Enjeux











Mise à jour : 13 decembre 1998

Une arme contre les peuples : L'embargo

Depuis des décennies, l'arme de l'embargo est utilisée par
les puissances, isolément ou en coalition, que ce soit sous
couverture de résolutions onusiennes ou indépendamment
de tout mandat international, mais toujours pour isoler les
Etats récalcitrants à l'ordre du monde et aux intérêts de
ses gendarmes, ou contraindre les fauteurs de troubles
aux marches des empires. Cette arme (qui, pour n'être 
pas militaire, n'en est pas moins une arme de guerre) a
une première particularité : elle ne frappe pas ceux contre
qui l'on prétend la diriger, mais les peuples vivant sous leur
pouvoir, quelque soit la nature du lien (de pure oppression
ou d'acquiescement) entre ces peuples et leurs gouvernants.
Au sein même des peuples qui en sont frappés, toutes les
enquêtes et toutes les observations montrent que l'embargo,
s'il n'est pas strictement limité au matériel et aux services 
militaires -au sens le plus restrictif de cette désignation- fait 
ses plus graves et ses plus nombreuses victimes dans les
couches les plus pauvres de la population.

Ainsi use-t-on contre les peuples d'une arme sociale et
économique que l'on vouait à faire plier des gouvernements,
au nom de principes que les détenteurs de l'arme de l'embargo
violent par ailleurs.

L'arme de l'embargo sur toute autre marchandise que des
armes et les services liés à leur achat, leur entretien et leur
usage, est donc inacceptable; elle l'est en particulier
lorsqu'elle porte sur des échanges de biens et de services
de première nécessité : l'alimentation, les soins, 
l'infrastructure de distribution de l'eau et de l'énergie civile.
Elle l'est aussi lorsqu'elle porte sur les échanges culturels et
personnels, sur les déplacements des personnes, sur les
communications.

. Un embargo général frappe toute la population civile, mais épargne les gouvernants. . Un embargo général atteint d'abord les plus faibles : vieillards, malades, enfants, pauvres, femmes enceintes. . Un embargo général renforce et étend les épidémies et les endémies. . Un embargo général affaiblit les capacités de résistance civile d'une population au pouvoir qui pèse sur elle, et entrave la formation d'un mouvement social capable de donner naissance à une alternative à ce pouvoir; ce faisant, l'embargo renforce ce qu'il prétend combattre.

Cette arme dont on prétend parfois user pour éviter une 
guerre fait souvent plus de victimes qu'une guerre. Or
s'il y a un droit de la guerre (même si l'on sait ce qu'il ne 
sanctionne guère que ceux qui perdent les guerres), il 
n'y a pas de droit de l'embargo. 
Tout est permis à la puissance qui a les moyens de se
livrer à cette forme d'étranglement des peuples sous
prétexte de sanction de leurs gouvernants.

L'embargo est une arme du fort contre le faible et du riche contre le pauvre.

Peu importe la draperie rhétorique ou juridique dont sont voilés
les intérêts souvent crapuleux que l'on défend par ce moyen;
ce n'est évidemment pas le droit des Kurdes à l'auto-
détermination ou des Chiites aux libertés fondamentales que
l'on promeut en affamant les enfants irakiens. Quant au droit
international, un embargo sanctionné par l'ONU (et donc
ratifié internationalement) n'est évidemment pas moins
inacceptable qu'un embargo imposé par la décision d'une
seule puissance pour la défense de ses intérêts, la défense
de l'ordre du monde dont elle participe... ou la satisfaction
vengeresse d'une partie de son opinion publique (les 
exilés cubains de Floride, par exemple). 
En matière d'embargo, les ratifications internationales ne valent 
d'ailleurs que ce que vaut l'intérêt circonstanciel que peuvent 
leur accorder les grandes puissances : l'embargo contre l'Irak
sera proclamé avec l'accord de l'ONU, l'embargo contre la
Corée du nord décrêté sans que l'ONU s'en mêle, l'embargo
contre Cuba maintenu malgré que l'ONU en ait demandé la
levée. L'ONU a même adopté le 22 décembre 1989 une
résolution condamnant les ambargos et les sanctions
économiques contre les peuples. 
Dans le même temps où l'on punit des peuples pour les
actes de leurs dirigeants, on continue d'ailleurs à caresser
dans le sens du poil (ou du barbelé) des dirigeants oppresseurs 
de leurs peuples, pour peu qu'il y ait quelque intérêt 
économique ou stratégique à les soutenir. Un bon Kurde est
un Kurde d'Irak, en guerre contre Saddam, mais un Kurde de
Turquie est un terroriste. Les tentatives nucléaires de la
Corée du nord sont une menace pour la paix -pas celles du
Pakistan. Cuba fait injure à l'idéal démocratique américain,
l'Arabie Séoudite est l'alliée des USA. On vendra des armes
à la Turquie, au Pakistan et aux monarchies du Golfe -mais 
on mettra sous embargo les épurateurs d'eau pour l'Irak. 

Il n'y a pas deux poids, deux mesures; il n'y a ni poids, ni mesure.

Une action contre les embargos est nécessaire. Il ne 
s'agit évidemment pas d'exprimer un soutien aux
gouvernements ou aux régimes supposés être la cible
d'embargos, mais un soutien aux peuples souffrant de
ces embargos.
Les ambargos de ces dernières décennies n'ont d'ailleurs
mis fin à aucune guerre, aboli aucune oppression, 
renversé aucune dictature. Il n'ont fait tomber aucun 
régime, n'ont résolu aucun conflit.
Ils ont par contre plongé des millions de personnes dans 
des situations de précarité physique et psychologique
dramatiques. Cette peine est prononcée contre des peuples,
pour la culpabilité éventuelle de leurs gouvernants -et cette
culpabilité est décrêtée par d'autres gouvernants, souvent
non moins coupables ddes mêmes crimes que ceux qu'ils 
condamnent.

Les embargos contre des peuples sont le signe de l'état du monde et le mesure de son ordre. Nous récusons cet ordre.

Nous appelons à la création de coordinations contre les embargos, à la naissance ou au soutien de mouvements de briseurs d'embargos, afin de

. Contribuer à la levée des embargos existants; . Contribuer à l'établissements d'échanges normaux, réguliers et réciproques avec les peuples des pays victimes d'embargos; . Soutenir les efforts internationaux en faveur d'un accord international pour la prohibition de tout embargo et de tout blocus portant sur d'autres biens ou services que ceux relevant du strict domaine militaire; . Soutenir les principes de l'universalité, de l'égalité et de la non restriction des relations culturelles.




L'embargo contre l'Irak :

Viser Saddam, tuer le peuple irakien



Depuis août 1990, l'Irak est soumis à un embargo économique imposé par le Conseil de sécurité de l'ONU, et dont les conséquences sur la population civile sont dramatiques : selon la FAO, 560'000 enfants en seraient déjà morts et de 100 à 100'000 personnes seraient menacées de succomber à leur tour si cet embargo n'était pas levé rapidement.

Selon un rapport de l'OMS publié en mars 1996, la mortalité des enfants irakiens de moins de cinq ans s'est accrue de plus de 600 % entre 1990 et 1994 : cinq ans après la guerre du Golfe, la situation sanitaire du pays vaincu se détériore à une vitesse alarmante du fait des sanctions à lui imposées. La plupart des Irakiens survivent dans un état de quasi famine due à la pénurie chronique de denrées alimentaires et au manque de protéines.

L'organisation française EQUILIBRE a envoyé une mission d'évaluation sanitaire en Irak; le constat qu'elle a tiré de la situation née de l'embargo est celui d'une catastrophe : les effets de l'embargo sur le peuple irakien, et en particulier sur les enfants, les malades et les vieillards (mais pas sur Saddam) sont terrifiants.

EQUILIBRE est présente depuis 1991 dans le Kurdistan irakien; elle y a servi jusqu'à 160'000 repas par jour en employant jusqu'à 2600 salariés locaux; le choc de la réalité présente de l'Irak a bouleversé Alain Michel, président d'Equilibre :

"La mortalité infantile a été multipliée par six, la typhoïde, le choléra, la famine et de nombreuses maladies, hier oubliées, ont réapparu. Les hôpitaux n'ont ni les médicaments, ni le matériel nécessaire au traitement des patients, ni les anesthésiques, ni les produits d'hygiène et de désinfection... Et une partie de l'infrastructure médicale et sanitaire a été détruite par la guerre "propre" de 1990. Les enfants hospitalisés gisent sur des lits sans draps, sous une température pouvant avoisiner les 45 degrés"

Tel est le résultat de plus de cinq ans d'embargo économique des Nations Unies à l'encontre de l'Irak. Certes, cet embargo ne frappe pas, du moins en principe, les aliments et les médicaments, mais en paupérisant massivement le pays, il le prive des moyens d'acquérir les biens de première nécessité qu'il ne produit pas et des moyens de faire fonctionner son propre appareil de production. L'Irak tirait sa richesse de ses revenus pétroliers. L'exportation de son pétrole lui ayant été interdite, sinon pour payer au Koweït des dommages de guerre, puis sévèrement contingentée, le pays a été pendant cinq ans sans ressources et celles qui lui ont été récemment, et très chichement, concédées, sont largement insuffisantes à répondre aux besoins sanitaires, alimentaires et sociaux. Comme le relève Alain Michel,

"L'embargo est inhumain parce qu'il atteint des populations innocentes dans leurs conditions même de survie et de dignité"

Sous prétexte de "punir Saddam", l'embargo prend tout un peuple en otage.


  • Selon le ministère irakien de la Santé, plus de 800'000 personnes sont décédées à cause de l'embargo depuis son imposition. Au moins 320'000 enfants de moins de 5 ans ont trouvé la mort en raison de maladies diverses non soignées par manque de médicaments, et de malnutrition provoquée par la pénurie alimentaire et la hausse fulgurante des prix, dues à l'embargo.

  • Selon le ministère irakien de la Santé, plus de 800'000 personnes sont décédées à cause de l'embargo depuis son imposition. Au moins 320'000 enfants de moins de 5 ans ont trouvé la mort en raison de maladies diverses non soignées par manque de médicaments, et de malnutrition provoquée par la pénurie alimentaire et la hausse fulgurante des prix, dues à l'embargo.

(AFP 13.10) Les enfants continuent de mourir en Irak, et leur situation s'est même dégradée, malgré l'application de la résolution de l'ONU "pétrole contre nourriture" destinée officiellement à atténuer les effets de l'embargo imposé en 1991 à l'Irak. "Les médicaments ne sont toujours pas là", constate le président d'"Enfants du Monde", Yves Buannic, qui décrit une situation dramatique : "Il y a des gosses qui continuent de mourir tous les jours" faute de soins. L'association Equilibre confirme le drame, "notamment dans les hôpitaux, privés de tous les soins nécessaires, et où des centaines d'enfants continuent de mourir chaque jour". La tubercolose est redevenue massive, les leucémies sont très nombreuses, ainsi que les maladies dues à la carence en protéines. La mendicité a augmenté dans les rues, et les médicaments sont souvent bloqués aux frontières, par exemple les médicaments utilisés dans le traitement du cancer car ils contiennent des composants chimiques interdits par l'ONU, ou des vaccins qui n'arrivent finalement que périmés dans les hôpitaux. Seuls 15 % des médicaments nécessaires ont été achetés et sont en cours d'acheminement. La situation alimentaire est également très dégradée : à peine 60 % de la nourriture nécessaire à la garantie du minimum de survie pour la population a été achetée et est en cours d'acheminement, du fait du contrôle tâtillon exercé par l'ONU. Bref : pénurie de médeicaments, de matériel médical et hospitalier, de produits anesthésiques, sous-équipement des dispensaires, manque d'argent, restrictions alimentaires : c'est la population qui en fait les frais, et notamment ses catégories les plus fragiles (enfants, personnes âgées, femmes enceintes).


L'Appel pour les enfants de l'embargo

lancé par EquiLibre

L'Irak survit sous un embargo appliqué avec la plus
grande rigueur depuis bientôt six ans. Les populations
d'Irak en subissent directement le poids.

Les effets de l'embargo sont terrifiants.

La moralité intantile a été multipliée par six, la typhoïde, le 
choléra, la famine et de nombreuses maladies, hier oubliées, 
ont réapparu. Les hôpitaux n'ont plus ni les médicaments,
ni le matériel nécessaire au traitement des patients, ni
les anesthésiques, ni les produits d'hygiène et de
désinfection... Les enfants gisent sur des lits sans draps,
sous une température pouvant avoisiner les 45 degrés.
Cette situation est connue de tous les grands centres de
décision mondiaux.

Nous nous insurgeons contre cet état de fait et nous refusons le moindre soupçon de complicité.

Nous en appelons à l'insurrection des coeurs et de la raison.
De tels crimes ne se légalisent pas.

Il faut immédiatment ouvrir une très large brêche humanitaire dans cet embargo

pour stopper la descente aux enfers de ces hommes,
de ces femmes, de ces vieillards et de ces enfants.
Nous disons bien humanitaire, car il ne s'agit évidemment
pas de recenir sur l'embargo visant les matériels d'armement
ainsi que les produits stratégiques à finalités destructrices.

En notre qualité de citoyens d'Europe et du monde, en
tant qu'hommes tout court, nous refusons que l'on applique
au nom de grands principes des solutions qui aboutissent
à prendre tout un peuple un otage. A faire mourir des 
enfants, à dégrader la situation de millions de personnes, 
à créer les conditions d'une régression sociale et sanitaire
complètement injustifiable par la volonté de punir un
gouvernement et un appareil d'Etat. Cette condamnation
vaut pour tous les embargos infligés aux populations, qu'elles
soient cubaines, irakiennes ou autres. Mais pour en rester
à l'Irak, quel sens auront désormais les appels à la
solidarité et les collectes des institutions internationales
pour soulager la misère des enfants du monde victimes de la
guerre, de conflits ethniques ou, pire, du sous-développement,
si leurs tuteurs eux-mêmes en sont les responsables ?
L'Irak, Etat laïque, engagé dans la voie de la modernité, ne
peut devenir à la fois la prison et le mouroir des populations
qui y vivent.

Nous lançons un appel à aller en Irak

leur apporter l'espoir d'un retour dans le monde moderne.
Il faut mettre fin à la barbarie de la vengeance, briser
cette logique inhumaine.

Nous nous devons d'asortir notre refus de la situation d'un certain nombre d'actes.

C'est pourquoi nous soutenons également l'initiative
d'EquiLibre d'organiser dans les meilleurs délais une
importante opération de secours aux populations d'Irak.
Pour parvenir à mettre en oeuvre cette action, nous 
avons besoin d'être rejoints par tous ceux qui refusent
la barbarie en col blanc de la raison d'Etat. Besoin de
leur soutien moral, clairement exprimé, pour nous aider
à forcer l'embargo. Besoin de leur soutien matériel ou 
financier.
L'évolution de la situation, avec l'annonce de la mise
en oeuvre de la résolution 986, semble plus favorable. 
Et pourtant, cette solution peut être interprétée comme
pouvant servir à masquer l'inhumain des sanctions. 
L'Irak pourra exporter un peu de pétrole pour payer sa
dette de guerre et tous les frais inhérents à l'application de
l'embargo et des différentes solutions des Nations-Unies. 
Le reste, insuffisant, irs aux populations et ne sera en aucun 
cas en mesure de remédier à cette situation de catastrophe
humanitaire majeure.

L'honneur de l'humanité ne peut être soumis à quelques décideurs qui, loin des peuples, leur imposent leurs diktats.

Transmettez votre soutien à cette pétition :

EquiLibre-Suisse 6 Ch. de la Tourelle CP 326 CH-1211 Genève 19 Tel. (22) 788.25.88 Fax (22) 788.25.89

"Ce conflit a eu des effets quasi apocalyptiques sur l'infrastructure économique de ce qui était une société assez hautement urbanisée et mécanisée. La plupart des moyens de soutien à la vie moderne ont été détruits ou rendus précaires. L'Irak a été renvoyé, pour assez longtemps, à une ère pré-industrielle."
(Rapport de M. Ahtisaari, secrétaire général adjoint de l'ONU, sur sa mission en Irak, mars 1991)

Quelques références

Marie de Varney, l'Irak du silence, Balland, Paris, 1992
Chapour Haghighat, Histoire de la crise du Golfe, Ed. Complexe, Paris, 1992


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