vote revient à "remettre les clés de la Kabylie entre les mains du pouvoir".

(La Tribune, Le Matin 25.9) Le procès du gendarme assassin présumé de Massinissa Guermah, dans les locaux de la gendarmerie de Beni Douala le 18 avril 2001 (ce qui fut l'événement déclencheur du "printemps noir" de Kabylie), procès qui devait se tenir le 24 septembre, a été reporté par le tribunal militaire de Blida à une date indéterminée, à la demande de la défense, et malgré l'opposition du parquet. Les raisons de ce report n'ont pas été communiquée officiellement. Selon "La Tribune", le procès ne se tiendra pas avant la fin des élections locales, compte tenu des risques de "dérapage" que ces élections contiennent en Kabylie.


Belaïd Abrika (AP, L'Expression 13.10 / La Tribune, Le Matin 14.10) L'un des principaux leaders du mouvement des aârchs, Belaïd Abrika, a été arrêté le 13 octobre à Tizi Ouzou avec quatre de ses camarades, alors qu'ils tenaient un sit-in devant le tribunal de Tizi Ouzou pour protester contre la comparution de plusieurs manifestants interpellés le 10 octobre alors qu'ils participaient aux manifestations d'empêchement des élections locales. Des avocats qui tentaient de s'interposer entre la police et les délégués ont été bousculés injuriés et certains brutalisés (une avocate aurait été traînée par les cheveux, des avocats ont été traités de bâtards...). Le bâtonnier de Tizi Ouzou a dénoncé des arrestations opérées "dans l'enceinte du tribunal", et des "brutalités physiques" et des insultes contre les avocats qui s'interposaient. Les avocats de Tizi Ouzou ont décrété une journée de grève, appuyée d'un sit-in le 14 octobre. La coordination des aârchs de Tizi Ouzou (la CADC) doit également se réunir pour décider des actions de "riposte".

Le mouvement des aârchs, malgré le succès de l'empêchement du vote le 10 octobre dans les deux wilayas de Bejaïa et de Tizi Ouzou, ne parait plus en mesure de mobiliser les foules massives du printemps et de l'été 2001. Les manifestations se faisant plus violentes se sont aussi faites plus réduites : le plus souvent quelques centaines de manifestants (mais très décidés), parfois quelques dizaines seulement, plus rarement quelques milliers -mais on reste loin des dizaines, voire des centaines de milliers de manifestants de 2001. Lors des élections locales, l'empêchement du vote n'a d'ailleurs pas été le fait de "la population", mais des militants des coordinations et de leurs sympathisants. Sorti cependant "victorieux" de son bras de fer régional avec le FFS, puisque dans les deux wilayas de Bejaïa et de Tizi Ouzou, le vote n'a pu réellement avoir lieu, le mouvement des aârchs n'a par contre réussi ni à empêcher les militants FFS d'aller voter (et ayant été à peu près les seuls à oser le faire, ils ont attribué les municipalités où le vote a pu avoir lieu, et les deux wilayas, au parti), ni à faire sortir le boycott de Kabylie. La région (du moins les deux wilayas de Bejaïa et de Tizi Ouzou) se retrouve dans une situation de conflit et de marginalité, sans représentation réelle à l'Assemblée nationale, et avec des pouvoirs locaux contestés, ce qui va poser assez concrètement le problème de la reprise du "dialogue" : avec qui, et avec quels intermédiaires, puisque le pouvoir central affirme ne vouloir traiter qu'avec des représentants "légitimes", des élus et des "citoyens représentatifs", et emprisonne des délégués des aârchs, et que ceux-ci continuent de poser comme condition à tout dialogue la "satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur, scellée et non négociable" ? Tous les acteurs politiques de la région ayant exprimé leur position et fait leur choix, la population (dans son ensemble) reste finalement seule à n'avoir pu exprimer totalement le sien, et aucune alternative ne semble se dessiner clairement à la stratégie de la confrontation, poursuivie à la fois par les "radicaux" et des aârchs et le pouvoir d'Alger.

(La Tribune, Le Matin, El Watan 17.10 / AP 19.10 / L'Expression 22.10 / L'Expression, Le Matin 23.10 / La Tribune, Le Matin, Le Quotidien d'Oran 24.10 / Corr) En Kabylie, les aârchs ont proclamé leur victoire, et "l'échec cuisant" du pouvoir, après l'abstention massive, volontaire ou contrainte, qui a marqué les élections locales et régionales du 10 octobre. La Coordination intercommunale des aârchs de Bejaïa (CICB) dénonce dans une déclaration, le 16 octobre, la "stratégie du pire" choisir par "le pouvoir dictatorial fidèle à sa politique de fuite en avant", stratégie qui se traduit par "une répression tout azimut des citoyens et (par) l'arrestation de leurs représentants authentiques". La CICB réaffirme son "rejet de toute échéance électorale avant la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur scellée et non négociable" et "toute intronisation d'indus élus" ou installation d'administrateurs nommés par le pouvoir central. La CICB annonce par ailleurs que toute une série d'actions seront menées pour obtenir la libération des délégués et militants arrêtés, actions qui pourraient être appuyées par une grève de la faim des détenus. La Coordination intercommunale de Bejaïa a appelé le 16 ocvtobre à la mise en "quarantaine" de tous ées élus du 10 octobre. Le Comité de la Société civile d'El Kseur (CSC) invite quant à lui "les hautes autorités sécuritaires et le Premier magistrat du pays en particulier, à arrêter (la) vague de répression et (à) satisfaire pleinement et entièrement la plate-forme d'El-Kseur, seule alternative de stabilité et de règlement définitif de la crise. La Coordination des quartiers et villages de Tizi Ouzou (CQVCT) a réagi à l'incarcération de son porte-parole, Belaïd Abrika, en exigeant sa libération et celle de tous les détenus du mouvement, et en promettant des actions pacifiques de grande envergure, dont la fermeture ou l'occupation des sièges de daïras (sous-préfectures), voire l'expulsion des chefs de daïras (sous-préfets), lors de journées de protestation appuyées par une grève générale. Quelques tentatives d'actions de ce genre ont effectivement été notées dès le 21 octobre, mais sans grand effet, et assez localisées (grève aux Ouacifs et à Larbaâ Nath Irathen, escarmouches à Makouda entre manifestants et policiers, manifestation devant la daïra à Ouaguenoun et Iferhounène (où le personnel a quitté les lieux). A Tizi Ouzou même, le chef de daïra a lui-même décidé de fermer la sous-préfecture. Les coordinations de Bejaïa et de Bouira auraient d'ailleurs déconseillé de se lancer dans la "chasse aux chefs de daïras" et d'appeler à une grève générale qui pénalise particulièrement les commerçants. Des délégués et militants des aârchs ont été arrêtés dans toute la Kabylie dès le 10 octobre (quatre dans la wilaya de Bouira), d'autres font l'objet de mandats d'arrêts (une quarantaine dans la wilaya de Bouira, selon la coordination de wilaya). Sept délégués ont été arrêtés à Sidi Aïch (w. Bejaïa) le 20 octobre à l'issue d'un rassemblement devant le tribunal pour exiger la libération des détenus. Dix délégués avaient déjà été arrêtés autour du 10 octobre. Ils ont entamé une grève de la faim le 15 pour dénoncer leur détention et exiger leur libération. La Coordination intercommunale de Bejaïa les a appelé le 23 octobre à cesser leur mouvement, qui "laissera insensible le pouvoir dictatorial", mais a assuré qu'elle mènera des actions "jusqu'à leur libération définitive". Le 22 octobre, de 13 à 17 délégués et militants arrêtés le 20 ont été mis en liberté provisoire.

A Paris, le Congrès Mondial Amazigh voit dans "le rejet quasi total (du) scrutin par la Kabylie (...) la traduction forte du soutien renouvelé par la population au mouvement citoyen des Aarchs de Kabylie, un mouvement d'essence démocratique et pacifique" auquel le CMA apporte son propre soutien. Le CMA exige "la libération immédiate des détenus arbitrairement arrêtés, la fin des abus de pouvoir et de l'impunité", et appelle "l'opinion internationale (à) ne plus se contenter de contempler la Kabylie se faire saigner sans réagir" : "Conformément au droit international en vigueur et aux valeurs humaines qui le fondent, les instances internationales et les Etats démocratiques ont un devoir d'ingérence en Kabylie", conclut le CMA, dans une déclaration datée du 14 octobre.

Le porte-parole du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), Ferhat Mehenni, estime que son "isolement" a "brutalement decillé les yeux" de la Kabylie, qui "ne représente qu'elle-même (et) est trop différente du reste du pays par sa place dans la nation, le rôle qu'elle y joue et son irrédentisme identitaire, linguistique et culturel". Pour Ferhat Mehenni, la Kabylie n'a pas à être le bastion de la démocratie en Algérie, mais a désormais à assumer son propre destin : "La Kabylie n'a pas pour vocation d'être la chair à canon de la Nation" et des démocrates algériens, et l'autonomie constitue la seule alternative pour la Kabylie. Et de proposer un référendum dans l'année, l'autonomie ne signifiant cependant pas "indépendance ou purification ethnique" mais "unité dans le fédéralisme".

En ce qui concerne les élections proprement dite, le ministère de l'Intérieur a annoncé le 19 octobre que des élections partielles se tiendront dans toutes les communes où le vote a été rendu impossible pour une raison ou une autre, notamment celles où il a été empêché par les aârchs. Ces élections partielles concerneront 30 communes dans la wilaya de Tizi Ouzou, 21 dans celle de Bajaïa et 9 dans les autres wilayas. Les communes ont un an pour organiser ces élections. Dans ce délai, elles seront gérées officiellement par un Conseil d'administrateurs communaux, récusés par avance par les aârchs et leurs coordinations. A El Kseur, le Comité de la Société Civile (CSC) "prend acte de la vacance" de la municipalité et "s'engage à (...) adopter une solution adéquate qui sauvegardera l'intérêt général de la municipalité". Quant au Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), il a proposé de former des "conseils de sages" pour gérer les municipalités, et son porte-parole, Ferhat Mehenni, assure que "la Kabylie ne reconnaîtra pas des élus qui n'en sont pas" et ont été "élus par la force du gaz lacrymogène".

Dans les communes où les élections ont pu avoir lieu, quoi qu'il en soit du taux de participation, les municipalités ont été "installées" officiellement. 19 municipalités ont ainsi été installées dans la wilaya de Tizi Ouzou le 14 et le 16 octobre. Le 23 octobre, une dizaine de municipalités ont été symboliquement "fermées" (temporairement) à l'issue de marches ou de rassemblements à l'appel de la coordination interwilayas. A Mekla, l'opération a dégénéré en affrontements entre manifestants et policiers, faisant quatre blessés (dont un policier). Le même jour, la tête de liste FFS, Rabah Aïssat, a été élu président de l'APW (Conseil Général) de la wilaya de Tizi Ouzou, en obtenant 44 voix sur 47 (le FFS détient 34 sièges à l'APW, contre 13 pour le FLN, le taux de participation à l'élection ayant cependant à peine dépassé les 25 %). La municipalité de Tizi Ouzou a également été installée. A Bouira, la nouvelle municipalité FLN a été installée le 16 octobre (le FLN a six sièges, le FFS 4, Islah et le RND 2 chacun)

(Jeune Indépendant, L'Expression 24.3 / La Depêche de Kabylie 26.10 / L'Actualité 27.10 / La Tribune, Le Jeune Indépendant, Le Matin 28.10) 26 des 31 assemblées communales issues des élections du 10 octobre ont été "installées" dans la wilaya de Bejaïa, la municipalité de Bejaïa même l'ayant été le 27 octobre La tête de liste FFS, Hamid Ferhat, a été élu président de l'APC (c'est-à-dire Maire) de Bejaïa (il était d'ailleurs seul candidat, et a même bénéficié du vote des élus FLN). Les municipalités FFS entendent désormais mettre en place des "Conseils consultatifs" afin d'associer la population à la gestion des communes. Il reste cependant 21 communes sans maires dans la wilaya de Bejaïa, et 30 dans celle de Tizi Ouzou, et 18 jours après la tenue des élections, les administrateurs provisoires chargés de gérer les communes sans municipalités élues n'ont toujours pas été installés, malgré l'expiration du délais légal (de dix jours). Les commissions électorales n'ont d'ailleurs toujours pas proclamé la non-validation du scrutin dans ces communes, alors que les anciennes municipalités sont réputées dissoutes, puisque, valide ou non, le scrutin est supposé (légalement) s'être tenu -même sans électeurs.

Une grève générale et des marches populaires étaient annoncées dans plusieurs localités de la wilaya de Tizi Ouzou (notamment Azazga et Azeffoun) le 28 et le 29 octobre, à l'appel de la coordination des aârchs et comités locaux (CADC) pour exiger la libération des détenus et "dire non aux élus de la honte" issue des élections locales du 10 octobre. La CADC a annoncé son intention de procéder à la "fermeture" des municipalités de Yakouren, Ifigha, Azazga et Iferhounène. Le porte-parole de la Coordination d'El-Kseur, Ali Gherbi, annonce que les aârchs vont "pourvoir à la vacance" des municipalités. Le comité citoyen d'El Kseur (le CSC) a créé un Conseil consultatif "qui va épauler le secrétaire général (de la municipalité) qui doit impérativement être une personne crédible", et appelle les communes où le scrutin n'a pas eu lieu à reprendre cette méthode. Ali Gherbi réitèrre l'opposition du mouvement à la nomination d'administrateurs par le pouvoir central dans les communes où aucune municipalité n'a pu être élue, mais nuance cette opposition, en se prononçant en faveur d'une concertation pour le choix d'un secrétaire général. Cela étant, il affirme que les élections partielles annoncées par le gouvernement dans les communes où le scrutin n'a pu avoir lieu le 10 octobre seront elles aussi rejetées, à moins d'"un communiqué annonçant la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur (...) suivi d'une invitation à l'interwilayas pour sa mise en oeuvre". Ali Gherbi n'esquive pas les difficultés du "mouvement citoyen" : "nous reconnaissons un manque de réflexion", mais il l'attribue aux "provocations" du pouvoir, aux "manipulations de cercles occultes et de certaines formations politiques" et aux "manoeuvres sournoises" des "autonomistes radicaux". Pour le porte-parole de la coordinations des Ouacifs, Idir Aït Maamar, "le mouvement citoyen sort une fois encore grandi (de) l'épreuve sur laquelle a sciemment misé le pouvoir" qui "escomptait des affrontements fraticides". Idir Aït Maamar récuse "la perspective autonomiste que d'aucune voudraient greffer à notre mouvement", et accuse les partisans de cette perspective (c'est-à-dire le MAK de Ferhat Mehenni) de vouloir "détourner le mouvement de son objectif initial".

Pour sa part, l'ancien président de la Commission d'enquête sur les "événements" de Kabylie, le professeur Mohand Issad, a proposé la tenue d'une "conférence nationale sur la crise en Kabylie", et s'est déclaré disposé à jouer un rôle de médiateur entre le pouvoir et les aârchs, pour peu que l'un et les autres l'acceptent, ce qui ne semble pas être le cas des aârchs, qui s'en tiennent à l'exigence préalable de "satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur scellée et non négociable", et récusent donc toute médiation.

(L'Authentique, Liberté 29.10 / La Tribune, L'Actualité, Le Jeune Indépendant 31.10) La Coordination intercommunale de Bejaïa (CICB) devait se réunir le 31 octobre à Ighil N'tala, pour faire le point de la situation et déterminer les actions à mener pour la libération des délégués et militants du mouvement détenus depuis le 10 octobre. Le 19 octobre, c'est la corodination de Tizi Ouzou (CADC) qui s'est réunie à Aghribs, afin de "capitaliser au maximum la victoire contre le pouvoir le jour du scrutin de la honte" -victoire dont au sein même du mouvement citoyen plusieurs voix contestent cependant la réalité. Plusieurs délégués ont insisté sur la nécessité d'interpeller les ONG et l'Union européenne pour qu'elles fassent pression sur "le pouvoir maffieux et assassin".

Dans une conférence de presse tenue le 28 octobre, le porte-parole du Comité de la société civile d'El Kseur, Ali Gherbi, a annoncé que le Premier ministre Ali Benflis était "sur le point de faire un autre appel au dialogue", mais a affirmé que "le mouvement citoyen est le seul représentant légitime (de la population) et aucun dénouement de la crise ne peut avoir lieu sans lui". Ali Gherbi a en outre accusé les autonomistes du MAK de "travailler pour certains cercles du pouvoir". Par contre, le président du Congrès mondial amazigh (CMA), Belkacem Mouloud, a estimé qu'au nom du droit à l'autodétermination, il incombait au "peuple kabyle" de se prononcer sur l'autonomie, et a regretté que les animateurs du mouvement des aârchs ne se soient pas prononcés sur la question.

Le 28 octobre, les municipalités de Yakouren et Ifigha ont été "fermées" par des manifestants. A Azazga, la manifestation qui tentait de "fermer" le siège de la daïra, a été brutalement dispersée par la police. Huit manifestants ont été blessés. Le 30 octobre, une journée "ville morte" a été organisée à Tizi Ouzou.

Quant aux élections partielles devant être organisées dans les 60 communes qui se sont retrouvées sans municipalités élues au soir du 10 octobre, le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni a annoncé qu'elles seront organisées avant la fin de l'année (aux alentours du 25 novembre, sauf s'il y a un consensus pour les tenir après le Ramadan). Le ministre a affirmé que ses services étaient prêts pour organiser le scrutin dans ces délais.

A El-Kseur, les comités de quartier se sont réunis pour désigner leurs représentants au "Conseil consultatif" supposé gérer la commune, en l'absence de municipalité élue.

(Le Soir, L'Actualité, Le Matin, El Watan 3.11 / La Tribune 4.11) L'invitation par le nouveau Maire (FFS) de Tizi Ouzou de plusieurs comités de quartier participer à la mise en place d'une instance représentative des comités locaux, auprès de la Municipalité, a suscité une manifestation des comités qui n'avaient pas été invités, et qui ont, le 2 novembre, tenu un sit in dans les locaux de la municipalité. A Bouira, la Municipalité (APC) et l'Assemblée de wilaya (APW Conseil général) ont été officiellement installées. L'APW sera présidée par un élu du FLN, qui détiendra également la Mairie de Bouira, Le FFS a cependant obtenu un poste de vice-président de l'APC (adjoint au Maire).

La Coordination de Tizi Ouzou (CADC) a tenu un sit in le 3 novembre devant le tribunal de Tizi pour exiger la libération "immédiate et inconditionnelle" des détenus du mouvement. Une réunion de la CADC est prévue le 7 novembre à Freha pour "arrêter des actions d'envergure à même d'amener le pouvoir à libérer les otages". La coordination de Bejaïa (CICB) a quant à elle proposé la tenue d'une conférence régionale sur le devenir du mouvement, alors qu'un nouveau délégué du mouvement (Zahir Benkhellat, délégué d'Akbou) était arrêté, le 2 novembre à Ouzellaguen.

(AP 31.10) Les 60 communes (dont 52 en Kabylie) où les résultats des élections locales du 10 octobre ont été invalidés devraient être gérées par un exécutif provisoire, a annoncé le 31 octobre l'agence officielle APS, sur la base d'informations du ministère de l'Intérieur. Les secrétaires généraux des communes concernées ont reçu mandat de veiller au bon fonctionnement des services administratifs et techniques des leurs communes, jusqu'à ce que des élections partiellles aient permis de désigner des municipalités. La délégation donnée aux secrétaires généraux des municipalités exclut de son champ d'application tout acte de disposition du patrimoine communal (aliénations de biens meubles et immeubles, gestion du foncier et du parc locatif, octroi de subventions).

(AFP 5.11 / L'Expression, L'Actualité 6.11) Le Tribunal militaire de Blida a condamné le 5 novembre à deux ans de prison ferme (pour "homicide involontaire, blessures involontaires par arme à feu et infraction aux consignes de la hiérarchie") le gendarme Merabet Mestari, meurtrier du jeune lycéen Massinissa Guermah dans les locaux de la gendarmerie de Beni Douala (ce meurtre, en avril 2001, fut l'événement déclencheur de l'insurrection populaire en Kabylie). Ce verdict, obtenu au terme d'un procès qui a duré à peine un quart d'heure et s'est tenu sans que la presse n'en ait été informée, a été reçu avec colère en Kabylie, où on le juge "insultant" et "dérisoire". Le père de Massinissa, Khaled Guermah, a dénoncé une "injustice délibérée" commise par le pouvoir, et accusé le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, et le général Boustila, d'être les "vrais coupables", le gendarme n'étant qu'un "pion". Dans un communiqué, Khaled Guermah écrit : "A l'injustice de l'assassinat de mon fils vient s'en ajouter une autre. (...) l'assassin de mon fils sera libre dans quelques mois. (...) Les assassins des 120 martyrs du Printemps Noir et les 'canardeurs' de Kabyles peuvent, dès aujourd'hui, fêter leur libération prochaine". Pour la Coordination des aârchs de Tizi Ouzou (CADC), "le pouvoir tyrannique veut protéger les gendarmes assassins et leurs commanditaires". La CADC exige le jugement par des tribunaux civils des auteurs, "ordonnateurs et commanditaires" des crimes, ainsi que leur radiation des corps de sécurité et de la fonction publique. Pour le FFS de Tizi Ouzou, "une justice véritable ne saurait être rendue que lorsque les commanditaires et les assassins auront répondu de leurs actes". Quant au procès du gendarme meurtrier de Massinissa, il n'est qu'une "parodie de justice".

(L'Actualité 6.11 / L'Expression, Le Jeune Indépendant, Le Matin 7.11) Le ministère de l'Intérieur a annoncé que les élections locales partielles dans les 60 communes (30 à Tizi Ouzou, 21 à Bejaïa, 5 à Bouira, 2 à Khenchela, une à Laghouat et une à Biskra) où celles du 10 octobre n'ont pu se tenir, ou ont été annulées, seront organisées avant fin mars 2003. Le ministre Yazid Zerhouni a assuré que les autorités étaient "prêtes à organiser ces élections partielles à tout moment". En attendant, des secrétaires généraux ont été chargés de gérer les communes sans municipalités. Le ministre s'est en outre exprimé en faveur d'une "réelle autonomie" des municipalités en matière de gestion des affaires relevant de leur compétence, mais a ajouté que cela supposait une forme de la finance et de la fiscalité locales.

La question est dès lors de savoir si, en Kabylie, les élections partielles connaîtront le même sort que les élections générales du 10 octobre. Officiellement, les coordinations des aârchs sont restées sur la même ligne de boycott "actif", c'est-à-dire d'empêchement, des élections, et promettent de rendre celles de mars impossibles. Cependant, les "radicaux" des aârchs semblent perdre du terrain, y compris au sein même des coordinations, où certains délégués, et non des moindres (comme Ali Gherbi) les accusent de contribuer, au profit du pouvoir et aux côtés des autonomistes du MAK, au "pourrissement de la situation" et au "charcutage de l'Algérie". En outre, l'"empêchement" des élections du 10 octobre n'a été qu'un demi-succès, puisque ces élections ont pu avoir lieu dans la majorité des communes de Kabylie (avec cependant des taux d'abstention massifs). Enfin, l'élargissement du mouvement hors de Kabylie n'a pu se faire, et le mouvement est toujours cantonné dans les deux wilayas de Tizi Ouzou et de Bejaïa (et une partie de celle de Bouira). Pour le porte-parole du Comité de la société civile d'El-Kseur et de la coordination intercommunale de Bejaïa, Ali Gherbi, cependant, "la base citoyenne est toujours mobilisée pour prouver sa détermination à poursuivre le combat jusqu'à la satisfaction pleine et entière des revendications de la plate-forme d'El-Kseur", même ai "la situation est statique et ne tourne qu'autour des marches et des meetings", sans grande réflexion sur l'organisation et la stratégie du mouvement.

Les élections partielles étant prévues dans cinq mois, ce délai pourrait être mis à profit par les partis politiques implantés dans la région pour se "refaire une santé" : Pour le FFS, qui a pris part aux élections du 10 octobre, il va s'agir d'user au maximum des positions conquises (il est majoritaire dans les deux wilayas de Bejaïa et de Tizi Ouzou et y détient la majorité des municipalités et la majorité des assemblées de wilaya) pour démontrer que sa position consistant à transformer les communes en points d'appuis pour la construction d'une alternative démocratique et en exemples de "bonne gouvernance locale" est praticable. La participation du FFS aux "partielles" de mars est probable, estime "L'Expression", mais reste tributaire de l'évolution de la situation sur le terrain. La fédération FFS de Bejaïa a annoncé sa probable participation aux élections.

La participation éventuelle du RCD, qui avait suivi les "radicaux" des aârchs dans le boycott d'octobre, est également possible, dans la mesure où la stratégie consistant à "suivre le mouvement" impulsé par les "radicaux" n'a pas donné les effets excomptés, et où, même en proclamant qu'il les soutient, le RCD est aussi rejeté que le FFS par les aârchs, qui rappellent que le parti de Saïd Sadi participait au gouvernement central lorsque les premiers morts du "Printemps Noir" tombaient sous les balles de la gendarmerie. Des "indiscrétions calculées" évoquées par l'"Expression" font en tous cas état de "négociations entre des responsables du RCD et les autorités en vue de conduire ce parti" à prendre part aux élections partielles, ne serait-ce que pour se "replacer sur l'échiquier politique". Cependant, un porte-parole régionale du RCD, M. Moudache, a annoncé que son parti n'était "concerné ni de près ni de loin par cette énième mascarade électorale".

Par contre, la porte-parole du Parti des Travailleurs, Louisa Hanoune, a annoncé que le PT ne participera pas plus aux élections locales partielles qu'il n'avait participé aux locales "générales" (il avait par contre participé aux élections régionales, désignant les Assemblées de wilaya). Louisa Hanoune reconnaît en outre à la plate-forme d'El-Kseur le mérite de poser des "questions démocratiques qui sont justes", mais considère qu'elle possède un "caractère régionalisant" alors que les problèmes sont nationaux et nécessitent des solutions nationales, impliquant l'Etat central.

(L'Expression, Le Matin 10.11 / El Watan, Le Matin 11.11) La Coordination des aârchs et comités locaux de Tizi Ouzou (CADC) a tenu le 7 novembre à Freha un "conclave" au terme duquel la CADC annonce une radicalisation de ses actions (blocage des routes, boycott des instances judiciaires), demande la "libération immédiate et inconditionnelle" des détenus, appelle à la "continuation de la chasse des indus-élus issue des élections de la honte" et confirme son rejet des élections locales partielles à venir. La coordination intercommunale de Bejaïa (CICB) a adopté la même position. La CADC a en outre décidé de saisir des instances et ONG internationales (le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'Homme, le Parlement européen, la Commission européenne, la FIDH, Amnesty International et Human Rights Watch) de la situation en Kabylie. Une réunion de la coordination Interwilaya prévue autour du 15 novembre à Boumerdès devrait confirmer et étendre ces positions et ces actions à toute la Kabylie.

En outre, selon "L'Expression", la CADC aurait rencontré des représentants du FFS afin, écrit le quotidien, "d'enterrer définitivement la hache de guerre" (déterrée par les "radicaux" des aârchs au moment de l'annonce de la participation du parti aux élections locales).

Le FFS et le FLN ont décidé de participer à ces élections locales partielles, prévues fin mars 2003. Pour le FFS (et a fortiori pour le FLN), c'est la confirmation d'une ligne déjà adoptée lors des élections locales générales d'octobre. Selon "Le Matin", le Parti des Travailleurs pourrait également participer à ces élections, ce qui manifesterait un changement de ligne, puisque le parti de Louisa Hanoune avait renoncé à participer aux élections locales pour se concentrer sur celles des assemblées de wilaya (Conseils généraux). Par contre, le Comité exécutif du RCD confirme le rejet des élections locales par ce parti, élections qu'il considère "comme un défi lancé aux populations qui ont pourtant rejeté par deux fois de telles mascarades". Certaines "rumeurs" faisaient état de tractations entre le gouvernement et le RCD pour amener celui-ci à revenir sur sa position.

Par ailleurs, l'installation des Assemblée populaires communales dans les localités où le vote a été validé est terminée, en tous cas dans la wilaya de Tizi ouzou, où 31 municipalités ont donc été formellement mises en place.

(El Watan 10.11) Après le procès controversé (devant un tribunal militaire) du gendarme auteur de l'homicide du jeune Massinissa Guermah (avril 2001), procès au terme duquel une peine jugée dérisoire par les familles des victimes du "Printemps Noir" a été prononcée (deux ans d'emprisonnement), plus d'une vingtaine d'affaires semblables, impliquant des gendarmes dans des homicides ou de graves blessures par balles, restent à juger, et d'autres ont été officiellement closes sans que ni les familles, ni l'opinion publique en soient informées. En mars 2002, le président Bouteflika avait annoncé que "24 gendarmes et officiers avaient été mis en examen" pour leur implication dans des homicides de manifestants en Kabylie. Aucune autre affaire que celle du gendarme meurtrier de Massinissa Guermah n'a encore été traitée par le parquet militaire. Le dossier d'un gendarme auteur de l'homicide d'un jeune manifestant à Tadmaït, le 28 mai 2001, a été classé plus d'une année après les faits.

(El Watan, L'Actualité, Jeune Indépendant 14.11) Le "conclave" de la coordination interwilayas, qui devait se tenur le 15 novembre à Boumerdès, a été reporté à une date ultérieure, officiellement pour des raisons "techniques" qui n'ont pas été précisées. "El Watan" note que "depuis la réussite du rejet des élections du 10 octobre, de nombreuses actions n'ont pas eu l'adhésion souhaitée" et que le mouvement des aârchs ne mobilise plus autant qu'avant. Selon "L'Actualité", l'un des points à l'ordre du jour du "conclave" serait la structuration politique du mouvement. Un autre point, récurrent, porte sur les actions à mener pour obtenir la libération des délégués et des militants emprisonnés. Ces actions pourraient notamment consister en un blocage de toutes les routes menant à la Kabylie pendant trois jours.

De son côté, le Mouvement culturel berbère tente de se réorganiser hors de Kabylie, en tenant le 14 novembre une réunion à Batna, avant un congrès national prévu pour avril 2003, et l'organisation d'une "université d'été" à l'échelle nord-africaine.

Par ailleurs, le MSP (islamiste) de Mahfoud Nahnah a dénoncé la décision prise par le ministère de l'Intérieur de reporter l'organisation des élections locales partielles à mars 2003, et demande l'organisation d'élections législatives partielles dans les wilayas de Tizi Ouzou et de Bejaïa, dépourvues de véritables représentants compte tenu de l'abstention quasi-unanime des électeurs lors des élections législatives du mois de mai.

(Corr. 7.11 / La Tribune 17.11 / El Watan, Le Matin 18.11) La Coordination interwilayas des aârchs et comités locaux a adressé à plusieurs instances internationales (le Haut Commissariat de l'ONU pour les droits de l'Homme, la présidence de l'Union Européenne, de la Commission européenne et du Parlement européen) et ONG (Human Rights Watch, Amnesty International, la Fédération Internationale des ligues des droits de l'Homme -FIDH) une lettre dénonçant l'accentuation de la répression en Kabylie, l'acheminement de "plus de 60'000 éléments des CNS" (police anti-émeute) en Kabylie "pour semer la terreur, violer l'intimité des villages et, enfin, saccager leurs propres casernements provisoires" ainsi que "l'enlèvement des délégués et de citoyens, pour certains à l'intérieur même d'un tribunal en brutalisant des avocats en plein exercice de leurs fonctions". Pour l'Interwilayas, le pouvoir algérien "veut montrer qu'il jouit d'une impunité quand bien même il est invité par des instances internationales à être respectueux du droit de la justice et à satisfaire les revendications citoyennes". L'Interwilayas appelle la communauté internationale à ne pas rester "impassible et indifférente face (au) déni de démocratie dont souffre le peuple algérien", et constate que le monde ne prête attention "que lorsque tonne le bruit des armes" mais "ne s'embarasse que peu des cris étouffés des révoltes ayant adopté une forme d'expression pacifique".

Selon "La Tribune", le Premier ministre serait "sur le point" d'engager un nouveau cycle de dialogue avec "toutes les bonnes volontés" issues du mouvement populaire en Kabylie. "El Watan" constate cependant "qu'en dehors des rumeurs, aucun signe, aucun indice sur une quelconque volonté du pouvoir à agir dans le sens de l'apaisement ne viennent conforter ces informations", distillées dans le but de "créer la zizanie à l'intérieur du mouvement", selon un délégué.

La Coordination des aârchs de Larbaâ Nath Irathen et Irdjen a lancé un "ultimatum" aux élus locaux du 10 octobre, les sommant de remettre publiquement leur démission dans un délai de trois jours (à partir du 18 novembre), pendant lesquels les citoyens sont invités à boycotter les services municipaux, et les commerçants à refuser de servir les "pseudo-élus".

Par ailleurs, une quinzaine de délégués des aârchs et comités de village sont toujours emprisonnés dans la seule wilaya de Bejaïa, le dernier d'entre eux, Hafid Herkane, ayant été arrêté le 16 novembre à Sidi Aïch. La plupart de ces détenus ne bénéficieraient d'aucune assistance juridique, et les délégués de la coordination de Bejaïa ont lancé un appel aux avocats de la wilaya pour qu'ils s'impliquent dans leur défense.

(AP 23.11 / L'Actualité 24.11 / Le Matin 25.11) La coordination interwilayas des aârchs et comités locaux, réunie à Boumerdès le 22 novembre, a annoncé qu'elle appelait à une marche à Alger, le 10 décembre, à l'occasion de la journée internationale des droits de l'Homme, et pour "dénoncer les violations des droits de l'Homme et les arrestations arbitraires des délégués". La marche devrait se dérouler (si elle est autorisée, et non dispersée par la police) de la place du 1er Mai à la représentation des Nations Unies à Genève. Une grève générale l'appuiera dans les wilayas de Tizi ouzou, Bejaïa, Bouira et Boumerdès, ainsi que le blocage des routes nationales. L'Interwilayas a en outre relancé son appel au boycott des institutions judiciaires. De leur côté, les détenus du mouvement citoyen incarcérés à Lekhmis (w. Bejaïa) ont annoncé le 24 novembre qu'ils entreprenaient dès le 25 une grève de la faim illimitée pour protester contre leur emprisonnement arbitraire et exiger leur libération inconditionnelle. 27 militants et délégués des aârchs et comités locaux sont détenus dans la wilaya de Bejaïa (dont 7 délégués de la Coordination intercommunale).

En ce qui concerne les élections locales partielles dans les 60 communes de Kabylie où les élections générales du 10 octobre avaient été empêchées par les aârchs, le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni a annoncé qu'elles n'auront pas lieu comme prévu en mars 2003, mais "à une date ultérieure, et ce à la demande des partis politiques" (sans préciser d'ailleurs de quels partis il s'agit, mais en ajoutant que "la nouvelle date de ces élections sera arrêtée de concert avec les partis fortement présents sur la scène politique", ce qui en Kabylie ne concerne guère que quatre partis : le FFS, le RCD, le PT et le FLN, et pourrait donc suggérer que le PT et le RCD, qui avaient refusé de participer aux élections générales d'octobre, pourraient participer à des "partielles", si une "sortir de crise" se dessinait en Kabylie.

Parallèlement, signale "L'Actualité", des "émissaires" du pouvoir tentent de faire renaître un dialogue avec des délégués des aârchs. Ces émissaires seraient porteurs de "propositions réalisables" à assez court terme (un budget spécial pour la Kabylie, une chaîne de télévition en berbère), propositions dont on peut cependant douter qu'elles soient de nature à déclencher un processus de sortie de crise, si elles ne sont pas accompagnées de propositions plus sérieuses, répondant aux points de la plate-forme d'El Kseur qui n'ont pas encore suscité de réponses du côté du pouvoir.

(Le Matin 18.12 / El Watan 19.12) Le "conclave" de la coordination interwilayas des aârchs, qui devait être organisé à Chaâbat El Ameur (w. Boumerdès) , a été interdit par les autorités, Les délégués de la wilaya de Boumerdès ont affirmé qu'il tiendraient de toutes façons cette réunion, la première du genre de la wilaya -et la première du genre à être interdite.

Les délégués et militants du mouvement citoyen détenus à Tizi Ouzou poursuivent leur grève de la faim, entamée le 3 décembre. Leur état de santé s'aggrave de jour en jour, mais ils affirment vouloir poursuivre leur mouvement jusqu'à leur libération (ils sont en détention "préventive" depuis plus de deux mois, toutes les demandes de mise en liberté provisoire déposées par le collectif d'avocats qui les défendent ont été repoussées.

Un appel a été lancé au pouvoir algérien et à l'opinion publique, nationale et internationale, pour que soit évitée une issue tragique à cette grève de la faim (La CSSI soutient cet appel).

GRÈVE DE LA FAIM DE BELAÏD ABRIKA ET DE SES CAMARADES : APPEL À L'OPINION PUBLIQUE NATIONALE ET INTERNATIONALE

Belaïd Abrika et ses compagnons du mouvement citoyen sont en grève de la faim 
depuis le 3 décembre.
Ils sont en danger.
Le Pouvoir est entièrement responsable de ce qui pourrait leur arriver.
Notre conscience nous interpelle
Nous n'avons pas le droit de les laisser mourir 

Premiers signataires

Miloud Brahimi : avocat
Khaled Bourayou : avocat
Farouk Ksentini : président de la Commission consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme.
Mohand Issad : professeur de droit
Ali Meziane : avocat
Mahi Ouadni : bâtonnier
Ali Dilem : caricaturiste
Abdelaziz Rahabi : ancien ministre
Rédha Malek : président de l'ANR
Ahmed Abbèche : ancien bâtonnier national
Sofiane Djillali


(Dépêche de Kabylie 19.12 / L'Expression 21.12 / L'Expression, Le Matin 22.12 / La Tribune, Le Matin 23.12) En Kabylie, on assiste actuellement à un lent pourrissement de la situation, et à un affaiblissement du mouvement citoyen, cela alors que des militants et délégués du mouvement, détenus dans les prisons des wilayas de Bejaïa et Tizi Ouzou, sont pour certains entrée dans leur troisième semaine de grève de la faim, malgré les appels qui leurs sont lancés par des représentants des aârchs à cesser ce mouvement (le porte-parole du Comité citoyen de Takerboust, Demouche Makhlouf, leur lançant : "Nous avons besoin de vous vivants". Plusieurs partis politiques (le PT et le RCD, notamment) ont également appelé à une libération des détenus du mouvement des aârchs. En revanche, pour le chef du RND, Ahmed Ouyahia, qui les a appelé à cesser leur grève de la faim, les militants et délégués des aârchs "ne sont pas des détenus politiques, mais des détenus de droit commun" dont l'action ne sert ni la région, ni le programme qu'ils défendent. A Bouira, les détenus du mouvement ont laissé entendre le 21 décembre, qu'ils pourraient reprendre leur grève de la faim, interrompue depuis dix jours. A Tizi Ouzou, les proches de l'un des grévistes, Rachid Allouache, on fait savoir qu'il était très affaibli, et dans un état "critique". L'appel lancé à l'opinion publique nationale et internationale par plusieurs personnalités (dont Miloud Brahimi, Farouk Ksentini, Ali Dilem, Redha Malek), en faveur des grévistes de la faim ("Ne les laissons pas mourir") a déjé recueilli plusieurs centaines de signatures (dont celles de Yasmina Khadra, Hachemi Cherif, du Commandant Azzedine, de Nabil Farès, Merzak Allouache, Yasmine Boudjenah, Alima Boumédienne, Hélène Cuenat, Simon Blumental).

Le mouvement des aârchs s'est révélé dans les dernières semaines incapable de répondre à la persistance des actes de répression (l'interdiction de la marche prévue à Alger le 10 décembre, l'interdiction de la réunion de la coordination interwilayas, le maintien en détention préventive de plusieurs dizaines de militants et délégués du mouvement), et semble continuellement traversé de divergences sur la "sortie de crise". Le Comité de la société civile d'El Kseur (CSC), dans la wilaya de Bejaïa, a constaté dans une déclaration, après avoir quitté la réunion de l'"intercommunale" de Bejaïa, que le bilan des "actions de terrain" était "négatif". Exprimant sa volonté de "protéger le mouvement de toute manipulation et récupération visant sa mort certaine", le CSC dénonce les opposants à "toute proposition honorable digne de la grandeur du mouvement" citoyen, et donc à toute perspective politique de sortie de crise. Le CSC propose un "sit in de l'interwilayas, élargi aux parents de martyrs et détenus", devant la présidence de la République.

L'affaiblissement du mouvement des aârchs coïncide avec un retour des partis politiques sur la scène régionale. Selon plusieurs journaux, des contacts auraient pris par le ministère de l'Intérieur avec plusieurs partis politiques (le FFS, le PT, le FLN, le RND, le MPS et Islah) en vue de les amener à participer aux élections locales partielles à venir. Selon "La Tribune", les représentants des partis consultés ont "insisté sur la nécessité de réunir les conditions idoines à l'organisations des élections partielles", afin d'éviter un nouvel empêchement de ces élections.

(SATEF 25.12 / Le Matin, La Tribune, L'Expression 26.12) Un meeting de soutien aux militants et délégués des aârchs détenus et en grève de la faim, a été interdit et réprimé par la police à Tizi Ouzou le 25 décembre. La police a chargé les personnes qui voulaient assister au meeting, et les a dispersées à coups de grenades lacrymogènes, de jeunes manifestants ripostant à coups de pierres et de cocktails Molotov. La veille, à El Kseur, des affrontements avaient déjà éclaté à l'issue d'un meeting du Comité de la société civile, animé par son porte-parole, Ali Gherbi, dans l'entourage duquel on dénonce une provocation des "autonomistes" et des délégués "travaillant pour le compte des partis politiques" dont Gherbi dénonce les tentatives de récupération et de manipulation du mouvement.

Dans une déclaration, la section de Bejaïa du syndicat autonome des travailleurs de l'éducation (SATEF) dànonce "l'absence de dialogue et de concertazion" et d'implication "des acteurs autonomes de la société dans les dossiers qui concernent les populations", et appelle "les structures politiques et sociales" de doter leurs bases respectives et la population en général "des moyens d'organisation et de lutte démocratiques et pacifiques pour une émancipation et un développement solidaires et citoyens". Le SATEF de Bejaïa appelle l'interwilaya à "regrouper l'ensemble des tendances initiales crédibles, sous peine de cautionner un consensus qui semble se mettre en oeuvre contre et en dehors d'elle". Le syndicat soutient la proposition de "Conférence Nationale du Mouvement Citoyen", en laquelle il voit la possibilité dde "dégager une solution politique, démocratique et pacifique" en dotant la société civiles des "voies et moyens de s'affirmer et d'intervenir dans la vie politique".

(Le Monde 27.12 / La Tribune, Le Quotidien d'Oran, Le Matin 29.12 / Liberté 30.12) La situation en Kabylie continue d'évoluer au rythme d'un lent pourrissement. Pour l'avocat Hocine Zahouane, "les événements n'ont pas du tout affecté le pouvoir. Ils ont en revanche affecté la Kabylie", d'abord la population, ensuite le mouvement citoyen lui-même. Une réunion de la coordination de Bejaïa le 23 décembre, n'a ainsi regroupé que 23 délégués, pour décider de mener une série d'actions le 1er janvier, de décréter le 4 janvier "journée sans circulation automobile" dans toute la wilaya de Bejaïa et le 12 janvier, nouvel-an berbère (Yennayer) journée de mobilisation particulière. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, la coordination des aârchs et comités locaux (CADC) a appelé à une grève générale pour le 30 décembre, et au blocage des routes.

Les militants et délégués détenus continuent leur grève de la faim, malgré les appels lancés à leur intention par d'autres représentants du mouvement qui, comme Ali Gherbi, leur demandent de cesser leur mouvement, et met en garde contre "des dérapages impossibles à contrôler" s'ils devaient mourir. L'avocat Mokrane Aït Larbi a également lancé un "appel fraternel à ces détenus pour (qu'ils suspendent leur) grève de la faim, car le mouvement citoyen a besoin de leur courage et de leur détermination pour faire aboutir les revendications populaires". Six grévistes de la faim de Tizi Ouzou en sont à leur 28ème jour de jeûne, et plusieurs d'entre eux ont du être transférés à l'hôpital, pour être reconduits ensuite en prison. Depuis le 25 décembre, les détenus de Tizi ouzou sont enfermés dans des cellules isolées. A Bejaïa, 17 détenus du mouvement, dont sept délégués, ont annoncé qu'ils reprenaient à partir du 29 décembre leur grève de la faim, après l'avoir interrompue sur demande de la Coordination intercommunale de Bejaïa.

Le 29 décembre à Tizi Ouzou, deux rassemblements de soutien aux détenus ont été réprimés par la police, qui a procédé à l'arrestation de 14 personnes, dont le frère du plus connu des grévistes de la faim, Belaïd Abrika, lequel aurait en outre été brutalisé par des gardiens après qu'il ait refusé de se raser la barbe. L'avocat et ancien sénateur Mokrane Aït Larbi a déposé plainte pour "coups et blessures volontaires sur la personne de Belaïd Abrika". A Tizi Rached, le 23 décembre, un militant du Comité citoyen de Tigzirt a été agressé par un homme qui l'a menacé de mort.

(AFP 30.12 / Corr., El Khabar, Le Soir 1.1 / Liberté, El Watan 2.1) Plusieurs manifestations se sont déroulées le 1er janvier en Kabylie, notamment à El Kseur, Amizour, Sidi Aïch, Freha et Tigzirt en soutien aux militants et délégués des aârchs, détenus et en grève de la faim, certains depuis près d'un mois.

A Tizi Ouzou, la Coordination des aârchs a appelé à une grève "jusqu'à nouvel ordre" dès le 4 janvier, et à une marche populaire le 12 janvier (premier jour de l'an 2943 du calendrier berbère).Le 30 décembre, une grève générale a déjà paralysé les principales localités de la wilaya de Tizi Ouzou, commerces et administrations restant fermés, et plusieurs routes étant barrées.

Le collectif de défense des détenus de Tizi Ouzou a annoncé le 30 décembre que l'état de santé des grévistes de la faim avait "atteint un seuil pathologique gravissime", et que plusieurs d'entre eux souffraient déjà, avant leur jeûne, de maladies chroniques (ulcères, insuffisances rénale, diabète). Le collectif dénonce "les conditions de détention désastreuses conjuguées à l'indifférence, au mépris et à la violence exercées par l'administration pénitentiaire" contre les détenus, dont le plus connu, Belaïd Abrika, a été agressé et brutalisé par des gardiens. Les avocats des détenus ont joint leurs voix à celles de la plupart des porte-paroles des coordinations des aârchs, et de nombreuses personnalités, pour les inviter à cesser leur grève de la faim, ne serait-ce que parce qu"un pouvoir aussi despotique et insensible aux valeurs de justice et d'équité (que le pouvoir algérien) ne sera nullement embarassé par leur sacrifice". Les familles des détenus de la prison de Tizi Ouzou ont indiqué que trois d'entre eux avaient cessé leur grève de la faim le 31 décembre, après 28 jours, sur conseil médical (l'un souffre d'un ulcère, l'autre est diabétique et le troisième souffre d'une affection rénale). Trois autres détenus de Tizi ouzou continuaient cependant leur jeûne le 1er janvier.

Dans un entretien au "Soir d'Algérie", plusieurs délégués des aârchs de Tizi ouzou, Bejaïa et Bouira réfutent l'essouflement du mouvement, constaté pourtant par la plupart des observateurs : "Le mouvement souffle, mais ne s'essouffle pas". Certes, le mouvement n'arrive plus à mobiliser au niveau des actions de rue, admet Benmansour Bezza, de Sidi Aïch, mais "la mobilisation citoyenne existe toujours". Le délégué reconnaît cependant que la participation du FFS aux élections locales d'octobre "a casséle consensus", et que l'"usure" fait son oeuvre. Les délégués déplorent l'"absence totale des intellectuels algériens" et le démission de la société civile. Ils reconnaissent la nécessité d'un élargissement du mouvement aux autres régions du pays, et sa "ghettoïsation en Kabylie", alors que, souligne Krimou Chala, de Tizi Ouzou, la contestation est présente dans tout le pays, et que, souligne Benmansour Bezza, les revendicationd u mouvement en Kabylie sont nationales. Pour la suite, les délégués interrogée se réfèrent tous à la plate-forme d'El Kseur comme "scellée et non négociable", et à sa satisfaction comme préalable à tout dialogue.

2003

(SATEF 3.1 / AP, L'Expression 4.1 / AFP, L'Expression, Le Quotidien d'Oran, L'Actualité 5.1 / Liberté, La Tribune, El Watan 6.1) La grève générale "jusqu'à nouvel ordre" lancée le 4 janvier à l'appel des aârchs a fait l'objet d'un suivi contrasté : Azazga, Larbaâ Nath Irathen, Bouzeguène, Tizi Rached, Beni Douala et Aïn Et Hamman ont largement suivi le mouvement, avec des administrations publiques, des écoles et des commerces fermés toute la journée, alors que Boghni, Draâ Ben Khedda, les Ouacifs, Sidi Naâmane, Tadmaït et Draâ El Mizan ont vécu une journée normale. "Le Quotidien d'Oran" estime que le mot d'ordre de grève a été peu suivi dans la wilaya de Tizi Ouzou, alors que l'"Actualité" estime que la grève générale a été "massivement suivie" dans la wilaya. A Tizi Ouzou même, de nombreux commerces ont ouvert leurs portes. Officiellement, on reconnaît des taux moyen de suivi de la grève dans la wilaya de Tizi Ouzou de 50 à 58 % dans l'éducation et l'administration, mais seulement de 16 % dans les services préfectoraux et de 30 % dans les services municipaux. Cependant, même là où le mouvement a été peu suivi, la multiplication des barrages routiers a perturbé l'activité de la région et le déplacement des personnes et des marachandises. La grève avait été lancée afin de contraindre le pouvoir à libérer les détenus du mouvement des aârchs, dont certains suivent une grève de la faim depuis le 3 décembre. Le 5 janvier, les coordinations des aârchs, réunies à Tizi Rached, ont appelé à la suspension de la grève, compte tenu de l'inégalité de respect du mot d'ordre selon les localités et les régions, et de l'incompréhension manifeste de la population à l'égard du blocage des routes (ce qui n'a pas empêché la coordination de Tizi Ouzou, la CADC, d'évoquer une "réussite totale" du mouvement).

La grève s'est déroulée sur fonds de rumeurs faisant état de la libération "imminente" des détenus et de la relance du "dialogue" entre les aârchs et le pouvoir, ce qui a été démenti par l'un des porte-paroles des aârchs, Ali Gherbi, qui dénonce des "rumeurs visant à semer le doute parmi les animateurs de la contestation citoyenne". Ces rumeurs ont notamment été relayées par le quotidien "L'Expression", qui annonce que les grévistes de la faim de la prison de Tizi Ouzou "auraient été approchés par des émissaires du pouvoir afin de les amener à jouer un rôle dans l'après-printemps noir". En même temps, "L'Expression" évoque le "projet de création d'un parti politique qui s'appellerait 'le Mouvement des forces libres", à partir de la base militante du RCD en Kabylie.

A Paris, le 5 janvier, de 3000 (selon la préfecture) à 15'000 personnes (selon les organisateurs) ont manifesté silencieusement leur solidarité avec les grévistes de la faim. La manifestation était organisée par la Fédération des associations culturelles amazigh de France /FACAF).

(L'Expression 8.1 / L'Expression, Le Jeune Indépendant, Le Matin 9.1) Le Front des Forces Socialistes, partisan de l'élargissement de la dissidence "citoyenne et pacifique" hors de la Kabylie, a prévu d'organiser plusieurs rencontres régionales, dont la première s'est tenue à Sétif. Pour le FFS, il s'agit de coordonner les actions du mouvement citoyen, et de le transformer en une "force de changement" . Des rencontres sont ainsi prévues à Batna, Oran, mais également à Bejaïa, Bouira, Tizi Ouzou et Boumerdès.

Interrogé sur la position du FFS face à la grève de la faim des détenus kabyles, Ikhlef Bouaïci, secrétaire national du parti, a exprimé la solidarité du parti "par principe et en respect aux droits de l'Homme (...) avec tous les détenus d'opinion". Ikhlef Bouaïchi évoque le part prise par le FFS à la libération de trois jeunes manifestants à El Kseur et d'un jeunes de Takerbouzt, et affirme la disponibilité du parti à "collaborer à toute action pacifique visant à (la) libération" des délégués, militants et manifestants encore détenus.

Le Premier secrétaire fédéral du FFS de Tizi Ouzou, Mourad Kacer, qui a confirmé l'intention du FFS de participer au élections locales partielles, a accusé les aârchs (ou plutôt, les forces qui se sont emparées de cette structure traditionnelle, qui ne correspond plus selon le FFS à la réalité de la structuration de la société en Kabylie) d'"alimenter et d'entretenir le pourrissement" de la situation en Kabylie, notamment en contraignant une partie de la population à suivre (plutôt qu'à y participer) des actions comme des grèves "générales" décrétées par les coordinations des aârchs.

La position du FFS a suscité une réaction du RCD, qui, évoquant une "conjoncture marquée par la mobilisation citoyenne", a accusé le FFS de "prêter main forte" à un "pouvoir finissant". Le président du bureau régional du RCD à Tizi Ouzou a annoncé le dépôt d'une plainte contre Mourad Kacer pour "propos diffamatoires proférés à l'encontre des ex-élus" du RCD, mis en cause par le FFS pour leur gestion dans les exécutifs qu'ils détenaient. Le porte-parole de la coordination des aârchs de Tizi Ouzou, Mustapha Mazouzi, s'en est également pris au FFS. Le FFS a qualifié la réaction du RCD ("ce reliquat de parti"...) de "polémique (servant) de politique (à) un parti finissant".

Par ailleurs, un délégué des aârchs de Sétif, Slimane Bouhafs, a annoncé au journal (en arabe) "Echourouk" que des armes avaient été proposées aux contestataires en Kabylie, et que "des véhicules chargés d'armes" leur étaient parvenus, mais qu'ils avaient "refusé de les prendre". Après qu'en novembre un hebdomadaire londonien ait annoncé que des militants du FFS s'organisaient en milice armée dans les maquis kabyle, le FFS avait obtenu des excuses de l'hebdomadaire, et dénoncé une "manipulation destinée à préparer le terrain à une tchétchénisation de la Kabylie".

(Algeria-Interface 10.1 / SATEF 11.1 / AP, El Watan 12.1 / La Tribune 13.1) Les manifestations organisées, parallèlement à une grève "générale", par les coordinations des aârchs le 12 janvier, à l'occasion du Nouvel-An berbère (Yennayer) et pour exiger la libération des détenus du mouvement, ont été réprimées parfois violemment (notamment à Tizi Ouzou) par la police, qui avait dressé des barrages aux entrées des villes pour en bloquer l'accès aux manifestants venus des villages environnants. A Bejaïa, les manifestations n'ont rassemblé que peu de monde, et la grève "générale" n'a été que très partiellement suivie (dans la wilaya de Tizi Ouzou, le suivi de la grève aurait été un peu meilleur).

Sur "Algeria-Interface", El Kadi Ihsane constate la "baisse de la mobilisation populaire" en Kabylie, et l'opacité du processus de décision au sein des coordination des aârchs. Le porte-parole du FFS, Ikhlef Bouaïche, constate que le pouvoir ne veut toujours pas entendre les revendications populaires, "quand bien même (elles) ont été reconnues comme légitimes et démocratiques", et que "la politique de l'enlisement perdure, avec tous les dangers que cela représente", dans une situation où la population n'est pas seulement otage de la politique répressive du pouvoir, mais aussi "de certains groupes infiltrés, violents, constitués de délégués non représentatifs, habillés du masque des aârchs".

Plusieurs personnalités, dont le dessinateur Ali Dilem, ont lancé un appel aux détenus pour qu'ils cessent leur grève de la faim. Trois détenus en grève de la faim ont été évacués en urgence de la prison vers l'hôpital universitaire de Tizi Ouzou, les 11 et 12 janvier. La section de Bejaïa du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (SATEF) appelle également à la cessation de la grève de la faim "pour la continuité de la lutte pacifique", et à l'organisation d'une "conférence nationale du Mouvement citoyen", et le porte-parole du FFS, Ikhlef Bouaïche, a annoncé que le parti était prêt à entreprendre des actions avec les familles des détenus, les avocats et "d'autres acteurs de la société civile" pour obtenir la libération des détenus (le FFS a déjà fait libérer de jeunes détenus rècemment) , s'ils "font preuve d'une véritable volonté et acceptent de travailler avec nous dans une totale transparence". Le Parti des Travailleurs demande également, par la voix de son député Karim Labchri, la libération "le plus vite possible" des délégués et militants des aârchs, même si le PT n'adhère pas à l'action de ceux-ci : "si l'irréparable venait à se produire", autrement dit si les détenus grévistes de la faim devaient succomber à leur jeûne, la situation deviendrait totalement incontrôlable.

(AP 13.1 / La Tribune, Le Matin 16.1) Les six délégués de la coordination des aârchs de Tizi Ouzou, dont Belaïd Abrika, en grève de la faim depuis le 3 décembre, ont décidé le 13 janvier d'interrompre leur jeûne, après 41 jours, suite aux appels lancés par les "sages et (la) population en général". Par contre, huit militants et délégués détenus à Bouira ont annoncé qu'ils reprenaient, le même 13 janvier, la grève de la faim qu'ils avaient interrompus pendant quatre jours. Ces détenus affirment vouloir mener leur mouvement "jusqu'à ce que les services de la justice daignent se pencher sérieusement sur l'instruction de leur affaire". Ils sont détenus depuis octobre 2002. A Bejaïa également, des détenus du mouvement des aârchs ont annboncé qu'ils poursuivaient leur grève de la faim, entamée depuis deux semaines, malgré l'appel lancé par la Coordination intercommunale des aârchs de Bejaïa (CICB) pour qu'ils y mettent fin.

La décision des grévistes de la faim de Tizi d'interrompre leur jeûne a été unanimement saluée par l'ensemble des acteurs du mouvement citoyen (y compris bien au-delà des aârchs) de Kabylie, et par plusieurs partis politiques. Le Syndicat autonome de l'éducation et de la formation (SATEF) de Bejaïa a salué la "pertinence absolue" de cette décision, a invité le mouvement citoyen à poursuivre le combat pour "la prise en compte des aspirations sociales et citoyennes" et les syndicats, le mouvement associatif et tous les acteurs politiques algériens à "agir pour la libération de l'ensemble des détenus de la dynamique citoyenne", ce qui devrait ouvrir le chemin à "l'organisation d'une conférence nationale". Le SATEF de Bejaïa appelle à la "concertation", au "débat" et à la "mobilisation efficace", ce qui pour le syndicat implique "l'évacuation des parasitages, la clarté des intentions et les volontés concrètes des plus forts à reconnaître leurs partenaires".

Plusieurs partis politiques, de toutes tendances (notamment le Parti des Travailleurs, le RCD, le MDS, l'ANR, le CCDR et El Islah) sont intervenus au lendemain de la cessation de la grève de la faim des détenus de Tizi Ouzou pour demander la libération de tous les détenus politiques.

(L'Actualité 18.1 / Le Matin 19.1 / El Watan 20.1) Quatre délégués des aârchs emprisonnés, dont Belaïd Abrika, ont été auditionnés le 17 janvier à Tizi Ouzou par un juge d'instruction, et le procès de quatre autres s'est ouvert le lendemain à Azazga. Lr Procureur a requis une peine de six à douze mois de prison ferme contre les quatre militants. Un délégué de Ouaguenoun, Mohamed Nekkah, a été remis en liberté provisoire le 19 janvier par le tribunal de Tizi Ouzou.

A Bejaïa, quatorze détenus qui avaient repris leur grève de la faim depuis le 30 décembre l'ont arrêtée, sur demande de leurs proches et des coordinations des aârchs.

"El Watan" fait état de "rumeurs plus ou moins persistantes" annonçant la prochaine libération de "tous les détenus des archs"

(Corr 24.1) Dans une déclaration publique, à l'occasion du 47ème anniversaire de la naissance de Kounès Matoub, la Fondation Lounès Matoub estime que depuis la disparition du chanteur, assassiné le 25 juin 1998 à Tala Bounana, en Kabylie, "rien n'a changé, les tueries continuent, la misère est devenu un lieu commun et la Kabylie, comme les autres régions de l'Algérie sont devenues des lieux de non droit" dont les "enfants n'ont plus comme espoir que l'émigration", et où "il ne restera bientôt plus que les oliviers à mettre à genoux". La Fondation Lounès Matoub, qui rappelle que la lumière n'a jamais été faite sur son assassinat, exige le jugement et la condamnation des "véritables assassins de Lounès Matoub", ainsi que des "responsables des massacres du printemps amazigh", la libération des détenus, "justice et vérité pour les martyre de la démocratie de l'Algérie", et enfin "institutionnalisation et officialisation de tamazight".

(Liberté, El Watan, Quotidien d'Oran 23.1 / Corr.) Les porte-paroles des coordinations des aârchs ont à nouveau démenti avoir rencontré des "émissaires du pouvoir", après que la presse ait à nouveau fait état de tractations plus ou moins secrètes entre le gouvernement et les aârchs. Berdous Kaci, de la coordination de Tizi Ouzou (CADC) et Oudjedi Farès, de la coordination de Bejaïa (CICB) ont donc démenti à "Liberté" toute rencontre avec de tels "émissaires du pouvoir", et réitéré les "préalables immuables" à toute négociation : "la libération immédiate et inconditionnelle des détenus" et la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur. Dans la wilaya de Boumerdès, les élus FFS ont, dans une déclaration au terme de deux réunions, apporté leur soutien au "mouvement de dissidence citoyenne pacifique nationale", ont dénoncé la répression et exigé la libération "immédiate et inconditionnelle" des détenus d'opinion.

Les 19 et 20 janvier à El-Kseur, la coordination de la wilaya de Bejaïa (CICB) a "planché" sur l'état et l'avenir du mouvement, et adopté un document contenant les principaux éléments de sa réflexion. La CICB commence par affirmer que "jamais l'Algérie post-indépendante n'a connu un mouvement révolutionnaire d'une aussi grande ampleur" que celui né en Kabylie en 2001 : "mouvement de contestation conturelle, sociale et politique, porté principalement par une jeunesse délaissée et marginalisée par un pouvoir qui cherche à préserver ses intérêts au détriment de la prospérité et de la stabilité de la nation". La CICB affirme que "le mouvement n'est téléguidé ni de l'intérieur, ni de l'extérieur", et qu'il est le "prolongement des luttes pour la démocratie et la citoyenneté". Pour autant, la coordination de Bejaïa reconnait "un certain reflux" du mouvement, notamment depuis les élections municipales du 10 octobre 2002. Elle constate le "dysfonctionnement" des coordinations, et le fait qu'"en dépit du caractère national du mouvement et des revendications qu'il porte, la protesta n'a pu sortir des limites de la région kabyle, sinon du centre". A contre-courant des discours triomphalistes tenus par les "radicaux" des aârchs, la CICB constate que le boycott des élections locales d'octobre n'a abouti qu'à une "victoire relative", puisque la participation a pratiquement doublé à l'échelle de la wilaya, qu'elle a dépassé les 20 % dans onze communes, que seules dix-neuf communes ont totalement boycotté le scrutin et que les assemblées communales ont été installées dans toutes les communes où il y a eu vote (ainsi que l'assemblée de wilaya), malgré la décision de la coordination interwilaya "d'empêcher l'installation des indus élus". Le CICB constate également que l'appel à la "grève des factures d'électricité" est de moins en moins suivi, que la "mise en quarantaine" des élus et des "dialoguistes" n'est pas effective sur le terrain et que les actions de terrain décidées par l'interwilaya ou la coordination de wilaya rassemblent de moins en moins de monde, n'ont parfois pas lieu du tout, et que même les délégués y participent de moins en moins. S'agissant du fonctionnement même de la coordination, "la majorité des communes n'assistent pas aux conclaves", qu'il s'agissent de ceux de la CICB ou de ceux de l'interwilaya. La CICB voit plusieurs raisons à ce reflus : d'abord, l"l'attitude du pouvoir face au mouvement citoyen", attitude qui mèle "répression, propagande et manipulation"; ensuite, l'action des "partis politiques qui se sont compromis avec le pouvoir lors des élections locales du 10 octobre 2002" et qui ont ainsi "cassé le consensus", et que la CICB accuse d'activer actuellement "pour saborder le mouvement" (l'accusation vise directement le FFS, et le PT). La CICB évoque également l'"expectative" dans laquelle est restée l'opinion publique internationale, l'usure du mouvement, la défense de leurs acquis par "toutes les personnes qui ont l'habitude de vivre à l'ombre des acquis mal acquis", l'absence d'échéances politiques, la "non implication effective sur le terrain (des) intellectuels et de (l')élite". Mais la Coordination de Bejaïa ajoute à ces facteurs "exogènes" au mouvement des facteurs "endogènes" : "l'absence de solidarité entre les délégués", le manque d'expérience, "le dysfonctionnement au sein des structures du mouvement citoyen". Pour l'avenir, la CICB estime que le mouvement dispose encore de nombreux atouts : d'abord, "la justesse du combat et la légitimité des revendications" qu'il porte, et "la disponibilité des citoyens"; ensuite, "le soutien des personnalités nationales et internationales" et celui de plusieurs journaux de la "presse imndépendante"; enfin, "la segmentation du pouvoir", même si "ces clans se solidarisent contre le mouvement démocratique", et "la situation internationale", puisque depuis le 11 septembre 2001, "la nébuleuse islamiste est devenue une préoccupation mondiale" ce qui, pour la CICB, "constitue un atout important pour les mouvements démocratiques" (alors que pour nombre d'observateurs, au contraire, cette préoccupation joue en faveur du pouvoir en place, contre tous les mouvements qui le conteste). Quant aux perspectives du mouvement, la CICB rappelle d'abord que son objectif demeure "la satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur", mais insiste pour que la "structure horizontale du mouvement" soit maintenue, et que la mobilisation populaire et les actions dans la rue se poursuivent, mais avec "plus de perspicaxité et de prudence". Enfin, la CICB plaide pour "la concertation et l'ouverture", en direction des ateurs sociaux et politiques, afin de "capitaliser l'élan de solidarité qui s'est exprimé au niveau national et international", de "briser la logique de ghettoïsation du mouvement dans laquelle s'inscrit le pouvoir", d'obtenir la libération des détenus et la satisfaction des revendications de la plate-forme d'El-Kseur, de dépasser le stade de la protestation violente pour commencer à construire l'alternative, et enfin de "diffuser l'information sur le mouvement citoyen et les revendications qu'il porte". La CICB propose donc d'organiser des rencontres bilatérales entre représentants du mouvement citoyen et représentants des partis politiques, des organisations de la société civile et des personnalités nationales; d'organiser des "journées d'actions globales" en faveur de la libération des détenus et de la satisfaction des revendications de la plate-forme d'El-Kseur, et d'organiser enfin une rencontre nationale, "sous forme d'un forum ou d'une conférence nationale, por faire le bilan et explorer avec les différents segments de la société, les voies et moyens pour la satisfaction des revendications contenues dans la plate-forme d'El-Kseur".

Deux jours avant le "conclave" de la CICB, une coordination concurrente, le Comité populaire de la wilaya de Bejaïa (CPWB) publiait une déclaration accusant "des forces occultes" voulant "dévoyer", ou en tous cas "contenir" le mouvement populaire, de "s'e^tre accaparé la direction du mouvement" et d'avoir "abusé de la confiance de la population". La CPWB appelle pour le 31 janvier à une "réunion de travail" pour, notamment, procéder à une "analyse de la situation du mouvement populaire dans sa globalité".

Le 19 juillet, un collectif d'artistes kabyles (chanteurs, hommes de théâtre, plasticiens etc...) ont publié une déclaration, exprimant leur solidarité avec le mouvement citoyen, mais dénonçant les pressions exercées sur les artistes et créateurs au nom de ce mouvement, pour les "aligner" sur ses choix, et les instrumentaliser à son profit : "L'artiste et son public sont pris en otage", constatent les signataires de la déclaration (dont Lounis Aït Menguellet et Djamel Allam), qui considèrent que le mouvement n'a pas à leur imposer le boycott qu'il prône à l'égard de l'"Année de l'Algérie en France". Cette déclaration a notamment reçu le soutien d'artistes d'Akbou. Par contre, à Paris, le chanteur Idir, dans une "lettre ouverte à ceux qui nous gouvernent", affirme le 16 janvier son refus de participer à l'"Année de l'Algérie en France" : "Participer à l'année de quelle Algérie ? Celle de Massinissa ou celle du gendarme qui l'a assassiné ?", se demande Idir, pour qui on ne peut "faire coexister ces deux Algéries", "célébrer l'une sans insulter l'autre".

(L'Expression 27.1 / Corr 23.1) Une délégation de l'"International Crisis Group" (ICG) a rencontré à Bejaïa des représentants des aârchs, auxquels un représentant de l'ICG, High Roberts, aurait déclaré (selon "L'Expression") être "en mission officielle avec l'accord du gouvernement algérien pour (s') informer et analyser la situation avec au bout des propositions constructives aux acteurs politiques". Le représentant de la Coordination intercommunale de Bejaïa (CICB), Ali Gherbi, a réaffirmé le caractère "scellé et non négociable" de la plate-forme d'El Kseur, en précisant que cela n'implique pas un refus du dialogue, mais un "préalable" au dialogue. Sur toute tentative de "bons offices", Ali Gherbi a affirmé que "le problème actuel est algérien" et que les Algériens ont "l'habitude de régler (leurs) différends en famille". Le représentant de l'ICG devrait également rencontrer le FFS et le RCD à Bejaïa, et des représentants du gouvernement à Alger.

La CICB appelle, dans un document de sa commission de réflexion, le mouvement à "opérer un véritable saut qualitatif", notamment par "l'ouverture vers les acteurs sociopolitiques, les personnalités de la société civile et autres segments de la société qui soutiennent le mouvement", selon les termes du délégué de Sidi Aïch, Bezza Benmansour.

(L'Actualité 25.1 / L'Expression, Le Jeune Indépendant 30.1 / Corr.) Le ministre de la Justice Mohamed Charfi, répondant à une question au parlement, a exclu le 23 janvier toute mesure de libération des délégués et militants des aârchs de Kabylie, du moins tant qu'une décision de justice n'a pas été prise dans ce sens. le ministre s'est appuyé sur le principe de l'indépendance de la Justice, dont la réalité est pourtant fortement mis en doute en Algérie par tous les observateurs (et même par le ministre lui-même), pour écarter toute libération avant jugement des détenus de Kabylie.

L'un des animateurs du "Comité populaire de la wilaya de Bejaïa", Sadek Akrour, estime, dans un appel lancé à un militant du Mouvement culturel bernère (MCB), Karim Yefsah, que le mouvement des aârchs est arrivé "à une impasse" : "L'agitation conduit à l'anarchie et l'anarchie a conduit à donner l'occasion aux charognards (...) de faire entrer le mouvement citoyen (...) dans une voie de garage", estime Sadek Akrour. Pour sa part, la commission de réflexion de la Coordination intercommunale de Bejaïa réaffirme dans un document consacré aux "perspectives politiques du mouvement", le caractère "scellé et non négociable" de la plate-forme d'El-Kseur, et ajoute que cette affirmation ne relève pas "d'une obstination infantiliste ou d'un entêtement absurde, comme le clament innocemment certains et vicieusement d'autres", mais exprime une "position politique responsable" face aux "manoeuvres du pouvoir". Dans ces conditions, la commission estime qu'il faut refuser tout "simulacre de dialogue".

Le représentant de l'International Crisis Group qui effectue une visite en Algérie, Hugh Roberts, a rencontré le Maire (FFS) de Bejaïa, Rachid Chabati, pour discuter avec lui de la situation politique. Le Maire de Bejaïa lui a affirmé que le FFS défendait les revendications fondamentales du mouvement citoyen, et demandait la libération de tous les détenus d'opinion, mais qu'il se distancait des méthodes et des "pratiques fascistes" de ceux qui ont pousser le mouvement à "s'éloigner de son cadre et à faire de la violence une pratique politique".

(AP 4.2 / AP 8.2 / L'Expression 9.2 / Le Quotidien d'Oran 10.2) Le "conclave" de l'Interwilayas, qui s'est achevé le 7 février, a décidé d'appeler à une marche nationale le 2 mars pour proptester contre la visite du président français Jacques Chirac en Algérie, et d'intervenir auprès de l'Ambassade de France à Alger, dans le cadre de l'"Année de l'Algérie en France", pour dénoncer le soutien apporté par la France au pouvoir algérien "qui est en train de bafouer et de violer toutes les chartes et traités qu'il avait ratifié", et promettent une "action d'nvergure" pour dénoncer les violations des droits de l'Homme en Kabylie. Les aârchs entendent dire à Jacques Chirac "qu'il n'y a pas que des intérêts économiques en Algérie". Les aârchs, qui inscrivent ces actions dans une démarche d'internationalisation de la crise de Kabylie, entendent également poursuivre le mouvement de revendication pour la libération des militants et délégués, qui sont en prison depuis octobre 2002.

Par ailleurs, selon "Le Quotidien d'Oran", le ministre de l'Intérieur Noureddine Yazid Zerhouni pourrait décider de reporter en juin 2003 les élections locales partielles, qui doivent désigner les municipalités qui n'ont pu l'être en octobre 2002 du fait du boycott et de l'"empêchement" décidé par les aârchs. Ce nouveau report serait justifié par le besoin de ne pas faire coïncider les élections avec l'anniversaire du "printemps berbère".

(Le Matin 17.2 / SATEF 18.2 / L'Expression 19.2 / La Tribune, Le Matin 20.2) Dans un discours prononcé à Tebessa, le 18 février, le président Bouteflika a appelé (mais sans le nommer) le mouvement des aârchs de Kabylie au "dialogue constructif" pour "venir à bout de nos différends". Cet appel intervient alors que l'envoi d'"émissaires" du pouvoir en Kabylie est évoquée avec insistance par diverses sources (et par la presse). Ces invites au dialogue posent le problème des interlocuteurs potentiels du pouvoir, ceux qui seraient les plus légitimes à l'être au nom des aârchs étant en prison, et le problème du contenu d'un éventuel dialogue, les coordinations des aârchs ayant continuellement affirmé le caractère "scellé et non négociable" de la plate-forme d'El-Kseur. L'invitation présidentielle au dialogue s'étant de plus faite en termes ambigus et non explicites, elle n'est pas de nature à provoquer une réponse autre que celle qui a toujours été donnée aux offres de "dialogue" émanant du pouvoir. Les coordinations posent enfin la libération des détenus du mouvement comme un préalable à toute discussion. De son côté la section de Bejaïa du syndicat autonome de l'éducation SATEF appelle le mouvement à "mettre les pouvoirs publics devant leurs responsabilités historiques", et à ne pas abandonner le projet de conférence nationale, à plusieurs reprises proposé au mouvement mais sur lequel celui-ci n'a pas encore réussi à se mettre d'accord.

Plusieurs anciens officiers de l'ALN et anciens combattants de la guerre d'indépendance ont adressé une lettre ouverte au président Bouteflika, "Président de tous les Algériens" quelles qu'aient été les conditions de son élection, pour l'interpeller notamment sur la situation en Kabylie et les risques de remise en cause de "l'unité de la nation, de l'intégrité du territoire et de la souveraineté du peuple".

A Bejaïa, plusieurs détenus du mouvement, emprisonnés depuis octobre 2002, qui avaient entamé une grève de la faim pour exiger leur libération, ont suspendu leur mouvement.

(AP 22.2) La coordination interwilayas des aârchs a rejeté le 22 février, au terme d'un "conclave" tenu l'avant-veille à Tizi Rached (w. Tizi Ouzou) tout dialogue avec les autorités tant que les auteurs des "crimes commis contre les victimes du mouvement de contestation" n'auront pas été "traduits en justice, faute de quoi leur sans sera vengé". L'interwilayas rejette l'indemnisation proposée par les autorités aux parents des victimes, en guise de réparation aux préjudices causés par la répression.

(Liberté, Le Matin 27.2) La Commission de réflexion de la Coordination intercommunale de Bejaïa (CICB) a finalisé le 25 février le document de réflexion qui sera soumis à la coordination interwilayas, et qui propose le tenue d'une "conférence nationale pour la citoyenneté" ouvertes aux forces politiques déémocratiques, à la société civile et aux intellectuels qui soutiennent la plate-forme d'El-Kseur en tant qu'"unique alternative au système totalitaire", et qui soutiennent également, et "effectivement", le "mouvement citoyen". La conférence nationale ainsi proposée aurait à débattre de cinq points dont l'élargissement du mouvement au niveau national, la "capitalisation de l'élan de solidarité" nationale et internationale en faveur du mouvement, ainsi que "le renforcement du consensus pour le rejet des échéances électorales présidentielles et partielles". La Conférence adopterait un "pacte pour la citoyenneté".

La Coordination de Tizi Ouzou (CADC) devait quant à elle adopter le 27 février le texte de la lettre qu'elle veut remettre au président français Jacques Chirac, vie l'Ambassadeur de France, à l'occasion de sa visite en Algérie. La CADC appelle à un rassemblement des délégués des aârchs le 2 mars à Alger, pour dénoncer le "soutien" de la France "au pouvoir algérien mafieux et assassin", et dénoncer également en l'"Année de l'Algérie en France" une manifestation destinée à "soigner l'image terne du Pouvoir de Bouteflika".

(L'Expression 10.3) Les élections locales partielles, essentiellement en Kabylie, devraient avoir lieu le 29 mai, après un mouvement dans le corps des walis (préfets) et des chefs de daïras (sous-préfets), annonce "L'Expression". 62 communes (dont 54 en Kabylie) sont concernées, dans lesquelles les élections d'octobre 2002 n'ont pu avoir lieu du fait du boycott de la population, et surtout de l'empêchement matériel des élections par les aârchs. Ces communes sont actuellement directement gérées par l'administration centrale.

(Le Jeune Indépendant 13.3) Les élections locales partielles seront organisées en juin dans 60 communes, dont 51 en Kabylie, a annoncé le 12 mars le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni, qui a affirmé que cette décision avait été prise en concertazion avec les partis politiques -lesquels ne se sont cependant pas accordés sur une date plus précise.

(Jeune Indépendant 13.3 / La Tribune, L'Actualité 15.3 / Liberté, jeune Indépendant 16.3 / La Tribune, Liberté, L'Expression 17.3) La Coordination des aârchs de Tizi Ouzou (CADC) s'est réunie en "conclave" le 13 mars à Tizi Rached, sans arriver à adopter une position commune sur les perspectives du mouvement, à partir d'un document élaboré par une commission de réflexion, qui recense les diverses propositions, de la régionalisation proposée par la CADC à la conférence nationale proposée par la coordination de Bejaïa, mais combattue par celle de Tizi Ouzou, accusée par des délégués de vouloir "bloquer les travaux"

Une nouvelle organisation d'enfants de martyrs de la lutte de libération nationale, l'"Union nationale libre des fils de chahid" (UNLFC) a annoncé la création d'une commission nationale pour le "règlement" de la crise de Kabylie, l'ouverture de ses structures de wilayas aux représentants du mouvement populaire de Kabylie, et enfin avoir rencontré des délégués des aârchs de Bejaïa, dont Ali Gherbi.

13 manifestants détenus depuis la marche du 12 janvier, à l'occasion du Nouvel An berbère (Yannayer) et condamnés ensuite à des peines d'emprisonnement de deux à six mois, ont été libérés le 16 mars, après que la Cour d'Appel de Bejaïa ait prononcé des remises de peine de deux mois pour tous les détenus.

Le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, a annoncé que la date des élections locales complémentaires sera arrêtée "après consultation avec les partis politiques", ce qui signifie que cette date n'a pas encore été décidée. Le ministre a également annoncé qu'un nouveau Code communal sera finalisé avant la fin de l'année.

Le nouveau Premier secrétaire national du FFS, Djoudi Mammeri, a déclaré que dans la perspective de ces élections, le FFS adoptera "la position la plus judicieuse, celle qui sert les intérêts des citoyens". Djoudi Mammeri a appelé "les jeunes à entretenir la flamme du mouvement citoyen et à poursuivre leur combat pacifiquement jusqu'à l'aboutissement de leurs revendications".

(L'Expression 20.3) Un mot d'ordre de marche populaire et de grève générale lancé par les coordinations des aârchs de Bejaïa, pour le 19 mars, a été peu respecté par la population. Seuls quelques centaines de marcheurs semblent s'être manifestée, et la grève générale a été peu suivie, sauf à Amizour, Seddouk, Sameoun et Sidi Aïch. Quelques heurts ont opposé des manifestants à la police à Oued Ghir.

(La Tribune 26.3) Les délégués de la Coordination des aârchs de Tizi Ouzou (CADC), réunis le 14 mars dans la perspective de la réunion le 28 de la Coordination interwilayas, ne semblent pas avoir réussi à se mettre d'accord sur un document exprimant une conception commune des perspectives du mouvement. Parmi les sujets de divergences, "La Tribune" évoque la régionalisation (projet qui ne fait pas partie des revendications de la plate-forme d'El-Kseur, toujours considérée par les aârchs comme "scellée et non négociable" -autrement dit : non modifiable, ni pas ajout ni par retranchement d'une revendication.

"La Tribune" signale en outre qu'un "retour" du FFS au sein du mouvement serait en "phase de préparation", après le changement de direction nationale du parti.

(L'Expression, Liberté, L'Actualité 30.3) Un communiqué de la présidence de la République est annoncé comme imminent, portant sur l'invitation du mouvement citoyen de Kabylie à la mise en oeuvre, conjointement avec les autorités, de la plate-forme d'El-Kseur. Plusieurs porte-paroles des aârchs ont exprimé leur intérêt pour cette invitation, et pour la visite, également annoncée pour les prochains jours en Kabylie, du Premier ministre Ali Benflis. Le porte-parole de la Coordination d'El-Kseur, Ali Gherbi, a exprimé le souhait d'un "dénouement rapide de (la) crise", et a assuré qu'il n'était plus question "de laisser les choses aller au pourrissement", mais attend un communiqué exprimant "une reconnaissance officielle de la légitimité des revendications" du mouvement. Ali Gherbi appelle également les autorités à procéder à "la libération de tous les détenus", à lever les procédures judiciaires et à annuler les jugements prononcés. Le président de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCPPDH, officielle), Farouk Ksentini, a soutenu le 29 mars cette revendication, dans une conférence commune avec le président de la Commission d'enquête sur les "événements" de Kabylie, Mohand Issaad, qui a pour sa part dénoncé les pratiques "des gens qui ne veulent pas le règlement de la crise en Kabylie, qui sabotent les initiatives et qui ne veulent pas d'un Etat de droit". Mohand Issaad constate qu'"à chaque fois qu'on parle de médiation en Kabylie, et qu'on prend contact avec les délégués des archs", ceux-ci sont mis en prison. Il se déclare disponible pour "engager une nouvelle action de médiation en Kabylie, à condition que les autorités libèrent les détenus du mouvement citoyen.

(SATEF 3.4) La "Coordination inter-wilayate des sections régionales" du SATEF (Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation" constate, dans une déclaration, "l'état de précarité qui caractérise (...) la situation des secteurs de l'éducation et de la formation (...) et l'agitation permanente à laquelle ces secteurs restent exposés. "Considérant que les luttes syndicales ne peuvent être séparées des luttes sociales et citoyennes", le SATEF "exhorte le Mouvement citoyen à continuer d'oeuvrer résolument dans la double perspective d'optimiser la dynamique sociale en cours dans un esprit de cohérence, de pertinence et de solidarité, et de satisfaire en usant de toutes les voies légitimement démocratiques adéquates et pacifiques les revendications" que les populations le chargent de porter.

(Le Matin 10.4) La Coordination intercommunale des citoyens de la wilaya de Bejaïa (CICB) a tenu un meeting le 8 avril à Denaïa, pour exprimer son refus du "dialogue" proposé par le gouvernement : "si le pouvoir veut réellement dialogier, il n'a qu'à satisfaire la plate-forme d'El Kseur, scellée et non négociable", a proclamé un délégué d'Akbou.

(La Tribune 12.4 / Liberté, L'Actualité 13.4) La "visite d'inspection" du ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni dans la wilaya de Bejaïa, le 10 avril, après les intempéries qui ont frappé la région la semaine précédente, a suscité une réaction de dénonciation des aârchs réunis en "conclave" de la Coordination intercommunale de Bejaïa (CICB), réunis le même jour. La CICB dénonce le caractère "politique" de la visite "en catimini" du ministre, et réitère son opposision à toute élection partielle en Kabylie tant que la plate-formed d'El-Kseur n'aura pas été satisfaite, que les détenus du mouvement n'auront pas été libérée et que les "assassins des 123 martyrs" de Kabylie n'auront pas été jugés. La visite de Zerhouni a en outre été boycottée par les élus locaux du Front des Forces Socialistes.

La coordination de Bajaïa annonce plusieurs manifestations dans les jours à venir, dont une grève générale et une marche populaire à Bejaïa le 20 avril, ainsi qu'un rassemblement et un débrayage à Amizour le 22, pour commémorer le "printemps berbère".

A Tizi Ouzou, la coordination des aârchs (CADC) a dénoncé les tentatives de dialogue initiées par "le pouvoir et ses auxiliaires". De leur côté, les "dialoguistes" réunis autour d'Arab Aïssa ont appelé, dans une déclaration publiée par "La Tribune", le président Bouteflika à libérer les détenus du mouvement citoyen et à annoncer le "processus de mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur". Les "dialoguistes" demandent également "l'installation d'un comité représentatif du mouvement citoyen", et appellent celui-ci à "l'abolition de la surenchère et du radicalisme étriqué pour permettre le retour définitif au calme et à la stabilité dans la région".

(L'Actualité 16.4 / L'Expression, La Tribune 17.4) La commémoration du "Printemps Berbère", autour du 20 avril, va correspondre à celle du "Printemps Noir" de Kabylie, deux ans après le début des émeutes et de leur sanglante répression. Toutes les composantes du mouvement citoyen, du mouvement culturel berbère et de l'opposition politique implantée en kabylie, vont participer à cette double commémoration. Une fresque à la mémoire de Lounès Matoub devait être inaugurée le 17 avril sur les lieux de l'assassinat du chanteur, en 1998, à Tala Bounane. Le lendemain, c'est sur la tombe de la première victime du "Printemps Noir", Massinissa Guermah, qu'un recueillement est prévu, à l'initiative des aârchs. Pour sa part, le Front des Forces Socialiste a prévu des actions (dont de nombreuses conférences) dans les wilayas de Bejaïa, Bouira, Boumerdès et Tizi Ouzou.

Le 15 avril, un meeting des aârchs à Sidi Aïch a été empêché par la police, qui a investé les lieux et saisi le matériel de sonorisation.

Sur l'issue de la crise kabyle, les "fronts" politiques paraissent toujours les mêmes, si l'on en juge par les déclarations des uns et des autres. La Coordination des aârchs de Bejaïa (CICB) a ainsi réitéré sa position "tranchée quant au rejet automatique de toute consultation électorale, y compris les présidentielle, avant la satisfaction des revendications de la plate-forme d'El-Kseur". Cette position vaut donc pour les élections locales partielles destinées à pourvoir les 22 municipalités dans lesquelles le scrutin avait été empêché par les aârchs à l'automne 2002. Le CICB a également condamné les initiatives de "dialogue" prise à l'adresse du pouvoir par le Comité populaire de Bejaïa et des membres des coordinations locales des aârchs de Bouira et d'Ath Ouacif (w. Tizi Ouzou), et a qualifié le dialogue en question de "manipulation révolue. actionnée par des relais rentiers bien identifiés". L'un des porte-parole de la CICB, Ali Gherbi, a par ailleurs estimé que le départ du ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, était une condition de la sortie du "pourrissement" : "aucune entente ne pourra se faire tant que cet homme sévira à la tête d'un ministère de souveraineté".

(La Tribune 17.4 / Le Monde, AP, ATS, AFP, Liberté 20.4 / L'Expression 20.4) Un porte parole de la coordination intercommunale de Bejaïa (CICB) a réitéré le 16 avril la "position tranchée" de la coordination "quant au rejet automatique de toute consultation électorale, y compris les présidentielles", tant que les revendications de la plate-forme d'El-Kseur n'auront pas été satisfaites. De son côté, le Comité populaire de la wilaya de Bejaïa (CPWB), réputé "dialoguiste" (mais repoussant cette accusation en précisant n'avoir "ni le mandat, ni le rapport de force nécessaires" pour dialoguer), appelle à l'"unité" au sein du mouvement populaire, notamment pour obtenir la libération des détenus.

Le 23ème anniversaire du Printemps Berbère de 1980, qui coïncide avec le deuxième anniversaire du "Printemps Noir" de Kabylie de 2001, a été célébré dans toute la Kabylie -mais également à Alger et à Paris- par des rassemblements et des manifestations. Un millier de personnes se sont recueillis le 18 avril sur la tombe de Massinissa Guermah, le jeune lycéen assassiné le 18 avril 2001 par un gendarmes, ce qui fut l'événement déclencheur du "Printemps Noir" -et la première de ses plus de 100 victimes. Le 20 avril, une grève générale a été largement suivie en Kabylie. A Tizi Ouzou, tous les commerces et toutes les administrations étaient fermés (à l'exception des hôpitaux et des pharmacies), et plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté à travers la ville, à l'appel des aârchs. A Bejaïa également, une marche (qui a rassemblé moins de monde) a été organisée, jusque devant la prison où sont toujours détenus des délégués et des militants du mouvement citoyen. Des marches ont également été organisées dans les wilayas de Bouira et Boumerdès. A Akbou, une manifestation a été marquées par quelques troubles et déprédations, et des affrontements entre la police et des groupes de jeunes manifestants. A Alger, plusieurs centaines d'étudiants ont manifesté à l'intérieur de l'enceinte de la Faculté centrale, pour une "Algérie libre et démocratique", contre le "pouvoir assassin" et pour la reconnaissance de tamazight. A Paris, plusieurs milliers de personnes ont manifesté le 20 avril à l'appel des associations berbères, pour exiger (notamment) la libération des détenus du mouvement citoyen, et commémorer le double anniversaire du "printemps berbère" et du "printemps noir".


Djoudi Mammeri Dans un entretien accordé à l'"Expression", le Premier secrétaire du Front des Forces socialistes, Djoudi Mammeri, explicite la position du parti sur la crise kabyle : "nous n'attendons plus rien (du) pouvoir", déclare Mammeri, pour qui seuls "la pression de la société civile, des associations et de toutes les forces sociales" autonomes peut obliger le régime à "céder et à entreprendre des actions à même d'accélérer le processus de sortie de crise". Pour le Premier secrétaire du FFS, "certains tirent des dividendes" de la crise en Kabylie, "parce qu'ils ont "besoin d'un abcès de fixation et d'un certain niveau de violence afin de maintenir en vigueur l'Etat d'urgence". Quant aux aârchs, il s'agit d'une structure que "le pouvoir a fait greffer sur le mouvement" citoyen pour le "chapeauter et le détourner de sa voie naturelle qui consiste à exercer des pressions sur lui pour imposer une alternative démocratique". Et deux ans après son apparition, le mouvement est "pris en otage par une structure composée de dirigeants autoproclamés" et "tous les espoirs, nés des grandes manifestations, sont en train d'être enterrés" par deux parties (le pouvoir et les aârchs) qui "ne conçoivent la pratique politique que par l'élimination de l'autre". Quant au FFS lui-même, il entend passer "de l'étape de démonstration de force à une politique de travail de proximité et de sensibilisation des citoyens, en vue de construire, sur le long terme, une alternative démocratique", par une "dissidence pacifique" élargissant à l'échelle nationale "la participation active de la population à la prise en charge des problèmes quotidiens". Djoudi Mammeri réitère les propositions contenues dans le "mérandum" adressé par le FFS aux "décideurs" algériens : levée de l'état d'urgence, ouverture d'un dialogue avec "toutes les forces représentatives de la société", avec comme préalable un engagement de ces forces sur une charte politique contenant "le respect des libertés individuelles et collectives, la non-utilisation de la religion à des fins politiques, le non-recours à la violence pour accéder au pouvpoir et le respect des minorités". Le FFS demande également l'élection d'une Assemblée constituante et la libération de tous les détenus d'opinion.

(La Tribune 21.4 / L'Actualité 22.4 / El Watan, Le Jeune Indépendant 24.4) Dans un entretien à "La Tribune", l'un des rédacteurs de la plate-forme d'El Kseur, Arezki Yahoui, estime que "le refus de dialogue par principe est incompatible avec un combat comme" celui du mouvement, et que "le dialogue est l'une des vertus cardinales de la démocratie" pour laquelle le mouvement se bat. Encore faut-il que ce dialogue se fasse sur des bases claires : "en ce qui concerne la parodie de dialogue organisée par le chef du gouvernement, il est clair que son intérêt n'est pas d'avoir en face de lui ces redoutables représentants du mouvement citoyen, mais une assemblée aux ordres dans laquelle, malheureusement, plusieurs vrais délégués ont été entraînés sans se rendre compte de piège tendu". S'agissant des élections locales, Arezki Yahoui estime que si "le boycott des élections est incontestablement un moyen pacifique de lutte pour faire avancer notre cause", il n'en va pas de même de l'empêchement physique de la tenue des élections, et moins encore de la destruction des urnes, atteinte "irréparable aux yeux de l'opinion" à un "symbole de la démocratie par excellence". "De bavure en bavure, de dysfonctionnement en dysfonctionnement, le mouvement s'est installé dans la dérive suicidaire", ce que "cherchaient les amateurs du bâton et du diktat", constate Yahoui, qui décrit ainsi "la triste réalité" de la crise kabyle aujourd'hui : "d'un côté, le sort du mouvement citoyen réduit à des luttes intestines et quelques braves irréductibles qui font de la résistance. Des détenus qui croupisses dans les prisons et les victimes livrées à leur sort. De l'autre côté, une faune de récupérateurs professionnels s'est mise à l'ouvrage pour organiser un pathétique citque s'agitation politicienne en attendant la disttibution des dividendes".

Le 22 avril, le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni a affirmé que "les portes du dialogues" sont toujours ouvertes, et que "seule une minorité extrémiste refuse le dialogue". Du côté des coordinations des aârchs, on n'entre toujours pas en matière sur les tentatives de "dialogue" prêtées au gouvernement, et on s'en tient à la revendication de la "satisfaction pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur, scellée et non négociable" -ou à tout le moins à un engagement public, officiel et formel du président de la République en ce sens.A cette condition préalable s'en ajoute une autre : celle de la libération "immédiate et inconditionnelle de tous les détenus du mouvement". Lee 22 avril, la coordination interwilayas a affirmé sa détermination "à poursuivre le combat jusqu'à son aboutissement".

(Liberté, L'Expression, Le Jeune Indépendant 27.4 / La Tribune 28.4) Le double anniversaire des "deux printemps" (le Printemps Berbère" de 1980 et le "Printemps Noir" de 2001) a été l'occasion pour toute une série de composantes du mouvement citoyen en kabylie (des aârchs aux partis politiques implantés dans la région, le FFS et le RCD, en passant par le Mouvement culturel berbère) d'organiser diverses manifestations commémoratives, qui ont été pour ces organisations l'occasion de présenter leurs lignes et leurs propositions. Le FFS a ainsi organisé à Cjhorfa, Aït Laziz et El Adjiba (w. Bouira) des expositions sur les "événements" de 1980 et de 2001, suivies de conférences.

Au sein des coordinations des aârchs, le débat continue d'opposer partisans, plus ou moins avoués, d'un "dialogue" avec le gouvernement, et tenants d'une ligne "dure" refusant tout dialogue tant que satisfaction "pleine et entière" n'aira pas été donnée aux revendications de la plate-forme d'El-Kseur, réputée "scellée et non négociable". La Coordination des aârchs de la wilaya de Bouira (CCCWB) a exclu de ses rangs un délégué "dialoguiste", celui de Bechloul, et selon "La Tribune", un climat de "chasses aux sorcières" (les "sorcières" étant les militants de partis politiques) menace au sein de la coordination.

Les perspectives du mouvement divisent également ses rangs : la Coordination intercommunale de Bejaïa (CICB) doit se réunir en "conclave" le 1er mai à Souk El Tenine pour en débattre. Selon des sources de la CICB, cette réunion devrait permettre de "crever des abcès" au sein du mouvement. Le projet de "conférence nationale du mouvement citoyen", notamment, divise les militants et les délégués, certains craignant d'en voir sortir un nouveau parti politique, ou de voir s'affirmer la prétention des aârchs de se substituer aux partis politiques existant (notamment au FFS et au RCD). De son côté, un porte-parole du "Comité populaire de la wilaya de Bejaïa" (qui ne fait pas partie de la CICB), Sadek Akrour, a défendu le principe de l'acceptation de "la négociation comme moyen de lutte", ne serait-ce que pour "démasquer le pouvoir". La Coordination intercommunale de Bejaïa (CIC) a par contre dénoncé les relais "qui servent d'alibis lors du faux dialogue et des élections" de 2002.

Au sein du Mouvement culturel berbère (MCB), déjà divisé en plusieurs tendances (au moins trois) plus ou moins liées aux clivages partisans (notamment entre FFS et RCD), les divergences se sont également exprimées par la tenue de manifestations concurrentes, ou en tous cas séparées, le MCB de M. Lounaouci s'en prenant au MCB d'Ould Ali Et Hadi, l'accusant de "parasiter les champs culturels et politiques" et d'être manipulé par le pouvoir central.

(Liberté 28.4 / L'Expression, El Watan 30.4) Alors que les coordinations des aârchs ne cessent de tenir des "conclaves" pour débattre de la suite à donner au mouvement populaire en Kabylie, et notamment de la proposition de tenir une "conférence nationale", proposée par la coordnation de Bejaïa (mais refusée par celle de Tizi Ouzou), les partis et organisations politiques reprennent progressivement le terrain perdu depuis deux ans.

Le Conseil fédéral du FFS de la wilaya de Tizi Ouzou devait se réunir le 1er mai, pour lancer la campagne de "redéploiement" du parti dans la région. Le Premier secrétaire fédéral de Tizi ouzou, Mourad Kacer, explique que depuis les élections locales de 2002, le parti s'est attelé à "un travail de fond (et a) totalement délaissé les aspects folkloriques" de la politique, ce qui a donné "l'impression aux observateurs que le FFS (était) comme absent de la scène politique locale". Il s'agirait donc maintenant de "capitaliser (la) dynamique née de la dernière consultation électorale", afin de ne pas "décevoir l'attente des ctoyens". S'agissant des élections locales partielles, Mourad Kacer déclare que "ce n'est pas une priorité dans la vie du parti", et que la question sera abordée "en son temps".

Le président du RCD, Saïd Sadi, a de son côté appelé le Mouvement culturel berbère (MCB) à redevenir un mouvement "canalisateur", et le mouvement citoyen à ne plus être "parasité" par des arrière-pensées politiciennes.

Pour le porte-parole du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), Ferhat Mehenni, la Kabylie est "politiquement autonome de fait" depuis avril 2001, et il convient donc d'en tenir compte en adaptant les textes constitutionnels à la réalité. Ferhat Mehenni affirme que le projet autonomiste est la seule alternative pour une solution globale à la cris de Kabylie.

(L'Actualité 4.5 / La Tribune 5.5) La Coordination intercommunale des aârchs de Bejaïa (CICB) a réitéré le 4 mai son opposition à "toute consultation électorale avant la consécration officielle et publique des revendications du mouvement".

A Tizi Ouzou, un procès opposant les responsables régionaux du RCD, Ahmed Aggoune, et du FFS, Mourad Kacer, a été renvoyé à la demande de la défense de Mourad Kacer, accusé de diffamation par Ahmed Aggoune. Mourad Kacer, Premier secrétaire fédéral du FFS, avait accusé Ahmed Aggoune, président du bureau régional du RCD, de malversations à l'époque où il était Maire d'Aghribs.

Le président de l'Assemblée populaire de la wilaya (Conseil Général) de Tizi Ouzou, Rabah Aïssat, estime dans un entretien accordé à "L'Actualité" qu'il faudrait 8 milliards de dinars (environ 140 mios d'Euros, 200 mios FS) pour relancer l'économie de la wilaya, après deux ans de troubles. Des programmes de développement économique ont effectivement été adoptés, mais ils sont encore bloqués pour les 30 communes qui n'ont pas pu désigner leurs autorités locales en octobre 2002, du fait de l'empêchement du scrutin par les aârchs. Pour 37 autres communes, des programmes pour un total de 800 mios de DA (environ 14 mios E, 20 mios FS) ont été adoptés. Rabah Aïssat note un besoin urgent de logements (la wilaya de Tizi n'en réalise qu'un millier par an, largement en deçà des besoins).

(Algeria-Interface 8.5 / L'Expression 11.5) Le président de la Commission d'enquête sur les "événements" de Kabylie, Mohand Issaâd, a implicitement admis dans un entretien à Algeria-Interface que deux de ses collaborateurs dans son travail d'enquête lui avaient été "envoyés" par les services de renseignements, alors que ceux-ci (en l'ocurrence, le DRS, ex-Sécurité Militaire) n'ont pas répondu aux demandes faites par la commission pour obtenir des informations, contrairement à la gendarmerie, à la sûreté nationale et aux "autres institutions sollicitées" (ministères de l'Intérieur, de la Justice, de la Défense, wilayas de Tizi Ouzou et de Bejaïa), qui "n'ont pas censuré (ou) n'ont pas eu le temps de le faire".

Mohand Issaâd revient sur les conditions dans lesquelles le Premier ministre Ali Benflis lui a demandé de présider une commission d'enquête indépendante sur le "Printemps Noir" de Kabylie : "ce n'était pas un cadeau, les gens doutaient de moi, moi aussi je doutais", mais Benflis réussit à le convaincre d'accepter en lui assurant : "tu fais ce que tu veux, tu composes ta commission comme tu veux, tu entends les personnes que tu veux, tu te déplaces comme tu veux et on met les moyens à ta disposition". Issaâd explique avoir délibérément proposé à ceux qui doutaient de sa commission d'y participer, à commencer par les directeurs de journaux qui dénonçaient par avance une entreprise de camouflage de la réalité des événements. Les directeurs de journaux ont refusé, mais le président de la commission se dit aujourd'hui "content de les avoir sollicités" et "content qu'ils aient refusé. Ils m'auraient empoisonné l'existence".

Sur les causes de l'explosion kabyle, Mohand Issaâd se dit convaincu qu'il n'y a pas eu de machination de la part du pouvoir, mais un enchaînement d'erreurs, d'incompétences, d'irresponsabilité, d'abus de pouvoir, d'irrespect des instructions données (par exemple celles interdisant l'usage d'armes à feu contre des manifestants, ou le retrait des munitions de guerre aux forces de sécurité afissant en opération de maintien de l'ordre, instructions antérieures au déclenchement du "printemps noir"), le tout conduisant, mais sans le préméditer, à plonger la Kabylie dans le chaos : "Nous n'avons pas décelé de complot. Je suis persuadé que les événements ont été récupérés après, en cours". Personne, par exemple, n'a jamais donné l'ordre d'arrêter de tirer sur les manifestants (mais personne n'avait non plus donné, sauf verbalement et dans le "feu de l'action", l'ordre de tirer).

(L'Expression 14.5 / L'Authentique 15.5) "Nous ne regrettons pas notre participation aux élections locales", déclare le Premier secrétaire du FFS, Djoudi Mammeri, dans un entretien accordé à l'"Authentique". Le FFS n'exclut pas de prendre part aux élections locales complémentaires, pour peu que les conditions politiques et de sécurité soient réunies pour que ces élections aient un sens : "Le parti se prépare, et le jour où la date de cette élection sera fixée, les instances habilitées vont se réunir et prendre, à l'issue d'une analyse approfondie, la décision qui conviendra le mieux (...) pour garantir l'unité nationale, parce qu'elle est menacée de dislocation, et aussi pour préserver ce qui reste du patrimoine public", déclare Djoudi Mammeri, qui nie tout "deal avec le pouvoir". La participation aux élections locales de 2002 se justifiait pour "sauver l'unité nationale, élargir la dissidence citoyenne au reste du pays et éviter la tchétchénisation de la Kabylie. (...) Nous ne regrettons pas notre participation (mais nous devons) faire preuve de vigilance et de prudence, et attendre pour pouvoir décider quant à notre participation ou non aux élections partielles", ajoute le Secrétaire national du FFS. Le parti avait conditionné sa participation aux électiions d'octobre 2002 à la satisfaction de conditions, et Djoudi Mammeri constate qu'"elles n'ont pas été toutes remplies", et qu'en outre "des agents de l'Etat ont organisé la fraude et ont participé à l'empêchement d'un déroulement sans accrocs du scrutin". Or "garantir la sécurité (est) une condition non négociable", et c'est à l'Etat, et non aux partis politiques, "d'assurer la sécurité des électeurs".

Sur l'évolution de la situation, le Premier secrétaire du FFS estime que "la dissidence citoyenne est vraiment en voie d'expansion", et que la participation du FFS aux élections locales y a contribué. Il rappelle qu'il était "tout à fait naturel" pour le FFS de "rejoindre le mouvement citoyen" en kabylie, mais estime qu'il était également indisèpensable d'en dénoncer les dérives, dès lors que "ce mouvement s'engageait dans une voie qui n'était pas (celle soutenue par le parti, mais) celle de la radicalisation, de création de chefs autoproclamés, celle des revendications dangereuses pour l'unité du pays". Par ailleurs, en tant que parti "qui a son histoire" et qui a élaboré ses propres propositions de sortie de crise, le FFS ne peut être tenu d'"accepter à 100 %" les revendications de la plate-forme d'El-Kseur. Djoudi Mammeri rappelle les mesures que le FFS considère comme des cnditions préalables au règlement de la crise en Kabylie : libération des détenus, plan de développement social, ouverture du dialogue. Il rappelle aussi que, pour le FFS, "la crise en Kabylie n'est qu'un abcès de fixation, car la crise est nationale. C'est une crise politique, une crise de légitimité".

Sur l'élection présidentielle, le Secrétaire général du FFS se contente de lâcher que pour son parti "cette élection n'est pas à l'ordre du jour", et se demande s'il est "vraiment décent que des ministres consacrent autant d'énergie à cette guerre de positionnement", quand on voit "dans quelle déliquescence se trouvent les structures de l'Etat" ? Pour le pouvoir algérien, "la politique se réduit aux manoeuvres d'accès au pouvoir", constate Djoudi Mammeri, qui affirme que le FFS s'inscrit "dans l'opposition radicale" au régime, et dans la "démarche d'une solution avec les forces sociales", contrairement à d'autres partis qui, comme le RCD, "croient au changement à partir de l'intérieur du système".

A Tizi Ouzou, le Maire et deux élus FFS ont été exclus du parti, pour s'être "lancé dans une gestion personnelle autoritaire et occulte en contradiction avec les règles de la bonne gouvernance locale", et avoir "de ce fait rompu le contrat qui le liait au parti". Pour porte-parole national du FFS, Karim Tabou, il s'agit de "faire barrage aux prédateurs et à la mafia" avec qui le Maire de Tizi Ouzou a passé une alliance "tactique", en succombant "à l'attrait de la mangeoire".

(L'Expression, L'Authentique 17.5 / El Watan, Le Matin 18.5 / Liberté, El Watan 19.5) Les divergences au sein des aârchs et de leurs coordinations régionales ont marqué les deux "conclaves" tenus à la mi-mai par les coordinations de Bejaïa et de Tizi Ouzou. Les deux coordinations ont réitéré le caractère "scellé et non génociable" de la plate-forme d'El Kseur, mais se sont l'une et l'autre divisées sur les actions à mener.

La coordination intercommunale de Bejaïa (CICB), réunie à Aït R'zine est "au bord de l'éclatement", écrit "L'Expression", au terme de plusieurs heures de débats qui ont été marqués par l'opposition entre une majorité des délégués, partisans de la tenue d'une conférence nationale du mouvement, et une minorité, membres ou proches du RCD, qui s'y opposent. Le seul thème qui fait l'unité au sein de la CICB reste donc la dénonciation du pouvoir, qui selon la déclaration finale du "conclave", entretient "vainement l'illusion d'une normalisation de la région par la répression et la manipulation". La coordination de Tizi ouzou (CADC), réunie à Maâtkas, n'a quant à elle pas pu réellement trancher entre les partisans de la continuation des actions de rue et ceux de l'action politique. Les deux tendances n'ont trouvé d'unanimité que pour réitérer les revendications essentielles du mouvement, dont au premier chef la libération des détenus. La CADC appelle à des actions de rues pour obtenir cette libération, et à une grève générale le 27 mai, avec des rassemblements devant les 37 municipalités désignées lors du scrutin local d'octobre 2002.

A Beni Douala (w. Tizi ouzou), de violents affrontements ont opposé les 17 et 18 mai de jeunes manifestants qui avaient attaqué la municipalité, et les forces de police.

A Tizi Ouzou s'est ouvert un procès en diffamation intenté par le président du bureau régional du RCD, M. Aggoune, ancien Maire d'Aghribs, au Secrétaire fédéral du FFS, Mourad Kacer. Le Procureur a requis le 18 mai une peine de deux mois de prison avec sursis, et 2000 dinars d'amende, à l'encontre de Mourad Kacer, qui avait accusé lors d'une conférence de presse en janvier 2003 l'ancien maire RCD d'Aghribs d'avoir "dilapidé les deniers publics en billetterie d'avion et redevances téléphoniques". Le verdict du procès, qui a été repproé plusieurs fois, a été mis en délibéré pour le 8 juin. D'ici là, un rapport d'audit commandé par le FFS pourrait, selon Mourad Kacer, lever le voile sur la gestion de certaines municipalités RCD.

(L'Expression, L'Actualité 21.5 / La Tribune 22.5) le projet d'organisation d'une "conférence citoyenne nationale", dont la coordination intercommunale des aârchs et comités locaux de Bejaïa (CICB) discute depuis des mois, divise toujours profondément les délégués locaux. Le délégué d'El Kseur, Ali Gherbia accusé les opposants à la tenue de cette conférence de ne représenter "que leur propre personne", alors que le délégué de Souk El Thenine, Mohamed Ikhlef, estime que tel qu'il est proposé, le projet de conférence est "conçu pour ne pas se concrétiser".

A Tizi Ouzou, le président de l'Assemblée populaire communale (c'est-à-dire le Maire), M. Cherrak, récemment exclu du FFS, a attribué son exclusion à une "gestion inappropriée par les instances du parti" face aux "agissements en coulisses d'une partie des élus". Affirmant être membre du FFS depuis la fondation du parti, en 1963 (et dans la clandestinité), et considérant la décision de le radier comme contraire aux statuts du parti, puisque hors du cadre de la commission de discipline, le Maire de Tizi Ouzou a assuré avoir toujours "privilégié l'intérêt de la commune et de ses citoyens" sur celui du parti, et bénéficier du "soutien des citoyens". Il a en outre accusé ses "détracteurs" d'avoir tenté de le "corrompre", y compris en lui proposant "une importante somme d'argent en liquide", afin qu'il abandonne son contrôle "sur certains services de l'APC, le foncier notamment". M. Cherrak n'a cependant pas donné les noms de ceux qu'il accuse. Pour les élus FFS, en revanche, l'exécutif municipal refuse "d'admettre et d'adhérer aux idéaux démocratiques qui fondent (l') action (du parti)", et le Maire "se livre à un véritable travail de police politique en faisant appel (à des hommes) qui ont fui les urnes et à certains représentants autoproclamés de la société civile". Les élus FFS dénoncent des "pratiques staliniennes" et une "option clanique", en réponse à quoi le Maire (qui a reçu le soutien du FLN local) dénonce "une volonté de soumettre aux ordres, voire de domestiquer" la municipalité élue.

(L'Expression 4.6 / Liberté, La Tribune, L'expression, Le Matin 5.6) Les deux "têtes" de l'exécutif algérien, le président Bouteflika et le Premier ministre Ouyahia, ont presque simultanément exprimé leur volonté de trouver une solution politique à la crise de Kabylie. Le Premier ministre a lancé, depuis la tribune de l'Assemblée nationale, et en kabyle, un appel à un "dialogue authentique avec les véritables représentants des aârchs", et le président a affirmé sa volonté et sa capacité de "régler la crise de Kabylie". Le Premier ministre Ouyahia a en outre donné acte aux aârchs de s'être prononcés contre l'autonomie de la Kabylie, et pour l'unité nationale, et exprimé sa crainte que le "volcan" kabyle ne provoque des éruptions ailleurs.

Parallèlement, il semble que des instructions aient été données par le ministre de la Justice pour accélérer le traitement des dossiers des représentants et des militants du mouvement kabyle encore détenus.

Cette relance du (ou d'un) dialogue par le pouvoir se fait alors que les coordinations des aârchs sont à la recherche d'une stratégie qui puisse refaire l'unité du mouvement, et leur propre unité. Les premières réactions des coordinations kabyles au discours d'Ahmed Ouyahia ont été semble-t-il moins négatives que d'habitude, et plusieurs délégués ont, selon "La Tribune", "fait montre d'une certaine disponibilité à prendre langue" avec le chef du gouvernement, pourvu que certaines conditions soient satisfaites (arrêt des poursuites judiciaires, libération des détenus, notamment). Le Comité populaire de la wilaya de Bejaïa (CIWB), qui ne fait pas partie de la coordination interwilayas, a appelé à l'ouverture de "véritables et sérieuses négociations qui doivent rassembler toutes les parties concernées à l'échelle nationale, dans une totale transparence, pouvant déboucher sur des décisions en faveur des larges couches populaires opprimées". Du côté des coordinations "officielles", celle de Bejaïa (la CICB) prépare un "conclave extraordinaire" avec à l'ordre du jour les offres de dialogue du pouvoir. L'un des porte-paroles de l'interwilayas, Ali Gherbi, n'en a pas moins affirmé que la position des aârchs restait "inflexible" et qu'il n'y aura pas de dialogue tant que les détenus ne seront pas libérés, que les poursuites judiciaires ne seront pas arrêtées et que le dialogue ne portera pas sur la "mise en oeuvre pleine et entière de la plate-forme d'El-Kseur". Cela étant, si les "ouvertures" esquissées par Ouyahia et Bouteflika restent évidemment insuffisantes pour l'ensemble du mouvement en Kabylie, Ali Gherbi n'en a pas moins trouvé "beaucoup de points positifs" dans le discours d'Ouyahia, et salue le fait que l'invitation au dialogue est adressée directements à l'interwilayas, et non à de faux délégués (les "délégués Taïwan"). De nombreux observateurs doutent cependant de la capacité du mouvement d'adopter une position commune, vu son mode de fonctionnement, fondé sur le consensus. Enfin, le Front des Forces Socialistes a estimé, par la voix de son Premier secrétaire Djoudi Mammeri, que ce n'était pas par une négociation entre "ceux qui se cachent derrière les rideaux" et les aârchs que l'on pouvait "dégager une solution à une crise politique, de légitimité", mais par l'ouverture d'un processus de changement démocratique à l'échelle nationale.

(AFP 7.6 / L'Expression, L'Actualité 8.6) L'"appel au dialogue" adressé aux aârchs par le Premier ministre Ouyahia semble avoir été reçu assez favorablement par une partie au moins des coordinations de Kabylie, tout en faisant l'objet d'âpres débats en leur sein. Le 6 août, la coordination de la wilaya de Tizi Ouzou (CADC) constate le "déphasage" entre la dernière offre de dialogue gouvernementale et les précédentes, "empreintes d'ambiguïté et de langue de bois", mais également avec la "réalité amère du terrain qui se caractérise par l'emprisonnement de (nos) camarades (...) le harcèlement judiciaire et la répression". La CADC estime que "la volonté politique réelle de satisfaire pleinement et entièrement les revendication citoyennes contenues dans la plate-forme d'El Kseur n'est (pas) perceptible" dans l'offre gouvernementale, mais affirme que le mouvement n'a "jamais cultivé de tabou par rapport au dialogue" (ce qui est oublier un peu vite que pendant des mois, le mouvement a fait de la "plate-forme d'El-Kseur, scellée et négociable" et de sa "satisfaction pleine et entière" un "tabou" au sens littéral du terme). La CADC entend donc mener une "large concertation avec les citoyens, seuls habilités à se prononcer", avant de déterminer sa position à l'égard de l'offre de dialogue d'Ahmed Ouyahia. Elle prend toutefois acte "de l'évolution au niveau de la forme du discours du pouvoir maffieux et assassin". Avant la coordination de Tizi Ouzou, et avec moins de réticences, les coordinations de Bejaïa et de Bouira ont pris acte de l'offre de dialogue lancée par Ahmed Ouyahia, et décidé de la transmettre à la base. Les coordinations continuent cependant de poser comme exigences préalables à un tel dialogue la libération des détenus, la cessation des poursuites et la reconnaissance de la plate-forme d'El-Kseur (qui n'est cependant plus "scellée et non négociable", mais qui reste la base de discussion). Les coordinations de Bejaïa, Tizi Ouzou et Bouira ont décidé de se réunir le 11 juin pour adopter une position commune.

(AP 9.6 / Le Monde 12.6 / La Tribune, L'Expression 15.6) Les autorités algériennes ont commencé le 8 juin à libérer les délégués des aârchs encore détenus à bejaïa et Tizi Ouzou, et ont lancé un appel à neuf délégués de Bejaïa passés dans la clandestinité, en les invitant à se rendre avant le 22 juin afin de pouvoir bénéficier des mêmes mesures de mise en liberté provisoire que leurs camarades. Dans un premier temps, quinze délégués ont été mis en liberté provisoire, sur demandes des parquets, eux-mêmes contraints à le faire par les autorités. Les délégués libérés seront jugés le 22 septembre.

La libération des délégués emprisonnés a provoqué des scènes de joie à Tizi Ouzou et Bejaïa. L'une des figures les plus connues du mouvement kabyle, Belaïd Abrika, a été libéré le 10 juin à Tizi Ouzou. La libération des détenus était une condition préalable à l'acceptation par les coordinations des aârchs du "dialogue" proposé par le Premier ministre Ahmed Ouyahia, et que les coordinations de Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira ont commencé, séparément, à étudier le 6 juin, avant de le faire en "interwilayas", les 26 et 27 juin. Les différents "conclaves" des coordinations semblent avoir commencé, parallèlement au gouvernement, à infléchir leur position, jusque là très négative à l'égard de toutes les offres gouvernementales de dialogue, en notant "une évolution dans le discours officiel, à tavers la reconnaissance de la plate-forme d'El-Kseur comme solution à la crise et le statut d'interlocuteur unique au mouvement citoyen". Au sein des aârchs, les divergences ne se sont toutefois pas estompées, entre ceux qui, comme Belaïd Abrika, continuent de considérer que "la plate-forme d'El Kseur n'est pas négociable" et ceux qui estiment que ce refus de la négociation du contenu même de la plate-forme rend toute discussion illusoire, et toute avancée impossible.

Le statut d'"interlocuteur unique" revendiqué par les aârchs, et qu'ils considèrent avoir obtenu, semble cependant témoigner surtout de la volonté du gouvernement (qui, sur ce point, rejoint celle d'une partie des coordinations des aârchs" de "contourner" les formations politiques d'opposition implantées dans la région, en cherchant une solution à la crise kabyle avec des interlocuteurs sans relais nationaux, et affaiblis par deux ans d'une crise violente épuisant la population locale, et marginalisant la Kabylie par rapport au reste du pays. "La Tribune" estime qu'"en faisant le pont sur les partis de Sadi et d'Aït Ahmed, l'offre de dialogue d'Ouyahia vient conforter la prétention des arouch à être au-dessus des formations politiques"; réciproquement, son acceptation par les aârchs viendrait conforter la stratégie du pouvoir de marginalisation de l'opposition. Pour le Premier secrétaire du FFS, Djoudi Mammeri, "la libération des délégués des aârchs est une action destinée à la consommation de l'opinion internationale", et une tentative de "récupération politique d'une crise à des fins exclusivement électoralistes", qui ne contribuera pas à "soutenir les efforts allant dans le sens du dénouement de la crise en Kabylie", même si le pouvoir en tirera une amélioration de son image internationale. Le FFS doute de "la capacité des ârchs de redresser la situation dans la région", et constate que "la population est usée et fatiguée des discours qui ont mené la région au chaos". Le FFS écarte la possibilité de participer au "dialogue" proposé par le gouvernement, et estime que ce dialogue "n'aboutira à rien, sans un engagement clair et sincère" de la part du pouvoir, au-delà de la seule crise kabyle.

Le RCD, lui, exige la "dissolution des assemblées élues" lors des élections locales d'octobre 2002 (auxquelles il n'a pas participé), et en fait un préalable à toute négociation avec le gouvernement. Selon "L'Expression", le RCD va tenter de faire adopter cette position par les coordination des aârchs.

(MAK 15.6) Le Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), qui exprime son "soulagement" de la mise en liberté des délégués des aârchs de Kabylie, dénonce néanmoins l'"odieux chantage" exercé par le pouvoir qui fait peser sur les détenus libérés "une menace de réincarcération s'ils n'amènent pas la majorité des Aârchs à négocier dans le sens des intérêts du pouvoir et non dans celui du peuple kabyle". Le MAK dénonce en outre le recours par le pouvoir à "l'islamisme" et à l'envoi "par contingents entiers" de militants islamistes en Kabylie, pour temnter de "réussir par la mosquée ce qui a échoué par l'école et la répression", c'est-à-dire "normaliser la Kabylie".

(AP, Liberté, Le Soir 28.6) Le conclave de la coordination interwilayas des aârchs a répondu, le 27 juin, au terme d'un conclave "houleux" (émaillé "d'incidents, parfois de rixes, entre délégués bien survoltés", selon "Liberté") tenu à Amizour, à l'offre de "dialogue" du Premier ministre Ouyahia en exigeant comme préalable un engagement officiel du président Bouteflika à reconnaître et à accepter la plate-forme d'El-Kseur, dont le caractère "scellé et non négociable" a été réaffirmé (alors que dans les débats tenus au sein du mouvement de Kabylie depuis des mois, cette sacralisation de la plate-forme était contesté, et que dansd les coulisses des "conclaves", les délégués sont plus ouverts au "dialogue" et à la négociation que dans leurs interventions publiques). L'interwilayas demande également la fin du "harcèlement judiciaire" des détenus libérés, la condamnation par des juridictions civiles des responsables des morts lors du "printemps noir", la reconnaissance du statut de martyrs (chahid) aux victimes des émeutes, ainsi qu'un programme économique spécial pour la Kabylie.

Le Premier ministre Ouyahia a regretté la réaction des aârchs à son offre de dialogue, et a accusé "des forces politiques occultes qui n'ont pas intérêt à voir la crise se régler" d'être à l'origine de cette "surenchère" qui "prend en otage trois millions de personnes". "J'espère que la sagesse l'emportera, pour le bien de l'Algérie et de la Kabylie", a toutefois déclaré le Premier ministre.

Les débats au sein des aârchs, et entre délégations, ne paraissent pas prêts de cesser, les positions des coordinations différant souvent fortement (la coordination de Tizi Ouzou est opposée au dialogue, celles de Bejaïa et de Bouira y sont, sous conditions, favorables.

Par ailleurs, un délégué du mouvement citoyen, le chanteur Boudjema Agraw, aaffirmé avoir été "braqué" à Azazga par des policiers, et menacé de mort, puis conduit au commissariat , après qu'il ait participé à Taourirt Moussa le 25 juin, à une cérémonie en hommage à Matoub Lounès pour le 5ème anniversaire de son assassinat.

(Algeria-Interface 17.6 / L'Expression 30.6 / L'Expression 7.7 / L'Authentique 19.7 / AP, El Watan 21.7 / AFP 26.7 / AP 27.7 / Corr.) Le président Bouteflika a invité, le 20 juillet, les délégués des aârchs de Kabylie à "engager le dialogue avec le Chef du gouvernement", Ahmed Ouyahia, sur la mise en oeuvre de leurs revendications contenues dans la plate-forme d'El-Kseur, dans la mesure où elles ne portent pas "atteinte à l'unité du peuple algérien et à l'intégrité de l'Algérie éternelle".

Pour l'un des porte-paroles les plus connus du mouvement, Belaïd Abrika (qui a été reçu le 26 juillet par un Conseiller de l'ambassade des USA à Alger, pour "parler des droits de l'Homme"), "l'appel de Bouteflika est un appel de plus qu'il faudra comptabiliser dans la forme mais qui demeure balisé dans le fond puisqu'il formule des préjugés sur le contenu de la plate-forme d'El-Kseur", dont Abrika a réaffirmé le caractère "scellé et non négociable". Le "conclave" de la coordination des aârchs de Tizi Ouzou s'est donné dix jours, le 26 juillet, pour consulter la base du mouvement sur l'offre de dialogue du président. La coordination de Bajaïa a également manifesté des réticences sur l'appel de Bouteflika, mais n'a pas exclu de prendre part à un dialogue. La coordination de Bejaïa considère que l'invitation présidentielle "aurait constitué le premier jalon vers la solution de la crise, si elle n'était pas munie d'un préalable".

Les réactions très négatives des deux principaux partis politiques de la région (le FFS et le RCD) à l'offre présidentielle ont par ailleurs été dénoncées par les aârchs : "aujourd'hui que nous sommes proches de notre objectif, certains veulent nous torpiller", a déclaré Abrika. Réuni à Alger les 17 et 18 juillet, le Conseil national du FFS dénonce "les manoeuvres dilatoires du pouvoir pour pousser au pourrissement de la crise en Kabylie, son entêtement à vouloir imposer une représentation politique rétrograde et populiste à (une) région aux traditions démocratiques millénaires". Pour le FFS, l'appel de Bouteflika est une "supercherie politique, un "appat électoraliste" et une "diversion", visant à "substituer aux véritables médiateurs politiques des délégués autoproclamés, cooptés au gré des conjonctures", tout en refusant "une véritable solution politique qui impliquerait les politiques et les décideurs autour d'une charte démocratrique". Pour le FFS, le pouvoir adopte une stratégie qui consiste "à tout contrôler après avoir tenté de tout détruire", et à faire de la Kabylie "un abcès de fixation". Le "simulacre" de dialogue proposé par le pouvoir "porte les germes d'une décomposition de la nation en de micro-émirats". Dans un message au Conseil national du FFS,, le président du parti, Hocine Aït Ahmed, a relevé que "le sort à voulu que le grand prêtre chargé de l'immolation poilitique, économique et répressive de la Kabylie soit un Kabyle de service" (Ahmed Ouyahia).

La question du rapport entre le mouvement des aârchs et les partis politiques ne cesse de faire débat au sein du premier : pour Ali Gherbi, délégué d'El Kseur, même si le mouvement est "transpartisan", il est "bien souvent porté à faire de la politique et à se comporter presque comme un parti politique". Ali Gherbi a même évoqué la possibilité que le mouvement prenne part aux élections locales et régionales, si les assemblées élues à l'automne 2002 étaient dissoutes, et qu'il présente "son propre candidat" aux présidentielles de 2004. Dans un long entretien accordé à "L'Expression", Ali Gherbi explique l'opposition ou l'incompréhension des partis (c'est-à-dire, en Kabylie, du FFS et du RCD) à l'égard du mouvement des aârchs par le fait qu'ils avaient "peur pour leur propre existence", et que certains points de leur propre projet étaient "incompatibles" avec les revendications de la plate-forme d'El-Kseur. Des "dissidents" du FFS et du RCD songeraient par ailleurs à créer de nouvelles formations politiques, le "Front des forces populaires" et le "Front des forces libres", le quotidien "L'Authentique" citant au nombre des initiateurs du premier le dissident RCD Amara Benyounès, et au nombre des animateurs du second le dissident FFS Djamel Zenati, alors que pour "L'Expression" les deux hommes se retrouveraient dans le seul Front des forces libres, aux côtés de Mopkrane Aït Larbi (dissident RCD( et Arezki Ferad (dissident FFS), avec comme ambition celle de rallier tous les "dééçus" des deux principaux partis de la région.

Le directeur du projet "Afrique" au sein de l'International Crisis Group (ICG), qui a rendu public en juin un rapport sur la crise de Kabylie, Hugh Roberts, estime pour sa part, dans un entretien accordé à "Algeria-Interface", que "les partis de la région ont fini par décevoir la population à cause (...) de leur incapacité à assurer une représentation politique efficace". Pour Hugh Roberts, le "fond du problème" mis en évidence par la crise kabyle "c'est l'impunité, la 'hogra' (qui vient) d'un déficit de représentation de la population" par les institutions politiques (et les partis politiques) : "les populations n'ont pas d'autre recours pour se faire entendre, pour exprimer leurs griefs", que les émeutes, dès lors que les assemblées élues "ne possèdent pas de vrais pouvoirs" et ne sont pas des lieux de décision politique. En outre, Hugh Roberts note "la faiblesse de l'aile civile de l'élite politique nationale" par rapport aux militaires. Enfin, sur l'avenir du mouvement des aârchs, Roberts exprime des doutes sur sa capacité à sortir du cadre kabyle, d'autant que "l'émergence du MAK" contribue à le priver d'appui "sérieux" hors de Kabylie, en donnant l'impression que le mouvement des aârchs lui-même est "quelque chose de purement kabyle, à tendance autonomiste". Le mouvement lui-même contribue d'ailleurs à son propre isolement, en s'en tenant à la proclamation de la plate-forme d'El-Kseur comme "scellée et non négociable", posaition que l'on peut prendre au début de négociations, mais que l'on ne peut maintenir ensuite sans rendre la négociation impossible, sauf à attendre de l'autre partie qu'elle capitule purement et simplement.


Belaïd Abrika (AP 5.8 / APS, El Watan 6.8 / L'Authentique, El Watan, Le Quotidien d'Oran 7.8) Les deux porte-paroles les plus connus du mouvement des aârchs, Belaïd Abrika et Ali Gherbi, ont publiquement pris leurs distances avec les coordinations du mouvement. Le 5 août, Belaïd Abrika, de la coordination de Tizi Ouzou, a annoncé sa décision de "geler momentanément sa participation au mouvement de contestation kabyle", à cause des "accusations", des "suspicions" et des "blocages" qui paralysent le mouvement, et l'empêchent de répondre aux offres de dialogue émanant du pouvoir. Belaïd Abrika s'en est pris à ces "quelques individus, une petite minorité de parasites" aux "manoeuvres" desquels le pouvoir n'est pas "étranger". Belaïd Abrika a néanmoins affirmé qu'il restait militant du mouvement citoyen : "je ne l'ai pas quitté. Je ne le quitterai jamais, sauf si la population me le demande". Nous n'avons pas le droit de laisser tomber". Le lendemain, le "Comité de la société civile" d'El Kseur (w. Bejaïa) a annoncé son retrait officiel de la coordination des aârchs de Bejaïa (CICB). Son porte-parole, Ali Gherbi, a expliqué ce retrait par le refus de "cautionner" davantage "la dérive, qui va crescendo, de certains délégués à la solde de certaines formations politiques rejetées par la population et d'autres groupes sécessionnistes". Ali Gherbi a dénoncé les délégués "instrumentalisés par leurs chapelles politiques" pour contrarier "toute solution allant dans le sens du règlement de la crise en Kabylie". "plus de 50 % des délégués de la CICB ne représentent qu'eux-mêmes", affirme Ali Gherbi, qui a particulièrement mis en cause un parti politique "influent" dans la région, mais sans le nommer (il s'agit vraisemblablement du RCD), ainsi que les partisans de l'autonomie. "Une culture clanique et régionale a fait son apparition", et ceux qui en participent "bloquent et polémiquent à chaque fois que le mouvement fait une avancée vers la victoire". Le porte-parole du comité d'El-Kseur a appelé à "ne pas manquer" la "chance" que représente selon lui l'offre de dialogue des autorités, et à dévoiler "les attitudes de pourrissement voulues par certains", qu'il a menacé de dénoncer "publiquement et nommément".

Le 4 août, le "conclave" extraordinaire des aârchs de Tizi Ouzou, tenu à Tizi Rached, n'a pas réussi à adopter une position claire et commune sur les offres de dialogue du pouvoir, les deux tendances du mouvement (l'une favorable à une "entrée en dialogue", l'autre campant sur l'exigence préalable de la satisfaction "pleine et entière" des revendications de la plate-forme d'El-Kseur, "scellée et non négociable") s'annulant. Le même clivage se constate dans la wilaya de Bouira, alors que dans celle de Bejaïa, la tendance dominante semble prête au dialogue.

Le porte-parole du Front des forces socialistes, Karim Tabou, a qualifié de "coup de bluff" la dissidence affichée des deux porte-paroles les plus connus des aârchs. Pour le FFS, cette dissidence serait destinée "à faire émerger et consolider les positions de ces délégués que le pouvoir aurait lui-même coopté pour le prochain dialogue", lequel ne serait qu'un "monologue entre le pouvoir et ses dérivés" (les aârchs).

Dans le même temps, le leader de l'une des ailes du Mouvement culturel berbère, Ould Ali El Hadi, s'en est pris, en marge de la deuxième université d'été du mouvement, au RCD, dont l'un des responsables, par ailleurs leader d'une autre aile du MCB, Mouloud Lounaouci, l'avait accusé d'être manipulé par le pouvoir : cette polémique, dénonce Ould Ali El Hadi, "ne fera qu'accentuer les déchirures provoquées par une décennie d'exploitation, à des fins autres que sa mission originelle, par des partis".

(L'Expression, Liberté, Le Matin13.8) Dans un meeting tenu le 11 août à El-Kseur, le porte-parole du Comité de la société civile, Ali Gherbi, qui s'est retiré de la coordination intercommunale des aârchs de Bejaïa (CICB), a réitéré ses accusations contre les "manipulateurs" et les délégués fantoches" qui ont investi les coordinations et menacent de les conduire à l'éclatement : "regardez ce qu'est devenu le MCB" (mouvement culturel berebère, divisé en ailes et tendances concurrentes). Voulez-vous que votre mouvement subisse le même sort ?", a demandé Ali Gherbi à ses auditeurs, avant d'exprimer son souhait de voir se recréler une coordination "sans délégués partisans et sans autonomistes".

A Tizi Ouzou, le "conclave" de la coordination (CADC) a adopté (à la majorité des coordinations locales représentées) une déclaration donnant une "suite favorable à l'appel du Président (Bouteflika) pour la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur", en vue de "désamorcer la crise de Kabylie", mais réaffirmant le caractère "scellé et non négociable" de celle-ci. La CADC a en outre affirmé que les revendicationd de la plate-forme ne portaient "nullement atteinte à l'unité du peuple algérien et à l'intégrité de l'Algérie éternelle", et a posé comme préalable au dialogue la libération des détenus, notamment l'arrêt des poursuites judiciaires, la révocation des élus des dernières élections locales, une amnistie fiscale, l'ouverture des media publics.

(Liberté, Le Jeune Indépendant 21.8) La commémoration à Ifri-Ouzellaguen, les 19 et 20 août, dans deux manifestations différentes, l'une à l'initiative de la municipalité et du FFS et l'autre des aârchs, du 47ème anniversaire du congrès de la Soummam (congrès du FLN réaffirmant, en pleine lutte de libération nationale, le primat du politique sur le militaire), a donné lieu à des heurts entre militants FFS et délégués des aârchs, le 20 août, les uns et les autres s'affirmant pourtant héritiers des principes de la Soummam, et également décidés à les faire respecter face au pouvoir en place.

(AP, La Tribune 24.8 / El Watan 26.8 / Corr.) Le président Bouteflika a salué le 24 août la "vol.onté de dialogue" des aârchs de Kabylie, selon un communiqué de la présidence suivant le Conseil des ministres. Le communiqué précise que le Premier ministre Ouyahia a été chargé par le président de mettre en place les conditions matérielles "pour la réussite de ce dialogue", qui doit "renforcer l'unité nationale et conforter la stabilité du pays".

Les premières réactions des aârchs à cette nouvelle ouverture du président ont été mitigées, mais pas défavorables. C'est la coordination interwilaya des aârchs qui devra se prononcer sur le dialogue -or la coordination est divisée entre partisans et adversaires du dialogue, et sur les conditions de celui-ci, et sa capacité de mobilisation populaire paraît singulièrement affaiblie. Officiellement, la coordination interwilayas continue cependant à exiger la reconnaissance préalable de la plate-forme d'El-Kseur, toujours posée comme "scellée et non négociable", pour entamer le dialogue. La coordination de Bejaïa (CICB) a prévu d'adopter lors de son prochain "conclave" un document "préparatoire" précisant les modalités de la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur.

Les relations entre les aârchs et les partis politiques continuent en outre de poser problème aux premiers. Les délégués de la coordination de Tizi Ouzou (la CADC) ont écarté toute alliance avec les partis politiques, et le 20 août, des heurts ont opposé à Ouzellaguen des militants du FFS et des représentants des aârchs, les uns et les autres commémorant, séparément, le congrès de la Soummam, les uns et les autres s'accusant mutuellement d'être manipulés par le pouvoir. Pour le porte-parole du FFS, Karim Tabou, "les aârchs, cette structure qui n'existe que dans les colonnes des journaux, veulent prendre les commandes de la région et effacer les politiques de la scène".

(AFP 26.8 / El Watan 31.8) Le gouvernement algérien a annoncé le 26 août de nouvelles mesures en faveur de la Kabylie, notamment une enveloppe de 20 milliards de dinars (environ 23 mios Euros, 35 mios FS), atztribuée aux wilayas de Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira pour "corriger les retards enregistrée au cours des deux dernières années, relancer les travaux d'infrastructures et les activités économiques, sociales et culturelles génératrices d'emplois et de richesses, et donner une forte impulsion aux actions d'amélioration des conditions de vie des citoyens", selon le communiqué du gouvernement -qui ajoute que le président Bouteflika a "salué la volonté" des aârchs de "prendre part au dialogue destiné à la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur". Le président a demandé au Premier ministre Ouyahia de "réunir les conditions nécessaires pour le succès de ce dialogue".

L'acceptation de ce dialogue par les aârchs reste cependant ambigüe et conditionnelle. Les différentes coordinations régionales ont certes rendu publics des documents exprimant leur volonté de donner une suite favorable aux offres du pouvoir, mais ont également réaffirmé, explicitement ou non, le caractère "scellé et non négociable" de la plate-forme d'El-Kseur.

De son côté, le FFS, par la voix de sa section d'Ouzellaguen (où des heurts avaient opposé les militants FFS à des délégués des aârchs lors de la commémoration, le 20 août, du congrès de la Soummam), se dit persuadé que la population rejette "la plate-forme cocotte-minute", qu'il qualifie de "machination machiavélique concoctée dans les laboratoires des moukhabarate".

(La Tribune 7.9) Le débat continue au sein des aârchs sur les conditions dans lesquelles (et auxquelles) le "dialogue" proposé par le pouvoir pourrait s'engager. Les délégués de la coordination de Tizi Ouzou (CADC) ont rejeté le 5 septembre toute idée de rencontre préliminaire avec les autorités, tant que celles-ci ne se seront pas engagées à prendre en charge toutes les "incidences" du "printemps noir" (du payement des factures d'électricité au licenciement de travailleurs militant au sein du mouvement). Par contre, plusieurs comités de la coordination de Bouira, ainsi que le Comité citoyen d'El-Kseur, suggèrent des rencontres préliminaires pour aborder et régler cette question de la prise en charge des "incidences".

(Liberté 10.9) La Coordination des aârchs de Tizi Ouzou (CADC) semble s'acheminer vers la confirmation de sa position "dure" à l'égard de l'offre de dialogue faite par le gouvernement : la commission formée par la coordination pour élaborer un document énumérant les modalités et les conditions de la "mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur" recommande en effet que le document final de l'interwilayas (la coordination des coordinations) ne soit présenté au gouvernement qu'une fois que le président Bouteflika aura répondu officiellement (et favorablement) à tous les préalables posés par les aârchs (du moins par la CADC, les positions des coordinations de Bejaïa et Bouira semblant plus souples). Au nombre de ces conditions : l'arrêt de toutes les poursuites judiciaires engagées contre les délégués, la libération de tous les détenus, la prise en charge de l'incidence financière de la "grève des factures d'électricité", une franchise fiscale pour les années 2001 à 2003.

(El Watan 14.9) Dans une déclaration publique du 13 septembre, la coordination des aârchs de Tizi Ouzou (CADC) a réitéré, à l'occasion de l'annonce d'une possible visite à Tizi du Secrétaire général du FLN et ancien Premier ministre Ali Benflis, son opposition à toute visite d'"officiels" (ou, en l'ocurrence, d'anciens "officiels") en Kabylie avant la satisfaction de la plate-forme d'El Kseur. Selon le FLN de Tizi Ouzou, cependant, plusieurs coordinations locales refuseraient de s'opposer à la visite de Benflis.

(La Jeune République, Le Matin17.9 / Liberté, La Tribune18.9 / Corr) Les coordinations des aârchs de Bejaïa, de Tizi Ouzou et de Boumerdès ont fait savoir que le dialogue entre elles et le pouvoir était "officiellement compromis" par les mesures répressives prises par le pouvoir à l'encontre de la presse et de ceux qui la soutiennent, notamment, le 16 septembre, contre des délégués des aârchs (dont Belaïd Abrika) venus manifester leur solidarité avec des journalistes déférés devant un juge. Belaïd Abnka et quinze autres militants ont été violemment interpellés, puis conduits au commissariat (Abrika a été frappé et insulté par un policier. Il aurait trois côtes cassées, et a porté plainte). Le 17 septembre, la CADC (coordination de Tizi Ouzou) a dénoncé dans un communiqué les "brutalités" exercées par "les forces de la répression" contre des délégués du "Mouvement citoyen" venus manifester "leur soutien indéfectible à la corporation journalistique". Pour la CADC, "il est maintenant établi avec certitude que les tenants du Pouvoir, à l'approche de la présidentielle, veulent régenter la société par l'arbitraire et la répression", et en conclut qu'il n'est pas possible d'aller "dans le sens de la normalisation et de la caporalisation voulues par le Pouvoir maffieux et assassin".

En revanche, au sein de la coordination de Bouira, des voix se sont élevées pour qu'une "rencontre préliminaire" avec des représentants du gouvernement, rencontre qualifiée par le délégué de M'Chedallah Mahmoud Toumi de "seule alternative" au pourrissement de la situation, ait lieu, pour aboutir à la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur, et confirmer le statut d'interlocuteur pour le mouvement citoyen. La coordination de wilaya des aârchs (la CCCWB) aurait d'ailleurs accepté par consensus le principe d'une telle rencontre.

Dans la wilaya de Bajaïa, plusieurs délégués des aârchs ont été convoqués devant les tribunaux : douze délégués, déjà précédemment détenus, ont été convoqués pour le 22 septembre par le tribunal de Sidi Aïch, un membre du Comité de la société civile d'El-Kseur a été auditionné par un juge d'instruction de Bejaïa le 16 septembre et un autre fait l'objet d'un mandat d'amener, trois délégués de Bejaïa ont été convoqués par le tribunal de la ville. "Le Matin" assure que les destinataires de ces convocations en ignorent les motifs.

(Le Matin 21.9 / la Tribune 22.9) Dans un entretien au "Matin", le porte-parole le plus connu de la coordination des aârchs de Tizi Ouzou, Belaïd Abrika, déclare que "l'environnement n'est pas du tout favorable à l'ouverture (d'un) dialogue aujourd'hui" avec le pouvoir, est estime que la situation actuelle, "à la veille d'une rentrée sociale qui risque d'être explosive", peut "conduire directement à une guerre civile". Pour Abrika, "aller au dialogue" dans un climat de répression "reviendrait à dire que nous cautionnons un Etat policier". Abrika assure qu'il n'y eu "aucun contact" entre le mouvement et le pouvoir.

Les diverses coordinations des aârchs sont en train de "plancher" sur des documents de réflexion portant sur les modalités techniques et politiques de "mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur", avant les éventuelles premières rencontres avec des représentants du gouvernement.

(Dépêche de Kabylie 5.10) Des délégués de la coordination des aârchs de Timezrit ont décidé de "geler" leurs activités et de se retirer de la coordination locale, afin de tirer les conséquences de l'échec d'une action de dénonciation des élus locaux engagée par la coordination, le 2 octobre, action (et demande de départ des élus) dont ils ont constaté qu'elle n'avait pas reçu d'écho favorable au sein de la population.

(El Watan 13.10) Trois sièges de municipalités de la wilaya de Tizi Ouzou, (Tizi Ouzou, Irdjen, Larbaâ Nath Irathen), ont été symboliquement "fermées" par les coordinations locales des aârchs, le 11 novembre. Ces actions n'ont pas entraîné de violence, la police n'étant pas intervenues. Les coordinations ont dénoncé les deux principaux partis politiques de la région, le FFS et le RCD, et le pouvoir "mafieux et assassin", et ont demandé "le départ des indus élus". Elles ont affirmé qu'il n'y aura "pas de présidentielles sans la satisfaction entière de la plate-forme d'El-Kseur", et qu'elles ne soutaient aucun des candidats annoncés ou probables à l'élection présidentielle. Les délégués ont cependant réitéré leur disponibilité à dialoguer avec le pouvoir, mais à leurs conditions.

(La Dépêche de Kabylie, L'Expression 26.10 / El Watan 27.10) Un meeting du FFS a été empêché le 24 octobre par les aârchs locaux à Barbacha (w. Bejaïa), après un face à face tendu entre les militants du parti et ceux des aârchs. Des bagarres ont éclaté, le matériel de sonorisation du meeting a été incendié, un militant du FFS a été blesséLe FFS a dénoncé les provocations d'"énergumènes qui se proclament militants du mouvement citoyen" mais ne sont que des "agents au service du pouvoir". Pour le FFS, "les agissements pathologiques de ces indus délégués sonnent le glas d'une structure finissante, en état de décomposition avancé, qu'il faudra enterrer rapidement" (les aârchs).

(El Watan 2.11 / Liberté 3.11) Deux "conclaves" parallèles des aârchs ont été tenus le 29 novembre novembre à Imzizou et Mechtras (w. Tizi Ouzou), à l'initiative de coordinations locales contestant le fond et la procédure de discussion et d'adoption du document de mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur que la coordination de wilaya (la CADC) élabore, "dans la précipitation" selon les coordinations locales contestataires. En toile de fonds des divergences entre les aârchs se trouve toujours la question du dialogue avec le pouvoir, que refusent une dizaine de coordinations locales et que semblent avoir admis la majorité (une quarantaine) des coordinations de la CADC

(La Tribune, El watan 6.11) La Coordination des aârchs de la wilaya de Tizi Ouzou (CADC) a décidé de proposer l'exclusion de ses rangs quatre coordinations locales et une dizaine de délégués, qui avaient participé à une réunion "parallèle" à Mechtras, lors de laquelle le fonctionnement de la CADC et le document adopté par celle-ci pour la "mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur" avaient été durement critiqués. Les coordinations locales de Makouda, Tigzirt et Boudjima (trois des quatre exclues de la CADC) ont répondu à leur exclusion en dénonçant "l'arnaque politique, juridique et historique" que représente selon elles le document de la CADC, et accusent celle-ci de vouloir "à tout prix" le faire adopter par le mouvement citoyen avec l'aide "d'une certaine presse acquise aux thèses du pouvoir maffieux et assassin", après des "tractations en sourdine visant à pervertir la dimension politique de la plate-forme d'El-Kseur". Selon le "groupe de Mechtras", celui-ci regrouperait une dizaine de coordinations locales. Dénonçant les "reniements" et les "compromissions" de la CADC, les coordinations exclues se situent clairement dans le camp des opposants au "dialogue" avec le pouvoir. Du côté de la CADC, on accuse ces opposants d'être manipulés par des "apparetils partisans" (sous-entendu : le RCD) qui cherchent depuis la naissance du mouvement citoyen son "instrumentalisation par le noyautage ou la récupération", ou, faute de l'obtenir, à le détruire. Pour le porte-parole le plus connu de la CADC, la contestation des coordinations locales exclues "n'est qu'un complot à l'approche des élections".

(AP 8.11 / El Watan 10.11) Face à l'offre de "dialogue" lancée par le Premier ministre Ouyahia en mai, les contradictions au sein des (et entre les) coordinations des aârchs continuent : après la tenue de "conclaves" parallèles des coordinations locales opposées à tout dialogue avec le pouvoir, puis l'exclujsion par la coordination de wilaya de Tizi Ouzou (la CADC) des délégués ayant participé à ces "conclaves" parallèles (le "groupe de Mechtras"), ceux-ci ont à leur tour exclu six délégués favorables à un dialogue conditionnel, dont le porte-parole le plus connu le la CADC, Belaïd Abrika. Cinq de ces six délégués exclus par les "radicaux" sont d'anciens détenus du mouvement citoyens, récemment libérés, et accusés par le "groupe de Mechtras" d'"actes dangereux et déviationnistes", de mener le mouvement à sa mort et d'en être les "fossoyeurs". On se retrouve donc à Tizi Ouzou avec deux coordinations concurrentes, chacune affirmant être la seule légitime. La CADC, qui a finalisé le 7 novembre son document de "mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur", et le "groupe de Mechtras", qui demande de renoncer à tout "dialogue reddition", ont décidé d'organiser, chacun pour soi, une réunion "interwilayas", à Tizi Ouzou pour la CADC, aux Ouadhias pour les "radicaux"

(El Watan, Liberté 16.11) Alors que dans la wilaya de Tizi Ouzou le mouvement des aârchs a éclaté en deux coordinations concurrentes, et qu'une "médiation" entreprise par d'anciens combattants de la guerre de libération a échoué, dans la wilaya de Bejaïa, le Comité de la société civile d'El Kseur pourrait faire son retour au sein de la coordination des aârchs (CICB), après l'avoir quittée.

Dans la wilaya de Tizi Ouzou, l'initiative de la coordination de Larbaâ Nath Irathen pour réconcilier les deux ailes de la coordination de wilaya (CADC) a échoué, comme celle d'anciens officiers de l'Armée de libération nationale. La CADC reste donc divisée entre "dialoguistes", conduits par Belaïd Abrika, et "anti-dialoguistes", réunis autour du "groupe de Mechtras"

(Liberté 23.11 / Liberté, La Tribune, El Watan 24.11) La coordination interwilayas des aârchs a, après des mois de discussion, adopté le 23 novembre à Tizi Ouzou le "document de mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur", à l'origine de la scission de la coordination de Tizi Ouzou. Cette adoption s'est cependant faite en l'absence de nombreuses coordinations locales de Tizi Ouzou, de Bejaîa, de Boumerdès et de Sétif, et a, selon "Liberté", consommé "la scission au sein du mouvemeent citoyen". En revanche, "El Watan" parle d'une réunikon marquée "d'abord par un climat de sérénité exemplaire et une convergence d'idées entre les participants". L'interwilayas, tenue dans ces conditions, donne au gouvernement un délai jusqu'au 4 décembre pour satisfaire toute une série de préalables (libération de tous les détenus du mouvement, amnistie fiscale, prise en charge du paiement des factures Sonelgaz, levée des poursuites judiciaires, réintégration des travailleurs licenciés), faute de quoi "le mouvement citoyen prendra ses responsabilités", et appellera notamment au boycott de l'élection présidentielle d'avril 2004.

Plusieurs coordinations locales contestataires (celles de Tigzirt, Makouda, Boudjima, Ath Jennad et Larbaâ Nath Irathen, notamment) ont fait savoir qu'elles considéraient la réunion de l'interwilayas comme "nulle et non avenue", et le document adopté comme une "arnaque politique, juridique et historique".

(Le Matin, Liberté 27.11) L'aile "radicale" (dite "de Mechtras") de la coordination des aârchs de la wilaya de Tizi Ouzou a confirmé le 25 novembre qu'elle ne reconnaissait pas la validité des décisions prises lors de la réunion de la coordination interwilayas des aârchs tenue à Tizi Ouzou, réunion que les "radicaux" qualifient de "show biz programmé par les relais locaux du Pouvoir et un groupe d'individus pris en flagrant délit d'usurpation de représentativité". Pour le "groupe de Mechtras", qui regroupe des coordinations locales opposées à tout dialogue avec le pouvoir, "le document dit de mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur, adopté par l'interwilayas, a été suggéré par des officines occultes qui visent la perversion et le travestissement de l'esprit de ladite plate-forme". Selon les opposants à l'interwilaya, celle-ci se serait tenue en l'absence d'une quarantaine de coordinations locales, ce qui la priverait de légitimité.

(Liberté 3.12) Le Premier ministre Ahmed Ouyahia a lancé le 2 décembre une nouvelle invitation au mouvement des aârchs de Kabylie à l'ouverture d'un dialogue pour régler la crise, plus précisément "pour la prise en charge des incidences de la crise et la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur". Le chef du gouvernement algérien se félicite que la coordination interwilayas des aârchs ait "finalisé le document en cours de préparation en vue d'un dialogue pour la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur". De nombreuses coordinations ont cependant refusé de considérer comme légitime la réunion en question de l'Interwilayas, et ont également refusé de souscrire au document qui en est issu. L'invite du Premier ministre s'adresse donc surtout à l'aile "dialoguiste" du mouvement et sera récusée par l'aile "radicale". Dans la wilaya de Tizi Ouzou, deux coordinations concurrentes (une "dialoguiste" et une "radicale", toutes deux se revendiquant comme la coordination de wilaya, CADC) devaient se réunir le 4 pour répondre (différemment) à l'offre gouvernementale. Dans la wilaya de Bejaïa, les deux ailes de la coordination (CICB) ont également tenu des réunions séparées le 1er décembre. Le 4 décembre, les coordinations "dialoguistes" de Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira devraient se retrouver pour décider d'une réponse au Premier ministre.

(El Moudjahid 17.12 / El Watan, Le Matin 22.12) Le Premier ministre Ouyahia a renouvelé le 16 décembre sa proposition d'"aborder la questions des incidences de la crise en Kabylie dans le cadre du dialogue avec le mouvement citoyen des Aârouch", pour la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur. Ahmed Ouyahia a lancé un nouvel appel aux aârchs les invitant à former une délégation et à convenir avec le gouvernement de la date de l'ouverture du dialogue. Il a donné à la direction de Sonelgaz et à celles des services publics des instructions pour "préparer les mesures à même, d'une part de solutionner le contentieux Sonelgaz" (factures impayées par les abonnés au gaz et à l'électricité) "et d'autre part, de permettre la réintégration des travailleurs du secteur public licencée" du fait des événements de Kabylie. Il a également fait demander par son ministre de la Justice que les parquets fassent en sorte d'instaurer un climat capable d'"entourer favorablement le déroulement du dialogue".

Cet appel du Premier ministre intervient après que la majorité des aârchs ait accepté d'entrer en discussion avec le gouvernement sur la mise d'un document de mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur -décision cependant contestée par l'aile la plus radicale des aârchs.

En réponse au nouvel appel du gouvernement, le porte-parole de la coordination des aârchs de Tizi Ouzou (CADC), Belaïd Abrika, a estimé que cet appel était un "acquis" pour le mouvement citoyen, et un "signe favorable" pour la recherche d'une issue à la crise de Kabylie. Le 18 décembre, la CADC a décidé de proposer à un "conclave" des coordinations locales, le 25 décembre, d'accepter le dialogue proposé par Ouyahia. A Bouira, la Coordination des comités citoyens a estimé que les ouvertures gouvernementales sont "un gage de bonne volonté de l'Etat". Les opposants au "dialogue" et au document de "mise en oeuvre" ont fait savoir qu'ils se réuniraient le 23 décembre à Larbaâ Nath Irathen.

(AFP, L'Expression 28.12 / El Watan 29.12) Le contrôle judiciaire des personnes poursuivies en Kabylie après les émeutes du "printemps noir" de 2001, et des mois suivants, a été levé sur ordre du parquet de Tizi Ouzou, a annoncé le 28 décembre l'agence officielle APS. Cette décision fait suite à une demande du Premier ministre Ouyahia, le 27 décembre, dans le cadre de son offre de dialogue avec les aârchs. Elle correspond à l'une des exigences posées par les aârchs pour entamer ce dialogue.

Le principe de la constitution d'une délégation des aârchs pour commencer un réel dialogue avec le gouvernement aurait été accepté par la majorité des comités locaux des wilayas de Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira, et la délégation devrait être formée à l'issue d'une réunion de l'Interwilayas le 29 décembre, mais l'envoi d'une telle délégation est toujours récusé par une minorité "radicale" qui refuse toute forme de "dialogue" tant que toutes les exigences préalables posées par la plate-forme d'El-Kseur n'auront pas été remplies.

2004

(AP 3.1 / AP 4.1 / El Watan, La Tribune 5.1) Le "dialogue" auquel le Premier ministre Ahmed Ouyahia avait appelé les aârchs de Kabylie s'est entre-ouvert le 3 janvier par une rencontre entre Ouyahia et une délégation de l'Interwilayas des aârchs de Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira, dans le cadre de discussions préliminaires, avant l'ouverture réelle du "dialogue" sur la mise en oeuvre de les revendications de la plate-forme d'El-Kseur. Les délégués des aârchs, désignés lors d'un "conclave" de l'Interwilayas à Boudjelli, ont été mandatés pour "signer un protocole d'accord pour régler définitivement la crise de Kabylie". Ils ne sont cependant représentatif que de la tendance des aârchs qui s'est déclarée favorable au dialogue, tendance apparemment majoritaire, mais néanmoins contestée par les "radicaux", qui ont créé des coordinations concurrentes et dénoncent la "capitulation" des "dialoguistes", accusés de s'être "fourvoyés dans un processus de compromission moyennant quelques dividendes bassement matérialistes (...) pour neutraliser politiquement et électoralement la Kabylie". Les "antidialoguistes" annoncent des sit-in et des marches le 12 janvier dans toute la Kabylie pour "démasquer les vraies intentions des délégués corrompus par Ouyahia et ses relais".

Les discussions préliminaires doivent porter sur l'arrêt des poursuites judiciaires à l'égard des militants du mouvement, la dissolution des assemblées élues lors des éléections locales d'octobre 2001, une amnistie fiscale pour les commerçants et le réglement du contentieux avec la société publique de l'électricité et du gaz (la Sonelgaz) dont les factures ne sont plus payées en Kabylie depuis avril 2001.

Selon un communiqué du Premier ministre, les discussions entre celui-ci et les délégués des aârchs, qui selon la presse ont duré 17 heures, "se sont déroulées dans une atmosphère sereine et constructive" et reprendront le 5 janvier. Les délégués n'ont pas fait de déclaration après la rencontre, mais la presse fait état d'un différend sur la revendication des aârchs de l'annulation des élections locales d'octobre 2002, qu'ils avaient boycottées et qui n'avaient pu avoir lieu dans plusieurs dizaines de municipalités, mais qui s'étaient tout de même déroulées (avec des taux de participation très bas) dans plusieurs dizaines d'autres, ce qui avait abouti à la désignation de municipalités (assemblées populaires communales) et de conseils généraux (assemblées populaires de wilayas) dont la légitimité est contestée par les aârchs, et dont il demandent la dissolution*. Sur les autres revendications des aârchs, en revanche, il n'y aurait pas d'obstacle à l'ouverture du "dialogue".

* Le premier secrétaire fédéral du FFS de Bouira a déclaré à "La Tribune" que les assemblées locales élues en octobre 2002 (le FFS avait participé à ces élections, contre le boycott des aârchs, en expliquant qu'il le faisait pour soustraire la région à l'emprise du pouvoir et des mafias) n'était ni plus ni moins légitimes que toutes les autres assemblées élues en Algérie, et qu'il y avait nécessité de "révoquer toutes les institutions élues depuis 1999" sans se limiter aux institutions locales.

(AP 6.1 / AAI, La Nouvelle République 7.1 / Liberté, La Tribune, El Watan 8.1) Un protocole d'accord a été conclu le 6 janvier entre le gouvernement et la délégation des aârchs de Kabylie (ainsi que des délégués de Boumerdès et Batna), après 50 heures de négociations, les premières à se dérouler officiellement depuis le début de la crise en Kabylie au printemps 2001. Le Premier ministre Ouyahia a annoncé être parvenu à un "protocole d'accord (...) sur les incidences des événements de Kabylie avant le dialogue pour la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur". Ce "protocole d'accord" ne porte donc pas sur les revendications fondamentales des aârchs (la plate-forme en tant que telle), mais sur les conditions préalables à une négociations sur ces revendications. Le gouvernement s'est engagé à prendre "dans les jours qui viennent" cinq des six mesures préalables demandées par les aârchs : levée des poursuites judiciaires contre leurs militants, libération des derniers détenus, prise en charge du contentieux des factures de gaz et d'électricité de Sonelgaz, réintégration des travailleurs licenciés suite aux événements, franchise et amnistie fiscale. La sixième mesure, qui concerne la "révocation des indus élus", exigée par les aârchs (autrement dit la dissolution des assemblées et autorités locales et départementales élues en octobre 2002 malgré le boycott de l'élection par les a'archs) ne fait pas l'objet d'un accord entre les deux parties, qui ont convenu d'en débattre lors du "dialogue" sur la plate-forme d'El-Kseur. Selon "La Nouvelle République", Ouyahia aurait "promis" aux délégués des aârchs "de dissoudre les assemblées élues des wilayas de Kabylie et de chercher la forme pour le faire". Une "source proche" du FFS a réagi en déclarant à "La Tribune" que le Front des forces socialistes "ne transigera pas sur les principes de la légitimité" et que "ni le parti, ni les élus locaux, encore moins (les) électeurs n'accepteront la dissolution des assemblées élues dans la transparence". Pour le FFS, la rencontre entre Ouyahia et les délégués de l'Interwilayas est "un faux dialogue"entre "l'appareil de la répression (et l')appareil de l'émeute", avec pour seul contenu "des mesures de clémence, de grâces et d'avantages matériels", sans incidences sur la citoyenneté et les droits civiques. "L'objectif du pouvoir est d'éliminer la nuisance (d'un) groupuscule qui pourrait perturber le bon déroulement de la présidentielle", estime la "source" du quotidien

Toute la suite du "dialoguie" est cependant suspendue à une décision de l'Interwilayas des Aârchs, le 8 janvier, à qui les délégués qui ont discuté avec le gouvernement doivent rendre compte (ils ont "réservé leur signature"), et qui doit décider de la suite à donner à cette ouverture du "dialogue". Les aârchs opposés au "dialogue" avec le gouvernement organisent quant à eux une "marche populaire" à Sidi Aïch, et accusent les délégués de l'Interwilayas d'avoir "marchandé la plate-forme d'El-Kseur". Les "dialoguistes", répondant à leurs adversaires, les accusent d'être manipulés par le RCD.

Le Premier ministre a décrit les discussions avec les délégués des aârchs comme ayant été une rencontre "sereine, constructive et laborieuse" qui a permis "de briser le mur de glace entre le mouvement des Arouchs et les pouvoirs publics", et a assuré que la crise "sera bientôt réglée" : "Nous avons réussi réussi à passer de 'ulac' (non) à 'amek' (comment)", a résumé le Premier ministre (lui même d'origine kabyle).

(AP, AFP 9.1 / L'Expression, El Watan 11.1) Au terme d'un "conclave" tenu les 8 et 9 janvier à Tizi Ouzou, l'interwilayas des aârchs a accepté le principe du "dialogue" avec le gouvernement, sur la base des discussions préliminaires qui avaient eu lieu entre le Premier ministre Ouyahia et des représentants des aârchs, le 6 janvier. Des responsables des aârchs, cités par l'agence AP, ont cependant reconnu avoir eu "beaucoup de difficultés à adopter une position commune par rapport à l'acceptation du dialogue", d'autant que l'une des exigences préalables posées par l'interwilayas à l'ouverture de celui-ci, la dissolution des municipalités élues, n'a pas fait l'objet d'un accord avec le gouvernement mais a été simplement renvoyée à une discussion ultérieure.

Le 7 janvier, après la rencontre entre les représentants des aârchs et le Premier ministre, cinq militants incarcérés depuis mars 2002 pour avoir participé des manifestations interdites ont été remis en liberté.

Les manifestations organisées par les opposants au "dialogue" ont par ailleurs été peu nombreuses et peu fréquentées.

Le "dialogue" entre le gouvernement et les aârchs devrait commencer réellement le 18 janvier, lors d'une rencontre destinée à aborder les problèmes de fond posés par la concrétisation des revendications de la plate-forme d'El-Kseur.

Le Front des forces socialistes a, par la voix de son porte-parole Karim Tabbou, qualifié ce dialogue de "faux dialogue pour une fausse solution". Karim Tabbou a rappelé que le "dialogue" était engagé avec un Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui était ministre de la Justice au moment de la répression du "printemps noir", et qui, à ce titre, avait couvert dépassements et assassinats, et qui est depuis des années "l'homme des sales besognes et le fraudeur en chef". Pour le FFS, le "dialogue" engagé par Ouyahia n'a qu'un but : pousser à une "repentance politique" de la Kabylie. Il devrait également permettre au gouvernement d'organiser "une fraude à grande échelle en Kabylie" lors des prochaines élections afin de soustraire la région à l'opposition qui la contrôle actuellement. Le FFS entend donc riposter au "dialogue d'Ouyahia avec lui-même", et visage pour ce faire des actions de rue.

(El Watan 13.1 / El Watan 14.1) Dans une déclaration publiée le 12 janvier, la fédération FFS de Bejaïa dénonce le "simulacre de dialogue" engagé entre le gouvernement et l'interwilayas des aârchs, qualifiés de "groupuscules d'agitateurs". Pour le FFS, "derrière l'interminable feuilleton de conclaves dont le chef du gouvernement s'avère être l'animateur, se cache (l')obsession maladie d'un chef d'Etat non élu qui cherche désespérément une légitimité". Dans ces conditions, le "dialogue" lancé par le Premier ministre Ouyahia ne sert qu'à "préparer les conditions pour l'annonce en Kabylie de la candidature du chef de l'Etat". Le FFS annonce un meeting à Tazmalt.

(AP 17.1 / Liberté 18.1 / Liberté 19.1) La fédération de Tizi Ouzou du FFS dénonce "les accords de la honte" conclus entre le Premier ministre Ouyahia et les délégués des aârchs, qu'elle qualifie de "chargés de mission, délégués autoproclamés". Le FFS appelle la population à "faire barrage pacifiq uement au bradage du combat citoyen et des acquis démocratiques arrachés de haute lutte politique". Pour la fédération de Tizi Ouzou, le "dialogue" entre le gouvernement et l'interwilayas des aârchs est "un véritable traquenard politique élaboré par les officines du système pour expédier les revendications démocratiques des populations et les remplacer par des incidences accessoires, trompeuses et bureaucratiques", dans la perspective d'une "élection présidentielle sur commande".

La Fédération FFS de Boumerdès récuse quant à elle la demande des aârchs de départ des élus locaux : "Pendant que les élus locaux, particulièrement ceux du FFS, s'ooccupent de la gestion des souffrances des citoyens, prêtent assistance et solidarité aux sinistrés, le gouvernement s'apprête à passer un accord visant à faire porter la responsabilité de son incurie et de son immobilisme aux élus locaux, pour ensuite justifier la dissolution des APC (municipalités) de Kabylie". Le FFS de Boumerdès dénonce les "prédateurs qui veulent accaparer l'ensemble des instruments institutionnels pour imposer un Président contre la volonté populaire", en transformant les institutions locales "en moyen de détournement et de falsification du suffrage universel". Quant aux aârchs, "qui ne bénéficient d'aucun soutien de la population", ils sont "instrumentalisés pour préparer et justifier le coup de force à l'échelle locale et (...) banaliser le coup d'Etat contre la légitimité populaire en général".

(El Watan, L'Expression, La Tribune, Le Quotidien d'Oran 22.1) Sur demande du Premier ministre Ouyahia, les pourparlers entre le gouvernement et les 24 délégués de l'Interwilayas des aârchs, entamés le 20 janvier, on été suspendus le lendemain après dix-huit heures de discussions. Officiellement, cette interruption est motivée par la nécessité pour Ahmed Ouyahia de présider le Conseil des ministres, le même jour. Les discussions devaient reprendre le 22 janvier. Selon des témoignages recueillis par "El Watan", les discussions se sont déroulées "dans un esprit de responsabilité et de respect mutuel".

Le point principal de divergence entre les délégués des aârchs et le gouvernement est constitué par l'exigence (la "sixième incidence") des aârchs de dissoudre les municipalités élues lors du scrutin d'octobre 2002. Pour les délégués de l'interwilayas, c'est seulement une fois ce point réglé que les discussions sur le fond (la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur) pourront commencer. "Le Quotidien d'Oran" note toutefois que le gouvernement ne dispose d'aucun instrument légal pour dissoudre des assemblées dont il a validé l'élection. En outre, si les assemblées élues ont dû braver l'hostilité des aârchs, leur dissolution devrait, elle, braver la réaction du principal parti politique de Kabylie, le FFS, qui, là où les élections ont pu avoir lieu, les avait remportées et n'a pas l'intention d'abandonner le point d'appui politique que lui donnent les municipalités (et les assemblées de wilayas).

L'aile "antidialoguiste" des aârchs (le "groupe de Mechtras") a dénéncé, dans une déclaration véhémente, le 21 janvier, le "dialogue" entre les aârchs et le gouvernement, dialogue qualifié de "processus de compromission et de reddition avec le pouvoir commanditaire des assassinats de citoyens innocents". Les délégués de l'Interwilayas sont accusés d'être des "valets du pouvoir asservis par des dinars sales, volés des fonds publics par les ordonnateurs des assassinats des martyrs du printemps noir". A Bejaïa, l'aile "antidialoguiste" de la coordination de wilaya (la CICB) accuse les délégués qui "dialoguent" avec le gouvernement de vouloir "transformer le mouvement citoyen des archs en comité de soutien à Bouteflika".

A Alger, la fédération FFS dénonce l'organisation par le Premier ministre de "rencontres avec des individus" au lieu d'un "dialogue avec les forces politiques et sociales". Le FFS algérois estime que le but du gouvernement est "de remplacer les instruments modernes de médiation par des instruments archaïques : zaouias et archs, pour annihiler toute émergence d'une alternative démocratique".

(Le Matin 20.1 / AFP, AP 23.1 / AFP, Nouvelle République, Dépêche de Kabylie 25.1 / Liberté, L'Expression, El Watan 26.1) Un protocole d'accord portant sur la révocation des élus locaux et nationaux de Kabylie, la "sixième incidence" posée par les aârchs comme une condition de leur entrée réelle dans un processus de "dialogue" avec le pouvoir, a été signé le 22 janvier entre le Premier ministre Ouyahia et les délégués de l'Interwilayas des aârchs. Au terme de cet accord, les élus issus des élections de mai (législatives) et octobre (locales et régionales) 2002 dans les wilayas de Bejaïa et de Tizi Ouzou sont révoqués à compter du 20 janvier 2004. La base légale d'une telle révocation reste cependant très problématique, la constitution ni les lois ne permettant au gouvernement de révoquer des élus désignés lors d'élections validées par le Conseil constitutionnel -ce qui a été le cas des élections de 2002, même en Kabylie.

L'accord a été violemment dénoncé par les élus locaux de Kabylie, et par le principal parti de la région, le Front des Forces Socialistes, mais également par le FLN, le RCD et le groupe des "dix plus un" (candidats déclarés ou potentiels à l'élection présidentielle d'avril 2004). "Par la remise en selle de tous les archaïsme et par l'institutionnalisation d'une voyoucratie, les apprentis sorciers persistent dans leur volonté de dominer la société, en usant de la propagande, de la terreur et de supercherie", dénonce le FFS, pour qui "l'arrangement qui vient d'être concocté (...) participe de la mise en place du duspisitif politico-administratif nécessaire à l'assaut imminent qui se profile contre la République"... Le RCD, membre du groupe des "dix plus un", a remis en cause l'accord et les conditions dans lesquelles il a été obtenu. Pour le FFS, il ne s'agit d'ailleurs pas d'un accord mais d'un "arrangement" passé par le gouvernement, "contre les lois de la République", et qui ne pourrait être concrétisé qu'en violant ces lois (lesquelles ne contiennent aucune disposition permettant au gouvernement d'invalider des élections ratifiées par le Conseil constitutionnel, ce qui est le cas des élections concernées par l'accord passé avec l'interwilayas). Mais pour le Premier secrétaire du FFS, Djoudi Mammeri, le Premier ministre n'hésitera pas à violer les lois pour appliquier l'accord : "connaissant le parcours de cet homme", le FFS pense qu'il peut "franchir (la) limite constitutionnelle" si cela l'arrange. Pour Djoudi Mammeri, l'accord entre Ouyahia et l'Interwiulayas est "un arrangement entre les différents clans du système en vue de réunir les conditions de l'organisation sur mesure de l'élection présidentielle". En instrumentalisant les aârchs, le pouvoir écarte le danger d'un boycott de la présidentielle en Kabylie, observe le Premier secrétaire du FFS. Le FLN est du même avis, et considère lui aussi que le Premier ministre a "violé la Constitution". Quand au groupe des "10+1", il estiment que la révocation, pour de pure raisons politiques, d'élus dont l'élection avait été validée par le Conseil constitutionnel, annonce "la fin du Conseil constitutionnel". Pour la plupart des juristes indépendants algériens, l'application de l'accord Ouyahia-interwilayas représenterait un "coup de force constitutionnel" : "Si ces élus sont indus, pourquoi a-t-on validé leurs mandats, et s'ils sont élus, pourquoi les révoquer ?", s'interroge Mokrane Aït Larbi, qui signale que selon le droit algérien, "Ni le président de la République, ni le Conseil des ministres, encore moins le chef du gouvernement (tout seul) n'ont le pouvoir constitutionnel de révoquer un député ou de dissoudre une Assemblée locale pour des considérations politiques".

Dans la presse, "L'Expression" estime que le "revirement" du gouvernement (qui accède à des revendications de l'interwilayas qu'il avait lui-même considérées comme anticonstitutionnelles) risque de créer plus de "complication que n'en a engendré le problème kabyle ces dernières années". D'ailleurs, c'est avec des aârchs en perte de vitesse et d'audience au sein de la population que le gouvernement a passé un accord auquel il se refusait lorsque ces mêmes aârchs mobilisaient une grande partie de la Kabylie.

En Kabylie, la décision de révocation des élus a également suscité la colère. Au nom des élus locaux de la wilaya de Bejaïa, le président de l'Assemblée populaire de wilaya (Conseil général), Ferhat Hamid (FFS) estime que les "premiers concernés" par une mesure de révocation des "indus élus" devraient être "Ouyahia et Bouteflika,m qui se sont imposés par des coups de force successifs contre la volonté populaire". L'adjoint (FLN) au Maire de Kherrata estime pour sa part que la décision de révocation des élus kabyle est "anticonstitutionnelle", et rappelle que les élections locales de 2002 ont été validées par le Conseil constitutionnel. Pour le Maire (indépendant) d'Aokas, "le pouvoir est en train de bafouer (ses) propres lois". La révocation des élus locaux a également déclenché le 23 janvier la colère de la population à Tazmalt. Premier concerné, le FFS, qui tient la municipalité, dénonce "la loi de la jungle" et le "putsch" perpétré par le gouvernement. Le siège de la sous-préfecture (daïra) a été attaqué, partiellement incendié et saccagé, et le chef de daïra (sous-préfet) évacué sous escorte policière. Un porte-parole du FFS local, Khaled Tazaghart, déclare que le FFS refuse "la singularisation de la Kabylie" et l'annulation des élections locales dans les seules wilayas kabyles. Achour Belkhichane, premier vice-président de l'assemblée populaire communale (maire adjoint) affirme : "nous ne sommes pas des indus élus mais de vrais élus", bénéficiant au surplus du soutien des représentant de l'arch local. Une marche populaire est annoncée pour le 28 janvier. Les élus d'Adekar et de Tichy estiment que l'objectif de l'accord est, pour le gouvernement, et avec la complicité de l'interwilayas, de "tenter de tout contrôler après avoir tenté de tout détruire". Les élus locaux de la wilaya de Tizi Ouzou ont condamné l'accord aboutissant à leur propre révocation.Pour l'ancien porte-parole du FFS, Chafaâ Bouaiche, on est passé dans la crise kabyle "de la plate-forme sans négociation à la négociation sans plate-forme", du radicalisme et du refus de tout dialogue avec "le Pouvoir maffieux et assassin" à un dialogue avec ce même pouvoir, "sans la plate-forme d'El-Kseur" mais sur des "préalables" qui représentent un "recul du combat" : "les 124 jeunes assassinés n'ont pas donné leur vie pour que la population ne s'acquitte pas des factures d'électricité", résume Bouaiche. Une dizaine d'associations sociales et culturelles de Bejaïa ont rejetté dans un communiqué commun le "pseudo-accord" conclu, au terme d'un "marchandage", entre le pouvoir et les aârchs, en "violation des lois de la République". Les associations dénoncent les "pratiques antidémocratiques" des signataires de l'accord.

L'accord entre le gouvernement et les aârchs sur la révocation des élus kabyle a cependant suscité la satisfaction du RND (le parti du Premier ministre), pour qui cet accord "a placé l'intérêt du citoyen et celui de la Kabylie et de l'Algérie entière au dessus de toute considération". Il a également, évidemment, suscité la satisfaction des représentants des aârchs favorables au "dialogue" entamé avec le gouvernement. Les porte-paroles de la coordination des aârchs de la wilaya de Bejaïa ont qualifié l'accord de "victoire à mettre à l'actif du peuple algérien". Pour le porte-parole le plus connu des aârchs, Belaïd Abrika, il s'agit d'un "accord historique qui permet enfin d'entrevoir la solution à la crise de Kabylie".

Lors des élections locales d'octobre 2002, le FFS avait remporté 23 des 29 communes où le scrutin avait pu se tenir dans la wilaya de Bejaïa (il avait été empêché dans 23 autres communes), et 26 des 30 communes où il avait pu se tenir dans la wilaya de Tizi Ouzou (qui compte 67 communes). Le FLN contrôle 5 communes à Bejaïa et 6 à Tizi Ouzou.

Les discussions entre les délégués de l'Interwilayas des aârchs et le gouvernement ont repris le 23 janvier, portant cette fois sur la "mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur".

(La Nouvelle République 27.1 / AP 28.1 / Liberté, L'Expression, El Khabar, La Nouvelle République, El Watan 29.1) Le "dialogue" entre l'interwilayas des aârchs et le gouvernement a été interrompu le 28 janvier, après trois jours de discussions à huis clos sur la "mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur" (dont l'interwilayas a rappelé qu'elle était "scellée et non négociable", ce qui laisse peu de place à la négociation). La suspension des discussions a été le fait des aârchs, dont l'un des porte-paroles, Belaïd Abrika, a déclaré que les deux délégations n'étaient pas parvenues "à un accord quant à l'officialisation de la langue amazigue". Les deux parties s'opposent sur "le caractère amazigh" du peuple algérien et sur l'intégration de la composante berbère dans les "constantes nationales" aux côtés de l'islam et de la langue arabe.Le gouvernement propose un référendum national sur cette question, les aârchs rejettent catégoriquement cette proposition, et acceptent tout au plus de s'en remettre au Parlement. Selon Belaïd Abrika, pour qui "il n'est pas normal de soumettre la langue de nos ancêtres à un référendum", d'autres points de discussions feraient déjà l'objet, sinon d'un accord, du moins d'une convergence entre le gouvernement et les aârchs : création d'une chaîne de télévision nationale en tamazigh, officialisation du Nouvel-an berbère (Yennayer, le 12 janvier) comme jour férié officiel, chômé et payé...

L'accord intervenu entre le gouvernement et les aârchs sur l'invalidation des élus locaux et régionaux continuent d'être violemment dénoncé par bonne partie de l'opposition, à commencer par le Front des forces socialistes, dont le Premier secrétaire Djoudi Mammeri accuse le pouvoir de "vouloir singulariser et différencier la Kabylie du reste de l'Algérie", d'"attiser le feu et (d'apporter) du grain au moulin des séparatistes et des partisans de la fragmentation en douars administrés par les zaouias et protégés par les potentats de la mafia". L'accord de révocation des élus de Kabylie est "une monstuosité juridique", ajoute Mammeri, pour qui cet accord "n'a d'autre finalité que de ramener la Kabylie meurtrie à soutenir la candidature de Bouteflika". En revanche, un porte-parole des aârchs opposés au "dialogue", Hocine Mammeri, délégué de Larbaâ Nath Irathen, estime que la "non-participation de la Kabylie" à la présidentielle "profiterait à Bouteflika", puisque la région est un bastion de l'opposition.

A Akbou (w. Bejaïa) devait se dérouler le 29 janvier une marche populaire précédée un meeting animé par les élus locaux pour dénoncer le "deal" passé entre le gouvernement et l'interwilayas. Les municipalités de Bejaïa, Souk El Tenine, Tichy et Tazmalt ont également dénoncé l'accord de révocation des élus locaux. Un meeting de soutien était également prévu le même jour à Souk El Tenine. Le 28, à Tazmalt, une marche de soutien aux élus locaux, organisée par un comité citoyen, a rassemblé plusieurs centaines de personnes, avant de se terminer en un meeting lors duquel le caractère anticonstitutionnel de la révocation des élus a été mis en évidence.

Dans la wilaya de Bouira, la fédération FFS a dénoncé un accord passé dans le seul but de "laisser libre cours au pouvoir pour qu'il puisse installer ses relais pour mieux cautionner la fraude électorale", et a estimé que les seuls "indus élus" dont il conviendrait d'exiger la révocation sont Bouteflika, son gouvernement et sa majorité parlementaire.

(La Tribune 3.2 / AP 6.2 / L'Expression, Le Quotidien d'Oran, El Watan 7.2) Le "dialogue" entre le Premier ministre Ouyahia et la délégation de l'interwilayas des aârchs a été suspendu le 6 février, après douze heures de négociations. Le point d'achoppement est l'officialisation de tamazight comme langue officielle, officialisation que les aârchs veulent voir effectuée par la voie parlementaire et que le gouvernement, sur mandat du président, veut voir soumise à un référendum -ce qui risque, selon le porte-parole des aârchs Belaïd Abrika, de dresser une partie de la population algérienne contre une autre. Abrika a ajouté que si le gouvernement ne changeait pas de position, les aârchs cesseraient ne négocier. Les négociations devaient reprendre le 7 février. "On prendra le temps qu'il faut mais on trouvera une solution. Nous n'avons pas le droit de décevoir la population de Kabylie qui attend de voir le dialogue aboutir", a déclaré le Premier ministre.

La population de Kabylie semblée cependant plus divisée que ne le laisse entendre le ministre. Le 5 février, un meeting organisé à Tazmalt (w. Bejaïa) par la coordination des aârchs a failli dégénérer en affrontements entre partisans du "dialogue" avec le gouvernement et militants du Front des forces socialistes, qui refusent la dissolution de l'assemblée communale. A Boghni, un meeting organisé par le FFS a dû être annulé après des menaces de "provocations" et d'"affrontements" émanant des "radicaux" des aârchs.

"La Tribune" note que la dissolution des assemblées locales, dont la majorité sont contrôlées en Kabylie par le FFS, intervient après que celles-ci, quelles que soient les conditions de leur élections, se soient montrées particulièrement actives : "tous les conflits qui touchent le monde du travail finissaient par atterir sur le bureau du président d'APW" (Assemblée populaire de wilaya, Conseil général), et les municipalités autant que l'APW se montraient également très actives dans la recherche de la vérité sur toute une série de scandales et d'"affaires", notamment dans le domaine foncier. Leur dissolution, exigée par l'interwilayas des aârchs, a donc été acceptée avec soulagement par le gouvernement. qui n'avait rien à gagner à ce que les enquêtes lancées par les pouvoirs locaux aboutissent.

(Reuters 8.2 / AP 9.2) Les négociations entre le Premier ministre Ouyahia et les représentants de l'Interwilayas des aârchs ont été rompues le 8 février par les aârchs, qui ont dénoncé "l'entêtement" des autorités à vouloir soumettre l'officialisation de tamazight à un référendum national. Du coup, la délégation de l'Interwilayas a également rejeté la scrutin présidentiel d'avril.

"L'entêtement du représentant de l'Etat à vouloir imposer la soumission de tamazight, langue officielle, au peuple par voie exclusive du référendum constitue une insulte, un reniement de l'ndentité amazighe, mais plus que cela, une entreprise dangereuse de division des Algériens", ont déclaré les 24 délégués des aârchs. Pour sa part, le Premier ministre a appelé à la reprise d'un "dialogue loyal", pour lequel il s'est dit "disponible en permanence". Ahmed Ouyahia a également exprimé sa certitude que "finalement, la question sera réglée".

(El Watan 22.3) Le "dialogue" entre les coordinations des aârchs (ou du moins la majorité d'entre elles) et le gouvernement pourrait reprendre, à l'invitation du Premier ministre Ouyahia, selon deux des porte-paroles des aârchs, Hakim Kacimi (Bouira) et Ali Gherbi (Bejaïa), qui, avec des représentants de la coordination de Tizi Ouzou, devaient rencontrer une délégation du gouvernement le 22 mars. Cette reprise du dialogue est cependant incertaine, l'interwilayas ne l'ayant pas cautionnée, et une bonne partie des coordinations locales et régionales étant engagées dans la campagne de boycott de l'élection présidentielle (alors que certaines coordinations locales appellent au contraire à participer à cette élection en soutenant l'une ou l'autre des candidatures "antibouteflikistes". Pour Belaïd Abrika, chef de file de la tendance opposée aux élections, "personne n'a été mandaté pour dialoguer et cette nouvelle rencontre (entre aârchs et gouvernement) ne concerne pas le mouvement".

(La Tribune 21.3) Les élus FFS dans les municipalités et à l'assemblée de wilaya (Conseil général) de Bejaïa ont exprimé leur opposition résolue à la dissolution des agences foncières communales, dissolution en laquelle ils voient l'expression de la volonté du pouvoir de "dépouiller les communes de leur patrimoine foncier", d'"anéantir le pouvoir des élus" en les privant des moyens de "défendre les intérêts des populations qu'ils représentent". Pour le FFS, cet "assaut contre la volonté populaire et contre les biens publics" ne peut aboutir qu'à des "dilapidations à grande échelle comme au temps des sinistres Délégations exécutives communales", mises en place par le pouvoir central pour remplacer les municipalités élues, après l'interruption du processus démocratique en 1991-1992. Le FFS appelle le citoyens à "faire barrage aux prédateurs de tous bords" et à se mobiliser "pour arracher leurs droits". En 1999, les élus du FFS avaient publié à Bejaïa un "livre noir" sur le foncier à Bejaïa, dénonçant malversations et trafics d'une ampleur considérable.

(AFP 20.4 / El Khabar 21.4 / Corr. 22.4) Des milliers de personnes ont défilé le 20 avril dans le calme dans les principales localités de Kabylie, notamment à Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira, pour commémorer le "printemps berbère" de 1980. Les manifestations se faisaient à l'appel des diverses tendances du Mouvement culturel berbère (MCB), et des aârchs, qui avaient appelé à une grève générale, qui semble n'avoir été massivement suivie qu'à Tizi Ouzou. Une marche prévue à Alger a été interdite par les autorités. Un rassemblement, sous étroite surveillance policière, s'est tenu sur le campus de l'université de Bouzaréah. Au Maroc, à Agadir, la police a dispersé le 21 avril une manifestation d'étudiants commémorant le "printemps berbère" de Kabylie et exprimant son soutien au mouvement des aârchs.

Le 19 avril, lors de la cérémonie de son investiture pour un deuxième mandat de président de la République, Abdelaziz Bouteflika a appelé à la poursuite du dialogue entre le gouvernement et les aârchs, et affirmé que "la Kabylie ne peut exister sans l'Algérie et l'Algérie ne peut exister sans la Kabylie".

(AP 24.4) La Coordination des aârchs de Tizi Ouzou (CADC) a réitéré le 23 avril son refus de reprendre le dialogue avec le gouvernement tant que tamazight n'aura pas été reconnu comme langue officielle, sans que cette reconnaissance soit soumise à référendum. Les coordinations de Bejaïa et de Bouira ont également adopté cette même position. Dans une déclaration, la CADC constate que "la divergence de fond à l'origine du blocage du dialogue demeure entière" et réaffirme que la solution du conflit "ne saurait s'inscrire en dehors de la satisfaction pleine et entière des revendications nationales et légitimes véhiculées par la plate-forme d'El-Kseur.

(El Watan 20.5, 23.5) Le Premier ministre Ouyahia a lancé, après être intervenu à l'Assemblée nationale, un nouvel appel au "dialogue" avec les aârchs de Kabylie, à quoi les premières réactions des représentants des aârchs ont été plutôt négatives, et ont consisté à rapépeler la première exigence du mouvement pour toute reprise de tout "dialogue", à savoir le renoncement du gouvernement à tout référendum sur l'officialisation de tamazight comme langue nationale. Plusieurs délégués ont en outre mis en avant la reprise de la répression du mouvement citoyen, notamment à Tkout, dans les Aurès, où des dizaines de jeunes manifestants ont été arrêtés et où les délégués du mouvement citoyen ont du prendre le maquis pour éviter de l'être. Dans la wilaya de Chlef également, où des émeutes avaient éclaté le 17 mai à Ouled Ben Abdelkader pour protester contre les critères d'attribution de logements sociaux,, une cinquantaine de personnes ont été arrêtées et présentées le 18 mai à un juge d'insuruction, qui en a manitenu quatre en détention. Mais 31 manifestants remis en liberté ont été à nouveau arrêtés, dont un élu municipal. Le 19 mai, des émeutes ont éclaté à Souk El Had, dans la wilaya de Relizane, et plusieurs manifestants ont été blessés.

(Reuters 10.8) Le porte-parole le plus connu des aârchs, Belaïd Abrika, a été arrêté le 10 août, sur l'accusation d'avoir insulté et menacé la veille des membres du Conseil municipal de Tizi ouzou, qui ont porté plainte contre lui.

(La Tribune, El Watan 23.9, 29.9) Le Maire de Tizi Ouzou, Omar Cherrak, a été destitué le 22 septembre de sa charge, après un vote de défiance obtenu sur proposition du wali (préfet) et en présence du chef de daïra (sous-préfet), dans une municipalité assiégée par de jeunes manifestants tentant de faire reporter le vote. Le successeur du maire destitué devrait être désigné par l'Assemblée populaire communale (où le FFS est relativement majoritaire) avant la fin du mois, à moins que les autorités ne désignent un administrateur. Une semaine après la destitution d'Omar Cherrak, un nouveau maire a été désigné par le parti majoritaire, le FFS, en la personne de Cherif Aït Ahmed, ancien vice-président de l'APC entre 2002 et 2003.

2005

(AFP 4.1 / Liberté, Le Quotidien d'Oran 6.1) Le Premier ministre Ouyahia a invité le 4 janvier, "à la veille de la célébration de Yannayer" (nouvel-an berbère), le 12 janvier, le mouvement des âarchs à reprendre le "dialogue" interrompu depuis février 2004, pour résoudre la crise en Kabylie et "aboutir à un accord global de mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur", adoptée par les âarchs en juin 2001 et admise par le président Bouteflika et le gouvernement. Ce "dialogue", amorcé en janvier 2004, avait été rompu le 7 février par les ârchs, qui refusaient que la reconnaissance officicielle de la langue erbère comme langue nationale soit soumise à référendum populaire. Le gouvernement réitère dans un communiqué son soutien à l'accord obtenu les 6 et 22 janvier 2004 avec les âarchs, au sujet des "incidences" de la plate-forme d'El Kseur; plusieurs de ces "incidences (défiscalisation des commerçants, révocation des élus locaux, réintégration des salariés licenciés, moratoire sur le redevance TV) n'ont cependant pas été accordées par le gouvernement. Quant à la libération des détenus du mouvement citoyen, elle n'a pas été totale. La plate-forme d'El-Kseur exigeait en outre "le jugement des assassins et des commanditaires" de la répression du "printemps noir", et la "mise sous l'autorité d'institutions démocratiquement élues de tous les corps de sécurité", et les ârchs refusent l'éventualité que les gendarmes responsables de la mort de 126 manifestants kabyles puissent bénéficier de l'amnistie générale proposée par le président Bouteflika.

Plusieurs porte-paroles du mouvement des âarchs, dont Belaïd Abrika, ont, dans une conférence de presse tenue le 5 janvier, accepté de réouvrir le "dialogue" avec le gouvernement, dont l'invitation "contient des points positifs" : "le dialogue est la seule solution à la crise", dès lors que le gouvernement a accepté d'appliquer la plate-forme d'El-Kseur, a déclaré Belaïd Abrika. Toutefois, la décision d'accepter ou non le "dialogue" proposé devra être prise par la coordination interwiléayas, qui devrait se prononcer le 8 janvier.

L'interwilayas des âarchs appelle à une grève générale le 12 janvier, jour du Nouvel-An berbère (Yennayer), que selon des "indiscrétions" dont "Liberté" se fait l'écho, le Premier ministre aurait l'intention d'instituer comme fête nationale, chômée et payée,

(Liberté 15.1) La reprise du dialogue entre le gouvernement et les aârchs s'est faite le 13 janvier, sur fonds de divergences au sein des aârchs : à Alger, Belaïd Abrika, porte-parole de la délégation des aârchs, déclarait que les délégués étaient "mandatés" pour parler de "l'actualisation des incidences" de la plate-forme d'El Kseur, et de l'application de ladite plate-forme, alors qu'un autre porte-parole connus des aârchs, Ali Gherbi, annonçait une conférence de presse pour dénoncer la "duperie" que serait la réouverture d'un "dialogue" avec le gouvernement. Quant au Premier ministre Ouyahia, il a accueilli les délégués "dialoguistes" des aârchs en leur donnant du "frères".

(La Tribune 16.1 / El Watan, L'Expression, Le Jeune Indépendant 17.1/ El Watan, L'Expression 19.1) Les représentants de l'aile "dialoguiste" des aârchs de Kabylie et le Premier ministre Ouyahia, qui ont engagé les 14 et 15 janvier des discussions sur l'application de la "plate-forme d'El Kseur", se sont quitté le 15 sur la promesse de reprendre les négociations le 25 janvier. Les deux délégations ont convenu de l'installation d'un "mécanisme conjoint" en vue de l'application des 15 points de la plate-forme, mais la composition, les prérogatives et la durée de ce "mécanisme" ne sont pas précisés.

Pour le porte-parole de la délégation des aârchs, Belaïd Abrika, cet accord "permet de passer d'une phase de confrontation à une phase de partenariat". Belaïd Abrika a expliqué que les aârchs acceptent désormais un "accord global" pour la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur, ce qui implique que celle-ci n'est plus "scellée et non négociable". On note cependant que le gouvernement ne s'est pas engagé à satisfaire dans le détail et à la lettre toutes les revendications de ladite plate-forme, et que le Premier ministre Ouyahia a précisé que la satisfaction de ces revendications devra s'inscrire "dans le cadre de la Constitution et des lois du pays", ce qui va vraisemblablement rendre très difficile, sinon impossible, le strict respect du texte d'El-Kseur. On voit mal comment, par exemple, les élus locaux de Kabylie, dont l'élection a été validée par le Conseil constitutionnel, pourraient être légalement révoqués pour satisfaire à l'une des revendications des aârchs. Le départ de la gendarmerie de Kabylie est également incompatible avec le cadre légal actuel. Le communiqué commun élaboré par le Premier ministre Ouyahia et les délégués des aârchs ne contient d'ailleurs aucun engagement précis, sur aucun des points de la plate-forme. Il s'agit donc moins d'un accord sur le fond que de l'expression d'une volonté commune de sortir de la crise.

Toutes les questions faisant conflit restent cependant posées. Ainsi de l'officialisation de tamazigh comme langue nationale et officielle, que le gouvernement souhaitait soumettre à référendum national, ce qui avait provoqué la rupture du précédent dialogue, en 2004, les aârchs refusant catégoriquement tout référendum sur cette question. Belaïd Abrika a d'ailleurs réitéré cette opposition après la rencontre des 14 et 15 janvier.

Pour le porte-parole des "dialoguistes", Belaïd Abrika, la plate-forme d'El-Kseur est porteuse d'un "projet de société démocratique, républicain et moderniste", et sa concreétisation impliquera des changements parfois "radicaux". L'engagement, même formulé en termes généraux, du gouvernement à concrétiser cette plate-forme est donc une victoire pour le mouvement citoyen. L'aile "dialoguiste" de celui-ci reconnaît, en échange, la légitimité de l'élection d'Abdelaziz Bouteflika à la présidence (alors que le mouvement avait appelé au boycott de cette élection), et admet que la concrétisation de la plate-forme doit être de la compétence de l'Etat et du gouvernement. Enfin, le Premier ministre Ouyahia a explicitement inscrit l'accord avec les aârchs dans le cadre de la politique de "réconciliation nationale" menée par le président Bouteflika, et donc présenté cet accord comme une victoire du pouvoir, dans ler même temps où les délégués des aârchs le présentaient comme une victoire du mouvement citoyen.

Ces contradictions et le "flou" de l'accord ont suscité de vives réactions de l'aile "antidialoguiste" des aârchs, et notamment du porte-parole de la Coordination intercommunale de Bejaïa, Ali Gherbi, qui a dénoncé un "dialogue superficiel" et une "supercherie" ne pouvant aboutir qu'à un "replâtrage". Ali Gherbi a accusé les "dialoguistes" d'avoir accepté que le Premier ministre choisisse ses interlocuteurs, sans que ceux-ci soient mandatés par le mouvement. Dénonçant une "machination" du pouvoir, Ali Gherbi a menacé de "relancer ou plutôt raviver la protesta". Pour autant, le porte-parole de la CICB se dit favorable à un dialogue, mais sans "accepter les yeux fermés tout ce qu'on nous propose", car le "dialogue" tel que conçu par le pouvoir "risque d'être le coup de grâce pour notre mouvement".

D'autres représentants de la tendance "antidialoguiste" des aârchs (des délégués des wilayas de Boumerdès, Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira) ont également dénoncé l'accord intervenu avec le gouvernement, accord qualifié de "compromission historique". Certains opposants au "dialogue" ont accusé les membres de la délégation conduite par Belaïd Abrika d'avoir été "corrompus" par le pouvoir pour "mettre un terme à la plate-forme d'El Kseur".

Du côté des partis politiques, on note sans surprise la satisfaction affichée par les partis gouvernementaux (FLN, RND, MSP) quand à l'existence même d'un accord entre le pouvoir et les aârchs, mais également des divergences sur la question de l'officialisation de tamazigh. Les partis islamistes (MSP et Islah) tiennent à ce que cette officialisation se fasse par référendum (ce que refusent les aârchs). Le Parti des Travailleurs, en revanche, est favorable à une officialisation sans référendum, mais dénonce l'aspect "régionaliste" de plusieurs points de la plate-forme d'El-Kseur et se dit surpris "par ce dialogue déterré au moment où le gouvernement s'est mis à brader les richesse du pays".

Le Front des Forces Socialistes considère pour sa part que l'accord, qu'il qualifie de "feuille de route du chef du gouvernement, approuvée par les délégués d'Ouyahia", n'est qu'une "mise en scène qui ne sera d'aucun apport aux citoyens et à la démocratie", et ne servira qu'à "duper les Algériens" et à donner au Pouvoir le temps pour "réaliser des arrangements (...) à l'intérieur du sérail", arrangements nécessaires au "partage de la rente". En continuant à "entretenir le flou et la confusion au sein de la population", le gouvernement cherche également à "empêcher toute émergence politique et démocratique" au sein de la société, ajoute le FFS, pour qui, finalement, l'"accord" entre Ouyahia et la délégation des aârchs est un "non-événement", qui ne fait que confirmer une vieille pratiquer du pouvoir, qui "fait et défait ses propres supplétifs". Le Front des Forces Socialistes appelle à un véritable retour à l'exercice des libertés d'opinion, d'expression et d'organisation, seule voie pour l'avènement d'une "deuxième République", et estime que la condition de ce retour aux libertés fondamentales et la "libération de l'ensemble des détenus d'opinion (et) la libération inconditionnelle des étudiants arbitrairement incarcérés".

(El Watan, 17.1) Le communiqué des participants au "dialogue"

Le chef du gouvernement et les représentants du mouvement citoyen des 
archs se sont réunis les 14 et 15 janvier 2005 dans le cadre de la 
reprise du dialogue pour la mise en œuvre de la plateforme d’El Kseur. A 
cette occasion, les représentants du mouvement citoyen des archs, partie 
prenante dans la mise en œuvre de la plateforme d’El Kseur comme stipulé 
dans le document de son explication de Larbaâ Nath Irathen, réaffirment 
leur disponibilité à concrétiser leurs revendications contenues dans la 
plateforme d’El Kseur, et ce, conformément au document de sa mise en 
œuvre adopté à Tizi Ouzou, et ont tenu à rappeler leur souhait de voir 
ce dialogue constructif et responsable aboutir. De son côté, le chef du 
gouvernement a tenu à rappeler que l’Etat a clairement exprimé à maintes 
reprises sa volonté et son engagement à mettre en œuvre la plateforme 
d’El Kseur, comme il l’avait proclamé dès la déclaration du Conseil des 
ministres du 24 août 2003 et l’a réitéré à maintes reprises. Au 
demeurant, cette même volonté a été réaffirmée par le président de la 
République personnellement, notamment dans le cadre de son programme que 
le peuple algérien a démocratiquement approuvé par une très large 
majorité le 8 avril 2004. Le gouvernement s’y est à son tour engagé de 
nouveau à travers le programme présenté au Parlement et qu’il avait 
accompagné d’un appel renouvelé au mouvement citoyen pour aborder 
ensemble la mise en œuvre de la plateforme d’El Kseur. Le chef du 
gouvernement a également rappelé que cette mise en œuvre a été entamée à 
travers les décisions arrêtées à l’occasion du dialogue au sujet des six 
incidences, décisions qui ont connu un important début d’application et 
qui sont confirmées. Animé de la même volonté et soucieux de ne pas 
retarder encore plus la mise en œuvre de la plateforme d’El Kseur, le 
chef du gouvernement et le mouvement citoyen des archs ont décidé d’un 
commun accord de mettre en place un mécanisme conjoint chargé du suivi 
et de la mise en œuvre de la plateforme d’El Kseur par l’Etat, dans le 
cadre de la Constitution et des lois de la République algérienne 
démocratique et populaire.

Fait à Alger, le 15 janvier 2005
- Le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia
- Pour le mouvement citoyen des archs Abrika Belaïd, porte-parole et 
chef de la délégation ; Allouache Rachid ; Benmansour Bezza ; Redjdal Mokrane ;
Hammouche Djoudi ; Hammache Mohamed-Bachir ; Mzalla O. Nordine ; 
Abdedou Djafar ; Bellout Rabah ; Amara Mohand ; Zekrini Mohand-Arezki ; 
Yahiaoui Salah ; Chekhar Saïd ; Oudjedi Fares ; Kaci Boussad ; Moula Boukhalfa ;
Iguetoulene Mohammed ; Ben Ouarat Khoudir. 
Parents des martyrs Raab Khellaf ; Mokrabe Saïd ; Seghir Idir ; Guermah Khaled ;
Akkouche Boualem ; Bettar Mokrane.


(El Moudjahid 27.1) Un "mécanisme conjoint de mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur" a été constitué le 25 janvier par le Premier ministre Ouyahia et les représentants des "dialoguistes" des aârchs, en application de l'accord signé le 15 janvier entre le gouvernement et la délégation conduite par Belaïd Abrika. Le comité constitué par les deux parties est formé de neuf représentants de chacune, soit sept et deux rapporteurs pour les aârchs et neuf pour le gouvernement. Il est chargé de "discuter de la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur et d'arrêter etdéfinir les voies et moyens adéquants". Il soumettra ses conclusions à un "comité conjoint de suivi", formé de la délégation des aârchs, conduite par leur porte-parole (actuellement Belaïd Abrika) et de celle du gouvernement, conduite par le Premier ministre.

(Liberté 13.2) La coordination "Interwilayas" des aârchs, qui a tenu un "conclave" le 11 février à Tizi Rached, a approuvé le bilan des négociations entre la délégation des aârchs conduite par Belaïd Abrika et le Premier ministre Ouyahia, et a renouvelé sa confiance à sa délégation. Les négociations pour la mise en oeuvre de la plate-forme d'El Kseur devaient reprendre le 13 février, l'accord trouvé avec le gouvernement en restant encore essentiellement au stade des déclarations de principe.

(El Watan 2.3) Le Secrétaire général du Rassemblement national démocratique, Ahmed Ouyahia, par ailleurs Premier ministre, a demandé aux élus locaux et régionaux de son parti en Kabylie de démissionner de leur mandat, en application de l'accord conclu entre le Premier ministre Ahmed Ouyahia, par ailleurs secrétaire général du RND, et les représentants de l'aile majoritaire des aârchs. Le retrait des élus locaux et régionaux est l'une des revendications de la plate-forme des aârchs ("plate-forme d'El-Kseur"). La consigne du chef du RND et du gouvernement a été exécutés sans contestation par les élus du RND (17 élus locaux dans la wilaya de Tizi Ouzou et trois dans celle de Bejaïa), mais dénoncée par le Front des forces socialistes (FFS, parti majoritaire en Kabylie, avec des centaines d'élus,et qui contrôle 27 municipalités sur 37 dans la wilaya de Tizi Ouzou et trente sur 52 dans celle de Bejaïa) et le Parti des Travailleurs (PT). Le FFS a rappelé qu'il n'avait aucun "diktat" à recevoir d'Ahmed Ouyahia, et que ses élus l'ont été par les citoyens qui ont fait usage de leur droit de vote, et non désignés par le gouvernement. Le FFS a réaffirmé que ses élus de démissionneront pas, et qu'il s'agissait là d'une décision irrévocable. Le PT a quant à lui dénoncé dans la décision du RND une "menace contre l'unité de la nation", et rappelé qu'il considérait la revendication des aârchs de révocation des "indus élus" comme "insensés et très dangereuse". "Nous ne voulons pas que le pouvoir extraie la Kabylie des autres régions", et organise un scrutin en Kabylie et en Kabylie seulement.

La démission des élus RND des instances locales et régionales de Kabylie n'équivaut pas à une dissolution de ces instances, puisque le RND y est très minoritaire, et que c'est le FFS, dont les élus n'en démissionneront pas, qui y est majoritaire, au moins relativement, et parfois absolument. Quand au FLN, qui a 113 élus dans la région, il n'écarte ni la possibilité de les faire démissionner, ni celle de les maintenir. Mais même si le FLN devait suivre l'exemple du RND, la moitié seulement des assemblées communales pourraient être dissoutes, puisque dans l'autre moitié, la majorité des élus appartient à des partis qui refusent le "diktat d'Ouyahia"

(Quotidien d'Oran 9.3 / AP 11.3 / El Watan 12.3 / L'Expression 13.3) Le Premier ministre Ouyahia a annoncé le 11 mars la tenue d'élections locales partielles en Kabylie, sans en préciser la date, mais en précisant que les assemblées communales et wilayales de Tizi Ouzou, Bejaïa et "d'autres wilayas" seront renouvelées "conformément aux engagements du gouvernement pris lors du dialogue avec le mouvement citoyens des Archs". La tenue de nouvelles élections locales partielles en Kabylie, après celles, déjà partielles, d'octobre 2002, est l'un des points de l'accord conclu en février entre le gouvernement et une délégation des "dialoguistes" des aârchs. Le Premier ministre a justifié la convocation d'élections locales en Kabylie (et en Kabylie seulement) par le "déficit de légitimité" de ces assemblées, élues en octobre 2002 contre le boycott des aârchs et avec un très fort taux d'abstention. La dissolution des assemblées communes et wilayales de Kabylie devrait se faire par décret présidentiel, a annoncé le secrétaire général du FLN (et par ailleurs ministre des Affaires étrangères) Abdelaziz Belkhadem.

Le RND, parti du Premier ministre, a déjà annoncé le le retrait de ses élus en Kabylie, où il est très minoritaire, alors que le FLN et le MSP n'ont pas encore pris position, et que le Front des forces socialistes, parti majoritaire en Kabylie, refuse de retirer ses élus et dénonce un "plan de persécution qui vise le FFS" à l'instigation de l'alliance présidentielle et des aârchs, instrumentalisés par le Pouvoir. Le Parti des Travailleurs a également dénoncé la révocation des assemblées élues en Kabylie, dans laquelle il voit un danger de division du pays.

Le FFS a proposé au gouvernement d'organiser des élections locales et régionales dans l'ensemble du pays, en rappelant que les élections d'octobre 2002 avaient été validées par le Conseil constitutionnel, et en affirmant que ce ne sont pas les seules assemblées locales et régionales de Kabylie qui souffrent d'un "déficit de légitimité", mais toutes les assemblées élues en Algérie, y compris l'Assemblée nationale. "Si l'on veut réellement construire la démocratie", il faut "dissoudre toutes les assemblées élues à travers tout le territoire et procéder à d'autres élections" car toutes les élections organisées jusqu'à présent sont "entachées d'illégitimité", a déclaré le Premier secrétaire du FFS Ali Laskri. On note d'ailleurs que les élus des wilayas de Kabylie à l'Assemblée Nationale nbe sont concernés par aucune mesure de révocation ou d'annulation de leur élection, alors même que celle-ci s'est déroulée dans des conditions semblables à celles des assemblées locales et régionales que le Premier ministre veut faire réélire. Il est vrai que les députés élus en Kabylie sont, majoritairement, représentants de partis gouvernementaux, alors que les conseillers municipaux et conseillers généraux sont, eux, très majoritairement issus de partis d'opposition, et en particulier du FFS.

(Le Quotidien d'Oran 12.4 / Liberté 13.4 / Le Soir, La Tribune, El Watan 16.4 / Liberté 17.4 / El Khabar, Quotidien d'Oran 19.4) Le Front des forces socialistes a réitéré son refus de céder au "coup de force" de la dissolution des assemblées locales de Kabylie : "le FFS ne se soumet ni au diktat des autorités, ni aux sirènes de la corruption, encore moins au terrorisme intellectuel", a déclaré le porte-parole du parti, Karim Tabbou. S'agissant de la décision du FLN (du moins de sa direction centrale) de retirer ses élus des assemblées locales de Kabylie, après que le RND du Premier ministre Ouyahia ait pris la même décision, Karim Tabbou estime qu'elle relève de la poursuite du règlement de compte interne à l'ancien parti unique, la nouvelle direction, autour d'Abdelaziz Belkhadem, voulant "solder les comptes" avec les partisans de l'ancienne direction, autour d'Ali Benflis. Le porte-parole du FFS ajoute que la direction du FLN, "issue d'un putsch", n'est pas la mieux placée pour donner des leçons de démocratie aux autres, et que la dissolution des assemblées locales de Kabylie n'est que le dernier acte d'une manoeuvre politique qui a commencé avec la mobilisation des "chargés de mission" (les aârchs) pour empêcher le scrutin d'octobre 2002, qui s'est poursuivie, le scrutin ayant malgré tout eu lieu, avec la "mise en quarantaine" des élus, et qui s'achève donc avec la dissolution des assemblées. Pour le Premier secrétaire du FFS, Ali Laskri, "la stratégie mise en oeuvre par le pouvoir ne fait que renseigner davantage sur son irresponsabilité", sur son "entêtement à tenter de discréditer la politique" et le suffrage universel, et "à multiplier les facteurs de désintégration sociale et à semer les germes d'un effritement de la cohésion sociale". Le FFS a donc donné pour consigne à ses élus de rester en place et de mobiliser la population. "Nous allons démontrer l'illégalité de la mesure le jour où le décret sera promulgué et nous donnerons des preuves sur le terrain", annonce le porte-parole du FFS. Selon le FFS, la dissolution des assemblées élues viole toute une série de textes légaux : le décret instituant une commission politique nationale de surveillance des élections, l'instruction présidentielle relative aux élections locales, le code de wilaya, le code communal, la Constitution. Ces textes énumèrent exhaustivement les cas pouvant entraîner la dissolution d'assemblées élues, et aucun de ces cas ne correspond à celui des assemblées locales que veut dissoudre le gouvernement. En outre, les procédures à respecter pour dissoudre des assemblées ou annuler une élection , ne sont pas respectées par le gouvernement. Le FFS rappelle que ni les assemblées locales, ni le Conseil de la Nation (qui procède partiellement d'élections indirectes par les membres des assemblées locales et wilayales) ne peuvent être dissouts par le président. Par ailleurs, il n'est fixxé aucun taux de participation minimum pour qu'une élection soit valide, et les élections locales en Kabylie ont été validées par le Conseil constitutionnel.

Les élus FFS de Kabylie ont en outre porté plainte pour diffamation contre le Premier ministre Ouyahia, qui les avait qualifié (avec tous les autres élus locaux de la région) d'"indus élus", expression rituelle dans les discours des aârchs, et qui se retrouve donc dans ceux du Premier ministre, ce qui amène le porte-parole du FFS à estimer que "le Chef du gouvernement confond ses fonctions avec ses envies et agit tantôt en tant que président de l'interwilayas des archs, tantôt en sa qualité de Chef du gouvernement, et souvent en qualité de secrétaire général du RND".

Le RND a d'ailleurs décidé de demander à ses élus de se retirer des assemblées locales de Kabylie, et le 11 avril le FLN prenait, au niveau central (celui du secrétariat exécutif) , la même décision, en ajoutant que les élus concernés ont accepté en échange de la promesse qu'ils seront reconduits sur les listes des élections partielles à venir. Selon le code électoral, les électeurs doivent être convoqués aux urnes 90 jours avant le jour du scrutin. Les élus FLN des wilayates de Bejaïa et de Tizi Ouzou ont cependant exprimé leur opposition à la dissolution de leurs assemblées.(ainsi que ceux du Parti des Travailleurs, en sus de ceux, majoritaires, du FFS). Les élus FLN de Tizi ouzou ont fait savoir qu'ils se sentaient "trahis" par ceux qui ont validé leurs mandats (c'est-à-dire le gouvernement) et par leur propre parti, et n'acceptent pas que la direction du FLN ne les ait pas informé de sa décision, qu'ils ont apprise par la presse. Quant au MSP (islamiste), il a regretté que la décision de retirer les élus des assemblées locales n'ait pas été prise en concertation entre les partis de l'alliance présidentielle (FLN, RND et MSP), et a estimé que toutes les assemblées devaient être rééelues, et pas seulement certaines assemblées locales.

La dissolution des assemblées locales de Kabylie a également été condamnée par le président du Rassemblement pour la démocratie et la culture, Saïd Sadi (qui avait pourtant appelé au boycott de leur élection en 2002), qui a qualifié cette dissolution d'"opération politicienne injustifiée", et rappelé que le pouvoir qui dissout les assemblées locales avait précédemment reconnu leur légitimité.

Le Premier ministre Ouyahia a poussé l'expression de sa volonté de "dialogue" jusqu'à aller se recueillir sur la tombe de la première victime des "événements" de Kabylie, Massinissa Guermah, le 18 avril. Ahmed ouyahia a ensuite rendu visite au parents de Massinissa. Il était accompagné du porte-parole des aârchs "dialoguistes", Belaïd Abrika.

(Liberté 20.4 / Dépêche de Kabylie 26.4 / El Watan 27.4) Le Premier secrétaire du FFS, Ali Laskri, a réitéré à Tizi Ouzou le refus de son parti de l'amnistie générale proposée par le président Bouteflika, et le refus également d'accepter la dissolution des assemblées locales de Kabylie. Ali Laskri a justifié le refus du FFS de l'amnistie générale par le fait qu'il ne s'agit en réalité "que d'une auto-amnistie" visant à assurer l'impunité aux responsables des violations des droits humains. Quant à la dissolution des assemblées locales de Kabylie, elle s'inscrit pour le FFS dans le cadre d'un projet de "normalisation politique" de la région, préalable à sa mise au pas. Pour le porte-parole du parti, Karim Tabbou, "la résurrection des aârchs participe de la volonté du pouvoir de substituer aux forces politiques de la région une structure archaïque et maniable à souhait". Sur la négociation entre les aârchs "dialoguistes" et le gouvernement, Karim Tabbou s'est demandé comment les aârchs, qui ont toujours exigé le jugement des auteurs de la répression meurtrière du "printemps noir", pouvaient "revendiquer le jugement des assassins" tout en négociant avec "leurs commanditaires" (le gouvernement).

A Akbou, le 25 avril, les présidents FFS des assemblées de wilaya (Conseils généraux) de Tizi Ouzou et de Bejaïa, ont exprimé leur refus de se retirer de leur poste et d'accepter la dissolution de leurs assemblées, elles aussi visées par le projet gouvernemental, comme les assemblées communales. Les dirigeants du parti (notamment le Premier secrétaire Ali Laskri, et ses prédécesseurs Ahmed Djeddaï et Mustapha Bouhadef, ont appelé les militants à se mobiliser contre "l'arbitraire" du pouvoir.

(Jeune Indépendant 4.5) La plupart des élus FLN de la wilaya de Bejaïa se sont alliés aux élus du Front des forces socialistes et aux indépendants pour exprimer leur refus de se plier à la volonté du gouvernement, et de la direction nationale de leur parti, de les faire abandonner leurs sièges dans les assemblées locales. En revanche, la majorité des élus FLN de la wilaya de Tizi Ouzou semblent avoir accepté de démissionner. Dans ces deux wilayas, cependant, le FLN est très minoritaire, et la majorité des élus, composée de ceux du FFS, refusent d'abandonner leur mandat et de permettre la dissolution des assemblées locales voulue par le gouvernement (mais qui n'a toujours pas été officiellement décidée, faute de base légale -d'où la nécessité de faire démissionner la majorité des élus).

(L'Expression 8.6 / Le Jeune Indépendant 12.6) La dissolution des assemblées locales en Kabylie, et l'organisation d'élections partielles, annoncées par le gouvernement, n'ont toujours pas été officiellement annoncées, près de six mois après avoir fait l'objet d'un accord entre le gouvernement et une partie des aârchs, qui avaient eux-mêmes annoncés que ces mesures seraient effectives "dans les délais les plus proches". "L'Expression" croit pouvoir annoncer que le décret présidentiel devant dissoudre les assemblées élues sera "promulgué d'ici la fin juin" et que le scrutin pourrait avoir lieu "en septembre", mais rien n'est venu confirmer cette annonce, d'autant qu'aucune disposition légale ne permet d'ailleurs au gouvernement (ou au président) de prononcer la dissolution d'assemblées dont il avait validé l'élection, à moins que la majorité des élus à ces assemblées n'en démissionnent. Or seuls les élus FLN (et encore : pas tous) ont annoncé qu'ils étaient disposés à démissionner, sans d'ailleurs formaliser leur démission. Ni les élus des autres partis gouvernementaux, ni ceux des partis de l'opposition, et surtout pas ceux du parti majoritaire dans la région, le Front des forces socialistes, n'ont manifesté la moindre intention de démissionner.

(El Watan 7.7, 9.7, 12.7 / Le Jeune Indépendant 10.7, 12.7 / L'Expression 10.7 / Liberté 7.7, 12.7) Le gouvernement a adopté le 6 juillet deux projets de décrets présidentiels portant sur la dissolution des assemblées populaires de wilayas (conseils généraux) et communales (conseils municipaux) des wilayates de Bejaïa et de Tizi Ouzou. Dans ces deux wilayas -et dans ces deux wilayas seulement, ainsi que dans les municipalités dont les instances n'avaient pas pu être élues en octobre 2002- devraient donc se dérouler des élections locales partielles pour repourvoir aux sièges des municipalités et de l'assemblée de wilaya, alors que les élections de 2002 à ces mêmes instances avaient été validées par le Conseil constitutionnel et cautionnées par le gouvernement, et que la dissolution des APC et des APW de Kabylie ne se fonde sur aucune disposition législative ou constitutionnelle les autorisant, dans la mesure où la majorité des membres de ces instances n'en a pas démissionné. Le gouvernement a d'ailleurs annoncé une révision prochaine du Code communal. Cette décision fait suite à un accord passé entre le gouvernement et une partie des aârchs, qui avaient fait de la "révocation des indus élus" l'une de leurs revendications principales.

Les élections partielles devraient désigner de nouvelles APC et une nouvelle PAW, siégeant jusqu'au terme du mandat normal, soit à jusqu'à l'automne 2007. Ces élections vont toutefois se dérouler dans un climat troublé par la permanence des actions des groupes armés en Kabylie, notamment dans la wilaya de Tizi Ouzou, où le GSPC reste très actif, et vraisemblablement dans l'indifférence de la population locale. Néanmoins, il semble vraisemblable que, sous réserve de la décision finale du FFS, toutes les formations politiques nationales y participeront, y compris celles qui avaient boycotté les élections de 2002, comme le Rassemblement pour la culture et la démocratique (RCD). Du côté des partis gouvernementaux, principalement du FLN et du RND, on va tenter de sauvegarder les positions acquises en 2002, dans un contexte ayant abouti pour eux à des résultats largement supérieurs à ceux qu'ils obtiennent habituellement en Kabylie, fief de l'opposition non-islamiste. Le leader du RCD, Saïd Sadi, a annoncé le 10 juillet que son parti prendra part aux élections pour "faire barrage aaux brigands" et contribuer à "éviter que les petits brigands de corrompus manipulés par Ouyahia arrivent à prendre les APC en Kabylie", ce qui semble être une allusion aux "aârchs dialoguistes" ayant négocié avec le gouvernement. Le chef du RCD n'a cependant pas précisé sur quel programme (sinon celui, évoqué, du "congrès de la Soummam" d'il y a cinquante ans), son parti allait participer aux élections, nidans le cadre de quelle alliance il allait tenter de le faire, même s'il s'est dit prêt à une alliance avec le FFS, dont le premier secrétaire, Ali Laskri, a décliné l'offre (les aârchs dialoguistes ironisant quant à eux sur l'offre du RCD de construire une "coalition contre nature avec son ex-ennemi juré, le FFS", contre lequel le RCD avait été effectivement créé),

Le Comité central du Parti des Travailleurs a également décidé que le parti participerait aux élections partielles, tout en revendiquant l'organisations de nouvelles élections générales "pour l'ensemble des assemblées élues du pays", condition, selon le PT, pour qu'une réponse politique soit réellement donnée aux problèmes du pays.

Principal parti de Kabylie, et principal parti de l'opposition non-islamique, le Front des forces socialistes, majoritaire dans la majorité des municipalités dissoutes par le gouvernement, est évidemment le premier visé par la décision de celui-ci, et promet de "mettre en échec par des moyens pacifiques cette entreprise de dislocation du tissu politique régional", selon les termes du Premier secrétaire du parti, Ali Laskri, qui accuse le pouvoir d'"organiser le désordre" et de vouloir "éradiquer toute forme d'organisation politique moderne" en Kabylie, pour laisser place à une résurgence des formes d'organisations archaïques, les aârchs, plus facilement manipulables. Ali Laskri a qualifié la démarche du gouvernement de d'"artifice juridique pour justifier un coup de force" "pacification post-coloniale", et dénoncé la capitulation des élus FLN et RND de la région. Le porte-parole du parti, Karim Tabbou, a en outre dénoncé "l'indigence du gouvernemen" et "l'infirmité politique" du président Bouteflika, l'un et l'autre usant d'un "subterfuge" à "relents tribalistes", puisque la dissolution ne concerne pratiquement que des assemblées élues de Kabylie. Ali Laskri a rappelé que le FFS a toujours manifesté un "refus d'allégeance", sauvegardé son autonomie et refusé de passer un compromis avec le pouvoir, ce qui lui permettra de continuer à mener une "opposition sans concession face à l'ordre établi". Dans l'immédiat, le FFS va restructurer ses instances locales (un nouveau secrétaire fédéral a d'ailleurs été élu à Tizi Ouzou) et organiser des manifestations publiques pour dénoncer le "coup de force" du gouvernement. La première de ces manifestations a eu lieu à Tazmalt le 10 juillet, une autre est prévue à Souk El Tenine.

(Corr. / Le Jeune Indépendant, Le Jour d'Algérie 16.7 / Quotidien d'Oran, El Watan 18.7 / El Watan, Liberté 19.7 / El Watan 23.7 / L'Expression 24.7 / El Watan, Le Jeune Indépendant, Liberté 26.7 / Liberté 28.7 / Liberté 2.8 / El Khabar 3.8) Le Conseil des ministres a approuvé le 17 juillet la dissolution des assemblées populaires de wilaya (Conseils généraux) de Bejaïa et de Tizi Ouzou, et de plusieurs dizaines de municipalités de ces deux wilayates, ainsi que des municipalités des wilayates de Boumerdès et Bouira. Le gouvernement algérien a également décidé d'approuver deux projets d'ordonnance amendant les lois de 1990 sur les wilayates et les communes, afin précisément de rendre possible la dissolution des assemblées élues "lorsque ces dernières sont confrontées à des situations de blocage dans leur fonction ou lorsque leur maintien est de nature à perturber gravement le climat politique, social et administratif de la collectivité territoriale et à retarder son développement économique et social". Ces formulations vagues et générales permettent donc désormais au gouvernement de dissoudre toute assemblée élue, au motif (ou au prétexte) de "blocage" ou de "perturbation du climat politique, social et administratif", lequel est perturbé dans toute l'Algérie. En clair, le gouvernement peut désormais dissoudre quand il veut toute assemblée locale élue, ce que la législation en vigueur précédemment, et la constitution, lui interdisaient.

La voie est donc, formellement, ouverte à des nouvelles élections locales (municipales et départementales) en Kabylie. Le décret de dissolution des APW de Tizi Ouzou et de Bejaïa et des APC de Kabylie a été signé par le président Bouteflika le 20 juillet, et publié au Journal Officiel. 70 Assemblées communales (37 à Tizi Ouzou, 30 à Bejaïa, 2 à Boumerdès et 1 à Bouira) sont officiellement dissoutes. Les secrétaires généraux des communes sont appelés à gérer les affaires courantes jusqu'à élection de nouvelles municipalités. L'installation des secrétaires généraux en remplacement des Maires a débuté le 27 juillet dans la wilaya de Tizi Ouzou, les walis (préfets) des quatre wilayas concernées ayant été avertis qu'ils devaient dissoudre les assemblées locales et départementales. Parallèlement, selon "Liberté", les tribunaux de Kabylie auraient reçu pour instruction de ne plus accepter les documents délivrés par les municipalités dissoutes. Les élections partielles pourraient avoir lieu entre le 10 et le 17 novembre, selon "Liberté", ce qui implique une convocation du corps électoral vers la mi-août. Il ne restera aux nouveaux élus qu'un mandat de deux ans, le mandat municipal et dépatemental étant de cinq ans et les assemblées dissoutes ayant fonctionné pendant les trois premières années de ce mandat. Des élections locales et départementales générales sont donc prévues à l'automne 2007, alors que des élections législatives générales sont prévues au printemps de la même année.

Le principal parti de Kabylie, et principal parti de l'opposition non islamiste, le Front des Forces Socialistes, directement visé par la dissolution des assemblées municipales et départementales de Kabylie, puisqu'il détient la majorité dans la majorité d'entre elles, a annoncé qu'il allait s'opposer par tous les moyens pacifiques possibles à ce qu'il considère comme un coup de force du pouvoir et de ses instruments locaux (les aârchs "dialoguistes"). Le FFS accuse le pouvoir central de vouloir mettre toutes les assemblées locales sous sa coupe. Le FFS a annoncé son intention d'organiser une marche à Alger (où les manifestations de ce genre sont interdites depuis 2001), afin de réaffirmer non seulement son opposition à la dissolution des assemblées élues de Kabylie, mais également son propre caractère de parti national. Des actions "de proximité" sont également prévues en Kabylie, mais également à Alger et dans les Aurès, pour sensibiliser la population sur le thème de l'exercice des libertés démocratiques. Une marche est annoncée à Bejaïa le 20 août, et un meeting à Alger le même jour -jour anniversaire du congrès du FLN de la Soummam, qui avait proclamé le primat du politique sur le militaire. Les 900 élus du FFS ont été réunis au siège national du parti à Alger le 21 juillet, et ont improvisé une marche, illégale, à Alger. Le 18, plusieurs dizaines d'entre eux, élus des APC et de l'APW de Bejaïa, ont manifesté devant la préfecture pour exprimer leur rejet de la dissolution de leurs assemblées. Plusieurs élus FLN et Indépendants ont manifesté avec eux. Le FFS a annoncé que ces élus en Kabylie "ne quitteront leur poste sous aucun prétexte" et que les autorités devront "recourir à la force" contre eux. Le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni a annoncé des mesures juridiques contre les élus refusant de rendre les clés des municipalités et les sceaux officiels, et d'évacuer les locaux.

S'agissant de sa participation éventuelles aux élections partielles de l'automne, le FFS ne s'est pas prononcé, et se situe pleinement dans une logique de refus de la dissolution des assemblées élues -et donc d'élection de nouvelles assemblées, ce qui ne signifie pas forcément qu'il boycottera ces nouvelles élections, mais que dans tous les cas (Boycott ou participation), il poursuivra sa protestation contre le "diktat du Pouvoir et de ses supplétifs locaux", diktat qui se traduit non seulement par la dissolution d'assemblées élues (et dont l'élection avait été validée par le pouvoir), mais également par l'amendement des lois sur les collectivités locales (code communal et code wilayal) qui restreint l'autonomie démocratique des pouvoirs locaux, et touche donc tous les partis politiques dans leurs implantations locales. Le FFS note, avec quelque ironie, que ces amendements permettant la dissolution d'assemblées locales "mal élues" seront soumis à l'approbation des deux chambres du Parlement, c'est-à-dire d'une part d'une Assemblée Nationale guère mieux élue, y compris des députés issus des circonscriptions électorales de Kabylie, où les assemblées locales élues sont dissoutes, et d'autre part du Sénat, dont une partie des membres ont été élus au suffrage indirect par les élus locaux des assemblées dissoutes par le gouvernement. La décision gouvernementale est donc totalement arbitraire, et ne repose sur aucun fondement juridique ni politique, selon le FFS, dont le porte-parole, Karim Tabbou, annonce qu'il entre dans une "protestation permanente", a annoncé le porte-parole du FFS, Karim Tabbou, pour qui "il est clair que le Chef de l'Etat veut terrasser politiquement la Kabylie pour régler des comptes à la wilaya III et démanteler les forces politiques", et que "le ciblage du FFS sous le couvert d'un bricolage juridique montre l'incapacité, voire l'allergie de voir se développer des opinions libres et des forces autonomes. Karim Tabbou note, à l'appui de l'accusation portée contre le pouvoir d'avoir ciblé le FFS, que les seules municipalités dissoutes dans les wilayas de Bumerdès et Bouira sont celles à majorité FFS. Dans un entretien au quotidien "Ech Chourouk El Youemi", le Premier Secrétaire du FFS, Ali Laskri, a exprimé sa crainte que la dissolution des assemblées élues soit "un signe que le pourrissement reprendre de nouveau (et que) les mêmes parties qui ont fait exploser cette crise dans la région en avril 2001 travaillent à brouiller les cartes de nouveau". Ali Laskri dénonce en outre une tentative de séparer la Kabylie du reste de l'Algérie "à travers une organisation suspecte que l'on appelle 'aarouchs'" et que les Walis "ont reçu des ordres" de fournir "en bureaux, en matériel électronique et informatique". Dans un entretien à "La Dépêche de Kabylie", Karim Tabbou dénonce "une entreprise criminelle et sournoise de destruction politique et de démoralisation sociale de la Kabylie". Le porte-parole du FFS accuse en outre le Premier ministre Ouyahia d'user de tous les moyens pour implanter son propre parti, le RND, en Kabylie, "même si cela devait se faire sur les ruines de la Kabylie". Karim Tabbou évoque enfin la constitution d'une "nouvelle alliance présidentielle", rassemblant le RND, le FLN, le MSP, la centrale syndicale UGTA et les Aârchs.


DISSOLUTION DES ASSEMBLÉES LOCALES DE KABYLIE : LA RÉACTION DU FRONT DES FORCES SOCIALISTES

Du côté des autres partis politiques, on note la divergence entre le FLN de Kabylie et la direction nationale du parti, les premiers rejetant la dissolution des assemblées locales que la seconde soutient. A Bejaïa, des élus locaux FLN et Indépendants ont manifesté le 20 juillet avec le FFS pour dénoncer la dissolution de leurs assemblées. Le FLN de Bejaïa a réaffirmé son rejet de la décision gouvernementale et ses élus ont déclarer refuser de céder leurs mandats : "Nous maintenons toujours notre position ferme et indéfectible de refus de démissionner des assemblées locales", ont déclaré les élus locaux FLN de la wilaya, après avoir une semaine auparavant rendu publique une déclaration demandant au président Bouteflika, en tant que garant de la Constitution, de faire respecter cette dernière et donc d'empêcher la dissolution d'assemblées dont l'élection avait été validée par le Conseil constitutionnel, et qu'aucune disposition légale ni constitutionnelle ne permettait la dissolution. Pour autant, le FLN participera à de nouvelles élections locales. Le RND et le MSP, ainsi que le Parti des Travailleurs, ont également annoncé qu'ils participeront à ces élections. Le Mouvement démocratique et social (MDS) a posé comme condition à sa participation que des garanties soient données sur l'utilisation des media. Le Rassemblement pour la culture et la démocratie, deuxième parti de la région, après le FFS, ne semble pas avoir encore arrêté définitivement sa position, qui devrait être la participation. L'UDR, scission du RCD, s'achemine vers une participation aux élections. La crédibilité de celles-ci dépend cependant surtout de la décision du FFS, parti largement majoritaire dans la région depuis él'instauration du multipartisme, d'y participer (fût-ce en les dénonçant, et en inscrivant cette participation dans une stratégie de contestation) ou non. La Commission de préparation des élections devait être installée le 24 juillet. On s'attend à ce que l'organisation des élections rencontre une forte résistance des nombreuses municipalités que le FFS contrôlait.

(Liberté, El Watan 20.8 / El Watan, Le Courrier d'Algérie 21.8) Le Front des Forces Socialistes a réitéré, lors de plusieurs manifestations commémorant le "Congrès de la Soummam" du FLN, le 20 août 1956 (ce congrès avait, sous l'impulsion d'Abane Ramdane, affirmé la primauté du politique sur le militaire), sa condamnation de la dissolution, "illégale et arbitraire", des assemblées locales de Kabylie. Pour le Premier secrétaire du FFS, Ali Laskri, intervenant le 20 août à Ifri, "le pouvoir table désormais sur la constitution d'un réseau d'allégeance en puisant dans la manne financière et encourage la résurgence des archaïsmes pour étouffer définitivement l'expression politique". La veille, à Hussein Dey (Alger), Ali Laskri avait estimé que la dissolution des APC et APW de Kabylie était une "atteinte à la cohésion nationale", et le secrétaire national du FFS au mouvement associatif, Kameleddine Fekhar, avait estimé que le départ forcé des élus de Kabylie un moyen pour imposer son projet de "Charte pour la paix et la réconciliation nationale". Pour le porte-parole du FFS, Karim Tabbou, également, "on a dissous les APC et APW pour passer frauduleusement l'amnistie". Ali Laskri en appelle à la construction, par la mobilisation des forces politiques indépendantes, des cadres sociaux et des personnalités nationales autonomes, d'une alternative démocratique. Plusieurs personnalités d'opposition, hors du FFS, et dont certaines furent parfois opposées à lui, comme Youcef Khatib, ont d'ailleurs participé (physiquement ou par des messages) aux manifestations organisées par le FFS : ainsi de l'ancien Premier ministre Mouloud Hamrouche et de l'ancien Secrétaire général du FLN Abdelhamid Mehri.

(El Watan 30.8, 3.9) Le Conseil national du Front des Forces Socialistes, réuni le 1er septembre, a appelé la base du parti, dans les wilayas concernées, à se prononcer sur la question de la participation ou non aux élections locales organisées le 24 novembre dans les wilayas de Kabylie, après la dissolution des assemblées locales par le gouvernement, mais selon "El Watan" la tendance au FFS semble aller vers la participation à ces élections, pour ne pas laisser les assemblées locales tomber dans les mains de mercenaires politiques du régime.

(Jeune Indépendant 7.9 / Liberté 10.9) Le Front des forces socialistes a annoncé qu'il participera, sans alliance avec qui que ce soit (le Rassemblement pour la culture et la démocratie avait envisagé une telle alliance) aux élections partielles de Kabylie, organisées après la dissolution des assemblées locales (municipales et wilayales) de la région, dissolution que le FFS continue cependant de condamner. Le FFS entend, par sa participation, lutter pour éviter de voir la région tomber aux mains du pouvoir et de ses "supplétifs locaux" (les aârchs "dialoguistes"). Dans un message au Conseil national du parti, son président, Hocine Aït Ahmed, a expliqué que ne pas participer aux élections locales, si contestable que soit la dissolution d'assemblées locales élues, serait "faire le jeu du pouvoir dont la stratégie est de couper le FFS de l'osmose permanente établie avec la population de la région".

Le FFS accuse d'ailleurs le gouvernement de préparer "une OPA frauduleuse" et d'utiliser l'administration pour préparer "des listes au profit du RND" (le parti du Premier ministre Ouyahia. Des chefs de däiras (sous-préfets) auraient commencé à inviter des imams, des responsables d'associations, des entrepreneurs à constituer de pseudos listes "indépendantes", ou à se porter candidats sur celles du RND. En outre, la tenue des élections locales le 24 novembre, au lendemain du mois de Ramadan, pourrait permettre au pouvoir de mener une "campagne du couffin" en profitant de la distribution des secours aux démunis, organisée pendant le Ramadan, pour inciter ceux-ci à soutenir les listes pro-gouvernementales. "Si jamais une APC est prise par la fraude, le pouvoir en assumera les conséquences", prévient le porte-parole du parti, Karim Tabbou.

(El Watan 28.9 / El Watan 5.10 / Liberté 8.10 / Liberté 9.10) Près de 500 listes, représentant 17 formations politiques, ont été déposées dans la wilaya de Bejaïa pour les élections locales partielles du 24 novembre. Le Front des forces socialistes présente des listes dans 48 communes, le FLN dans 40, le RND dans 37, le RCD dans 32, le Parti des Travailleurs dans douze.

Dans la wilaya de Tizi Ouzou, 268 listes ont été déposées (dont huit pour l'assemblée de wilaya). Le FLN présente des listes dans 67 communes, le FFS dans 62, le RCD dans 47, le RND dans 41, le PT dans 13, le MSP dans 5, le FN dans quatre. 28 listes indépendantes ont également été présentées, dans 34 municipalités.

L'Assemblée nationale algérienne a adopté trois ordonnances amendant les codes de commune et de wilaya, ordonnances permettant (a posteriori) la dissolution des assemblées locales de Kabylie (que les lois en vigueur au moment de cette dissolution ne permettaient pas). Les codes de commune et de wilaya ont été amendés pour permettre la dissolution des assemblées locales lorsque celles-ci sont source de dysfonctionnement dans la gestion et dans l'administration locale.

Le Premier secrétaire du Front des forces socialistes, Ali Laskri, a déclaré à "Liberté" que la participation du parti à ces élections visait à "faire barrage à la fausse représentation politique que le pouvoir tente d'imposer à cette région par la fraude, la corruption et le chantage".

Le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Sadi, avaitlancé depuis Paris un appel au FFS à un "rassemblement", à des listes communes et à la construction de majorités solides. Cet appel, venant d'un parti qui s'est illustré depuis sa création par son opposition au FFS, a été repoussé par celui-ci.

(Liberté 30.10 / El Watan 2.11 / La Tribune 5.11 / Nouvelle République 7.11 / Corr.) La campagne électorale pour les élections locales partielles du 24 novembre en Kabylie a commencé. Les principaux partis algériens, dont les deux principaux partis de Kabylie, le Front des forces socialistes et le Rassemblement pour la culture et la démocratie, sont engagés dans cette campagne. Le FFS et le RCD, mais également le FLN, présentent des listes dans la quasi totalité des municipalités.

Principal parti de Kabylie, vainqueur de toutes les consultations électorales auxquelles il a participé en Kabylie depuis la fin du système de parti unique, détenteur de la majorité absolue ou relative dans les deux assemblées départementales (assemblées populaires de wilayas) et dans la majorité des municipalités de Kabylie, le Front des forces socialistes s'est engagé dans ces élections, qui procèdent d'une dissolution des assemblées locales que le parti a condamné, pour "faire barrage à la fausse représentation politique que le pouvoir tente d'imposer à (la Kabylie) par la fraude, la corruption et le chantage", et pour "réhabiliter le politique et sauvegarder les acquis démocratique", explique le Premier secrétaire du FFS Ali Laskri. Le FFS présente des listes dans 63 des 67 communes de Tizi Ouzou, et dans 48 communes de Bejaïa, ainsi que dans cinq des six communes de Bouira où une élection est organisée.

Le RCD présente des listes dans 32 communes de Bejaïa.

Le Front de libération nationale présente, comme le FFS, des listes dans la plupart des communes (67 listes à Tizi Ouzou, 52 à Bejaïa). Il entend "rivaliser" avec son vieil adversaire en Kabylie, le FFS (cette rivalité s'étant, depuis la reconnaissance du multipartisme en Algérie, toujours soldée par une victoire écrasante du FFS) mais surtout prendre le pas sur le parti du Premier ministre Ouyahia, le RND, qui se présente dans de nombreuses communes, au terme d'une "structuration accélérée" (dixit "La Tribune") dans une région qui lui est profondément hostile.

Les autres formations politiques, dont le Parti des Travailleurs, ne présentent des listes que dans quelques communes.

Enfin, de nombreuses listes "indépendantes" (ou présentées comme telles, mais fortement suspectées d'être en réalité des "caches-pots" du pouvoir) sont également présentées, en comportant parfois des dissidents des autres partis, notamment du FFS et du RCD.

Pour la presse privée, le consultation paraît plus ouverte qu'habituellement en Kabylie, du fait que le "jeu" ne semble plus réduit à un choix entre le FFS et le RCD, et où les résultats pourraient être plus serrés que lors des consultations précédentes. De crainte que la rivalité entre le FFS et le RCD fasse le jeu des partis gouvernements où de listes faussement "indépendantes", des militants des droits humains, dont le président d'honneur de la Ligue algérienne de désense des droits de l'Homme, Ali Yahia Abdennour, ont appelé à un "rassemblement des forces démocratiques" et à un "vote politique (...) pour confirmer le refus des thèses césaristes et totalitaires du pouvoir qui (veut) caporaliser la Kabylie et réduire la contestation en échange de subsides grassement octroyés à ses relais locaux". De fait, le FFS et le RCD observent une sorte de trève, s'abstenant de s'attaquer mutuellement, et concentrant l'un et l'autre leurs attaques sur le pouvoir. A Imoula, lors de la cérémonie commémorant le déclenchement de l'insurrection du 1er novembre 1954, le Premier secrétaire du FFS Ali Laskri et le président du RCD Saïd Sadi se sont donné l'accolade, en présence d'Ali Yahia Abdennour et de son successeur à la tête de la LADDH Hocine Zehouane.

(El Watan 12.11 / Jeune Indépendant 14.11 / Liberté 16.11 / Libération 25.11 / El Watan 26.11 / El Watan 30.11 / Corr.) Le Front des forces socialistes (FFS) est arrivé en tête lors des élections locales partielles du 24 novembre en Kabylie, en dépit d'un taux de participation officiel de 34,59 % dans la wilaya de Bejaïa et de 31,35 % dans celle de Tizi Ouzou. Selon les chiffres annoncés le 25 novembre par le ministère de l'Intérieur, leFFS obtient 188 des 609 sièges municipaux dans la wilaya de Tizi Ouzou, devant le RCD (139 sièges), le FLN (125) et le RND, et 139 des 460 sièges municipaux de la wilaya de Bejaïa, devant les indépendants (111 sièges) FLN (80), le RCD (72) et le RND (44).

Le FFS sort également en tête pour l'élection des assemblées populaires de wilaya (Conseils généraux), avec 18 sièges sur 43 à Bejaïa (10 pour le RCD, 7 pour le FLN) et 15 sur 47 à Tizi Ouzou (11 chacun pour le RCD et le FLN).

RESULTATS DE TIZI OUZOU
(avant officialisation par la commission électorale de wilaya)

Inscrits : 576 686
Bulletins exprimés : 173 454
Bulletins nuls : 7 331
Taux de participation APC : 31,32 %
Taux de participation APW : 29,75 %
Taux de participation le plus élevé : Aït-Chaffa 62,62.
Taux de participation le plus faible : Tizi-Ouzou 12,81 %.

ASSEMBLÉES POPULAIRES COMMUNALES (609 sièges)
FFS : 54 770 voix, 188 sièges, 27 APC 
RCD : 38 875 voix, 139 sièges, 19 APC 
FLN : 32 774 voix, 125 sièges, 09 APC
RND : 20 897 voix, 73 sièges, 04 APC
Indépendants: 20 267 voix, 71 sièges, 08 APC
PT : 4 014 voix, 10 sièges
MSP : 1 258 voix, 03 sièges
FNA : 455 voix, 0 siège
MEN : 135 voix, 0 siège

ASSEMBLÉE POPULAIRE DE WILAYA
FFS : 51 999 voix, 15 sièges
RCD : 39 072 voix, 11 sièges
FLN : 36 938 voix, 11 sièges
RND : 16 277 voix, 05 sièges
PT : 15 955 voix, 05 sièges
MSP : 5 328 voix, 00 siège

RESULTAS DE BEJAIA

Taux de participation APC :  34,47 %
Taux de participation APW : 31,41 % 

ASSEMBLÉES POPULAIRES COMMUNALES (460 sièges)
FFS : 139 sièges 
RCD : 72 sièges
FLN : 80 sièges
RND : 44 sièges
Indépendants: 111 sièges

ASSEMBLÉE POPULAIRE DE WILAYA
FFS : 18 sièges
RCD : 10 sièges
FLN : 7 sièges

RESULTATS DE BOUMERDÈS

ASSEMBLÉES POPULAIRES COMMUNALES (Naciria, Chaâbet El Ameur, 22 sièges)
Indépendants : 9 sièges
FFS : 8 sièges
FLN : 5 sièges
RCD : 5 sièges
RND : 4 sièges

RESULTATS DE BOUIRA

ASSEMBLÉES POPULAIRES COMMUNALES (52 sièges)
RND : 14 sièges
RCD : 13 sièges
FFS : 9 sièges
FLN : 3 sièges
FNA : 2 sièges
FND : 2 sièges

RESULTATS HORS KABYLIE

KHENCHELA (Communes de Babar et Aïn Touila, 20 sièges)
FLN : 10 sièges
RND : 7 sièges
FNA, MSP, PT : un siège chacun

LAGHOUAT (Commune de Tadjmout)
AHD54 : 4 sièges
RND : 3 sèges
FLN : 2 sièges
UDL, MSP : un siège chacun

BISKRA (Commune de Chetma)
RND : 4 sièges
FLN : 2 sièges
FNA : un siège

Le FFS et le RCD ont dénoncé des irrégularités et des tentaties de fraude. Des militants du FLN auraient fait irruption dans des locaux de vote pour faire pression sur les électeurs, les bulletins de vote ne portaient aucune indication permettant aux électeurs analphabètes de différencier les partis en lice, ce qui a eu pour résltat d'inciter nombre dentre eux à déposer dans l'urne un autre bulletin que celui du parti pour lequel ils avaient l'intention de voter, des fichiers électoraux auraient été manipulés, des listes électorales modifiées jusqu'à la veille du scrutin, des urnes auraient été bourrées et des électeurs abstentionnstes comptés comme votants. Quelques incidents se sont produits, notamment à El Kseur, où de jeunes émeutiers ont affronté les forces de police et lapidé des bâtiments publics, la police répliquant à coup de gaz lacrymogènes.


Le Premier secrétaire du FFS, Ali Laskri, s'est félicité de ce que le pouvoir n'ait pas réussi à "reconfigurer la carte politique dans la région", et que la Kabylie ait résisté à la "normalisation". Le porte-parole du RCD, le Dr Khandek, se félicite également de ce que "les calculs du pouvoir" n'aient pas abouti et que le pouvoir n'ait pas réussi à "casser l'ancrage" du FFS et du RCD dans la région. Du côté des partis gouvernementaux, le FLN se félicite au contraire de ce que la Kabylie ne soit plus "sous le monopole de certains partis" (le FFS et le RCD), et le RND veut voir dans ses résultats, pourtant modestes, un signe de "bonne santé politique" du parti. Pour le RND, l'organisation de ces élections constitue en soi "une grande victoire et un appui à la consolidation de la démocratie et du pluralisme en Algérie".

Au bout du compte, si l'addition des voix et des sièges du FFS et du RCD dépasse le seuil de la majorité absolue, aucune alliance majoritaire n'est pour l'instant concevable entre les deux partis. "Nous refusons de travailler avec ceux qui veulent faire du FFS un escabeau" avait averti le Premier secrétaire du parti, Ali Laskri, le 10 novembre à Tazmalt, avant de déclarer au "Jeune Indépendant" qu'une alliance avec le RCD n'est pas possible, car "l'alternative démocratique et sociale se construit (...) avec tous ceux qui sont autonomes et crédibles", mais seulement avec eux.

La campagne électorale a notament été marquée par un appel à l'unité lancé aux forces démocratiques par le président d'honneur de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH), Ali Yahia Abdennour, qui les invitait à "se hisser à la hauteur des attentes et des espoirs de la population" et à mettre fin à la "dérive malsaine" de la division. Ali Yahia Abdennour ne se faisait cependant guère d'illusion sur l'effet, du moins à court terme, d'un appel à mettre fin à une division, notamment entre le FFS et le RCD, vieille d'une vingtaine d'années, et passée par presque tous les stades de l'affrontement politique, de l'accusation lancée par le RCD à l'égard du FFS de faire le "jeu des islamistes" à la tentative du même RCD de jouer les aârchs contre le FFS pendant les "événements" du "printemps noir" de 2001. Lors de la campagne électorale, le Front des Forces Socialistes avait invité la population à voter massivement "pour faire barrage" à une alliance présidentielle que le porte-parole du parti, Karim Tabbou, a qualifié le 10 novembre à Souk El Thenine de "mangeoire nationale" ne cherchant à faire de la Kabylie qu'une "grande décharge publique". Karim Tabbou a également dénoncé les forces politiques qui "on suppléer le pouvoir pour restaurer la dictature", ce qu'"El Watan" considère comme une allusion au RCD.

Ces élections locales pourraient en outre sonner la "fin de mission pour les archs", comme l'écrit "El Watan", pour qui, en dépit d'une abstention majoritaire, le renouvellement des pouvoirs locaux en Kabylie sonne "le glas d'un mouvement citoyen ayant accaparé l'espace politique et médiatique depuis son irruption en avril 2001", mais qui "a fini par être squatté par deux structures, l'une qu'on dit proche du RCD et l'autre du (RND)", et dont l'activité de prédilection n'était plus depuis longtemps que l'organisation de conférences de presse.

(La Tribune 14.12 / corr.) Le candidat du Front des forces socialistes, Rabah Aïssat, a été réélu le 13 décembre président de l'Assemblée populair de wilaya (APW, Conseil général) de Tizi Ouzou, au deuxième tour, après le retrait des candidats du RCD et du FLN. Le candidat du FFS bénéficiait du soutien des élus du Parti des Travailleurs, avec lequel le FFS a signé un "protocole d'accord pour l'unité d'action".

Le FFS était arrivé en tête, tant dans la wilaya de Tizi Ouzou que dans celle de Bejaïa, lors des élections locales organisées en Kabylie le 24 novembre. Il avait cependant perdu de manière parfois surprenante des communes considérées comme des fiefs, telles Aïn Hammam (perdue au profit du RND), Illiten ou Tazmalt (au profit d'un personnage très contesté, Smaïl Mira, que le FFS avait battu en automne 2002, et qui vient donc de reprendre la municipalité).

Dans la wilaya de Tizi Ouzou, le FFS conteste les résultats dans les communes d'Iferhoumène, Aït Khelili, Aït Aïsa Mimoun et Abi Youcef, communes dans lesquelles il estime avoir été victime d'une "fraude" au bénéfice du FLN : "bourrage des urnes, votes sans procuration, manipulation des électeurs par l'administraton". A Aït Khelili, les électeurs résidant en France ont voté et des morts ont voté; à Aït Aïssa Mimoun, les hauts-parleurs de la mosquée ont appelé à voter pour le FLN... Dans 8 communes de la wilaya, les candidats indépendants ont obtenu la majorité, et dans cinq autres un ballotage favorable.

Dans la wilaya de Bejaïa aussi le FFS (et souvent également le RCD) ont contesté les résultats de certaines élections, et la désignation de certaines nouvelles municipalités. A Ouzellaguen, dont la mairie a été conquise par le FLN alors que celui-ci, le FFS et le RCD disposaient du même nombre de sièges (trois pour chacun), et que les Indépendants avaient obtenu deux sièges, le FFS et le RCD ont dénoncé les "irrégularités" de l'investirure au bénéfice de l'âge d'un maire FLN. A Sidi Aïch, un maire Indépendant, mais minoritaire (quatre sièges sur neuf) a été désigné, avec l'appui du seul élu RND. A Bejaïa, où le FLN ne compte que cinq élus sur 23, contre quatre pour chacune des listes FFS, RCD et Indépendants, les représentants de ces trois listes ont dénoncé des irrégularités avant même le vote.

Les raisons de ces défaites semblent à rechercher dans les défaillances des équipes locales du FFS, ntamment à Tazmalt, ce qui a favorisé l'abstention. La "Dépêche de Kabylie" estime en outre que le FFS paye le prix de son "embourgeoisement", et de la survivance de réflexes "claniques" -dont le RCD souffre d'ailleurs tout autant.

(Le Monde 29.12) Après les élections locales partielles de novembre 2005, une certaine forme de "normalisation" politique semble s'être instaurée en kabylie, diversément appréciée par les différents acteurs politiques de la région. Pour le Front des forces socialistes, s'exprimant par la voix du président de l'APW (Conseil général) de Tizi Ouzou, Rabah Aïssat, "ce scrutin aura marqué le retour du politique en Kabylie" et clairement démontré que les aârchs n'étaient "qu'un relais du pouvoir", ce que le FFS n'avait cessé de dire depuis le "printemps noir" de 2001, et que le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), rompant avec l'attitude favorable aux aârchs qui avait été la sienne dans les premiers temps du soulèvement, affirme également aujourd'hui, par la voix de Mouloud Lounaouci : "Le mouvement des arouchs ne représente plus rien. Il est discrédité. Les gens parlent des 'âroukhs'" (la honte). Le porte parole des aârchs, Belaïd Abrika, est évidemment d'un avis diamétralement opposé : la fin des sârchs est "un leurre", mais le mouvement est passé "d'une phase de confrontation (avec le pouvoir) à une phase de partenariat" avec le même pouvoir, afin de "régler les problèmes avec les interlocuteurs qui ont le pouvoir" -le problème étant qu'il s'agit du pouvoir central d'Alger, et que le peu de pouvoir local que le système algérien laisse aux municipalités et aux assemblées départementales est resté, ou revenu, aux mains des deux principaux partis de l'opposition non-islamiste.

2006

(L'Expression 20.4) A l'occasion de la commémoration du déclenchement du "Printemps Noir" en Kabylie, le 20 avril 2001, le président d'honneur de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme, Ali Yahia Abdennour, estime dans un entretien à "El Watan" que "les élections partielles" de novembre 2005 "n'ont rien réglé" en Kabylie, et que la "question identitaire" est toujours au coeur du problème : "la reconnaissance de l'amazighité dans sa triple dimension, identitaire, culturelle et linguistique, est indispensable pour la promotion des droits de l'homme en Algérie".

Sur les événements de 2001, Ali Yahia Abdennour annonce que "les gendarmes ayant assassiné les jeunes manifestants ne seront pas jugés" et bénéficieront des dispositions de la "charte pour la paix et la réconciliation nationale". Quant à la "plate-forme d'El Kseur", établie par le mouvement citoyen, le Premier ministre Ouyahia ne l'a acceptée qu'après l'avoir "vidée de sa substance", le président Bouteflika déclarant de son côté que tamazight ne sera jamais officialisée, alors que cette officialisation est un point central des revendications du mouvement citoyen.

(Liberté 10.7 / El Watan 26.7) Le ministre de l'Intérieur Yazid Zerhouni a annoncé à l'Assemblée nationale le retour progressif de la gendarmerie en Kabylie, qu'elle avait évacuée en 2001 après les "dépassements" dont elle s'était rendue coupable lors du "printemps noir". Selon le ministre, c'est pour répondre à une "demande pressante de la population locale" que la gendarmerie revient en Kabylie, en raison de l'insécurité persistante qui la frappe. "La gendarmerie est déjà en Kabylie et y retournera progressivement", a précisé Nourredine Yazid Zerhouni.

"El Watan" note que les hold up, le racket, les enlèvements et les faux barrages dans la wilaya de Tizi Ouzou se sont multipliés depuis le départ des gendarmes : "le GSPC a profité des événements de 2001 pour occuper le terrain déserté par les forces de sécurité", et y installer son quartier général, alors même que la population de Kabylie est particulièrement hostile à l'islamisme (armé ou non). Les groupes armés islamistes ne sont pas seuls à avoir profité du départ des gendarmes : les criminels de droit commun aussi. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, note "El Watan", les rapts suivis de demandes de rançons se chiffrant en millions de dinars sont devenus une "spécificité locale" depuis 2004, comme les hold ups. Fin juillet, deux agences postales, à Djema'a Saharidj et Aït Yahia, ont été attaquées, et deux millions de dinars ont été pris.

(Liberté 27.8) Un décret présidentiel portant sur l'indemnisation des victimes des "événements" de Kabylie entre 2001 et 2004 est paru au Journal officiel. Il s'agit de l'une des revendications de la plate-forme d'El-Kseur des aârchs de Kabylie. le décret reprend un décret de 2002 fixant les "droits des victimes des événements ayant accompagné le mouvement de parachèvement de l'identité nationale et la promotion de la citoyenneté".

(www.algeria-watch.org) Le "Mouvement citoyen des aârchs" a élaboré, dans un "conclave" tenu à Ath Abdhelmoumène les 21 et 22 septembre, un "Memorandum pour une République démocratique et sociale en Algérie", répondant à l'intention du pouvoir d'amender la constitution algérienne. Pour les aârchs (ou ce qu'il en reste), "la future révision constitutionnelle doit prendre en charge définitivement la question identitaire, notamment la langue amazigh de manière à réconcilier le peuple avec son histoire". Tamazight doit donc être reconnu comme langue officielle aux côtés de l'arabe. Le mouvement demande aussi que la constitution assure "le respect de toutes les libertés démocratiques énoncées par la Déclaration universelle des droits de l'Homme". Les aârchs demandent aussi la séparation de la religion "qui relève du domaine privé", de la politique "qui, elle, appartient au domaine public", et de "corriger la contradiction" entre l'art. 2 de l'actuelle constitution ("l'islam est la religion de l'Etat") et l'article 18 ("la liberté de conscience est garantie". Curieusement, les aârchs proposent cependant que la constitution impose à l'Etat de "protéger l'islam" et, contradictoirement, d'interdire son "utilisation à des fins politiques au sein des institutions". Ils demandent en outre l'intégration dans la constitution de l'accord du 15 janvier 2005 par lequel le gouvernement s'engageait à mettre en oeuvre la plate-forme d'El-Kseur. Ils demandent la révision du code électoral, la limitation du droit de dissolution de l'Assemblée nationale à une dissolution par législature, la réduction du "tiers présidentiel" du Sénat (membres nommée directement par le président) à un "quart présidentiel", le contrôle parlementaire de la nomination des magistrats, la possibilité pour le Conseil constitutionnel de s'auto-saisir, l'interdiction de toute loi restreignant le "libre exercice d'une religion", la "liberté de la parole" ou celle de la presse, la garantie de la liberté de créer des partis politiques et des syndicats, la protection contre les licenciements "abusifs", une limite d'âge à 70 ans pour être éligible à la présidence de la République, l'applicabilité immédiate des textes internationaux ratifiés par l'Algérie, la levée de l'état d'urgence "ou sa prorogation de façon légale", une "large décentralisation pour une démocratie plus participative" avec la création d'une collectivité publique élue "intermédiaire entre les collectivités locales et le pouvoir central". Les aârchs proposent enfin l'élaboration d'une "charte algérienne portant sur les droits et les libertés", consacrant le droit du citoyen à un logement "décent", le droit de pétition et le droit à "l'action populaire".

2007

(El Watan 1.1) Deux neveux du chef du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Sadi ont été, l'un condamné à 10 ans de prison ferme pour "incendie volontaire ayant provoqué la mort" et l'autre acquitté du chef d'accusation de complicité, dans l'affaire de l'assassinat du frère d'un délégué des aârchs, Rachid Allouache, dans les derniers jours de la campagne électorale présidentielle, alors que les aârchs menaient campagne pour le boycott, que Saïd Sadi était candidat et que les deux accusés menaient campagne pour leur oncle dans la ville de Freha (où l'incendie eut lieu). Les deux accusés niaient toute implication dans l'incendie, le parquet requérait la peine capitale pour les deux, la défense dénonçait une instruction bâclée, et purement à charge. Quant au président du RCD, il a dénoncé un "scandale judiciaire" et un verdict "purement politique".



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