La France et l'Algérie face à leur guerre



Chronique politique franco-algérienne et helvéto-algérienne

Mise à jour : 3 janvier 2008
©Pascal Holenweg, Genève, 2008






chronique politique
Les élections en Algérie (5 juin 1997, 23 octobre 1997, avril 1999
L'expulsion d'Ahmed Zaoui


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La France et l'Algérie face à leur guerre

DÉCLARATION SUR LE DROIT Ã L'INSOUMISSION DANS LA GUERRE D'ALGÉRIE

(dite "des 121" - septembre 1960)

Un mouvement très important se développe en France, et il est nécessaire que l'opinion française et internationale en soit mieux informée, au moment où le nouveau tournant de la guerre d'Algérie doit nous conduire à voir, non à oublier, la profondeur de la crise qui s'est ouverte il y a six ans.

De plus en plus nombreux, des Français sont poursuivis, emprisonnés, condamnés, pour s'être refusés à participer à cette guerre ou pour être venus en aide aux combattants algériens. Dénaturées par leurs adversaires, mais aussi édulcorées par ceux-là mêmes qui auraient le devoir de les défendre, leurs raisons restent généralement incomprises. Il est pourtant insuffisant de dire que cette résistance aux pouvoirs publics est respectable. Protestation d'hommes atteintes dans leur honneur et dans la juste idée qu'ils se font de la vérité, elle a une signification qui dépasse les circonstances dans lesquelles elle s'est affirmée et qu'il importe de ressaisir, quelle que soit l'issue des événements.

Pour les Algériens, la lutte, poursuivie soit par des moyens militaires, soit par des moyens diplomatiques, ne comporte aucune équivoque. C'est une guerre d'indépendance nationale. Mais pour les Français, quelle en est la nature ? Ce n'est pas une guerre étrangère. Jamais le territoire de la France n'a été menacé. Il y a plus : elle est menée contre des hommes que l'Etat affecte de considérer comme Français, mais qui, eux, luttent précisément pour cesser de l'être.. Il ne suffirait même pas de dire qu'il s'agit d'une guerre de conquête, guerre impérialiste, accompagnée par surcroît de racisme. Il y a de cela dans toute guerre, et l'équivoque persiste.

En fait, par une décision qui constituait un abus fondamental, l'Etat a d'abord mobilisé des classes entières de citoyens à seuls fin d'accomplir ce qu'il désignait lui-même comme une besogne de police contre une population opprimée, laquelle ne s'est révoltée que par un souci de dignité élémentaire, puisqu'elle exige enfin d'être reconnue comme communauté indépendante.

Ni guerre de conquête, ni guerre de "défense nationale", ni guerre civile, la guerre d'Algérie est peu à peu devenue une action propre à l'armée et à une caste qui refusent de céder devant un soulèvement dont même le pouvoir civil, se rendant compte de l'effondrement général des empires coloniaux, semble prêt à reconnaître le sens.

C'est, aujourd'hui, principalement la volonté de l'armée qui entretient ce combat criminel et absurde, et cette armée, par le rôle politique que plusieurs de ses hauts représentants lui font jouer, agissant parfois ouvertement et violemment en dehors de toute légalité, trahissant les fins que l'ensemble du pays lui confie, compromet et risque de pervertir la nation même, en forçant les citoyens sous ses ordres à se faire les complices d'une action factieuse ou abilissante. Faut-il rappeler que, quinze ans après la destruction de l'ordre hitlérien, le militarisme français, par suite des exigences d'une telle guerre, est parvenu à restaurer la torture et à en faire à nouveau comme une institution en Europe ?

C'est dans ces conditions que beaucoup de Français en sont venus à remettre en cause le sens de valeurs et d'obligations traditionnelles. Qu'est-ce que le civisme lorsque, dans certaines circonstances, il devient soumission honteuse ? N'y-a-t-il pas des cas où le refus de servir est un devoir sacré, où la "trahison" signifie le respect courageux du vrai ? Et lorsque, par la volonté de ceux qui l'utilisent comme instrument de domination raciste ou idéologique, l'armée s'affirme en état de révolte ouverte ou latente contre les institutions démocratiques, la révolte contre l'armée ne prend-elle pas un sens nouveau ?

Le cas de conscience s'est trouvé posé dès le début de la guerre. Celle-ci se prolongeant, il est normal que ce cas de conscience se sont résolu concrètement par des actes toujours plus nombreux d'insoumission, de désertion, aussi bien que de protection et d'aide aux combattants algériens. Mouvements libres qui se sont développés en marge de tous les partis officiels, sans leur aide et, à la fin, malgré leur désaveu. Encore une fois, en dehors des cadres et des mots d'ordre préétablis, une résistance est née, par une prise de conscience spontanée, cherchant et inventant des formes d'action et des moyens de lutte en rapport avec une situation nouvelle dont les groupements politiques et les journaux d'opinion se sont entendus, soit par inertie ou timidité doctrinale, soit par préjugés nationalistes ou moraux, à ne pas reconnaître le sens et les exigences véritables.

Les soussignés, considérant que chacun doit se prononcer sur des actes qu'il est désormais impossible de présenter comme des faits divers de l'aventure individuelle; considérant qu'eux-mêmes, à leur place et selon leurs moyens, ont le devoir d'intervenir, non pas pour donner des conseils aux hommes qui ont à se décider personnellement face à des problèmes aussi graves, mais pour demander à ceux qui les jugent de ne pas se laisser prendre à l'équivoque des mots et des valeurs, déclarent :

Arthur Adamov, Robert Antelme, Michel Arnaud, Georges Auclair, Jean Baby, Hélène Balfet, Marc Barbut, Robert Barrat, Simone de Beauvoir, Jean-Louis Bédouin, Marc Begbeider, Robert Benayoun, Yves Berger, Maurice Blanchot, Roger Blin, Dr Bloch-Laroque, Arsène Bonnafous-Murat, Geneviève Bonnefoi, Raymond Borde, Jean-Louis Bory, Jacques-Laurent Bost, Pierre Boulez, Vincent Bounoure, André Breton, Michel Butor, Guy Cabanel, François Chatelet, Simone Collinet, Georges Condaminas, Michel Crouzet, Alain Cuny, Jean Czarnecki, Dr Jean Dalsace, Hubert Damisch, Adrien Dax, Jean Delmas, Danièle Delorme, Solange Deyon, Jacques Doniol Valcroze, Bernard Dort, Jean Douassot, Simone Dreyfus, René Dumont, Marguerite Duras, Françoise d'Eaubonne, Yves Elléquet, Dominique Eluard, Escaro, Charles Eestienne, Jean-Louis Faure, Dominique Fernandez, Jean Ferry, Louis-René des Forêts, Rd Théodore Fraenkel, Bernard Franck, André Gernet, Louis Gernet, Edouard Glissant, Georges Goldfayn, Christiane Gremillon, Anne Guérin, Daniel Guérin, Jacques Howlett, Edouard Jaguer, Pierre Jaouen, Gérard Jarlot, Robert Jaulin, Alain Joubert, Pierre Kast, Henri Kréa, Serge Laforie, Robert Lagarde, Monique Lange, Claude Lanzmann, Robert Lapoujade, Henri Lefebvre, Gérard Legrand, René Leibowitz, Michel Leiris, Paul Lévy, Jérome Lindon, Eric Losfeld, Robert Louzon, Olivier de Magny, Florence Malraux, André Mandouze, Maud Mannoni, Jacqueline Marchand, Jean Martin, Renée Marcel-Martinet, Jean-Daniel Martinet, Andrée Marty-Capgras, Dionys Mascolo, François Maspero, André Masson, Pierre de Massot, Marie-Thérèse Maugis, Jean-Jacques Mayoux, Jehan Mayoux, Andrée Michel, Théodore Monod, Marie Moscovici, Georges Mounin, Maurice Nadeau, Georges Navel, Claude Ollier, Jacques Panuel, Hélène Parmelin, Marcel Péju, Jean-Claude Pichon, José Pierre, André Pieyre de Mandiargues, Roger Pigault, Edouard Pignon, Bernard Pingaud, Maurice Pons, J.-B. Pontalis, Jean Pouillon, Madeleine Rebérioux, Paul Rebeyrolle, Denise René, Alain Resnais, Jean-François Revel, Paul Revel, Evelyne Rey, Alain Robbe-Grillet, Christiane Rochefort, Maxime Rodinson, Jacques-Francis Rolland, Alfred Rosmer, Gilbert Rouget, Claude Roy, Françoise Sagan, Marc Saint-Saëns, Jean-Jacques Salomon, Nathalie Sarraute, Jean-Paul Sartre, Renée Saurel, Claude Sautet, Catherine Sauvage, Lucien Scheler, Jean Schuster, Robert Scipion, Louis Seguin, Geneviève Serreau, Simone Signoret, Jean-Claude Silbermann, Claude Simon, Siné, René de Solier, D. de la Souchère, Roger Tailleur, Laurent Terzieff, Jean Thiercelin, Paul-Louis Thirard, Tim, Andrée Tournès, Geneviève Tremouille, François Truffaut, Tristan Tzara, Vercors, J.-P. Vernant, Pierre Vidal-Naquet, J.-P. Vielfaure, Anne-Marie de Vilaine, Charles Vildrac, Claude Viseux, François Wahl, Ylipe, René Zazzo


THÉODORE MONOD : POURQUOI J'AI SIGNÉ LE MANIFESTE DES 121

(Afrique Nouvelle, 23 novembre 1960, et "Les carnets de Théodore Monod, Le Pré aux Clercs, 1997)

Bien que fonctionnaire, je persiste, à tort ou à raison, à me considérer comme un homme libre. D'ailleurs, si j'ai vendu à l'Etat une certaine part de mon activité cérébrale, je ne lui ai livré ni mon coeur ni mon âme. Si puissant soit-il, César s'arrête au seuil du sanctuaire, où règne un beaucoup plus grand que lui, et auquel l'Ecriture nous prescrit d'obéir plutôt qu'aux hommes...

À dire vrai, ce n'est pas à la question du refus de participer à une guerre inique que j'ai, en signant le manifeste des 121, attaché le plus d'importance : il s'agissait de cela, bien sûr, et il était salutaire que les puissants du jour -et d'un jour- se vissent rappeler que, si le Pouvoir veut être respecté, il lui faut, d'abord, se montrer respectable. Je voyais dans le document global une expression nouvelle, très forte et très nécessaire, de l'indignation, de la honte et de la douleur dont nos coeurs, désormais, débordent.

Il y en a trop... On n'en peut plus... Et s'il ne nous reste que nos cris et nos larmes, eh bien, qu'on crie, et qu'on pleure un bon coup : cela soulagera, et puis, qui sait si ce spectacle inaccoutumé d'hommes respectables sortant de leur paisible retraite pour s'offrir à la réprobation des bien-pensants et, certains, aux persécutions, ne sera pas capable de réveiller, sous la cendre, des consciences assoupies et rassurées, l'étincelle qui va ranimer la flamme ?

Et pourquoi hésiterait-on à crier sa révolte ? Un gouvernement qui couvre systématiquement les tortionnaires -quand il ne les récompense pas par des décorations et des galons- est un gouvernement qui se déshonore et a perdu par là même le pouvoir d'exiger l'approbation de nos consciences.

Si les larmes d'un enfant sont plus précieuses que tout l'or du monde, qu'eût dit Dostoïevski de la fillette rendue folle par le bombardement français -et chrétien- des environs de Souk-Ahras, et qui vit, depuis, attachée à un piquet comme une bête ? Lequel de nos seigneurs et maîtres lui rendra ses larmes et sa raison ?

On commence par mépriser, et puis, un beau jour, on tue, enfants compris pour faire bonne mesure, avec une parfaite bonne conscience et la patriotique certitude d'avoir louablement travaillé pour l'Occident et, pour un peu, pour le christianisme... Car ce n'est pas là une plaisanterie : ils en sont là... et sont prêts à prêcher la croisade, au napalm. Et l'on voudrait obtenir, au besoin imposer, voire acheter, notre silence ? De qui se moque-t-on ?

J'ai donc signé le fameux manifeste, non sans avoir d'ailleurs au préalable suggéré quelques modifications de détail, dont il n'a pas pu être tenu compte. Je faisais remarquer, par exemple, qu'il était inexact d'affirmer que c'est l'armée qui a inventé la torture en Algérie. Cette honteuse priorité revient, indubitablement, à la police et l'on n'a pas oublié la question fameuse : "Y a t-il une Gestapo française en Algérie ?" qui n'a jamais reçu, et pour cause, de démenti officiel.

Il s'agissait, avant tout, non pas tant d'insister sur tel ou tel aspect de la résistance à la guerre d'Algérie que d'appuyer une tentative qui pourrait, por beaucoup d'esprits et de consciences, constituer une chose salutaire et l'occasion -enfin- d'un réveil.

En 1767, le prince de Beauvau, coupable, aux yeux du roi, d'avoir manifesté une indignation exagérée devant l'injustice faite aux prisonnières de la tour de Constance, est menacé par le ministre de se voir révoqué de ses fonctions de gouverneur du Languedoc. Mais le fonctionnaire était un homme et un homme libre. Aussi sa réponse fut-elle que "le roi était maître de lui ôter le commandement que Sa Majesté avait bien voulu lui confier; mais non de l'empêcher d'en remplir les devoirs selon sa conscience et son honneur".

Ces mots de conscience et d'honneur ont-ils rien perdu, cent quatre-vingt-treize ans plus tard, de leur actualité, de leur force et de leur signification, quand d'autres ministres s'emploient à réprimer d'autres révoltes du coeur et de l'esprit ?

Paris, 17 octobre 1961
Paris, 17 octobre 1961

APPEL DU COLLECTIF UNITAIRE 17 OCTOBRE 1961 - 17 OCTOBRE 2001

Le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers de travailleurs algériens et leur famille manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu raciste qui leur était imposé.

Ils défendaient leur droit à l'égalité, leur droit à l'indépendance et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Ce jour-là et les jours qui suivirent des centaines de manifestants furent tués par des policiers aux ordres de leurs supérieurs.

A l'occasion du quarantième anniversaire, nous appelons à une grande manifestation le 17 octobre 2001, à Paris et dans toute la France, pour commémorer ce tragique événement.

Nous demandons :

- La reconnaissance officielle de ce crime contre l'humanité ;

- Le libre accès aux archives pouvant aider à écrire l'histoire de cette guerre coloniale et en particulier de cette journée du 17 octobre 1961 ;

- L'introduction et l'étude de ces événements dans les programmes et les manuels scolaires;

- La création d'un lieu du souvenir à la mémoire des victimes;

Les organisations suivantes ont d'ores et déjà signé cet appel:
Alternative Libertaire ; Association 17 octobre 1961 contre loubli ; Association pour la Démocratie à Nice ; Association Républicaine des Anciens Combattants et victimes de guerre ; ATMF ; CEDETIM ; CIMADE ; Comité national des chômeurs CGT ; DROIT au logement ; Droits devant ; Droit Solidarité ; FIDH, Fédération de Paris du Parti socialiste ; la FTCR ; France Libertés ; la Fédération Syndicale Etudiante ; la FSU ; Institut Mehdi Ben Barka mémoire vivante ; LCR ; LDH ; LO ; Mémoire, Vérité, Justice sur les assassinats politiques en France ; MRAP ; Observatoire des libertés publiques ; Parti communiste ; Pionniers de France ; SGEN-CFDT ; SUD-PTT ; Les Verts

(Reuters 1.12, 3.12, Jeune Indépendant 4.12) D'anciens militants du FLN ont dénoncé le silence qui prévaut en Algérie à propos du débat en France, sur la torture et les exactions dont l'armée française s'est rendue coupable pendant la Guerre d'Algérie. Ces militants, dont Louiza Ighil Ahriz et Noui M'Hidi Abdelkader, exigent l'accès aux archives du FLN pour faciliter le travail des historiens. Alors que le débat fait rage en France, et implique les autorités gouvernementales, les autorités algériennes restent silencieuses. Louiza Ighil Ahriz dénonce "le mutisme condamnable des officiels algériens, à commencer par le ministère des moudjahidines, sur un débat qui interpelle toute la société algérienne". Pour Louiza Ighil Ahriz, "les officiers français ont été rattrapés par l'histoire", mais il s'agit aussi, pour les Algériens, de "défendre l'honneur de l'Algérie, de rendre hommage à nos martyrs", et "ce silence (des autorités algériennes) paraît comme de la complicité". La militante algérienne, qui considère que "c'est une très bonne nouvelle de savoir que le chef du gouvernement français a donné son aval pour ouvrir les archives" concernant la révolution algérienne, souhaite "que les archives soient également ouvertes très prochainement en Algérie". Pour Noui M'Hidi Abdelkader, "les peuples (français et algérien) ont le droit de tout savoir sur les exactions qui ont été commises par l'armée coloniale sur les nationalistes algériens au nom de la République française". L'ancien militant de la Fédération de France du FLN fustige le silence des autorités algériennes et s'interroge sur le sort des documents et des témoignages recueillis par le FLN en 1966 déjà, et qui n'ont jamais été rendus publics. Au passage, Noui M'Hidi Abdelkader révèle que le FF-FLN avait reçu l'ordre "d'abattre Messali El Hadj", "que tous les militants étaient invités à considérer les éléments du MNA, tous sans exception comme des traîtres", et que lui-même a participé à l'assassinat de Filali. Noui M'Hidi Abdelkader considère qu'il règne en Algérie "un silence incompréhensible sur les actions qui mettent en cause la France" et confirme que la pratique de la torture a continué en Algérie après l'indépendance, l'un de ses propres enfants en ayant été victime en 1994.

En France, Jean-Marie Le Pen, lui-même tortionnaire en Algérie, a déclaré lors d'une conférence de presse, qu'"à la différence du FLN et du PCA qui terrorisaient les populations civiles, l'armée (française) ne terrorisait que les terroristes", et ne procédait qu'à "des interrogatoires qui pouvaient aller jusqu'à l'imposition de douleurs physiques graduées mais sans séquelles invalidantes". Au passage, Le Pen a dénoncé une "campagne de propagande communiste sur le torture en Algérie" et accusé l'ancien Premier ministre Michel Rocard d'être un "ancien porteur de valises du FLN".

(CREOPS 22.11) Après une campagne de presse et une manifestation de rue, l'extrême-droite locale avait réussi en octobre à obtenir de la Ville de Marseille qu'une salle réservée (et payée) pour un séminaire "Mémoire de l'immigration algérienne - la guerre d'Algérie en France" organisé par le CREOPS -lequel avait reporté son colloque aux 2 et 3 décembre, à la faculté Saint-Charles. Les pressions de l'extrême-droite ont repris, et le préfet de région a averti l'Université qu'il ne pourra pas (c'est-à-dire qu'il ne veut pas) assurer la protection des participants au colloque. L'Université a dès lors retiré son accord pour que le colloque ait lieu dans ses locaux. Le CREOPS en appelle au Premier ministre Lionel Jospin, qui vient de s'exprimer en faveur du "devoir de mémoire" sur la Guerre d'Algérie, pour qu'il fasse tout ce qui est en son pouvoir pour que le colloque se tienne "en toute sécurité à Marseille aux dates et lieu prévus et qu'il ne soit pas dit que l'extrême droite impose sa loi".

(AFP 30.11, 1.12, corr) Les organisateurs du colloque du CREOPS (Centre régional d'étude et d'observation des politiques et pratiques sociales) sur la guerre d'Algérie en France ("Mémoires de l'immigration algérienne"), déjé refoulés de toutes parts à Marseille sous la pression d'associations de piers-noirs et de partis d'extrême-droite, on essuyé le 30 novembre un nouveau refus de mise à disposition de salle, le troisième, cette fois de la part du maire socialistes des 13ème et 14ème arrondissements de Marseille, Georges Hovsepian, qui a renoncé à autoriser le tenue du colloque les 2 et 3 décembre dans une salle de son arrondissement, au prétexte d'"apaiser les tensions entre les différentes composantes de notre population". Le 28 novembre, le journal du Front National, "Présent", criait "victoire sur les fellouzes et leurs porteurs de valise" après que l'Université de Provence ait renoncé, le 22 novembre, à accueillir les débats. L'adjointe à la Mairie de Marseille chargée des rapatriés, Solange Moll, avait déclaré qu'elle ferait "tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher cette réunion". Finalement, le Maire des 13e et 14e arrondissements est revenu sur sa décision et a annoncé qu'il autorisait la tenue du colloque dans une salle municipale, après que des responsables départementaux et régionaux (et au-delé) du PS soient intervenus auprès de lui pour qu'il accorde cette autorisation. Georges Hovsepian a expliqué avoir obtenu "toutes les garanties pour qu'il n'y ait aucun incident". La préfecture des Bouches du Rhône a indiqué qu'elle allait "renforcer les patrouilles de police sur la voie publique" autour du colloque, une contre-manifestation d'extrême-droite ayant été annoncée, pour protester contre la présence au colloque d'anciens dirigeants de la Fédération du France du FLN et d'anciens "porteurs de valise" du Front.

(La Tribune 2.12, AFP 5.12, Le Monde, Le Matin 7.12) Une thèse de doctorat d'histoire sur "l'armée et la torture pendant la guerre d'Algérie. Les soldats, leurs chefs et les violences illégales" a été soutenue (avec succès) le 5 décembre par Raphaëlle Branche. Sur la base, notamment, des "journaux de marche des opérations" tenus par les régiments, du dépouillement d'archives civiles et militaires et d'entretiens, la thèse confirme que la torture n'a pas été une "création" de la guerre d'Algérie, ni un fait exceptionnel, ni une méthode d'interrogatoire, mais qu'elle participait d'une stratégie globale d'intimidation de la population algérienne. Pour Raphaëlle Branche, la torture s'inscrit dans l'histoire de la colonisation et de sa remise en cause radicale par l'insurrection algérienne, dès 1954; l'ampleur de l'usage de la torture s'explique par celle de l'affrontement : l'ennemi n'est pas seulement le FLN (et l'ALN), mais, progressivement, tout le peuple algérien. Face à l'insurrection, l'armée, tout juste sortie de la guerre (et de la défaite) d'Indochine, assimile le FLN au VietMinh et l'insurrection algérienne à une guerre révolutionnaire liée au communisme -vision du conflit à laquelle s'ajoute un profond racisme "anti-arabe". L'armée va donc tenter d'appliquer en Algérie les enseignements de l'Indochine, et mener une "guerre contre-révolutionnaire" fondée sur les enseignements de la guerre révolutionnaire elle-même. Les détachements opérationnels de protection (DOP), l'une des principales structures pratiquant la torture, sont d'ailleurs nés en Indochine. En Algérie, cependant, la torture préexistait à la guerre, et était pratiquée avant 1954, mais elle s'est généralisée pendant la guerre : l'armée y a eu largement recours pendant la "bataille d'Alger" de 1957. Cette généralisation de la torture correspond, pour Raphaëlle Branche, à l'arrivée du général Salan à la tête de l'état-major d'Alger, en décembre 1956. Quant au pouvoir politique, il était informé de l'usage généralisé de la torture : l'historienne a ainsi retrouvé la trace d'un "gros dossier" transmis par le fondateur du "Monde", Hubert Beuve-Méry, au Premier ministre de l'époque, Guy Mollet, et contenant de nombreux témoignages -dont Mollet n'a fait aucun cas. La torture est devenue en Algérie un moyen d'intimidation de l'ensemble du peuple, fondé sur une menace constante, et une pratique généralisée de l'humiliation : mise à nu systématique des victimes, enfants et vieillards torturés comme les autres, fréquence des viols (d'hommes et de femmes) avec des objets : "La torture n'a jamais été un moyen parmi d'autre d'obtenir des renseignements (et) le fait que des Algériens soient torturés était considéré comme aussi important que le fait que tous les Algériens aient peur de subir de tels traitements", estime Raphaëlle Branche, pour qui "torturer, ce n'est pas seulement faire parler, c'est aussi faire entendre qui a le pouvoir". L'hostorienne estime "crédible" le nombre de 108'175 Algériens passés par le centre de torture de la ferme Améziane, dans le Constantinois (mais des personnes y sont passées plusieurs fois), et considère que "des centaines de milliers d'Algériens" ont été torturés à l'électricité pendant le conflit.

Les douze* signataires de l'appel demandant au président Chirac et au Premier ministre Jospin de "condamner par une déclaration publique" l'usage de la torture pendant la guerre d'Algérie ont réitéré le 6 décembre leur demande, invitant le président Chirac, resté silencieux, à s'exprimer, et le Premier ministre Jospin à aller "plus loin" que ses engagements actuels, jugés positifs. Les signataires de l'appel ont demandé à rencontrer les deux dirigeants. La majorité d'entre eux écartent tout prolongement judiciaire à leur action : pour Nicole Dreyfus, "notre but n'est pas de sanctionner des individus, mais de faire reconnaître des faits historiques. (...) Nous ne prônons ni le lengeance, ni le retour à une époque douloureuse". Madeleine Rebérioux ne veut "ni repentance, ni finance, ni veangeance", et espère que l'on pourra aussi "parler des crimes du FLN sans insulter les Algériens", mais en les aidant à "interpeller leur gouvernement sur les réalités d'aujourd'hui".

Le débat français sur la torture pendant la guerre d'Algérie commence en effet à avoir des répercussions en Algérie ( Le quotidien "El Youm" a organisé le 30 novembre un forum sur la torture, à Alger, entre anciens dirigeants et militants de la lutte pour l'indépendance (comme Lamine Khene) et journalistes) malgré la persistance d'un silence officiel rompu seulement par des réactions officieuses de milieux proches du gouvernement, mais surtout par des commentaires de la presse et de personnalités, comme Hocine Aït Ahmed, qui voient dans le débat français une occasion d'assumer, en Algérie aussi, le "devoir de mémoire" : "(D')une France qui reconnaît ses fautes, montre ses généraux qui ont déshonoré leur armée, nous avons beaucoup à apprendre", écrit "La Tribune" du 5 décembre, qui regrette qu'"aucun débat à l'Assemblée" n'ait été ouvert, et que les Algériens laissent "les ONG nous mettre le nez dans notre ...", se demande si "le gouvernement, l'ONM (Organisation nationale des moudjahidines), les groupes parlementaires" n'ont vraiment "rien à dire", et considère que "les aveux français mettent sûrement mal à l'aise les "détenteurs" sinon les bénéficiaires de la légitimité historique". "Le Quotidien d'Oran" considère pour sa part que les réactions officieuses aux déclarations de Hocine Aït Ahmed, qui avait évoqué l'usage de la torture pendant la guerre d'Algérie, non seulement du côté français mais également du côté algérien, "montrent que l'on n'est pas encore prêts à aborder des questions qui ne se limitent pas à l'histoire, car elles continuent d'avoir un prolongement dans le présent". Les deux quotidiens, officieux et officiel, du FLN, "El Moudjahid" et "Sawt El-Ahrar" ont pour seule réponse accusé Hocine Aït Ahmed de vouloir mettre sur le même plan les "crimes" de l'armée française et la "lutte" des combattants algériens, et le Bureau politique du FLN a condamné "toute tentative visant à porter atteinte à la glorieuse lutte de libération menée par le peuple algérien sous la bannière du FLN et de l'ALN". Quant au général Khaled Nezzar, il a assuré que le "débat actuel sur la torture concerne, en premier lieu, les Français" et que "le pouvoir algérien n'est pas tenu" d'y entrer. Au-delà du débat sur la torture pendant la guerre d'Algérie, qu''il s'agisse de la torture pratiquée par des policiers et militaires français (ou des harkis), ou de la torture et des exécutions sommaires pratiquée par des membres du FLN et de l'ALN (à l'encontre de harkis, mais également de messalistes, voire de membres du FLN et de l'ALN pris, à la suite d'intoxications lancées par les services spéciaux français, pour des traîtres), c'est le débat sur la torture pratiquée actuellement qui risque fort de "rebondir" en Algérie.

*Laurent Schwartz, Nicole Dreyfus, Gisèle Halimi, Henri Alleg, Josette Audin, Mme de Bollardière, Alban Liechti, Pierre Vidal-Naquet, Madeleine Rebérioux

(Le Matin 13.12) Le décès, le 8 décembre à Paris, de la militante communiste oranaise Gaby Gimenez, dont l'ancien directeur d'"Alger Républicain" retrace brièvement, dans "Le Matin", la vie d'"infatiganble militante" du PCA, puis du PAGS, illustre l'ancienneté de la pratique de la torture dans l'Algérie "française", à l'encontre de toute forme d'opposition au système colonial -que cette opposition soit nationaliste, communiste -ou les deux à la fois : Secrétaire des jeunesses communistes, Gaby Gimenez a été torturée par la police de Vichy, qui la condamne à la prison à perpétuité; membre des "combattants de la libération" (organisation de combat du PC algérien, absorbée par l'ALN en 1956), elle sera torturée par la police française en 1956 (le gouvernement d'alors étant dirigé par le chef de la SFIO, Guy Mollet), et condamnée à vingt ans de prison.

(POUR 13.12, APS 17.12, El Watan 18.12) Georges Mattei, militant français de la solidarité avec l'Algérie (pendant et après la guerre d'indépendance) est décédé le 12 décembre. Issu d'une famille de résistants communistes, il avait été l'un des premiers à dénoncer, après avoir été envoyé en Algérie comme "rappelé" en 1956, l'usage de la torture, dans "Les Temps Modernes". Il a ensuite participé aux réseaux de soutien au FLN, dans le cadre du réseau d'Henri Curiel. Il a été l'un des fondateurs du bulletin "POUR".

(FFS 11.12, Le Monde 14.12) Après que la presse gouvernementale s'en soit pris violemment (mais sans le nommer) à Hocine Aït Ahmed pour ses déclarations faites au congrès du PS français, à propos de la torture pendant la Guerre d'Algérie (Aït Ahmed avait rappelé que les Français n'avaient pas eu le monopole de la pratique de la torture et des exécutions sommaires), et que plusieurs articles aient accusé le chef du FFS d'avoir mis sur le même plan l'ALN et l'armée française (alors qu'il avait explicitement souligné qu'on ne pouvait pas considérer la violence de l'opprimé de la même manière que celle de l'oppresseur), le FFS dénonce dans un communiqué "une campagne médiatique des plus haineuses (...) où les amalgames les plus grossiers se doublent d'affirmetions mensongèes", campagne qui a pour but d'empêcher "tout débat" au sujet de la torture, alors qu'il est "de notoriété publique que pendant la révolution des dérapages sanglants ont été perpétrés contre des Algériens par des membres de l'ALF-FLN". Pour le FFS, le moment est venu, en Algérie aussi, d'"ouvrir un large débat qui implique les historiens, pour que la jeunesse en particulier sache la vérité sur cette période tragique de notre histoire", débat dont les enseignements seront "édifiants sur les réalités tout aussi tragiques que vit notre peuple depuis quelques années". Le FFS dénonce "l'instrumentalisation par le pouvoir de l'histoire", avec la même finalité que celle que "recherchait le colonialisme : soumettre les Algériennes et les Algériens". Considérant, comme Hocine Aït Ahmed lui-même dans "Le Monde", que le débat français doit être "salué", et considérant comme son chef que ce débat français "ne doit surtout pas conduire à occulter les violences et les violations massives des droits de l'Homme que subit à ce jour le peuple algérien", le FFS réaffirme le caractère "universel" des droits de l'homme.

(AP 14.12) "la France peut être fière" des "milliers de jeunes Français d'origine algérienne ou métropolitaine qui se sont battus sous le drapeau français aux ordres du gouvernement français", et qui "l'ont fait avec courage, avec détermination", a déclaré le président Jacques Chirac dans une intervention télévisée, en réponse à une question portant sur la reconnaissance de la pratique de la torture pendant la Guerre d'Algérie. Le président français a exclu toute idée de repentance collective pour les actes de torture commis à l'poque, et a assuré qu'il ne fera rien "qui puisse abîmer (l') image ou salir (l') honneur" des combattants français de la Guerre d'Algérie : "il y a eu en Algérie, et deux deux côtés, des atrocités que l'on ne peut que condamner" mais qui étaient le "fait de minorités", a conclu Jacques Chirac.

(L'Humanité 20.12) "L'Humanité" publiera à la mi-janvier un numéro spécial hors-série consacré à la torture pendant la Guerre d'Algérie, rassemblant toutes les interventions, contributions et témoignages déjà publiés par le quotidien communiste. Les "Amis de l'Humanité" proposent le 27 janvier une rencontre sur le thème de la torture pendant la Guerre d'Algérie, rencontre lors de laquelle sera notamment projeté le film (inédit en France) qu'André Gazut a consacré au "Général de Bollardière et la torture"

(Le Monde 23.12) Né français du viol de sa mère algérienne par des soldats pendant la guerre d'Algérie, un homme de 40 ans souhaitait obtenir une mension de l'Etat (français). La Cour régionale d'appel des pensions militaires a commis lée 21 décembre un expert chargé de déterminer si les troubles dont souffre Mohamed Garne sont ou non imputables au crime commis par les militaires français en Algérie, et s'il souffre de sequelles "physiques" de ce viol, les sequelles "psychologiques" n'étant pas prises en compte. La Cour a reconnu que Mohamed Garne est bien né du viol de sa mère de 17 ans par des soldats français, dans un camp de regroupement. Son avocat a expliqué qu'en outre, la jeune femme avait été torturée à l'eau et à l'électricité "pour provoquer une fausse couche ou un avortement". La Cour a admis que pendant la guerre d'Algérioe "de multiples exactions et crimes, tortures, exécutions sommaires, attentats aveugles, représailles barbares ont été perpétrés de part et d'autre", et qu'il est "vraisemblable que des viols aient pu être perpétrés par des militaires français"...

(Le Monde 24.12) La préfecture de police de Paris a finalement, sur injonction du ministre de l'Intérieur Daniel Vaillant, ouvert ses archives sur la répression contre le FLN dans la région parisienne pendant la guerre d'Algérie. La lettre officielle de Yves Le Breton, chef de cabinet du préfet de police Philippe Massoni, accordant à Jean-Luc Einaudi l'autorisation de consulter "l'ensemble de la série H (guerre d'Algérie 1958-1962) et les pièces annexes relatives à cette période (registre de l'institut médico-légal, notamment) par dérogation aux dispositions de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives", est arrivée le 19 décembre à l'historien, qui s'était précédemment vu refuser quatre fois cet accès, par le même fonctionnaire, ce qui entrait évidemment en contradiction avec les déclarations du Premier ministre sur la nécessité d'un "travail de vérité" scientifique sur la guerre d'Algérie, y compris la répression, les 17 et 18 octobre 1961, des manifestations algériennes dans la région parisienne (répression qui a fait selon J.-L. Einaudi près de 300 morts algériens, noyés dans la Seine, tués par balle ou assomés). Le ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, a adressé une note au préfet de police rappelant les grandes lignes de la circulaire de Lionel Jospin, recommandant d'accorder "largement" les dérogations à la loi de 1979, qui fixe un délai normal de 60 ans pour l'accès aux documents d'archives contenant des "informations mettant en cause la vie privée ou intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense nationale".

(Le Monde 27.12) "Le Quotidien d'Oran" a régani vigoureusement, le 16 décembre, aux propos télévisés du président français Jacques Chirac, qui refusait d'engager le débat sur la pratique de la torture par les forces françaises pendant la guerre d'Algérie : "Chirac lave plus blanc !", titre le quotidien, pour qui il est "incompréhensible" que le président français puisse rendre hommage à l'armée française "à un moment où une partie honorable de l'intelligentsia française, à l'image de Pierre Vidal-Naquet, invite l'Etat français à admettre sa responsabilité dans les horreurs commises" en Algérie. Mais le quotidien se demande aussi si le débat sur la torture peut "rester franco-français comme semble le souhaiter le pouvoir algérien" (et comme le souhaite le général Khaled Nezzar), "avec une gêne silencieuse mais néanmoins bruyante". Cette gêne s'est exprimée notamment par des articles de la presse gouvernementale, en réponse à l'intervention dans ce débat de Hocine Aït Ahmed, qui, précisant qu'"on ne peut pas mettre en balance des actes commis par une vraie invasion et des actes de résistance", avait demandé que le débat ne porte pas seulement "sur les exactions françaises, mais aussi sur les exactions des éléments du FLN et de l'ALN pendant cette guerre". Si aucune réaction officielle au débat français n'a été enregistrée en Algérie, on note que des associations y sont intervenues : la Ligue algérienne des droits de l'Homme (LADH) de Boudjemaa Chechir a adressé une demande d'aide à la Ligue française pour la mise au point de dossiers judiciaires à l'encontre de militaires tortionnaires de haut rang, et le dirigeant d'une association nationales de victimes civiles de la guerre, Rabah Amroun, a accusé les autorités algériennes de "non-gestion des dossiers des populations touchées physiquement, psychiquement et matériellement pendant la guerre".

(Le Monde 28.12) Selon une enquête du "Monde", 350'000 anciens de la guerre d'Algérie (sur le 1,7 million de Français ayant servi en Algérie entre 1954 et 1962) souffriraient de troubles psychiques (voire physiques) liés à leur expérience de cette guerre : insomnies, cauchamers à répétition sont les symptômes les plus fréquents. Les trois quarts des Français ayant été envoyée en Algérie en sont revenus sans troubles majeurs, mais chez un quart d'entre eux ce conflit et l'expérience qu'ils en ont eue ont provoqué des traumatismes psychiques "se traduitant par des troubles plus ou moins invalidants, fréquents et d'apparition rapide. Pour parvenir à cette conclusion, les experts français se sont basés sur les études américaines faites sur les anciens du Vietnam, et les ont validées par des études à échelle réduite effectuées par des spécialistes français, comme Marie-Odile Godard, auteur d'une thèse de doctorat portant sur quatorze anciens d'Algérie, dont deux seulement estiment n'avoir pas souffert de trouble majeur ou durable après leur retour (mais remarquent néanmoins qu'encore aujourd'hui, l'évocation de cette période provoque des insomnies et des cauchemars). Huit de ces quatorze appelés ont présenté des troubles psychiques tels qu'ils ont du être hospitalisés; les quatre autres ont soigné leurs troubles (insomnies, cauchemars, flash-backs, hallucinations, angoisse, phobies, dépressions, idées de suicide) avec des antidépresseurs, des anxiolytiques et des somnifères. Dans l'ensemble, les troubles s'atténuent avec les années, mais réapparaissent à l'heure de la retraite. Bernard Sigg, militant contre la guerre d'Algérie, auteur de "Le Silence et la Honte" et vice-président de l'Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre (ARAC) souligne que les anciens appelés choisissent de taire leurs angoisses et les soignent à l'alcool : "tous, absolument tous, ont au minimum entendu ou vu pratiquer la torture. Leur grand drame, me disent-ils aujourd'hui, c'est de n'avoir pas si dire non à l'époque. D'avoir eu vingt ans et de n'avoir pas su réagir"; mais ils avaient à faire face à la peur : "les appelés redoutaient les conséquences de leur résistance ou de leur refus, surtout à l'égard de la question de la torture" et dans une ambiance de violence continuelle, voire de sadisme, notamment de la part des détachements opérationnels de protection (DOP). Deux médecins généraux militaires, Claude Barrois et Louis Crocq, considèrent qu'on ne peut guérir ces "blessures de l'âme" que par la "reconnaissance" du "drame" vécu, et l'accès à un suivi médico-thérapeutique gratuit est une revendication commune à tous ceux qui cotoient les anciens d'Algérie. Pour "Le Monde", "il importe que la cure ne se limite pas aux individus, si nombreux soient-ils, dont la vie a été bouleversée par le conflit". Il faut qu'elle soit prise en charge par la nation toute entière. Car c'est bien la mémoire collective de la France qui est blessée", et c'est bien de "quarante ans, ou presque, de silence contraint" qu'il faut sortir. Et le quotidien d'ajouter que "la responsabilité des autorités françaises est lourdement engagée", notamment celle du président Chirac, qui "a préféré s'en remettre au temps qui passe", et du Premier ministre Jospin, qui renvoie le travail aux historiens "sans que l'Etat lui-même fasse le moindre geste ni que soit réglée la difficile question de l'accès aux archives les plus sensibles". Et l'éditorial du "Monde" de conclure : "Ces prudences ne sont plus acceptables. On attent des pouvoirs publics l'expression d'une réelle volonté politique dans ce nécessaire travail de mémoire".

2001

(APS 20.1, Liberté 21.1) Le Comité (algérien) contre la torture et les disparitions durant la guerre de libération nationale a appelé le 20 janvier au respect du "devoir de vérité" sur les pratiques de la torture, des crimes contre l'humanité et des disparitions durant la période de 1954 à 1962. Le président du comité, Ali Fawzi Rebaine, qui trouve "inexplicable" le silence des autorités algériennes dans le débat en cours sur les pratiques de l'armée et de la police françaises pendant la guerre, a précisé que l'objectif du comité était de créer une association prenant en charge la question de la torture et des disparitions, et qu'elle constituera dans cette perspective des dossiers à partirs de faits, de preuves et de témoignages. Ali Fawzi Rebaine a appelé les autorités algériennes à "faire connaître officiellement" leur position Le comité se réserve la possibilité d'"ester devant toutes les juridictions nationales et internationales compétentes en la matière, les tortionnaires et auteurs d'atteintes aux droits de l'homme et de crimes contre l'humanité". "Nous voulons que le cas de Pinochet fasse jurisprudence", a déclaré Ali Fawzi Rebaine.

(Reuters 31.1) Pour protester contre la reconnaissance par la France du génocide des Arméniens en 1915, la municipalité d'Ankara envisage d'ériger un monument à la mémoire des victimes algériennes de la France, et de dépabtiser des rues portant des noms français (Paris, De Gaulle, Strasbourg) Aux termes des propositions soumises au Conseil municipal par le Maire, Melib Gokcek, le mémorial aux victimes de la Guerre d'Algérie serait érigé à proximité de l'ambassade de France pour "entretenir le souvenir du massacre des Algériens"

(AFP 12.4) L'éditeur Jérôme Lindon, PDG des Editions de Minuit, est décédé le 12 avril. Jérôme Lindon s'était notamment engagé pendant la Guerre d'Algérie dans le combat contre la torture et les pratiques des forces françaises d'Algérie : "Il a été le seul éditeur à s'être battu de manière continue et très courageuse contre la guerre d'Algérie et la façon dont elle était menée", a déclaré le directeur de La Découverte, François Gèze. Les Editions de Minuit, sous la direction de Jérôme Lindon, ont notamment publié en 1957 "Pour Djamila Bouhired" de Jacques Vergès et Georges Arnaud, en 1958 "La Question" d'Henri Alleg et "L'Affaire Audin", en 1959 "La gangrène", en 1961 "Le Déserteur" de Maurienne, en 1972 "La torture dans la République" de Pierre Vidal-Naquet.

(Liberté 23.4) Le ministre des Moudjahidines (anciens combattants), Mohamed Cherif Abbas, a annoncé le 22 avril la découverte à Chréa, dans la région de Tebessa, d'un "grand charnier" datant de la guerre d'indépendance. 290 squelettes ont été retirés d'une fosse commune, dans un lieu abritant un siège de la "Section administrative spécialisée" (SAS) de l'armée française pendant la guerre. Selon le ministre, il s'agit d'hommes, de femmes et d'enfants torturés par des militaires français. Certains portent encore des traces de torture, d'autres avaient les mains et les pieds liés avec du fil de fer. Les victimes auraient été tuées à des moments et en des lieux différents avant d'être jetées pêle-mêle dans la fosse commune.

(AP 26.4) Un mémorial national en hommage aux soldats français morts pendant la guerre d'Algérie sera édifié en 2002 à Paris (quai Branly), a annoncé le 26 avril le Premier ministre Lionel Jospin. Sur ce monument seront inscrits les noms de "tous ceux qui sont morts pour la France en Afrique du Nord", a précisé le Premier ministre. Lionel Jospin a également annoncé que des représentants de la "communauté harkie" siégeraient désormais au sein des conseils départementaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Le gouvernement est "soucieux d'exprimer sa reconnaissance à tous ceux qui se sont battus ou se battent pour notre pays", a déclaré Lionel Jospin.

(APS 27.4, Le Monde 28.4) Le "Journal Officiel" français du 26 avril publie une circulaire du Premier ministre Lionel Jospin, destinée à favoriser "l'accès aux archives publiques en relation avec la guerre d'Algérie". Adressés aux ministres de l'Emploi et de la solidarité, de la Justice, des Affaires étrangères, de la Défense, de la Culture et de l'Intérieur, la circulaire note que "le retour sur les événements liés à la guerre d'Algérie, comme les récents débats qui se sont développés à ce sujet, montrent l'intérêt qui s'attache à ce que les faits correspondant à cette période reçoivent l'éclairage de la recherche historique" afin de leur donner "une connaissance claire et impartiale". Une loi de 1979 fixe à trente ans le délai "ordinaire" d'accès aux archives publiques, mais un délai de soixante ans a été jusqu'à présent appliqué aux archives concernant la guerre d'Algérie, considérées comme "contenant (encore) des informations mettant en cause la vie privée, ou intéressant la sûreté de l'Etat ou la défense nationale, ou encore relatifs aux affaires portées devant les juridictions". La nouvelle circulaire de Lionel Jospin vise à faciliter les dérogations à ce délai de soixante ans, et donc a appliquer le plus généralement possible le délai de 30 ans aux archives concernant la guerre d'Algérie. Le Premier ministre "souhaite que (les autorisations de consulter les archives "algériennes") soient largement délivrées à titre individuel" aux chercheurs, et souhaite également que les six ministères concernés fassent appel aux "conseils d'une personnalité spécialement désignée à cet effet, et disposant de la hauteur de vue et de l'expérience requises" afin de veiller à la "cohérence du traitement qui sera fait de ces demandes". L'historien Jean-Luc Einaudi, spécialiste de la répression du mouvement national algérien en France, en notamment des manifestations d'octobre 1961 et de leur répression, considère que la circulaire de Lionel Jospin va dans le bon sens, à conditions qu'elle soit réellement mise en oeuvre, mais estime qu'elle reste insuffisante : "il faut que le pouvoir politique (actuel) dise ce qui en a été du recours (au) système criminel" de la torture en Algérie, a estimé Jean-Luc Einaudi. Le 26 avril, Lionel Jospin a estimé qu'il était "temps d'éclairer mieux les événements d'Algérie", et qualifié d'"hypocrisie" l'appellation, de rigueur pendant 45 ans, d'"événements d'Afrique du nord" pour désigner la guerre d'Algérie.

L'Affaire Aussaresses
(Le Monde 2.5, 5.5, 6.5 / Le Temps 5.5 / AFP 5.5, 6.5 / AP 3.5, 4.5, 6.5 / Reuters 4.5, 5.5 / Le Quotidien d'Oran 6.5 / Le Matin 7.5) Dans "Services spéciaux, Algérie 1955-1957", paru le 3 mai aux éditions Perrin, et dont "Le Monde" du 2 mai publie de larges extraits, le général Paul Aussaresses (83 ans) raconte le rôle qu'il a joué pendant la guerre d'Algérie, notamment pendant la bataille d'Alger : tortures, exécutions sommaires de suspects parfois maquillées en suicides, comme dans les cas de l'avocat Ali Boumendjel et du chef du FLN algérois, Larbi Ben M'Hidi, massacres de civil... "c'est vrai : nous étions un escadron de la mort", résume Aussaresses dans un entretien au "Monde".

Aussaresses, commandant au moment des faits, explique que la torture était déjà une pratique policière courante en 1955 lors de son arrivée en Algérie, à Philippeville (Skikda) : "Jusqu'à mon arrivée à Philippeville, j'avais été amené à interroger des prisonniers, mais je n'avais jamais torturé. (...) J'avais souvent imaginé que je serais torturé un jour, mais je n'avais jamais imaginer la situation inverse : torturer des gens". Mais "les policiers de Philippeville utilisaient (...) la torture, comme tous les policiers d'Algérie, et leur hiérarchie le savait"... La justification est toujours la même : "la torture devenait légitime dans les cas où l'urgence l'imposait. Un renseignement obtenu à temps pouvait sauver des dizaines de milliers de vies humaines". Et d'ajouter que "la quasi-totalité des soldats français qui sont allés en Algérie eurent plus ou moins connaissance de la torture, mais ne se posèrent pas trop de question car ils ne furent pas directement confrontés au dilemne. Une petite minoritp d'entre eux l'a pratiquée, avec dégoût, certes, mais sans regrets". Quant aux méthodes de torture, Aussaresses évoque "d'abord les coups qui, souvent suffisaient, puis les autres moyens, dont l'électricité, la fameuse 'gégène', enfin l'eau".

Le 3 avril 1955, le Parlement vote la loi d'état d'urgence, "qui permettait notamment de resserrer les liens entre la police et les services militaires de renseignement". Aussaresses commente : "c'était une façon d'institutionnaliser ce que je pratiquais déjà officieusement". Il commence à pratiquer lui-même la torture après une série d'attentats le 18 juin 1955 à Philippeville. Un "musulman" arrêté pour avoir attaqué un pied-noir est interrogé : "L'homme refusait de parler. Alors j'ai été conduit à user de moyens contraignants. Je me suis débrouillé sans les policiers. C'était la première fois que je torturais quelqu'un. Cela a été inutile ce jour-là. Le type est mort sans rien dire. Je n'ai pensé à rien, je n'ai pas eu de regrets de sa mort. Si j'ai regretté quelque chose, c'est qu'il n'ait pas parler avant de mourir. Je n'ai pas eu de haine ni de pitié )...) j'avais sous la main un homme directement impliqué dans un acte terroriste : tous les moyens étaient bons pour le faire parler. C'étaient les circonstances qui voulaient ça".

A El Halia, près de Philippeville, le FLN a lancé une attaque contre les civils européens, avec (selon Aussaresses) comme consigne de les tuer tous. Les forces françaises font une soixante de prisonniers. Aussaresses donne l'ordre de les "descendre". Quelques jours plus tard, les Français font à nouveau une centaine de prisonniers. ils sont "abattus sur le champ".

La torture devint systématique pendant la bataille d'Alger, en 1957, et Aussaresses se présente comme en ayant été l'organisateur secret. Au début de l'année, il est désigné par le général Massu, qui a reçu les pouvoirs de police du gouvernement présidé par Guy Mollet (François Mitterrand est ministre de la Justice, Robert Lacoste est ministre résident en Algérie) comme responsable de l'action "secrète". Il la mène conjointement avec le colonel Trinquier, responsable du renseignement. Il infiltre notamment au sein du FLN (selon ses dires) un agent, auprès de Yacef Saadi. "La face nocturne et secrète de la mission m'amenait à organiser les arrestations, à trier les suspects, à superviser les interrogatoires et les exécutions sommaire", écrit Aussaresses, qui ajoute que son rôle était "par ailleurs de soulager les régiments des corvées les plus désagréables et de couvrir celles qu'ils accomplissaient eux-mêmes". A Mustapha, à la périphérie d'Alger, Aussaresses dispose d'une villa (la villa des Tourelles) où il interroge, torture, exécute sommairement des suspects arrêtés : "Pour tous les suspects arrêtés à Alger, c'était moi, en principe, qui décidais de ceux qui devaient être interrogés séance tenance et de ceux qui devaient être conduits directement dans les camps lorsqu'ils n'avaient pas une importance majeure. Les autres, dont la nocivité était certains, ou du moins hautement probable, nous les gardions, avec l'idée de les faire parler rapidement avant de nous en débarrasser. (...) Parmi les opérations qui nous revenaient et auxquelles je participais, la plupart amenaient à des interrogatoires. D'autres aboutissaient à des liquidations pures et simples qui se faisaient sur place. (...) Le cas de ceux qui entraient aux Tourelles était considéré comme assez grave pour qu'ils n'en sortent pas vivants. (...) Aux Tourelles, comme dans les régiments responsables de secteurs, la torture était systématiquement utilisée si le prisonnier refusait de parler, ce qui était très souvent le cas." "Quand on voulait se débarrasser de quelqu'un, il finissait par arriver aux Tourelles", et les exécutions sommaires se faisaient "la plupart du temps" à la périphérie d'Alger : "les suspects étaient abattus d'une rafale de mitraillette, puis enterrés". "Il était rare que les prisonniers interrogés la nuit se trouvent encore vivants au petit matin. Qu'ils aient parlé ou pas, ils étaient généralement neutralisés". Et à la fin de chaque nuit, Aussaresses relatais ses activités en quatre exemplaires : l'original pour Massu, une copie pour les archives d'Aussaresses lui-même, les deux autres copies pour Robert Lacoste et le général Salan.

Aussaresses décrit comment son commando (deux équipes) torturait et tuait à Alger, la nuit. Il l'assume, sans remords. Au "Monde", Aussaresses déclare : "c'est efficace, la torture, la majorité des gens craquent et parlent. Ensuite, la plupart du temps, on les achevait. (...) Il aurait fallu qu'on les refile à la justice, on l'a fait dans certains cas, avec Alleg et le docteur Hadjadj, par exemple. Mais pour les autres, on n'avait pas le temps. Est-ce que ça m'a posé des problèmes de conscience ? Je dois dire que non". Aussaresses affirme cependant ne "rien" savoir du cas de Maurice Audin, tout en reconnaissant l'avoir "vu une fois" à El Biar, avec Henri Alleg et le docteur Hadjadj.

Aussaresses assure que "mis à part l'entourage de Massu ainsi qu'une poignée d'officiers de la 10e DP (division parachutiste), nul n'a jamais soupçonné que j'étais le chef d'orchestre de la contre-terreur", précise que "parmi les gens que je voyais tous les jours, il n'y a que Paul Teitgen (secrétaire général de la police à la préfecture d'Alger) qui n'ait jamais rien compris", et affirme que le pouvoir politique couvrait les crimes commis au nom de la lutte antiterroriste, et met en cause notamment les socialistes au pouvoir à l'époque, le Premier ministre Guy Mollet et le ministre-résident Robert Lacoste, mais également François Mitterrand (pas encore socialiste à l'époque, mais successivement ministre de l'Intérieur et de la Justice pendant la guerre d'Algérie). Pour Aussaresses, "en demandant aux militaires de rétablir l'ordre à Alger, les autorités civiles avaient implicitement admis le principe d'exécutions sommaires" (dont elles étaient par ailleurs régulièrement informées). "Les exécutions sommaires faisaient partie intégrantes des tâches inévitables de maintien de l'ordre. C'est pour ça que les militaires avaient été appelés. On avait instaurer la contre-terreur, mais officieusement, bien sûr. Il était clair qu'il fallait liquider le FLN (...). C'était tellement évident qu'il n'était pas nécessaire de donner des ordres dans ce sens à quelque niveau que ce soit. Personne ne m'a jamais demandé ouvertement d'exécuter tel ou tel. Cela allait de soi". Et d'ajouter : "lorsqu'il nous a semblé utile d'obtenir des instructions plus explicites, ce principe a toujours été clairement réaffirmé". Lorsqu'à fin janvier 1957, une douzaine de membres du groupe FLN de Notre-Dame d'Afrique ont été arrêtés, c'est directement au Secrétaire d'Etat à la guerre Max Lejeune que le général Massu demande s'il fallait les remettre à la justice ou les liquider. Et Max Lejeune de répondre, de manière à la fois sibylline et fort claire, en donnant l'exemple de l'arraisonnement par la chasse française de l'avion qui transportait Ben Bella, Boudiaf, Aït Ahmed et leurs compagnons : l'ordre avait été donné non pas de détourner l'avion, mais de l'abattre, et si finalement l'avion n'a pas été abattu, c'est parce que son équipage était français. Et Lejeune d'ajouter : "Pour le gouvernement, il est regrettable que Ben Bella soit encore vivant. Son arrestation est une bavure. Nous devions le tuer". Ce que Massu traduit immédiatement par : liquidez vos prisonniers. Ce qu'Aussaresses fit : "quand il a fallu tuer ces prisonniers, nous n'avons pas douté un instant que nous exécutions les ordres directs du Max Lejeune, du gouvernement de Guy Mollet et de la République française".

Aussaresses reconnaît avoir assassiné le dirigeant du FLN d'Alger, Larbi Ben M'Hidi, arrêté par Bigeard dans la nuit du 15 au février février 1957, traité "avec égards" par Bigeard, qui refusait de le livrer aux policiers "pensant qu'ils l'auraient certainement torturé", et assassiné par Aussaresses et ses hommes (assassinat maquillé en suicide), avec le feu vert de Massu et pratiquement sur suggestion du juge Bérard. Aussaresses reconnaît également avoir donner l'ordre d'assassiner l'avocat Ali Boumendjel, précipité du sixième étage d'un immeuble d'El Biar le 23 mars 1957 (assassinat lui aussi maquillé en suicide). Il nie cependant avoir quoi que ce soit à voir avec la disparition de Maurice Audin. Pour Pierre Vidal-Naquet "Il ment sur ce point".

Pour les historiens, en tous cas, Aussaresses ne fait que confirmer ce que l'on savait déjà, et dire tout haut ce que d'autres officiers taisent : pour Pierre Vidal-Naquet (qui relève quelques erreurs "pas très graves" dans le livre, erreurs qu'il attribue au "nègre" du général), le témoignage d'Aussaresses, qu'il faut prendre pour "les Mémoires d'un assassin", signifie que "la responsabilité du gouvernement de la République de l'époque est à présent clairement établie"; pour Benjamin Stora, Aussaresses est le premier officier à avouer "la mise en place d'un véritable système à l'intérieur de l'armée française d'exécutions sommaires, d'assassinats planifiés, en connivence avec le pouvoir judiciaire et politique"; pour Jean Lacouture, "les politiques savaient que tous les moyens étaient employés. Ils ne pouvaient pas ne pas savoir".

Pour la soeur de Larbi Ben M'Hidi, François Mitterrand, Garde des Sceaux de l'époque, était directement informé par Aussaresses lui-mêmes des exactions qu'il commettait. Aussaresses lui-même affirme que "l'utilisation de la torture (était) tolérée, sinon recommandée", et que François Mitterrand, ministre de la Justice, avait "de fait un émissaire auprès de Massu en la personne du juge Jean Bérard qui nous couvrait et qui avait une exacte connaissance de ce qui se passait la nuit. J'entretenais les leilleures relations possibles avec lui et je n'avais rien à lui cacher". Drifa Hassani affirme que "Mitterrand décidait du sort réservé aux responsables du Front de Libération Nationale" et était donc parfaitement au courant des tortures infligées à son frère, et de son assassinat maquillé en suicide. Drifa Hassani appelle le gouvernement français "à sauver l'honneur de son peuple et de son armée, en ayant le courage de dévoiler" à l'opinion publique les enregistrement réalisés de l'interrogatoire et des tortures subis par son frère.

Le témoignage d'Aussaresses met effectivement en cause, non seulement les actes de son auteur, et sa responsabilité personnelle, mais la responsabilité politique des autorités françaises de l'époque. Il a suscité de très nombreuses réactions en France, mais des réactions beaucoup plus rares en Algérie, de la part de responsables politiques. Le Premier ministre Jospin a exprimé sa "condamnation morale" des "exactions terribles" avouées par Aussaresses, et s'est dit "profondément choqué" par son "cynisme révoltant". Le président Jacques Chirac s'est dit "horrifié" par les propos du général et a demandé sa suspension dans l'ordre de la Légion d'honneur, et des "sanctions disciplinaires", mais a ajouté que les "actes injustifiables" commis par Aussaresses (et quelques autres) ne doivent pas "faire oublier les millions de jeunes Français, d'origine algérienne ou métropolitaine, qui se sont battus avec courage et honneur". Le colonel Pierre Dabezies, ancien parachutiste en Algérie, a accusé le général Aussaresses de "couvrir d'opprobre toute l'armée comme si tout le monde avait torturé", et affirme que "la bataille d'Alger, où tous les coups étaient permis, (n'était) pas toute la guerre d'Algérie". Dabezies accuse Aussaresses d'une "déformation simpliste" des événements, mais reconnaît que "le pouvoir politique était au courant dans l'ensemble d'un certain nombre de méthodes qui étaient utilisées et d'un certain nombre d'excès qui étaient commis". Pour lui, le pouvoir politique s'est "défaussé sur l'armée" en lui confiant une mission politique pour laquelle "l'armée n'est pas faite". Le ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine a estimé "absolument répugnant d'avoir torturé ainsi et surtout de s'en vanter". Le président de l'Assemblée nationale a exprimé son "dégoût", mais appelé à "tourner la page", en affirmant que "sur le terrain, le pouvoir civil était relativement tenu à l'écart". La plupart des responsables politiques ont persisté à refuser toute idée de "repentance nationale" pour les actes commis pendant la guerre d'Algérie. A droite, cette idée est beaucoup plus nettement refusée qu'à gauche : pour le RPR Jean-Louis Debré, "nous n'avons pas à rechercher 40 ans après les responsabilités des uns et des autres". A gauche, le PCF, par la voix de son secrétaire général Robert Hue, s'est distancé des positions officielles en demandant que le chef de l'Etat et le gouvernement "décident d'un acte fort, solennel, pour que la France, aux yeux du monde, condamne ce qui a été fait en son nom" pendant la guerre d'Algérie. Les Verts, par la voix de Noël Mamère, réclament une commission d'enquête sur ce qu'ils qualifient de "crimes contre l'humanité" : "Les historiens ne suffisent pas, car c'est une affaire qui concerne la mémoire collective de notre peuple"; la Ligue communiste révolutionnaire demande que soient sanctionnés "auteurs et commanditaires" des tortures. Le socialiste François Loncle souhaite plutôt qu'une commission d'historiens "fasse la vérité". Le PS a par ailleurs souligné que les travaux d'une commission parlementaires seraient, selon le règlement de l'Assemblée, interrompus par l'ouverture de procédures judiciaires (or plusieurs procédures ont déjà été annoncées).

Plusieurs commentaires mettent en évidence le risque de faire d'Aussaresses une sorte de "bouc émissaire", de "salaud parfait", sans que soit posée la question de la responsabilité de la France elle-même, par ses autorités. Dans "Le Temps" de Genève, Etienne Dubuis constate que les mémoires d'Aussaresses "ont suscité un véritable tollé ces derniers jours à Paris. Mais contre quel crime les protestations se sont-elles élevées ? Les atrocités commises par l'armée d'occupation ? Non. Le feu vert accordé aux bourreaux, en toute connaissance de cause, par les autorités politiques de l'époque ? Pas davantage. L'indifférence avec laquelle l'opinion hexagonale suffisamment informée pour savoir ce qu'il en retournait, a suivi cette descente aux enfers ? Encore moins. Les attaques se sont massivement dirigées contre l'auteur des confessions", coupable sans doute d'avoir dit ce qu'il ne convenait pas de dire. "Dans "Le Monde", Pierre Georges écrit ainsi : "il faut prendre ce livre pour ce qu'il est : non pas l'autojustification cynique, glaçante, d'un préposé aux abominations. Non pas des mémoires de torture comme il en fut de guerre. Mais une sorte de témoignage à charge du bourreau contre son propre pays, sa propre armée, son propre gouvernement de l'époque". En éditorial, le 6 mai, "Le Monde" poursuit sur la même ligne : "Ici et là, les aveux circonstanciés du général Aussaresses ont été curieusement qualifiés de 'malsains, odieux' (Raymond Forni), relevant d'un 'cynisme révoltant' (lionel Jospin) ou encore ayant un caractère 'intolérable' (la Ligue des droits de l'Homme). Ce sont les crimes commis qui furent intolérables, malsains, odieux; ce sont les autorités qui les ont couverts ou ordonnés qui furent d'un cynisme révoltant; ce n'est pas l'aveu par l'un des criminels qui nous choque, mais la réalité qu'il dévoile (...). (Aussaresses) est condamnable non pour ce qu'il dit, mais pour ce qu'il a fait. Or ce qu'il a fait, il l'a commis non pas en franc-tireur, mais en soldat discipliné d'une République à la dérive". Aussaresses lui-même raconte : "On m'avait appris à crocheter les serrures, à tuer sans laisser de traces, à mentir, à être indifférent à ma souffrance et à celle des autres, à oublier et à me faire oublier. Tout cela pour la France".

Aussaresses a expliqué au "Monde" qu'il avait décidé d'aller "plus loin" que ces premières déclarations, et de s'expliquer "davantage" sur ses actes car "la guerre d'Algérie (est) redevenue d'actualité et qu'elle (intéresse) beaucoup de monde".Mais Aussaresses ajoute : "d'autres que moi auraient pu (parler). Massu, par exemple, ou Bigeard. Mais Bigeard ne veut pas parler, il m'a d'ailleure reproché de l'avoir fait en octobre. J'ai pensé qu'il valait mieux que ce soit moi qui le fasse, en connaissance de cause, plutôt que de laisser n'importe qui dire n'importe quoi".

Aussaresses lui-même répond à ceux qui ont condamné son témoignage (et à travers lui, ses actes) qu'il a "rendu compte tous les jours de (son) activité à (son) supérieur direct, le général Massu, lequel informait Robert Lacoste (ministre résidant à Alger) et le commandant en chef. Il aurait été loisible à toute autorité politique ou militaire d'y mettre fin". Et le général affirme avoir restitué "les faits tels qu'ils étaient en leur temps", et avoir "rempli durant six mois la mission" qui lui avait été impartie en Algérie. Et de réitérer le sophisme par lequel il n'a cessé de justifier ses actes depuis qu'il a commencé de les rendre publics : "si demain et tous les jours, des bombes éclataient à Paris dans des stades, des cafés ou ailleurs, croit-on que le gouvernement, la police et la justice lutteraient par des moyens classiques" ?

Aussaresses affirme ne pas redouter un procès : "j'en prends le risque. (...) Je redirais exactement ce que je vous ai dit et ce que j'ai écrit dans mon livre", déclare-t-il au "Monde". La question est de savoir quelles sanctions, et pourquoi, pourraient être prises contre lui. La ministre de la Justice Marylise Lebranchu a estimé "qu'en l'état actuel du droit, de spoursuites semblent a priori difficiles", sauf pour "apologies de crimes de guerre". Il pourrait théoriquement être poursuivi pour crimes contre l'humanité, définis par le code pénal français par "la déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d'exécutions sommaires, d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains, inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile". Le 4 mai, la Ligue des droits de l'Homme a déposé plainte contre Aussaresses pour "apologie de crimes et de crimes de guerres". Le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples) a annoncé son intention de déposer plainte pour "crimes contre l'humanité", crimes imprescriptibles. Le Parquet de Paris a mis les poursuites judiciaires à l'étude. La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme demande dans un communiqué qu'Aussaresses soit jugé "en tant que criminel contre l'humanité", et envisage de saisir la justice française à cet effet. La FIDH souligne que les amnisties intervenues en 1962 et 1968 pour les faits liés à la guerre d'Algérie sont inopposables à des poursuites, car "contraires aux obligations internationales de la France" (c'est-à-dire aux normes de droit international ratifiées par la France, et pour lesquelles les crimes contre l'humanité, dont la torture, sont imprescriptibles et ne peuvent être couverts par une amnistie a priori). Amnesty International a appelé la France à s'engager dans un processus judiciaire concernant la Guerre d'Algérie, comme elle a été capable de le faire à propos de l'Etat français de Vichy. La soeur de Larbi Ben M'Hidi a déclaré qu'elle envisageait de porter plainte contre l'assassin de son frère; la veuve de Maurice Audin a réclamé sa comparaison en justice. Le président Chirac a demandé la suspension d'Aussaresses dans l'ordre de la Légion d'Honneur et des "sanctions disciplinaires". Le ministre de la Défense Alain Richard a annoncé qu'il allait réunir le Conseil supérieur de l'armée de terre à cet effet. Général de brigade en "deuxième section" (c'est-à-dire théoriquement en réserve), Aussaresse est soumis au devoir de réserve et au respect du secret défense. Mais n'étant plus en activité, il ne peut pas être sanctionné disciplinairement. Il est en revahcne passible de sanctions statutaires pour "insuffisance professionnelle, inconduite habituelle, faute grave dans le service ou contre la discipline, faute contre l'honneur", c'est-à-dire "tout manquement grave ou répété à ses devoirs d'homme, de citoyen ou de représentant de la force publique pouvant porter atteinte à des intérêts matériels ou moraux, à la probité ou aux bonnes moeurs". Il s'agit là de crimes imprescriptibles, contrairement aux crimes de guerre, prescrits par dix ans après les faits, et qui supposent normalement l'existence d'un conflit armé entre deux Etats. Reste à savoir, si ce motif était retenu, si ce que l'on reprocherait à Paul Aussaresses est d'avoir été un tortionnaire et un assassin, ou de l'avoir publiquement reconnu.

Aussaresses avait déjà révélé en novembre 2000 qu'il avait ordonné des tortures et procédé lui-même à des exécutions sommaires en Algérie, ce qui avait poussé le PC à réclamer la création d'une commission d'enquête parlementaire. Le Premier ministre Lionel Jospin s'y était refusé, mais avait soutenu l'appel des intellectuels appelant à la reconnaissance et à la condamnation de la torture durant la guerre d'Algérie, tout en estimant qu'il devait s'agir là d'un "travail de vérité" devant être mené par des historiens, et non d'un "acte de repentance collective". Le Président Chirac, également opposé à toute "repentance", avait quant à lui renvoyé dos à dos le FLN et l'armée française.

Dans l'opinion publique française, selon un sondage effectué après, et à propos des déclarations du général Aussaresses, 70 % des Français (sur la base d'un échantollon "représentatif" de 1005 personnes de plus de 18 ans) jugent la pratique de la torture "condamnable", et que rien ne peut la justifier de la part d'une armée régulière. 20 % des personnes interrogées considèrent tout de même que la pratique de la torture "n'est pas condamnable au vu de la situation sur le terrain à l'époque", et 10 % de se prononcent pas. La condamnation est beaucoup plus vive chez les sympathisants des Verts (85 %) et du PS (80 %) qu'à droite (63 % des sympathisants de l'UDF contre 29 %, 62 % des sympathisants du RPR contre 33 %). Ce sondage aboutit dans l'ensemble à une condamnation beaucoup plus forte et catégorique de la torture qu'un sondage comparable effectué en novembre 2000 : 33 % des personnes interrogées s'étaient refusées à condamner la torture pendant la guerre d'Algérie.

En Algérie, les aveux circonstanciés du général Aussaresses ont été accueillis sans surprise par les milieux politiques et la presse, et par un silence total des autorités. Le bureau politique du FLN a estimé que les aveux d'Aussaresses mettaient "à nouveau la France devant la réalité des crimes commis en son nom", et a demandé que les auteurs de ces crimes soient jugés pour "crime contre l'humanité". Le FLN a estimé que l'Algérie ne pouvait pas se contenter des déclarations du président Chirac et du Premier ministre Jospin. Le Front des Forces Socialistes a pour sa part déclaré, par la voix de son Premier secrétaire Ali Kerboua, que "les révélations faites aujourd'hui n'étonnent que ceux qui doutaient" de la réalité des crimes commis en Algérie au nom de la France, mais qu'il s'agissait "pour le moment" d'une affaire "franco-française". "Il faut que les Français assument leur histoire", a estimé Ali Kerboua. Le président du FFS, Hocine Aït Ahmed, a estimé pour sa part que la demande de jugement pour crimes contre l'humanité était "un minimum" à l'égard d'Aussaresses, que Hocine Aït Ahmed qualifie de "monstre". Mais pour le président du FFS, le débat provoqué par le témoignage du tortionnaire a également pour effet que "tous les Algériens savent désormais que l'immunité n'existe pas et que les crimes, tôt ou tard, rattrapent leurs auteurs". A quoi "El Moudjahid" répond indirectement en affirmant que les déclarations d'Aussaresses "jettent l'anathème et un lourd discrédit sur toute la politique française en matière de donneur de leçons, tant en démocratie qu'en Droits de l'Homme". La presse privée, elle, note le silence des autorités. "L'Authentique" considère que ce silence est du au fait que les autorités algériennes se sentent "fragilisées" après le dépôt en France de plaintes pour torture contre le général Nezzar. "Le Matin" rappelle qu'en Algérie, "tout au plus l'holocauste algérien était-il exploité chaque fois que la France se surprend à donner son avis sur nos problèmes", et écrit même qu'"à la France colononiale coupable d'avoir systématisé l'atteinte à l'intégrité humaine l'Algérie d'aujourd'hui ne peut offrir qu'un miroir où se reflètent les mêmes méfaits".


(AP 6.5, 7.5, 8.5, 9.5 / Reuters 9.5 / AFP 9.5 / CCFIS 9.5 / Le Monde 9.5 / Le Quotidien d'Oran 9.5) La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) a annoncé le 7 mai le dépôt d'une plainte pour crime contre l'humanité contre le général Paul Aussaresses. La FIDH considère que "le caractère systématique, généralisé et institutionnalisé (participant d'un plan concerté) des crimes commis en Algérie ressort clairement" du témoignage publié par le général. La FIDH fait savoir que le juge français "est non seulement compétent mais a, en outre, l'obligation de réprimer les auteurs de tels crimes en vertu du droit international coutumier". Le 4 mai, c'était la Ligue française des droits de l'Homme qui avait déposé plainte contre Aussaresses, pour "apologie de crimes de guerre", compte tenu des doutes que la LDH a sur la possibilité d'aboutir d'une plainte pour des crimes sur lesquels les défenseurs d'Aussaresses invoqueront certainement les amnisties survenues pour les actes commis en Algérie. Le 9 mai, c'est le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) qui annonçait le dépôt d'une plainte pour "faits de crimes contre l'humanité", et qui se constituait partie civile dans la procédure. Pour le MRAP, le juge d'instruction devra instruire les faits de tortures, d'exécutions sommaires et d'assassinats "revendiqués et assumés par Aussaresses". Le MRAP lance un appel à témoignages pour que "les victimes et les familles des victimes de ces crimes contre l'humanité puissent s'associer à cette démarche de justice et de vérité". La veuve de Maurice Audin, enseignant communiste "disparu" en pleine bataille d'Alger, le 21 juin 1957, a annoncé qu'elle allait également déposer plainte (contre X) avec constitution de partie civile pour "crimes contre l'Humanité" et "séquestration". Le corps de Maurice Audin n'a jamais été retrouvé, mais sa famille soupçonne le commando du général Aussaresses (qui le nie) de l'avoir torturé à mort.

Du côté des "politiques", Le Parti socialiste s'est déclaré le 7 mai favorable à la création d'une "commission mixte" composée d'historiens, de juristes et de responsables politiques pour veiller à l'ouverture des archives de la guerre d'Algérie. "La France doit être capable de faire face à son histoire", a déclaré le porte-parole du PS, qui a ajouté que le PS ne considérait "pas qu'une commission parlementaire permettrait d'atteindre cet objectif", mais a insisté sur le fait que "toutes les archives doivent être ouvertes" afin que "les historiens aient accès au maximum de sources". Le Premier secrétaire du PS, François Hollande, "la France doit demander pardon aux Algériens concernés" par des actes "inadmissibles", dont Hollande affirme qu'ils n'ont "en aucune façon été autorisés par la République". Le Secrétaire général du PCF, Robert Hue, a quant à lui demandé au Président Chirac et au Premier ministre Jospin de "condamner officiellement" par "un acte fort, significatif, solennel (...) ce qui a été la faillite morale de la République à l'époque où elle a décidé de couvrir et même de proposer, d'instituer la torture". Le président du Mouvement des Citoyens, Jean-Pierre Chevènement (ancien ministre de la Défense) a jugé qu'une procédure judiciaire devait être ouverte à l'encontre d'Aussaresses, dont "les propos provocateurs" constituent également "la révélation d'un état d'esprit qu'il faut combattre avec détermination". Jean-Pierre Chevènement a estimé que "plus de 40 ans (ayant) passé, la prescription et la loi d'amnistie jouent" (ce que contestent par ailleurs certains juristes), mais que "si des procédures peuvent être ouvertes, (...) elles doivent l'être". Pour l'ancien ministre, le pouvoir politique de l'époque était "bien évidemment responsable". Jean-Pierre Chevènement ne croit pas que le pouvoir politique ait "ordonné" la torture, mais qu'il a "laissé faire" et que "ces actes étaient connus" de lui. Il a cependant affirmé que lui-même, qui a "été amené à servir en Algérie", n'a "jamais été témoin d'actes de torture" et que ceux-ci "ont été le fait de forces spéciales". Plusieurs ministres ont par ailleurs exprimé des doutes sur la nécessité d'un acte de "repentance" à l'égard de l'Algérie : "Je ne sais pas ce que cela signifie aujourd'hui", a déclaré la ministre de la Justice Marylise Lebranchu, qui s'est dite "outrée" par l'"apologie des crimes de guerre" faite sans "remords ni regret" par Aussaresses. "Qui se repentirait, à qui va-t-on demander de se repentir", s'est demandé le ministre de la Santé Bernard Kouchner, qui a ajouté que "repentance ou pas, (il faut) savoir ce que nous avons fait en Algérie". Bernard Kouchner a en outre estimé que les aveux du général Aussaresses ne pouvaient étonner que "les gens qui feignaient de ne pas savoir", et a dénoncé l'utilisation de "moyens ignobles". Pour l'ancien chef de cabinet du président Mitterrand, André Rousselet, "c'est toute la classe politique qui a subi une situation gérée sur place".

Quant Aussaresses lui-même, interrogé au sujet des plaintes déposées contre lui, il a déclaré : "J'ai pour moi le droit et les ordres que j'ai reçu". Son livre a déjà été tiré à 40'000 exemplaires.

Selon un sondage publié le 9 mai par le quotidien "Libération", 56 % des Français seraient "tout à fait" (22 %) ou "plutôt" (34 %) favorables à ce que Jacques Chirac et Lionel Jospin demandent officiellement pardon au peuple algérien au nom de la France. 24 % des "sondés" sont opposés à un tel acte de repentance. 50 % des 967 personnes sondées estiment que les autorités politiques françaises de l'époque sont les principales responsables de la pratique de la torture pendant la guerre d'Algérie, et 56 % (contre 30 %) des "sondés" se disent d'accord avec des poursuites judiciaires contre les officiers ayant ordonné des actes de torture.

En Algérie, après un temps de silence, une première autorité politique s'est exprimée explicitement en la personne du ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, qui a déclaré : "Nous n'avons pas été surpris, en tant qu'Algériens, par le contenu du livre de ce général car nous en savons plus que ce qui est dit dans cet ouvrage sur la torture pratiquée contre notre peuple", mais Belkhadem s'est cependant dit "réellement surpris" par "cette persistance à ce sujet de la part d'un homme qui appartient à un Etat venu coloniser l'Algérie au nom de la civilisation". . Avant que cette première réaction officielle ne tombe, les partis et personnalités politiques, la presse et les organisations de défense des droits de l'homme s'étaient toutefois déjà exprimés. Le président Bouteflika, sans évoquer explicitement le cas d'Aussaresses, a déclaré dans un message adressé au président de la "Fondation du 8 mai 1945" à l'occasion de la célébration des émeutes de Sétif, que "les aveux des bourreaux ne sont qu'une goutte d'eau dans les océans de crimes qui débordent encore sur l'oubli"La ligue algérienne des droits de l'Homme considère que "les révélations (d'Aussaresses) apportent les preuves indéniables de l'existence de violations massives et systématiques des droits de l'Homme ne pouvant être ignorées ou oubliées et couvertes par les lois protectrices garantissant l'impunité". Le FLN déclare que les aveux du général "mettent à nouveau la France devant la réalité des crimes commis en son nom" et demande le jugement des auteurs de ces crimes, pour crimes contre l'humanité. Le Premier secrétaire du FFS, Ali Kerboua, considère cependant que "les révélations faites aujour'hui n'étonnent que ceux qui (doutaient)" et que "pour le moment, il s'agit d'une affaire franco-française". Le président du FFS, Hocine Aït Ahmed, est cependant allé plus loin, en estimant d'une part que "la demande de jugement pour crimes contre l'humanité" est "un minimum" à l'égard d'Aussaresses, et que les prises de position de Jacques Chirac et de Lionel Jospin sur les propos d'Aussaresses sont "un bon début", mais également que le débat provoqué par son témoignage fait que "tous les Algériens savent désormais que l'immunité n'existre pas et que les crimes, tôt ou tard, rattrapent leurs auteurs" -ce qui est vraisemblablement autant un message à l'intention des tortionnaires français pendant la guerre d'Algérie qu'un message à l'intention des responsables, de tous bords, des crimes commis en Algérie après l'indépendance, et jusqu'à aujourd'hui. Pour sa part, le Conseil de coordination du FIS (CCFIS) accuse les "services de la junte" algérienne de faire pression sur les familles de victimes de torture, crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis pendant la guerre d'Algérie, pour les "dissuader de porter plainte ou de faire des déclarations qui 'mettraient en péril les relations algéro-françaises'". Le CCFIS écrit : "En 1957, Nezzar, Belkheir, Lamari, Touati, Saadi, Gheziel, Guenaizia, Tounsi et tant d'autres étaient dans l'armée de Massu et d'Aussaresses quand Larbi Ben M'hidi et ses frères se faisaient pendre pour que vive l'Algérie libre", et suggère que "les généraux" pourraient être "gênés par des procès à venir" et auraient "peur par exemple que les archives françaises commencent à parler".

(AFP 10.5 / AP 10.5 / Reuters 11.5 / Le Monde 12.5 / El Watan 13.5, 14.5) Le débat suscité en France par les "confessions" du général Paul Aussaresses porte désormais, entre autres, sur les responsabilités de François Mitterrand, ministre de l'Intérieur puis ministre de la Justice entre 1954 et 1957, dans la "couverture" officielle donnée à la pratique généralisée de la torture en Algérie. Le 10 mai, l'avocat Jacques Vergès a accusé Mitterrand d'avoir donné l'ordre en 1957 de faire assassiner le chef du FLN algérois, Larbi Men M'Hidi, assassinat qu'Aussaresses a reconnu. Le 6 mai, l'ancien Conseiller de François Mitterrand à l'Elysée, Jacques Attali, estimait que Mitterrand avait "créé les conditions légales de la torture" en étant à l'origine de la loi sur les pouvoirs spéciaux en 1956. Henri Alleg rappelle toutefois que la torture en Algérie ne date pas de l'insurrection de 1954, mais qu'elle "a débarqué en Algérie en même temps que les troupes du corps expéditionnaire du général de Bourmont, en 1830"

François Mitterrand est garde des Sceaux du gouvernement Guy Mollet du 1er février 1956 au 12 juin 1957. Une année où la justice civile cède le pas à la justice militaire, où les premiers condamnés à mort du FLN sont guillotinés, où commence la bataille d'Alger et où l'emploi de la torture devient systématique. Début 1957, le général Massu, à qui le préfet d'Alger a confié ses pouvoirs de police, fait appel à Paul Aussaresses, qui met en place son "escadron de la mort". François Mitterrand sait qu'on torture à Alger, et il en informe Guy Mollet (qui le sait d'ailleurs aussi). Mais il ne dénonce pas clairement cet usage, et surtout il ne démissionne pas du gouvernement. "Il attend que passe l'orage. Dans l'espoir sans doute d'être président du conseil d'un prochain gouvernement, écrit "Le Monde". Et Jean Lacouture confie que Mitterand reconnaissait avoir "commis au moins une faute dans (sa) vie", celle de n'avoir pas démissionné du gouvernement qui couvrait la pratique généralisée de la torture et des exécutions sommaires en Algérie.

Les historiens sont généralement assez mesurés sur les responsabilités de Mitterrand : s'ils s'accordent à considérérer que la torture était connue des politiques, et couverte par certains d'entre eux, ils sont moins affirmatifs sur le degré de connaissance et de complicité de l'ensemble des gouvernants. Pour Benjamin Stora, "la responsabilité de Mitterrand se pose en termes de refus de grâce pour des dizaines de condamnés à mort algériens", mais non en termes d'incitation à la torture, même s'il est vrai que "Mitterrand a laissé faire et n'a pas combattu les pratiques de la torture". Stora insiste d'ailleurs sur le fait que lors de la bataille d'Alger, débutée en janvier 1957, "Paris avait progressivement perdu le pouvoir politique en Algérie, au profit de l'armée". Dès le 12 mars 1956, la majorité de gauche a voté (communistes compris) la loi sur les "pouvoirs spéciaux", qui donne pratiquement carte blanche au gouvernement pour "raéblir l'ordre" en Algérie, et accroit considérablement les pouvoirs de la justice militaire. François Mitterrand est ministre de la Justice : il cosigne la loi sur les pouvoirs spéciaux et les décrets. Mais pour l'historienne Sylvie Thénault l'action de Mitterrand est "sans commune mesure avec celle, par exemple, du ministre radical-socialiste Maurice Bourgès-Maunoury, qui fut sans arrêt au pouvoir de février 1955 à mai 1958. Jean Lacouture estime que la polémique sur le rôle de Mitterrand "a lieu d'être", et que "le rôle de Mitterrand, ministre de la Justice en 1956/1957, est hautement criticable" car il ne pouvait ignorer (pas plus que Guy Mollet ou de Gaulle ne le pouvaient) la pratique de la torture en Algérie, mais que "Mitterrand est à la fois le ministre de la Justice qui couvre des actes profondément injustes et un homme public qui essaie de limiter les dégâts". Ainsi, en octobre 1956, il fait remplacer le procureur général d'Alger, Paul Sisini, très proche de Robert Lacoste et des "ultras", par Jean Reliquet, procureur de Versaille.

Dans une lettre à Guy Mollet, le 22 mars 1957, François Mitterrand écrit : "les nouvelles qui me parviennent d'Alger sur le traitement qui est réservé aux individus appréhendés par les diverses autorités investies des pouvoirs de police me créent des inquiétudes dont il est de mon devoir de vous rendre compte. Il semble en effet que la plupart d'entre eux y soient privés des garanties les plus élémentaires que les traditions du droit français apportent à la défense, même dans les heures les plus graves (...)". Mitterrand s'inquiète du "nombre d'arrestations sans commune mesure avec celui des individus présentés par (les autorités militaires) au parquet" : sur plus de 900 personnes arrêtées avant le 14 mars 1957, seules 39 ont été présentées au parquet, "laissé par l'armée dans l'ignorance la plus compléte du sort qu'elle a réservé aux autres individus appréhendés". police a affirmé que 48 individus avaient été abattus poiur avoir refusé d'obtempérer. Et Mitterrand d'écrire qu'il y a "tout lieu de penser qu'un tgrand nombre de tueurs, chefs de cellule ou collecteurs de fonds se trouvent encore aux mains des autorités militaires". Il note que "les résultats obtenus par l'armée, dans le domaine de la répression du terrorisme, ont été, certes, très important", mais déplore que des "individus arrêtés pour faits de terrorismes (soient) encore soustraits à leurs juges naturels", que les procédures soient bâclées, que "trop de fuyards (soient) abattus après leur arrestation", et surtout que l'armée puisse "s'ériger en degors des lois". Mais en écrivant à Mollet, Mitterrand ne lui apprend rien : tout le gouvernement sait ce qui se passe en Algérie. Pierre Mendès-France a quitté le gouvernement en 1956, Alain Savary en octobre 1956, Paul Teitgen, secrétaire général de la préfecture d'Alger, démissionne en mars 1957 (le gouvernement refuse sa démission) après avoir reconnu "sur certains assignés (à résidence) les traces profondes des sévices ou des tortures qu'il y a quatorze ans (il) subissait personnellement dans les caves de la Gestapo à Nancy", mais Mitterrand, lui, ne démissione pas. Il reconnaît devant la commission de la justice de l'Assemblée nationale, le 2 avril, des "sévices ou faits regrettables" en Algérie, mais affirme qu'ils sont "certainement" moins nombreux "que la presse ne l'a dit" (alors qu'ils sont bien plus nombreux). La pratique de la torture avait été dénoncée en janvier 1955 déjà par François Mauriac dans l'"Express" et par Claude Bourdet dans "France Observateur". En mars 1955, l'inspecteur général Wuillaume explique que la police "ne comprend pas" qu'on lui reproche d'utiliser des procédés (la torture, précisément "qu'elle utilise de longue date". Le directeur de la Sûreté nationale, Jean Mairey, constate qu'en Algérie "l'exécution sommaire n'effraie pas nos collègues".

Le 16 avril 1957, c'est le procureur Jean Reliquet qui lui confirme que "les sévices infilgés par certains militaires aux personnes appréhendées -sans distinction de race ni de sexe" sont "relativement fréquents". Le procureur n'exige rien de plus que la transmission aux militaires des plaintes pour torture. Et le procureur se félicitera bientôt de la bonne collaboration avec les militaires : de janvier 1957 à mai 1958, 1509 condamnations à mort ont été prononcées.

Sur la responsabilité de la France face à la pratique généralisée de la torture et des exécutions sommaires en Algérie, le RPR (droite gaulliste) s'est opposé le 10 mai à tout "acte de repentance" officielle de la République, mais s'est prononcé pour la condamnation de "la revendication de ces faits" par le général Aussaresses. La veuve d'Ali Boumendjel, tué en mars 1957 à Alger, a lancé pour sa part un appel au président Chirac et au Premier ministre Jospin que pour "la vérité soit dite par ceux-là même qui représentent la France aujourd'hui et qui n'ont eu aucune responsabilité directe dans la guerre d'Algérie". "Comment penser que le général Aussaresses ait agi en franc-tireur pendant la bataille d'Alger", demande Malika Boumendjel, qui, rappelant que "la grande figure du nationalisme algérien (...) Abane Ramdane, a été tué par les siens dans l'année qui a suivi" l'assassinat d'Ali Boumendjel par les Français, appelle à "regarder l'Histoire en face des deux côtés de la Méditerranée". L'historien Mohammed Harbi, lui, souligne que les pratiques avouées par Aussaresses "ont à nouveau cours aujourd'hui en Algérie, mises en oeuvre par certains de nos généraux contre le peuple, qui ne l'oubliera pas".

La procédure de sanctions disciplinaires contre Aussaresses a d'ailleurs été lancée, a annoncé la présidence de la République. Le 4 mai, le président Chirac avait saisi le ministstère de la Défense pour que lui soient proposées des sanctions. Le ministre Alain Richard a fait au président une liste des sanctions possibles, et va consulter le Conseil supérieur de l'armée de terre pour que celui-ci fasse des propositions, que le ministre transmettra au président, seul habilité à prendre finalement la décision, qui fera l'objet d'un décret. La sanction la plus probable est une "mise à la retraite" essentiellement symbolique (Aussaresses à déjà 83 ans).

Quant à Paul Aussaresses, il a exprimé pour la première fois le 11 mai ses "regrets sincères d'avoir été amené à commettre de pareilles actions", et a révélé que sa famille avait été littéralement traumatisée par son témoignage, que ses enfants le reniaient et que l'une de ses filles voulait cesser de porter son nom.

Dans un entretien avec Jean-Pierre Elkabach, sur la chaîne parlementaire "Public Sénat", Aussaresses a par ailleurs révélé avoir "monté dans les moindres détails une opération visant à liquider Ben Bella et ses camarades" de la direction du FLN, détenus avec lui en France (Hocine Aït Ahmed, Mohamed Khider, Mohamed Boudiaf et Mustapha Lacheraf). L'opération serait passée pour un "acvcident dû au gaz", et les cinq hommes auraient été involontairement sauvés par François Mitterrand, alors ministre de la Justice.

En Algérie, une procédure a été lancée, et acceptée par le procureur, contre Aussaresses à Tebessa, pour crime de guerre et acte de torture, par la famille d'un homme (Messaoud Amrani) arrêté et torturé en 1956 puis condamné à dix ans de travaux forcés.

Le général Paul Aussaresses, né en 1918, est passé de la Résistance à la guerre d'Indochine, puis à celle d'Algérie, puis au commerce des armes. Il est entré dans les services spéciaux de la France Libre en 1942, dans les réseaux "africains" de Jacques Foccart après la guerre, puis au SDECE (contre-espionnage). Il a fait la guerre d'Indochine sous les ordres du général de Bollardière, qu'il qualifie d'"archange" dans son témoignage -mais qui lui, refusera d'accepter la pratique de la torture. Il arrive en Algérie, à Philippeville (Skikda) en 1955. Il est désigné en 1957 par le général Massu pour coordonner les renseignements à Alger. Au début des années 60, on le retrouve au Vietnam, formant les militaires américains. Commandant du 1er RCP en 1966, il est ensuite représentant de la France à l'OTAN, puis attaché militaire au Brésil. Nommé général en 1973 (au moment où il quitte l'armée d'active), il se reconvertit dans le civil. Dans les années '80, il était chargé de décrocher des contrats d'armements pour Thomson. Paul Aussaresses est commandeur de la Légion d'honneur depuis 1965, et médaillé de la Résistance.

LA LDH INTENTE UN PROCÈS À L¹ENCONTRE DU GÉNÉRAL AUSSARESSES

COMMUNIQUÉ DE LA LIGUE DES DROITS DE L¹HOMME
Paris, le 4 mai 2001

La LDH a saisi M. le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris d'une plainte pour apologie de crimes et de crimes de guerre à l'encontre du général AUSSARESSES.

La LDH considère, en effet, que, si l'hypothèse de juger le général AUSSARESSES et tous autres pour les crimes commis durant la guerre d'Algérie reste ouverte, les propos de ce militaire constituent, en tout état de cause, une apologie des crimes qu'il a commis.

Ces faits sont prévus et réprimés par la loi sur la presse et la LDH entend que le général AUSSARESSES en réponde.

Elle rappelle, en outre, qu'elle a demandé dès le 30 janvier 2001 au président de la République d'entamer toutes les procédures nécessaires pour que le général AUSSARESSES et toutes autres personnes concernées, civiles ou militaires, soient privés de leurs décorations.

Elle se félicite qu¹enfin le président de la République ait pris la décision de suspendre le général de l¹ordre de la Légion d¹Honneur. Mais cela ne doit pas se borner au seul général AUSSARESSES. De la même manière, il appartient au président de la République de reconnaître, au nom de la France, les responsabilités de notre pays.

AMNESTY INTERNATIONAL INTERPELLE LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS AU SUJET DE LA TORTURE EN ALGERIE APRES LA PARUTION DU LIVRE DU GENERAL AUSSARESSES

(4 mai, traduit de l¹Anglais par Jacques Becker)

France / Algérie : la France doit faire face à ses obligations juridiques.

Dans un livre intitulé : Services Spéciaux. Algérie 1995 - 1957, publié le 3 mai, le gouvernement français est directement impliqué dans la torture et l¹exécution sommaire d¹Algériens pendant la guerre d¹Algérie. Ces allégations sont faites par le général Aussaresses, officier de haut rang pendant la guerre d¹Algérie et coordinateur des services de renseignements pendant la bataille d¹Alger en 1957.

Quoique Amnesty International ne puisse affirmer aujourd¹hui que les accusations du général Aussaresses qui impliquent directement le gouvernement français dans des crimes contre l¹humanité sont fondées, celles-ci sont extrêmement sérieuses et nécessitent une enquête rapide et sérieuse.

La France a le pouvoir de faire comparaître devant un tribunal les criminels de guerre de la période de Vichy. Pour Amnesty International, aujourd¹hui il devrait être possible pour la France de remplir ses obligations légales concernant la guerre d¹Algérie.

Dans son livre, le général Aussaresses justifie non seulement l¹usage de la torture et des exécutions sommaires auxquelles il a personnellement pris part mais affirme encore que le gouvernement français, notamment par l¹entremise du Ministre de la Justice de l¹époque, François Mitterrand, devenu plus tard Président de la République, était régulièrement informé de ces pratiques et tolérait l¹usage de la torture, des exécutions sommaires et des déplacements forcés de population. Le général prétend que le bureau de François Mitterrand était personnellement informé par un juge-enquêteur qui faisait office d¹émissaire en Algérie.

Lorsque le 24 novembre 2000,un certain nombre d¹officiers de l¹armée, parmi lesquels le général Aussaresses et le général Massu, ont admis publiquement leur implication dans la torture et les exécutions extra-judiciaires, Amnesty International a appelé le gouvernement français à organiser le procès de ces responsables pour crime contre l¹humanité et crime de guerre. L¹organisation affirmait qu¹il n¹était pas suffisant de reconnaître que de tels crimes avaient eu lieu, la vraie question était l¹impunité, toujours actuelle, de leurs responsables.

« Les procédures légales contre un certain nombre de criminels de guerre, parmi lesquels Barbie, Papon et Touvier, en relation avec des crimes commis sous le régime de Vichy pendant la seconde guerre mondiale, ont montré qu¹il n¹y avait pas limite de temps pour juger les crimes contre l¹humanité. » ajoutait Amnesty International.

Toutefois, en dépit du fait que le gouvernement français se soit félicité de l¹arrestation du général Pinochet en Angleterre, les autorités françaises se sont refusées depuis cette époque à faire quoique ce soit ou même à créer une commission d¹enquête sur l¹usage de la torture. Le 14 décembre, le Président Jacques Chirac a rejeté les appels à une approbation officielle de l¹usage de la torture par les militaires durant la guerre.

Les allégations contenues dans le livre renforcent l¹urgence de la nécessité pour la France de faire face à ses obligations légales, non seulement en regard de la Convention de Genève mais aussi en rapport de l¹article 212-1 de son propre code pénal où les crimes contre l¹humanité sont définis, entre autre, comme la pratique massive des exécutions sommaires et de la torture pour des motifs politiques, philosophiques, raciaux et sociaux, et sont reconnues imprescriptibles.

Amnesty International ajoute : « Sachant tout cela et étant donné les graves révélations et les sérieuses accusations du général Aussaresses, les autorités françaises n¹ont plus aucune excuse pour ne pas engager des poursuites judiciaires. »

(AP 16.5) Le Premier ministre français a rendu le 16 mai à l'Assemblée nationale un hommage appuyé aux militaires français "qui ont fait le devoir avec honneur" pendant la guerre d'Algérie, et qui "n'ont pas à se sentir coupables" des "actes inhumains et barbares" commis lors du conflit, "des deux côtés, même si chaque camp, trop longtemps, a eu tendance à nier les siens" pour mettre en évidence ceux de l'adversaire. "Ces actes, nous ne les découvrons pas aujourd'hui" et beaucoup d'entre eux "étaient connus ou ont été révélés en leur temps", a rappelé Lionel Jospin, pour qui "le moins que l'on puisse faire c'est de permettre que l'histoire de cette terrible soit écrite librement". Le Premier ministre français a également souhaité "que la justice passe si elle peut encore le faire". Pour lui, les soldats du contingent engagés dans une guerre "que souvent ils ne voulaient pas" n'ont pas à se sentir "coupables", pas plus que "les officiers et les soldats de carrière qui ont fait leur devoir avec honneur". Quant aux autres, "ceux qui ont accompli des actes barbares et inhumains non conformes à l'honneur", ils doivent être "stigmatisés", alors que "tous ceux qui ont simplement fait leur devoir, qui ne doivent en rien être confondus avec les tortionnaires, ceux-là méritent seulement, quarante après, d'être saliés". Interrogé sur son attitude au moment de la guerre d'Algérie, Lionel Jospin a affirmé s'être alors "élevé" à sa "modeste place à l'époque contre l'usage de la torture". et "contre le vote des pouvoirs spéciaux accordés à un gouvernement le 12 février 1956". Cette guerre "longue, déchirante et cruelle", qu'il a vécue "comme jeune lycéen puis comme étudiant", Lionel Jospin était trop jeune pour avoir à la faire ("Je faisais mes classes au moment où sont intervenus les accords d'Evian, si bien que le peloton que je m'apprêtais à aller conduire en Algérie, dans une guerre que je n'aimais pas et que j'avais combattue, n'a pas eu à aller sur cette terre"), mais pas trop jeune la combattre : "Je me suis engagé pour la paix, (...) j'ai pris position en faveur de l'autodétermination, puis en faveur de l'indépendance", a affirmé le Premier ministre français.

(Le Monde 15.5, AP 16.5) L'"affaire Audin", du nom du jeune mathématicien communiste enlevé par les parachutistes à Alger le 11 juin 1957 et jamais réapparu depuis, connaît un rebondissement, avec le témoignage dans "La République des Pyrénées" du 11 mai d'un homme, Yves Cuomo, sergent à l'époque des faits, mis en cause par le général Paul Aussaresses. Yves Cuomo révèle que le prisonnier qui s'est enfui de la jeep qu'il conduisait le 21 juin 1957 était cagoulé et qu'il pourrait ne pas s'agir de Maurice Audin, la version officielle de l'"évasion" de celui-ci pouvant avoir été montée de toutes pièces pour "camoufler" une exécution sommaire ou la mort d'Audin sous la torture. "Paul Aussaresses tient à couvrir quelqu'un (...). C'est vraio que j'ai été mouillé dans cette affaire, mais vraiment sans rien savoir", explique Yves Cuomo. Dans la nuit du 11 au 12 juin 1957, des hommes du 1er régiment de chasseurs parachutistes arrêtent à son domicile Maurice Audin, 25 ans, assistant à la faculté des sciences d'Alger, membre du PC algérien (dissous trois ans plus tôt). Ni sa femme, ni leurs enfants ne le reverront, ni mort, ni vivant. Le 1er juillet, Josette Audin est informée par le commandement militaire de la région d'Alger que son mari s'était évadé (avait "bondi" hors du véhicule dans lequel il avait pris place avec deux sergents, Yves Cuomo et Pierre Misiri) et avait disparu, après que Pierre Misiri ait tiré plusieurs rafales de pistolet-mitrailleur dans sa direction. Pour l'armée, l'affaire était classée. Une enquête minutieuse, aboutissant en 1958 à la parution du livre de Pierre Vidal-Naquet "L'Affaire Audin", contestera rapidement la version officielle, mais celle-ci restera inchangée pendant 44 ans, malgré plusieurs enquêtes et instructions judiciaires, dont aucune n'aboutira. On se demande encore aujourd'hui si Maurice Audin est mort sous la torture, à laquelle il a été soumis à El Biar, ou assassiné (étranglé) par un lieutenant Charbonnier exaspéré par son mutisme. Le Secrétaire général de la police à la préfecture d'Alger, Paul Teitgen, penchait pour cette deuxième hypothèse, mais les pouvoirs politiques et judiciaires ont toujours "couvert" l'armée, y compris dans le "montage" d'une "évasion".

Le sergent Cuomo assure qu'une réouverture du dossier Audin, et un éventuel procès, ne lui font pas peur. Il a été présenté par Paul Aussaresses comme le membre d'une "seconde équipe", occulte, de l'"escadron de la mort" qu'il commandait pendant la bataille d'Alger. Cuomo dénonce cette affirmation et affirme qu'il n'était "ni directement, ni indirectement sous les ordres d'Aussaresses", dont il se demande qui il veut "couvrir".

Le 11 mai, la veuve de Maurice Audin avait annoncé son intention de porter plainte contre X pour "séquestration" et "crimes contre l'humanité", procédure qui a plus de chances d'aboutir que toutes celles lancées contre le général Aussaresses, puisque le corps de Maurice Audin n'a jamais été retrouvé, ce qui exclut l'invocation de la prescription. La veuve de Maurice Audin a effectivement déposé le 16 mai une plainte contre X, avec constitution de partie civile, pour "crimes contre l'humanité" et "séquestration", plainte qui implique obligatoirement la désignation d'un juge d'instruction.

(El Watan 17.5) Dans un entretien au quotidien "El Watan", l'historien algérien Mohamed Harbi, qui souhaite que les autorités françaises et algériennes ouvrent toutes leurs archives concernant la guerre d'Algérie aux chercheurs, doute qu'elles "soient en mesure de le faire", d'une part parce que des lois imposent des limitations à l'accès aux archives, mais également parce que ces archives pourraient "sûrement" contenir des choses gênantes "pour nombre d'acteurs qui trichent sur leur itinéraire". En Algérie, s'agissant de la connaissance de l'histoire de la guerre d'indépendance, "les pouvoirs qui se sont succédé depuis 1962 ont été en dessous de tout" et "notre histoire récente a été occultée pour des raisons politiques", estime Mohamed Harbi, qui signale que "ce sont les chercheurs français qui ont le plus produit" sur des thèmes comme les prisons, les camps de regroupement ou d'hàbergement, la répression, et cela faute d'un véritable "champ intellectuel en Algérie" -un tel champ supposant "une totale liberté d'expression, un climat propice à l'échange et au débat en dehors de toute intervention de l'Etat". Sur la question de la torture, l'historien algérien estime que "pour être crédible" dans la dénonciation, "il faut d'abord balayer devant sa porte (...). Si nous voulons que notre société quitte les ornières de la violence, il faut commencer par respecter l'intégrité physique des individus. La question de la torture nous concerne tous. Or je constate que chaque groupe ne la dénonce que lorsque les siens en sont victimes". Et de témoigner qu'en 1964, il avait posé le problème de la torture au comité central du FLN : "Boumediène a répondu froidement : 'Donnez-moi un autre moyen d'avoir des renseignements'"...

(HRW 14.5 / Reuters, AP 17.5 / MRAP, FIDH 17.5 / AP 18.5 / El Moudjahid 20.5 / CSSI) Le général Aussarresses sera poursuivi pour ses écrits, mais pas pour ses crimes : une enquête préliminaire pour "apologie de crimes de guerre" a été confiée à la police judiciaire de Paris pour procéder à l'audition de Paul Aussaresses et de son éditeur (Perrin). A l'issue de cette procédure, le général de 83 ans devrait être cité devant le tribunal correctionnel. Il encourt théoriquement une peine maximale de 5 ans de prison et de 300'000 francs d'amence. Son avocat, Gilbert Collart, a estimé "un peu inéquitable que le général Aussaresses, parce qu'il a fait un livre, soit le seul à porter le poids de cette période de notre histoire voulue par beaucoup d'hommes dont certains vivent encore". L'avocat, qui considère que "ce serait trop facile qu'un seul soit responsable de ce qui a été finalement tout un fonctionnement d'Etat", et qui insiste sur le fait que son client a "exécuté des ordres qui ont été dénnos par des militaires" couverts par le pouvoir politique, insiste sur le fait qu'"on ne reproche pas au général d'avoir fait ce qu'il a fait au nom des oprdres reçus", mais "de l'avoir dit". Pour le procureur Jean-Pierre Dintilhac, "en justifiant l'emploi de la torture par le contexte de la guerre, le général semble déclarer que si le contexte se reproduisait, il faudrait agir de même, ce qui pose un problème moral", mais la torture et les assassinats reconnus par Aussaresses ne constituent pas juridiquement (selon le procureur) des "crimes contre l'humanité" mais des "crimes de guerre" couverts par la loi d'amnistie du 31 juillet 1968 (ce que la plupart des ONG contestent par ailleurs). Le crime contre l'hamnité suppose l'exisytence d'un "plan concerté" visant à l'extermination, la réduction en esclavage ou la déportation d'une population, ce qui selon le parquet n'a pas été le cas en Algérie.

Le parquet a été saisi de deux plaintes contre Aussaresses : l'une de la Ligue française des droits de l'homme pour "apologie de crimes" (c'est cette plainte qui a été retenue), l'autre de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme pour "crimes contre l'humanité". Deux autres plaintes pour "crimes contre l'humanité", cette fois avec constitution de parties civiles (ce qui implique obligatoirement la saisie d'un juge d'instruction, qui pourra ouvrir une procédure contre l'avis du parquet), ont été déposée auprès du doyen des juges d'instruction de Paris : l'une par le MRAP (mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), l'autre par Josette Audin, veuve d'un militant communiste disparu en 1957 après son arrestation par l'armée. La plainte de Josette Audin vise également des faits de "séquestration", un acte qui serait juridiquement considéré comme étant commis actuellement puisque le corps de Maurice Audin n'a jamais été retrouvé et que, formellement, il est considéré comme "disparu", donc présumé vivant. La loi d'amnistie de 1968 stipule cependant que tous les faits "en relation" avec la guerre d'Algérie ne peuvent plus recevoir de qualification pénale.

Pour le MRAP, "la condamnation pour apologie de crime contre l'humanité (...) ne saurait en aucun satisfaire la recherche de justice et de vérité attendue (car elle) revient à condamner quelqu'un non pas pour ce qu'il a fait, mais pour ce qu'il dit avoir fait". Cela étant, le MRAP entend se constituer partie civile dans la procédure pour apoligie des crimex contre l'humanité, "le succès de librairie du livre de Paul Aussaresses constituant à lui seul un outrage à toutes les victimes". Le MRAP demande en outre la mise sous séquestre des droits d'auteurs perçus ou à percevoir. Il réitère également sa demande de "reconnaissance officielle, par le Président de la République et le Premier ministre, des crimes qui ont été commis" pendant la guerre d'Algérie.

La Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) s'étonne pour sa part que le Parquet n'ait "pas souhaité ouvrir une information" pour crimes contre l'humanité, alors que "suffisamment d'éléments (démontrent) que les exactions décrites par le Général Aussaresses (sont) constitutives de crimes contre l'humanité". Pour la FIDH, il ressort du témoignage d'Aussaresses, des études historiques et des témoignages de certains des supérieurs d'Aussaresses, dont le général Massu, "que la pratique des arrestations massives et arbitraires, des disparitions, de la torture et des exécutions sommaires avait été institutionnalisée", ce qui est constitutif de crimes contre l'humanité. La FIDH annonce dès lors son intention de déposer une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction de Paris, pour crimes contre l'humanité.

Dans une lettre adressée à jacques Chirac le 14 mai, l'ONG américaine Human Rights Watch lui demande d'ordonner "une enquête complète et indépendante au suijet des allégations formulées par le Général Paul Aussaresses d'après lesquelles le gouvernement français a ordonné ou toléré le recours à la torture et aux exécutions sommaires" en Algérie. "Si elles étaient avérées, les allégations du Général Aussaresses impliqueraient directement les responsables du gouvernement français" dans la violation des Conventions de Genève, estime HRW, qui ajoute que "le fait que les forces indépendantistes algériennes aient régulièrement violé ces même règles auxquelles elles étaient tenues, notamment en s'attaquant systématiquement à la population civile", ne peut justifier "la pratique de la torture et des exécutions sommaires" par des forces française, ni ne peut "constituer aujourd'hui, aux yeux des autorités françaises, un prétexte pour ne pas ordonner une enquête sur ces faits". Pour HRW, les actes allégués peuvent constituer des crimes contre l'humanité, en tant qu'"actes de violence commis dans le cadre d'attaques contre des personnes appartenant à un groupe déterminé, national ou non. (...) (ces crimes) ne peuvent être couverts par l'amnistie, ni par toute autre forme d'immunité (...). Ils sont imprescriptibles".

Dans un communiqué, le ministère algérien des Moudjahidines (anciens combattants), au motif de "lever toute équivoque circulant dans certains milieux journalistiques sur la prétentue négligence de notre département ministériel en vue d'une prise de position officielle sur la question" (de nombreux articles et commentaires parus dans la presse algérienne à la faveur du débat provoqué en France par les "aveux" d'Aussaresses, ont mis en évidence non seulement le silence des autorités algériennes sur la question de la torture pendant la guerre d'Algérie, mais également fréquemment dénoncé l'amnésie organisée" de la société algérienne sur sa propre histoire), affirme que les déclarations du "tortionnaire" Paul Aussaresses "ne nous apprennent rien de nouveau" et que "la reconnaissances des crimes commis par ce général tortionnaire et sanguinaire (...) est comme un arbre qui cache la forêt, car le peuple algérien a toujours été conscient des génocides et des crimes commis par le colonialisme".

Quant à Aussaresses lui-même, s'il affirme dans "Le Parisien" du 18 mai qu'il a des regrets et même des remords" pour ce qu'il a fait, il refuse d'en demander pardon, refuse que "d'autres, l'armée, a fortiori la France demandent pardon" et se déclare "indigné" par les sanctions disciplinaires proposées (à la demande du président Chirac) par le ministre de la Défense, Alain Richard. Le général affirme qu'il s'opposera "totalement" à ces sanctions "injustes", et qu'il n'acceptera "pas de perdre la Légion d'Honneur". "Je n'ai commis aucun crime", estime Paul Aussaresses : "aucun prisonnier n'est mort de mes propres mains, sous la torture", si certains ont succombé "bien sûr" des mains de ses subordonnés. Mais "c'étaient des actes de défense", affirme le général.

(L'Humanité 18.5 / Le Monde 19.5, 20.5) Les douze signataires de la déclaration parue dans "L'Humanité" en octobre 2000, réclamant une condamnation par le président Chirac et le Premier ministre Jospin de la torture pendant la guerre d'Algérie, ont publié, toujours dans "L'Humanité", un nouveau texte réitérant cette demande après la publication du témoignage du général Aussaresses" : "Il est urgent que la condamnation de la responsabilité des gouvernants d'alors intervienne sous forme d'une déclaration officielle des plus hautes autorités. Sans cela, demeure une équivoque sur la raison d'Etat dont se recommandent toujours les tortionnaires", écrivent Henri Alleg, Madeleine Rebérioux, Pierre Vidal-Naquet, Jean-Pierre Vernant, Nicole Dreyfus, Gisèle Halimi et Josette Audin, qui demandent à être reçus par Jacques Chirac et Lionel Jospin et estiment que "la France, en condamnant solennellement les actes incriminés, donnerait un exemple salutaire".

"Chacun à sa manière, les anciens appelés de la guerre d'Algérie sortent de quarante ans de silence", constate par ailleurs "Le Monde : "Jamais les livres, les débats, les témoignages à usage familial, les manuscrits publiés à compte d'auteur, les journaux de campagne ressortis des tiroires n'ont été aussi nombreux. Comme si une catharsis générale touchait enfin la génération des djebels". Les témoignages "spectaculaires" d'Aussaresses et de Massu font l'événement politique et médiatique, mais plus généralement et plus profondément, c'est toute la génération de la guerre d'Algérie (des appelés aux "porteurs de valise") qui non seulement se met à parler, mais surtout qui commence à être entendue : "On a l'air de se souvenir qu'on a torturé en Algérie alors qu'on le sait depuis quarante-cinq ans. On a essayé d'en parler, mais personne ne nous a écoutés : on était tout de suite traités d'assassins", raconte Grégoire Alonso, ancien parachutiste.

Pour sa part, l'historienne Claude Mauss-Copeaux considère que "quand Lionel Jospin dissocie 'ceux qui ont fait leur devoir' des tortionnaires, il entretient l'ambiguïté, car des soldats, pour obéir, ont torturé". Claude Mauss-Copeaux demande que l'on rende hommage à "ceux qui ont eu le courage de dire 'non', comme le général de Bollardière, sanctionné pour avoir protesté contre la torture, ou Noël Favrelière qui, refusant d'être complice d'une corvée de bois (exécution sommaire), a déserté avec son prisonnier".

Deux millions de Français nés entre 1932 et 1943 ont effectué leur service militaire en Algérie entre 1955 et 1962. Au plus fort de la guerre, 400'000 militaires français, dont 80 % d'appelés, étaient en Algérie, aux côtés de près de 120'000 Algériens combattant dans le camp de la France (40'000 appelés, 20'000 engagés et 58'000 harkis) -mais dont de nombreux ont cependant déserté ce camp. La guerre a fait des centaines de milliers de victimes : les pertes militaires françaises s'élèvent officiellement à près de 25'000 morts (dont plus d'un tiers par accident), 65'000 blessés et 485 disparus. Les pertes civiles françaises d'Algérie se sont officiellement élevées à 2788 tués, 7541 blessés et 875 disparus. Entre 30'000 et 150'000 harkis ont été tués dans les combats ou dans l'épuration après 1962. Du côté algérien, le discours officiel parle d'"un million et demi de martyrs". Le bilan officiel français retient le chiffre de 200'000 morts. Les recherches historiques les plus récentes suggèrent un demi-million de morts, y compris les victimes algériennes de la lutte menée par le LFN contre ceux qui refusaient son hégémonie (les messalistes, notamment). Ces pertes équivalent, par rapport à la population, à la saignée de la guerre de 1914-1918 pour la France.

"Le Monde" estime qu'en France aujourd'hui "quelque six millions de personnes ont une partie de leur vie liée à l'Algérie" (pied-noirs, harkis, Algériens, Français d'origine algérienne, Français solidaires du FLN, ainsi que les descendants des uns et des autres).

(Le Monde 23.5) Le Comité national de liaison des harkis prépare une plainte pour "crimes contre l'humanité" visant l'abandon par la France, en 1962, des supplétifs algériens engagés dans l'armée française pendant la guerre d'Algérie, a annoncé l'avocat du comité, Philippe Reulet, le 19 mai. Selon l'avocat, la procédure sera introduite devant le Tribunal de Grande instance de Paris sur la base de "dizaines de témoignages de harkis abandonnés en Algérie ou refoulés du territoire français à leur arrivée à Marseille et réexpédiés en Algérie". Entre 30'000 et 150'000 harkis, selon les sources, ont été massacrée en Algérie en 1962 après avoir été désarmés et abandonnés par la France aux représailles algériennes. Seuls 20'000 d'entre eux, soit un dixième du total des harkis, ont pu se réfugier en France, où ils ont d'ailleurs été particulièrement mal accueillis et mal traités. Pour l'avocat du Comité national de liaison des harkis, "La France, avant de se repentir à l'égard de ses ennemis d'hier, devrait le faire pour ceux qui l'ont défendue".

(Libération 24.5 / Le Monde 26.5) Dans une contribution (dans "Libération") au débat sur la torture pendant la guerre d'Algérie, l'ancien éditeur Nils Andersson (éditeur en Suisse pendant la guerre d'Algérie d'ouvrages interdits, saisis ou non diffusés en France, comme "La Question", "la Gangrène", "les Disparus", ainsi que de textes du FLN), considère que "l'horreur de la torture ne doit pas cacher, bafouant les lois et les valeurs de la République, les autres crimes de guerre commis pendant la guerre d'Algérie. On ne peut se satisfaire d'une mémoire sélective ignorant qu'il y eut des camps de regroupement, des ratonnades, comme celle du 17 octobre 1961, ou des opérations "homo" (pour homicides), l'assassinat de personnalités par les services secrets", opérations dont Andersson donne plusieurs exemples : assassinats de responsables du FLN (Aït Ahcène à Bonn, Nouasri à Francfort, Aissiou à Bruxelles, Boularhouf à Rome, Ould Aoudia à Paris) ou de militants contre la guerre, comme Georges Laperche, professeur de Liège, favorable à l'indépendance de l'Algérie, tué par un colis piégé le 25 mars 1960. Ces assinats étaient le plus souvent attribués à la "Main Rouge", qui n'était qu'une émanation des services spéciaux français, le SDECE. L'un des responsables de ces opérations, Constantin Melnik, alors conseiller technique auprès du Premier ministre Michel Debré pour les questions se sécurité et de renseignements affirme lui-même, clairement, que "la communauté du renseignement n'est que la servante obéissante du pouvoir politique". Et Nils Andersson de conclure par un appel à "faire la clarté sur les opérations 'homo" qui touchent au plus près à la raison d'Etat et à la responsabilité directe du pouvoir à son plus haut niveau".

(AP 29.5, 30.5) Le Conseil supérieur de l'armée de terre s'est réuni le 29 mai pour étudier les éventuelles sanctions à prendre contre le général Aussaresses pour ses déclarations sur la torture en Algérie, et a transmis des propositions -qui n'ont pas été rendues publiques- au ministre de la Défense Alain Richard, qui devra les transmettre au Président de la République Jacques Chirac, habilité à prendre la décision finale. La sanction disciplinaire la plus probable, une mise à la retraite d'office du général (âgé déjà de 83 ans...) aurait évidemment une valeur purement symbolique.

Une nouvelle plainte pour crimes contre l'humanité avec constitution de partie civile a été déposée contre Aussaresses le 30 mai, par la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), après qu'une première plainte sur le même chef d'accusation, mais sans constitution de partie civile, déposée par la FIDH ait été classés sans suite -ce qui ne sera pas possible avec le nouvelle plainte, puisqu'en droit français la constitution de partie civile implique une instruction.

(AP 1.6, 3.6) La Ligue des droits de l'Homme a annoncé qu'elle demandait au Garde des Sceaux (ministre de la Justice) d'ordonner la révision des procès relatifs à l'"affaire El-Halia", après les révélations de Paul Aussaresses dans son ouvrage "Services sp-ciaux, Algérie 1955-57". En 1955, une insurrection dans le village minier d'El Halia avait fait 35 morts côté "européen". L'armée française avait mené une répression féroce (Aussaresses admet avoir fait exécuter une soixantaine d'insurgés sur les lieux et le jour même du massacre) avant d'arrêter des mineurs algériens sur leur lieu de travail. Torturés pendant plusieurs semaines, mis au secret pendant près d'un an, ils avouent être les auteurs de la tuerie d'El Halia, mais 44 d'entre eux se rétracteront lors du premier procès de Philippeville, en février-mars 1958. 15 d'entre eux avaient tout de même été condamnés à mort, les autres aux travaux forcés, mais ce jugement avait été annulé en cassation. En octobre 1958, 31 accusés seront relaxés, et deux condamnations à mort confirmées, commuées ensuite en travaux forcés par le général de Gaulle. Mais la plupart des hommes acquittés ont tout de même été mis dans des camps, et plusieurs d'entre eux furent tués par l'OAS, ou ont disparu. Les avocats de la Ligue des droits de l'Homme, Michel Zaoui et Gisèle Halimi, invitent la ministre de la Justice Marylise Lebranchu à "prendre l'initiative d'une procédure de révision qui permettra de réécrire la page la plus importante de l'histoire judiciaire française pendant la guerre d'Algérie".

Toujours à propos de la guerre d'Algérie, Jean-Marie Le Pen s'est distingué le 3 juin en déclarant que le recours à la torture par l'armée française ne lui semblait "pas particulièrement injuste" et que "face à une offensive terroriste dont l'un des éléments de puissance est le secret, je crois qu'il n'y a pas beaucoup de moyens de briser le secret sinon par la force".

(Reuters 6.6) Le général Paul Aussaresses a été "placé d'office en position de retraite" (c'est-à-dire mis à la retraite d'office) "par mesure disciplinaire", selon un décret adopté par le Conseil des ministres pous santionner les déclarations et les aveux du Général à propos de la pratique de la torture et des exécutions sommaires en Algérie. Cette sanction, prise pour la première fois depuis plus de vingt ans, est motivée, a déclaré le ministre de la Défense Alain Richard, "par les déclarations publiques de cet officier général se prévalant de façon répétée de comportements injustifiables en les présentant comme légitimes dans la situation du conflit algérien". La sanction a été prise après "avis unanime favorable" du Conseil supérieur de l'armée de terre. Le seul effet concret de cette sanction, essentiellement symbolique vu l'âge de l'intéressé (83 ans), est qu'il ne pourra plus porter l'uniforme. Selon le ministre des relations avec le Parlement, Jean-Jack Queyranne, les déclarations d'Aussaresses portent "gravement atteinte à la dignité militaire et au renom de l'armée". Le Parquet de Paris a pour sa part ouvert une enquête préliminaire contre Aussaresses pour "apologie de crimes de guerre". La veuve du général de Bollardière, qui avait décidé de démissionner de son poste en Algérie pour protester contre la pratique de la torture, explique au "Nouvel Observateur" qu'elle ne comprend pas le procès fait à Aussaresses : "Finalement, dans cette histoire, deux généraux auront été sanctionnés. L'un parce qu'il a refusé de torturer. L'autre parce qu'il a reconnu l'avoir fait. A croire que ce que la France attendait d'eux, c'est qu'ils torturent et en silence".

(Le Monde 9.6) Les harkis ont décidé de saisir l'occasion de la résurgence du débat sur la guerre d'Algérie, après les aveux du général Aussaresses, pour poser le problème de la reconnaissance par la France de leur abandon après les accords d'Evian. Plusieurs associations ont exprimé l'intention de déposer plainte pour "crime contre l'humanité". Le 19 mai, une semaine après l'ouverture d'une information judiciaire contre le général Aussaresses, pour "apologie de crimes de guerre", 43 présidents d'associations harkies se sont accordés sur la perspective d'une procédure pour "crimes contre l'humanité". Mohand Hamoumou, fils de harki et auteur de "Et ils sont devenus harkis" explique : "nous n'en serions pas là si la France avait reconnu ses torts". Boussad Azni, également fils de harki et président du Comité de liaison de la "communauté harkie" est l'un des initiateurs d'un projet de plainte pour "crimes contre l'humanité"; il explique que "puisque la France veut faire la lumière sur la guerre d'Algérie, qu'elle assume complètement, sans oublier les milliers de harkis qu'elle a abandonnés en 1962", et les milliers de harkis rapatriés en France, souvent malgré les ordres formels de les laisser aux mains du FLN, mais traités ensuite indignement en France : "arabes" pour les racistes, "traîtres" pour les Algériens. Plusieurs dizaines de milliers de harkis ont été abandonnés aux représailles du FLN après les accords d'Evian de 1962.

Une éventuelle plainte des harkis pour "crimes contre l'humanité" se heurterait, de l'aveu même de l'avocat de Boussad Azni, à la jurisprudence de la Cour de cassation, mais son but est de démontrer, sur la base de témoignages de rescapés et de documents historiques, l'existence d'un "plan concerté" pour l'élimination des supplétifs algériens de l'armée française.

La population habituellement désignée comme "harkis" ou "Français musulmans" correspond à l'ensemble des rapatriés d'origine algérienne s'étant battus du côté de la France pendant la guerre d'Algérie, et à leurs descendants, soit au total environ 400'000 personnes. En mars 1962, la France évaluait à 263'000 le nombre total des "musulmans" pro-français (harkis, élus, anciens combattants, fonctionnaires) menacés par les représailles du FLN. Les accords d'Evian reconnaissant l'indépendance de l'Algérie ne prévoyaient aucune protection à l'égard des harkis. Le gouvernement français (Michel Debré étant Premier ministre) donna l'ordre de dissoudre les unités supplétives et le ministre des Affaires algériennes, Louis Joxe, menaça de sanctions ceux qui aidaient les "rapatriements prématurés". Néanmoins, 20'000 supplétifs algériens de l'armée française ont été ramenés en France. Entre 30'000 et 150'000 de ceux qui sont restée en Algérie y ont été massacrés. En France, les survivants rapatriés ont été souvent regroupés dans des camps ou des "hameaux forestiers" isolés, dans des conditions précaires, perpétuant leur exclusion. L'indemnisation accordés dans les années 1970 aux pieds-noirs n'a été étendue qu'en 1994 aux harkis, à qui la loi exprimait la "reconnaissance" de la République pour les "sacrifices consensit", mais ne reconnaissait aucune responsabilité politique de la France. La loi allouait à 15'000 familles une allocation forfaitaire de 110'000 FF. En 1999, une rente viagère de 9000 FF/an pour les harkis de plus de soixante ans et ne disposant que de faibles revenus a été instaurée.

S'agissant des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité commis par les forces françaises pendant la guerre, Ahmed Raffa, porte-parole du Comité de liaison assure que "les harkis n'ont jamais participé à cette barbarie, sauf une minorité qui était entrée dans cette guerre pour venger des membres de leurs familles massacrées par le FLN" (des témoignages concordants font au contraire état de la pratique systématique de la torture et d'exécutions sommaire par des harkis sur territoire français métropolitain, notamment à Paris, au début des années soixante, contre des militants -ou présumés tels- du FLN).

Lors de la visite du président Bouteflika en France en juin 2000, celui-ci avait refusé de s'entretenir avec les représentants des harkis, qui revendiquent le droit de se rendre dans leur pays natal, et les avaient traité de "collabos" dans un entretien télévisé. Un ancien harki refoulé par deux fois à la frontière algérienne, cité par "Le Monde", répond : "Nos terres ont été accaparées par les gens du FLN qui nous avaient dénoncés. Voilà pourquoi ils ont tout fait pour nous interdire de revenir à jamais".

Le président Jacques Chirac a annoncé l'organisation, le 25 septembre 2001, d'une "journée nationale d'hommage aux harkis", commémoration unique, quelques mois avant l'élection présidentielle (les harkis ont le droit de vote...), mais à la faveur de laquelle les harkis attendent, peut-être d'un discours présidentiel, une reconnaissance officielle de la responsabilité de leur abandon par la France, et l'annonce de mesures de réparations. "Le dépôt d'une plainte me gêne en pleine turbulence électorale", reconnaît le président du Conseil national des Français musulmans, Hamlaoui Mekachera, proche de Jacques Chirac.

(AP 14.6 / Le Monde 15.6) le général Maurice Schmitt, ancien chef d'état-major des armées de 1987 à 1991, est mis en cause par une ancienne militante du FLN, Malika Koriche, qui l'accuse d'avoir donné l'ordre à des soldats de la torturer. Malika Koriche affirme au "Monde" quaprès avoir été arrêtée en été 1957 pour avoir posé deux bombes (qui n'auraient pas fait de victimes), elle a été torturée pendant quinze jours à l'école Sarouy, notamment sur ordre de deux lieutenants, dont Maurice Schmitt, elle a été désahbillée, jetée par terre et torturée : "ils écartaient les jambes, branchaient des fils de fer dans le vagin et au bout des seins. A l'autre bout, il y avait une petite boîte blanche munie d'un bouton qu'ils appuyaient". Les lieutenants, dont Maurice Schmitt, "demandaient qu'on me ferme la gueule quand je criais trop". Le général Schmitt nie en bloc ces accusations. Le nom de Malika Koriche ne lui avoque "absolument rien", mais il affirme que c'est "un assassin" et qu'il est possible qu'elle ait interrogée, "mais pas de cette façon là". "J'ai fait mon devoir de militaire en Algérie, tout en respectant le droit et en ayant le souci de sauver des vie", a déclaré le général Schmitt au "Monde"

(ATS 15.6 / AFP 16.6) Le général Aussaresses sera jugé pour "apologie de crimes de guerre", a annoncé le 15 juin la Ligue des droits de l'Homme. Une audience de fixation pourrait avoir lieu le 6 juillet, et la comparution du général à l'automne, devant le Tribunal correctionnel de Paris, qui avait ouvert une enquête préliminaire à la suite d'une plainte de la LDH. Aussaresses sera donc poursuivi non pour ce qu'il a fait pendant la Guerre d'Algérie, mais pour l'avoir dit, mais la LDH estime que "loin d'être poursuivi pour avoir révélé de simples agissements, le général Aussaresses devra d'ores et déjà s'expliquer sur le fait d'avoir considéré comme normaux et relevant de son devoir de militaire les tortures, enlèvements et exécutions sommaires auxquels il s'est livré". Le Parquet de Paris avait écarté des poursuites pour "crimes contre l'humanité" au prétexte d'obstacles juridiques "majeurs", et avait estimé que "les faits revendiqués par le général Aussaresses et plus généralement commis à l'occasion du conflit algérien sont incontestablement constitutifs de crimes de guerre", mais pas de crimes contre l'humanité. Et selon le Parquet de Paris, ces crimes de guerre sont prescrits et couverts par la loi d'amnistie du 31 juillet 1968 (ce qui est d'ailleurs contestable, et contesté...)."A travers Aussaresses, c'est l'armée française et le pouvoir français qui sont jugés", a déclaré à l'AFP le président d'honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), Patrick Baudoin, pour qui le procès du général permettra d'ouvrir un débat "très important" : "On a occulté beaucoup de choses qui doivent remonter à la surface. On n'a jamais osé soulever le couvercle (...) Le passé resurgit toujours. On ne peut pas tourner la page avant de l'avoir lue". Pour l'avocat du général Aussaresses, Gilbert Collard, son client "n'a quand même pas été le seul à faire la guerre d'Algérie". Ce procès en correctionnelle "nous permettra de faire citer de nombreux témoins, car on ne peut pas faire l'économie de ce débat". "Le général Aussaresses a exécuté des ordres qui ont été donnés par des militaires, qui les ont reçus d'hommes politiques, sans que jamais aucun juge n'ait trouvé l'occasion d'ouvrir une information (judiciaire)", avait rappelé Gilbert Collard lors du dépôt des plaintes.


Communiqué de la Ligue des droits de l'Homme

Le Général Aussaresses devant la justice

Paris, le 15 juin 2001

La LDH a appris avec satisfaction la décision de M. le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris de faire citer le général Aussaresses devant le Tribunal correctionnel de Paris pour apologie de crimes de guerre.

Loin d'être poursuivi pour avoir simplement révélé ses agissements, le Général Aussaresses devra, d'ores et déjà, s'expliquer sur le fait d'avoir considéré comme normaux et relevant de son devoir de militaire, les tortures, enlèvements et exécutions sommaires auxquels il s'est livré.

(La Ligue des droits de l'Homme) reste cependant attentive aux suites qui seront données aux plaintes avec constitution de partie civile pour crimes contre l'humanité actuellement soumises à l'examen de la juridiction d'instruction.

La LDH se constituera partie civile à l'encontre du Général Aussaresses.


(Le Monde 23.6) Louisette Ighilahriz, dont le récit des tortures subies en 1957, lors de la bataille d'Alger, a provoqué l'actuel débat sur les pratiques des forces françaises pendant la guerre d'Algérie, a annoncé qu'elle allait déposer plainte pour "crimes contre l'humanité" devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de Grande instance de Paris. Le MRAP s'est associé à cette plainte, en se constituant partie civile. La plainte contre X vise les tortures dont Louisette Ighilahriz a été victime lors de la bataille d'Alger, de la part de militaires français, dont "le capitaine Graziani, qui agissait sous les ordres du général Massu et du colonel Bigeard". L'avocat du MRAP, Pierre Mairat, estime que la notion de "crimes contre l'humanité", imprescriptible par définition, englobe les faits de torture et rend inopérante la loi française d'amnistie pour les faits en rapport avec la guerre d'Algérie.

(APS 23.6) Une journée d'études sous le thème "crimes de guerre et crimes contre l'humanité", dans le cadre de la recherche historique et juridique sur les actes commis par les forces coloniales durant la période d'occupation et notamment, la guerre d'Algérie (1954/62), est annoncée pour le 28 juin à Alger, à l'initiative de l'union des juristes algériens (UJA) avec la participation de la Fondation du 8 mai 1945 et la faculté de droit d'Alger. La journée d'étude devrait aborder les questions de la notion de crime contre l'humanité, des juridictions pénales internationales, de la torture, de l'idéologie coloniale et de la guerre de libération, des principes fondamentaux du droit international humanitaire et de la qualification des crimes de guerre, en particulier de la torture.

(AP 27.6 / Liberté 28.6) Une nouvelle plainte pour ''crime contre l'humanité'' et ''séquestration et assassinat'' contre le général Aussaresses a été déposée mercredi par les deux soeurs de Larbi Ben M'Hidi, responsable du FLN ''suicidé'' après son arrestation le 23 février 1957 en pleine bataille d’Alger, par des éléments du 11e régiment de parachutistes. Dans son ouvrage ''Services spéciaux algériens 1955-1957'', Aussaresses explique avoir, avec l'aide de ses hommes, pendu Larbi Ben M'Hidi ''d'une manière qui puisse laisser penser à un suicide'', puis avoir préparé un rapport relatant le suicide du responsable du FLN avant la mort de ce dernier. ''Nous refusons que l'impunité se poursuive'', a déclaré Faws Slougi, le petit-fils d'une des plaignantes, lors d'une conférence de presse au siège parisien de la Fédération internationale des Droits de l'Homme (FIDH), avant d'ajouter au sujet de la guerre d'Algérie: "il est temps que cesse la culture de l'oubli''. "L'assassinat de M. Ben M'Hidi a été commis à la suite et en liaison avec des crimes de guerre'', précise la plainte, qui soutient qu'une ''exécution sommaire et préméditée commise à l'encontre d'un combattant pour le motif de son appartenance à un mouvement politique et à la suite de crimes de guerre est constitutive de crimes contre l'humanité''. Eric Plouvier, l'avocat des deux plaignantes, soutient que la révélation par le général Aussaresses d'un faux rapport a interrompu la prescription qui couvrait le crime d'assassinat, et permet donc de porter plainte contre le militaire à la retraite. Le général Aussaresses devrait comparaître à l'automne, sur citation direct du parquet de Paris, devant le tribunal correctionnel, pour y répondre du délit d'apologie de crimes de guerre.

(Le Monde 29.6 / El Watan 30.6) Après le général Aussaresses, c'est le général Maurice Schmitt, ancien chef d'état-major des armées (1987-1991), lieutenant pendant la guerre d'Algérie, qui est mis en cause et accusé d'avoir pratiqué, ordonné et/ou couvert des tortures pendant la bataille d'Alger. Plusieurs militants du FLN d'alors l'accusent d'avoir été le chef de l'équipe qui les a torturés en 1957, à l'école Sarouy. Ali Moulaï, responsable d'un réseau de poseurs de bombes, accuse le lieutenant Schmitt d'avoir ordonné de le passer à la "gégène" (torture à l'électricité). D'autres méthodes de tortures étaient également pratiquées à l'école Sarouy, selon Ali Moulaï : "la personne était étouffée par un torchon mouillé et salé, attachée par les mains et les pieds sur une barre qu'ils faisaient tourner comme un méchoui". Dans l'émission "pièces à conviction de la chaîne publique française FR3, le 27 juin, une ancienne militante du FLN, Malika Koriche, à l'époque porteuse de bombes, accuse elle aussi le lieutenant Schmitt d'avoir été l'un des chefs de l'équipe qui l'a torturée, en août 1957. De même, Rachid Ferrahi, lui aussi membre à l'époque d'un "réseau bombes" à Alger, accuse le lieutenant Schmitt d'avoir dirigé les tortionnaires qui s'en sont pris à son père (lui-même n'aurait pas été torturé du fait de son âge -16 ans). Le général Schmitt qualifie d'"affabulation totale" ces accusations, mais déclare qu'il aurait pratiqué la torture "si cela avait été nécessaire", au nom de la "légitime défense", et se demande "quand fera-t-on un procès pour apologie de crimes de guerre à ceux qui présentent ces terroristes comme des combattants, voire comme des martyrs, alors que ce sont des assassins".

Selon des chiffres de Paul Teitgen, ancien secrétaire général de la préfecture d’Alger, il y a eu pendant la Bataille d’Alger plus de 3000 disparus en quelques mois. Plus de 200 000 hommes, femmes et enfants ont été arrêtés pendant la Bataille d’Alger. Quatorze centres de torture ont été recensés à Alger et 584 en Algérie

(AP 28.6) Le président Jacques Chirac a suspendu "provisoirement" le 28 juin le général Paul Aussaresses de son titre de commandeur de l'ordre de la Légion d'Honneur, après les déclarations de l'ancien officier sur la torture pendant la guerre d'Algérie, a annoncé l'Elysée dans un communiqué. Le chef de l'Etat a pris cette décision en sa qualité de grand maître du premier ordre national ''sur proposition du grand chancelier de la Légion d'Honneur, formulée après avis du conseil de l'ordre émis à l'unanimité dans sa séance du 27 juin 2001'', précise le communiqué de l'Elysée. La sanction prend effet immédiatement. Le général Aussaresses, aujourd'hui âgé de 83 ans, avait déjà été mis à la retraite d'office le 6 juin dernier. Dans son ouvrage ''Services spéciaux, Algérie 1955-57'' Aussaresses, coordinateur des services de renseignements de l'armée à Alger en 1957, assume et revendique sans remords les tortures et les exécutions commises par son commando. Jacques Chirac s'était déclaré ''horrifié'' par ces aveux. Au chapitre judiciaire, plusieurs plaintes ont par ailleurs été déposées contre lui. Le 17 mai, le parquet de Paris avait classé sans suite une première plainte pour crimes contre l'humanité déposée par la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH). Le parquet avait ouvert le même jour une enquête préliminaire pour ''apologie de crimes de guerre'' après une plainte déposée par la Ligue des droits de l'Homme. Une nouvelle plainte pour ''crime contre l'humanité'' et ''séquestration et assassinat'' contre le général Aussaresses a été déposée le 27 juin par les deux soeurs de Larbi Ben M'Hidi, responsable du FLN pendu en mars 1957 par le général et ses hommes.

Le texte de la décision officielle de suspendre Aussaresses de la Légion d'Honneur

Journal Officiel de la République française 
Numéro 149 du 29 Juin 2001 page 10319

Présidence de la République
Grande chancellerie de la Légion d'honneur

Décision du 27 juin 2001 du grand maître de la Légion d'honneur 
portant suspension provisoire immédiate d'un légionnaire
NOR : PREX0104932S

Par décision du grand maître de la Légion d'honneur en date du 27 juin 2001, prise sur la proposition du grand chancelier après avis du conseil de l'ordre, a été prononcée, conformément à l'article R. 105 du code de la Légion d'honneur et de la médaille militaire, la suspension provisoire immédiate pour le général de brigade (er) Aussaresses (Paul, Louis), né le 7 novembre 1918 à Saint-Paul-Cap-de-Joux (Tarn), ommandeur de la Légion d'honneur, de se prévaloir de son titre de membre de celle-ci et des prérogatives qui s'y rattachent sans préjudice de la décision définitive qui sera prise à l'issue de la procédure normale le concernant. La présente décision prendra effet à compter du lendemain du jour de sa notification à l'intéressé.

(Liberté 1.7) Selon plusieurs journaux algériens, des pressions officielles ou officieuses algériennes seraient exercées sur les anciens militants de l'indépendance torturés pendant la guerre d'Algérie, ou sur des parents de victimes de la torture et des exécutions sommaires, pour qu'ils renoncent aux actions légales entreprises contre les tortionnaires et/ou leurs chefs. Ainsi, Louisette Ighilahriz a déclaré au quotidien "El Youm" qu'elle faisait l'objet de pressions soutenues pour qu’elle renonce à poursuivre Aussaresses en justice. Au même moment, une parente de Larbi Ben M’hidi se désolidarisait des soeurs du responsable FLN assassiné, qui ont déposé plainte contre Aussaresses, sous les ordres de qui l'assassinat fut commis. Pour "Liberté", certaines "forces" algériennes "redoutent qu’Aussaresses se mette à table" et dise réellement ce qu'il sait, et "ce sera, paradoxalement, grâce à des Algériens qu’Aussaresses échappera à la justice", malgré les Français qui veulent qu'il y soit traîné...

(LDH 28.6) La section de Toulon de la Ligue des droits de l'Homme rappelle l'existence dans la ville, et depuis plusieurs mois, à l'initiative de l'ancienne municipalité d'extrême-droite, d'un "carrefour Raoul Salan" (du nom de l'ancien chef de l'OAS). La nouvelle municipalité, élue en mars dernier, n'a pas débaptisé le carrefour, ce contre quoi la LDH proteste. La LDH invite le Maire de Toulon, Hubert Falco, à faire en sorte que le carrefour en question porte un nom plus "honorable" que celui de Salan.

(AP 6.7) La 17ème Chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris examinera dès le 26 novembre prochain les plaintes pour "apologie de crimes de guerre" déposées par plusieurs associations (le MRAP, la Ligue des droits de l'Homme, le Rassemblement démocratique algérien pour la paix, l'ACAT) contre le général Paul Aussaresses, suite à la parution de son témoignage "Services spéciaux, Algérie 1955-57". L'audience de fixation de l'examen des plaintes, à laquelle le général Aussaresses était présent, lui a permis d'annoncer qu'il allait faire citer une dizaine de témoins, dont des hauts responsables politiques et militaires de l'époque.

(Corr 5.7) Des élus communistes de Paris, soutenus notamment par Simone de Bollardière, Gisèle Halimi, Madeleine Rebérioux, Nicole Dreyfus, Pierre Vidal-Naquet, Laurent Schwartz et Henri Alleg, invite le Conseil de Paris à donner le nom de Maurice Audin, jeune intellectuel communiste, opposant à la guerre d'Algérie, "très probablement assassiné par les services d'Aussaresses", à portion d'une rue de Paris (la rue des Tourelles, entre l'av.Gambetta et le bd Mortier) portant le même nom que la caserne de la banlieue d'Alger où Maurice Audin a probablement été torturé.

(Libération 24.7 / Quotidien d'Oran 25.7) Le président de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale française, le député socialiste François Loncle, prpopose la mise en place d'une commission mixte, franco-algérienne, d'historiens pour procéder à un travail d'investigation historique sur la Guerre d'Algérie, afin de "faire toute la lumière sur cette époque troublée". François Loncle préfère en effet confier ce travail à des spécialistes plutôt qu'à une commission d'enquête parlementaire, comme celle proposée par des députés communistes et écologistes : "le Parlement n'a pas plus pour fonction de s'ériger en tribunal qu'en institut historique", estime le député socialiste, pour qui confier à l'Assemblée nationale la mission de "dire" ou de "codifier" la vérité historique serait "une grave dérive totalitaire". Il convient donc d'amplifier, d'accélérer et de "bilatéraliser" le travail d'investigation qui a commencé d'être fait. François Loncle propose de confier "à un comité franco-algérien d'historiens la mission d'étudier les grands problèmes de la colonisation et de la décolonisation", et si possible de produire pour les manuels scolaires "une vision commune d'une histoire commune". Il suggère d'offrir à l'Algérie la copie microfilmée des archives la concernant et d'intensifier la coopération entre les services historiques des armées française et algérienne.

(LDH-rezo 4.8) Une proposition de quatre élus communistes du Conseil de Paris de donner le nom de Maurice Audin à une rue du 20ème arrondissement a été acceptée par la majorité de gauche plurielle du Conseil (la droite n'ayant pas participé au vote). Cette proposition avait été faite dans le sillage des révélations du général Aussaresses sur les tortures, les exécutions sommaires et les disparitions pendant la Guerre d'Algérie, pratiques dont Maurice Audin, jeune intellectuel communiste algérois, avait éàté victime. Maurice Audin a très probablement été assassiné par les services d'Aussaresses. Son corps n'a jamais été retrouvé. Les élus parisiens demandent que le nom de Maurice Audin soit donné à une partie de la rue des Tourelles, près de la caserve du même nom, nom qui était aussi celui d'une villa de la banlieue d'Alger servant de centre de détention et de tortures aux services spéciaux de l'armée française pendant la Guerre d'Algérie. Il faudra cependant encore qu'une commission de la ville de Paris donne un avis favorable à la proposition, laquelle devra ensuite être approuvée par le Conseil d'arrondissement et le Conseil de Paris. Un "Comité de parrainage pour une rue Maurice Audin" vient d'être créé.

(Quotidien d'Oran 5.8) Une association crée depuis six mois en Algérie avec pour but de "faire triompher le devoir de vérité" sur les pratiques de torture pendant la lutte de libération, et le cas échéant de traduire les coupables et commanditaires de torture, disparitions et exécutions sommaires devant les juridictions nationales et internationales, l'association "Verdict", dénonce dans un communiqué les "tergiversations" des responsables du ministère de l'Intérieur, chargé de donner l'agrément officiel à la création de l'association, et se refusant même à accuser réception ddu dpôt, à cinq reprises, du dossier d'agrément. "Verdict" annonce que le refus de sa légalisation ne l'empêchera pas d'afir et que "ce n'est pas le refus d'un agrément qui empêchera Aussaresses et d'autres tortionnaires de la guerre de libération nationale d'échapper à la justice". Mais "Verdict" accuse ceux qui bloquent son agrément officiel de s'être "construit leur propre histoire en falsifiant celle de la guerre de libération nationale et celle de ses martyrs".

(El Watan 6.8) Une année après une manifestation des harkis à Montpellier, exigeant du gouvernement français la reconnaissance et la réparation de leur abandon par la France au moment de l'indépendance algérienne, des représentants de la communauté harkie ont introduit auprès du Tribunal de Grande instance de Paris une plainte contre l'Etat français pour "crime contre l'humanité", crime constitué par le désarmement et l'abandon de la plupart des harkis aux représailles des nationalistes algériens après les accords d'Evian.

(AFP 28.8) Huit Harkis désireux d'être "reconnus par l'histoire" ont décidé de porter plainte le 30 août devant la justice française pour "crimes contre l'humanité". Leur avocat, Philippe Reuler, a précisé que "la plainte sera déposée devant le tribunal de grande instance (de Paris) contre X pour des faits commis en France et en Algérie et mettant en cause le comportement des autorités françaises et algériennes". Un ancien harki, Messaoud Belaid, explique : "nous avons été désarmés et abandonnés par la France dès le 19 mars. Elle nous a ainsi livrés aux mains du Front de libération nationale". Selon Me Reulet, 150'000 harkis ont été massacrés après l'indépendance, et il s'agit d'"actes d'extermination (qui) constituent par leur ampleur et le fait qu'ils aient été perpétrés pour des raisons politiques des crimes contre l'humanité". 60'000 harkis ont réussi à se réfugier en France malgré les autorités françaises, et y seront pour la plupart concentrés dans des camps pendant des années. Le président du Comité national de liaison des harkis, Boussad Azni, ajoute que c'est une série d'"humiliations" subies ces deux dernières années qui motivent finalement la plainte pour "crimes contre l'humanité" : ainsi, le 11 novembre 1999, des harkis se sont vu refuser le droit de déposer une gerbe à l'Arc de Triomphe, et en juin 2000, en visite en France, le président Bouteflika les a comparés aux "collabos" français sous l'occupation nazie.

(Reuters 29.8) Le Secrétaire d'Etat français aux Anciens Combattants, Jean-Pierre Masseret, a annoncé le 29 août que la journée nationale d'hommage aux harkis, annoncée par le président Jacques Chirac en février dernier, se déroulerait le 25 septembre. Le Secrétaire d'Etat a cependant regretté que la décision de huit anciens harkis de déposer plainte contre X pour "crimes contre l'humanité", pour des faits commis en France et en Algérie et "mettant en cause le comportement des autorités françaises et algériennes", vienne "affaiblir la décision (...) de rendre un hommage particulier aux harkis", dont"tout responsable politique" français est "conscient de la souffrance et des drames" qu'ils ont vécus, "victimes de l'histoire toujours tragique de la guerre".

(Liberté 2.9) Le FLN a réagi, par la voix d'Ali Mimouni, membre de son Bureau politique, au dépôt par des harkis de plaintes contre X pour "crimes contre l'humanité" contre le tribunal de grande instance de Paris, en qualifiant cette affaire de "franco-française" ne concernant pas l'Algérie (la plainte vise cependant également les responsables algériens du massacre de dizaine de milliers de harkis après l'indépendance). Ali Mimouni rappelle que "les harkis sont bien un corps de l'armée coloniale qui était en guerre contre l'ALN, au même titre que les parachutistes de Massu, les tirailleurs et autres", et qu'il s'agissait de "supplétifs de l'armée coloniale ayant la nationalité française et agissant sous le commandement militaire français".


(AFP 29.8 / Liberté 30.8) Le ministre français de l'Education nationale, Jack Lang, a déclaré vouloir encourager le développement de la recherche universitaire sur la Guerre d'Algérie et l'ouverture des archives militaires : "Encourager la recherche historique sur la Guerre d'Algérie et améliorer son enseignement dans le cadre scolaire, c'est aussi la meilleure façon d'aider à la coexistence respectueuse des mémoires antagonistes", a déclaré Jack Lang le 29 août devant une centaine d'enseignants et de chercheurs réunis à l'Institut du monde arabe. "Il n'existe pas dans notre pays de mémoire établie, recebsée et plaintement écrite et reconnue sur la Guerre d'Algérie", a constaté le ministre, qui a ajouté que l'enseignement sur ce thème ne pouvait aboutir que si les programmes scolaires en général (et pas seulement en histoire) prenaient mieux en compte la connaissance globale du Maghreb. La Guerre d'Algérie est inscrite dans les programmes scolaires français depuis 1983, sous l'angle de la décolonisation et de la politique intérieure française, mais le sujet reste périlleux pour des enseignants confrontés à des élèves dont les familles ont vécu, contradictoirement, cette période, et la densité des programmes ne laisse que deux heures aux enseignants pour traiter du suujet.

(AP 30.8) François Mitterrand a approuvé plus de trente (32) exécutions capitales de militants du FLN dans les seules années 1956 et 1957, alors qu'il était Garde des Sceaux (ministre de la Justice) dans le gouvernement de Guy Mollet, selon une enquête du "Point". Sur 45 dossiers de militants algériens exécutés pendant son ministère, François Mitterrand n'a donné que sept avis favorables à la grâce (six avis sont manquants, les autres sont favorables à l'exécution). Selon l'enquête du "Point", 222 militants du FLN ont été exécutés par la justice française entre 1956 et 1962, "le plus souvent au terme d'une parodie de justice". Les premières exécutions se seraient produites lors du passage de François Mitterrand au ministère, entre le 2 février 1956 et le 21 mai 1957. L'hebdomadaire publie le fac simile d'une demande d'avis du ministre sur le recours en grâce du Babouche Said ben Mohamed, avec les mots "avis défavorable au recours" et la signature de François Mitterrand. Onze jours plus tard,m les deux premières exécutions capitales de militants du FLN avaient lieu à la prison de Berberousse, à Alger.

(Le Monde 1.9) L'Institut François-Mitterrand a réagi par un communiqué à la publication par l'hebdomadaire "Le Point" d'une enquête révélant que l'ancien président de la République avait, alors qu'il était ministre de la Justice en 1956 et 1957, n'avait pas préavisé favorablement à la grâce (ou n'avait pas préavisé défavorablement à l'exécution) de 32 militants algériens du FLN, condamnés à mort. Les président et vice-président de l'Institut, Jean-Louis Bianco et Jean Kahn, condamnent une "présentation qui donne à penser qu'il appartenait au Garde des Sceaux d'approuver ou de désapprouver les décisions de la juridiction répressive", et estiment qu'il était "impensable, dans le contexte politique de l'époque, que le Garde des Sceaux demande au président de la République" René Coty de faire "systématiquement obstacle à l'exécution des décisions prononçant la peine capitale". L'Institut rappelle en outre que François Mitterrand a "dénoncé au Conseil de la magistrature les excès de zèle de certains juges en fonction dans les départements algériens".

(El Watan 9.9) Une rencontre internationale se tiendra les 10 et 11 novembre à Alger sur le thème : "les mines antipersonnel et l'impact des expériences nucléaires sur l'ênvironnement". Elle réunira des ONG algériennes, libanaises, palestiniennes, égyptiennes, marocaines, tunisiennes, françaises, canadiennes, anglaises, jordaniennes et sud-africaines. L'Algérie y témoignera de la persistance de la menace que fait encore planer, quarante ans après la fin de la guerre, les mines antipersonnel déposées par l'armée française en Algérie. Selon l'Association nationale pour la protection de l'environnement et la lutte contre la pollution (APEP), 10 millions de mines antipersonnel sont encore dispersées en Algérie, dans les zones rurales et le long des frontières, notamment dans les wilayas de Souk Ahras, Tebessa et Naâma. Ces mines ont tué plusieurs milliers de personnes depuis l'indépendance (le chiffre de 40'000 morts a été avancé*), et blessé plusieurs dizaines de milliers de personnes (80'000 selon l'APEP). L'APEP rappelle en outre que la charge financière des soins et de la réhabilitation des victimes survivantes est considérable, et que la dispersion des mines sur un espace interdit cet espace à toute activité économique régulière.

*ce chiffre paraît objectivement excessif : il équivaudrait à un millier de morts par année, ou à trois morts par jour, pour la seule Algérie. Aucune recension à partir des informations disponibles ne permet de confirmer un bilan aussi considérable. Il faut vraisemblablement diviser ce chiffre par dix -ce qui nous donne déjà un bilan catastrophique de 4000 morts à ce jour pour une guerre terninée depuis 40 ans...

(Libération 15.9) Le juge d'instruction désigné pour instruire la plainte déposée avec constitution de partie civilepar la FIDH et le MRAP contre le général Aussaresses pour "crimes contre l'humanité", vient d'opposer une fin de non-recevoir aux plaignants, malgré la clarté du témoignage de Paul Aussaresses à propos des actes de torture et d'exécutions sommaires commis en Algérie, par lui et d'autres entre 1955 et 1957. En 1993, la Cour de cassation a estimé que les crimes contre l'humanité ne pouvaient être poursuivis en tant que tels en France que s'ils étaient liés à la seconde guerre mondiale, conformément aux dispositions des actes instituant le Tribunal de Nuremberg. Le juge d'instruction s'appuie ensuite sur l'absence de force rétroactive des modifications apportées au code pénal en 1994 et sur la loi d'amnistie de juillet 1968 pour toutes "les infractions commises en relation avec les événements d'Algérie". La FIDH et le MRAP ont décidé de faire appel de la décision du juge d'instruction de ne pas donner suite à leurs plaintes.

(AFP 23.9) La France organise le 25 septembre un hommage solennel aux harkis. Il s'agit de la première journée d'hommage de ce genre. Elle a été annoncée le 6 février par la présidence de la République, et sa pérennité n'a pas été confirmée. Le président Chirac présidera la cérémonie en présence du Premier ministre (à moins que celui-ci ne trouve le moyen ou le prétexte de n'y pas assister), de plusieurs ministres et de représentants et des autorités militaires, et même du président égyptien Moubarak. Les représentants des harkis ont cependant fait savoir qu'ils ne se contentaient pas de ce "premier pas" et qu'ils exigaient la reconnaissance des "fautes commises par l'Etat français" à l'égard des harkis, et notamment de leur abandon par la France à la fin de la Guerre d'Algérie.


(Le Monde, AFP 25.9 / La Tribune 27.9) Une journée nationale d'hommage aux harkis a eu lieu en France le 25 septembre, avec pour objectif d'apporter une reconnaissance officielle au drame vécu par ces anciens supplétifs de l'armée française en Algérie, dont la plupart ont été abandonnés en Algérie après l'indépendance, et dont des dizaines de milliers (entre 30 et 150'000 selon les estimations) ont été massacrés en représailles par le FLN après leur abandon (seuls 20'000 ont trouvé refuge en France). Le président Chirac a inauguré aux Invalides, à Paris (d'autres cérémionies ont eu lieu à Epinal, Colmar, Bias, dans la Gironde et à Lyon) une plaque témoignant de la reconnaissance de la République au "sacrifice" consenti par les harkis. Dans son discours, Jacques Chirac a réaffirmé que les harkis étaient des Français à part entière. Il a remis à plus d'une centaine de "Français musulmans" rapatriés des décorations (Légion d'honneur, Ordre du mérite, médailles militaires). Le président français a appelé au "devoir de vérité" à l'égard des harkis et a reconnu la "barbarie" des massacres -mais de ceux commis par le FLN. Il a également reconnu que la Nation française n'avait pas fait aux harkis "la place qui leur était due", et appelé à ce "que justice soit enfin rendue à leur honneur de soldat, à leur loyauté et à leur patriotisme ! Que leur dignité d'hommes libres soit enfin reconnue !".Jacques Chirac a enfin reconnu que "la France, en quittant le sol algérien (...) n'a pas pu sauver ses enfants" et a fait "dans l'urgence, le choix de l'isolement", en contradiction avec la tradition républicaine.

Les associations de harkis se sont félicitées de l'organisation de cette journée d'hommage. Nonobstant, des plaintes ont encore été déposées par des associations de harkis et de familles de harkis, devant les tribunaux de Bordeaux et de Marseille, pour "crimes contre l'humanité". Le 30 août, à l'initiative du Comité national de liaison des harkis, neuf d'entre eux ont porté plainte à Partis, contre X, avec constitution de partie civile (ce qui empêche le classement sans suite de la plainte) pour "crimes contre l'humanité". Ils dénoncent la responsabilité de la France dans les massacres survenus après les accords d'Evian. Le 2 septembre, le Collectiv Justice pour les Harkis a déposé à Marseille une plainte identique. Le secrétaire général du collectif, Mohammed Haddouche, estime que la journée nationale d'hommage est "bienvenue à la condition expresse qu'il y ait une reconnaissance de l'abandon, du désarmement et du massacre de harkis, commis avec la complicité de la France". Le président du Comité national de liaison, Boussad Azni, regrette que la journée nationale d'hommage soit unique, et souhaite implicitement qu'elle ait lieu chaque année.

Quant à l'ancien ministre des armées en 1962, Pierre Messmer, il estime que le "principal responsables" des massacres de harkis n'est pas la France qui les a abandonnés, mais le FLN qui les a massacrés. Pour la France, explique Messmer, "il s'agissait de savoir si nous voulions finir une guerre de décolonisation ou si nous voulions la continuer", et "le souci de ne pas réouvrir les combats en Algérie a été la raison de notre refus d'organiser des opérations de récupération des harkis persécutés par le FLN". Par ailleurs, le général de Gaulle "croyait que l'avenir de ces hommes-là était en Algérie, leur pays" et ne "pouvait imaginer que le FLN se comporterait avec une telle sauvagerie". Messmer s'oppose donc à toute forme de "repentance" : "Les regrets sont à exprimer d'abord par le FLN qui a massacré les harkis. Nous n'avons massacré personne !". Et d'ajouter qu'il tient le président Bouteflika, "un ancien FLN", pour "l'un des principaux complices des crimes commis contre les harkis".

Les harkis et leur famille reprsésentent aujourd'hui une population d'environ 400'000 personnes. Le quotidien algérien "La Tribune" suggère que, les élections présidentielles approchant en France, "Chirac a cru bon de capitaliser (leurs) voix".

(Le Monde 26.9) La gauche parisienne a proposé le 24 septembre au Conseil de Paris la pose, sur le Pont Saint-Michel, d'une plaque commémorant les morts algériens du 17 octobre 1961. Au cours de cette manifestation, interdite par le préfêt de police Maurice Papon, plusieurs milliers d'Algériens avaient été interpellés, un très grand nombre d'entre eux battus, plusieurs dizaines tués, dont la plupart précipités dans la Seine. La droite, unanime, a voté contre la proposition. La rédaction proposée par la gauche soulignait "la sanglante répression d'une manifestation pacifique", ce que le RPR Philippe Séguin a qualifié de "tract partisan". Les Verts ont quant à eux demandé, sans obtenir sur ce point le soutien des autres composantes de la majorité municipale, que "la préfecture de police de paris reconnaisse officiellement sa responsabilité dans le massacre du 17 octobre 1961".

(AFP 9.10) Un mémorial de la guerre d'Algérie sera érigé à Paris, quai Branly, près du Pont d'Iéna, à l'automne 2002. Le monument rappellera, par des afficheurs électroniques, la "mort pour la France" des soldats tombés en Afrique du nord entre 1952 et 1962. Le Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Jacques Floch, en présentant le projet, a déclarl que "la guerre d'Algérie demeure une mémoire douloureuse pour la Nation française", ce qui explique qu'on ait "mis 40 ans pour imaginer cet hommage, parce que la France n'a pas encore totalement digéré cette guerre". Les afficheurs du monument feront défiler en continu les noms de 22'300 soldats (dont 3000 harkis) français morts en Afrique du nord, mais la plupart en Algérie. Selon les chiffres officiels français, plus d'un million 700'000 soldats français, dont plus d'un million 300'000 appelés ou rappelés, ont servi en Afrique du nord de 1952 à 1962, principalement en Algérie, où 24'300 d'entre eux ont été tués.

(APS 10.10) La Commission des lois de l'Assemblée nationale française a rejeté le 10 octobre la proposition du député apparenté communiste Jean-Pierre Brard de créer une commission d'enquête sur les actes de torture de l'armée française et de ses supplétifs algériens pendant la guerre d'Algérie. La proposition faisait suite aux "aveux" et aux révélations des généraux Massu et Aussaresses, qui avaient reconnu, voire (pour le second) quasiment revendiqué avoir ordonné ou couvert des actes de torture et des exécutions sommaires. Jean-Pierre Brard souhaitait qu'une commission d'enquête parlementaire détermine l'ampleur et les responsables des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité "imputables aux autorités françaises" pendant la guerre d'Algérie. Le rapporteur de la commission, la députée socialiste Nicole Feldt estime en revanche que "le rôle de l'assemblée n'est pas décrire l'histoire" mais de légiférer. Elle affirme par contre la "légitimité" de la démarche des historiens qui souhaitent étudier cette période pour mettre à jour les pratiques des autorités et des forces françaises pendant la guerre d'Algérie, et invite le gouvernement à ouvrir "le plus largement possible" ses archives sur cette période.

(AP 12.10) Les Verts appellent au "respect du devoir de mémoire" à l'occasion de la commémoration des massacres d'Algériens à Paris, le 17 octobre 1961, et estime qu'à cette occasion, "pouvoir refaire (à Paris) une partie du trajet qui fut celui des manifestants algériens il y a quarante ans est un devoir de mémoire". Les Verts invitent donc les autorités publiques à autoriser la manifestation prévue le 17 octobre, "indispensable devoir de solidarité avec les victimes et leurs descendants".

(Le Monde 12.10) Les viols commis pendant la Guerre d'Algérie ont jusqu'à aujourd'hui constitué un tabou. Mais quarante ans après la fin de la guerre, la parole se libère : celle des victimes, mais celle aussi, sinon des coupables, du moins des témoins. Il apparaît que les viols sur les femmes ont eu un caractère massif en Algérie entre 1954 et 1962, dans les villes mais surtout dans les campagnes. Selon un ancien appelé, dont le témoignage a été recueilli par "Le Monde", il y avait deux sortes de viols : "Ceux qui étaient destinés à faire parler et les viols de "réconfort", de défoulement, les plus nombreux". Du côté des victimes, c'est la honte et la pression sociale qui exopliquent le silence; l'une d'entre elle explique que "chez vous (en France), une femme violée est une victime, chez nous c'est tous le contraire, nous sommes les coupables". L'historien Mohammed Harbi confirme qu'il n'a jamais réussi à obtenir de témoignages d'Algériennes victimes de viol du fait de militaires français.

L'écrivain algérien Mouloud Feraoun dénonçait déjà dans son journal le viol comme une pratique courante en Kabylie. Il ne s'agit pas de simples "dépassements" mais d'une pratique massive, et plus encore à la fin de la guerre, en particulier en 1959 et 1960 lors de l'"opération Challe". Cette pratique massive a longtemps été occultée : il n'y eut jamais d'ordre explicite, et moins encore écrits, de viol, et rares sont les hommes qui se seront vantés, dans leurs carnets ou devant témoins, d'avoir commis ce crime. Tous les appelés interrogés par "Le Monde" disent que tout dépendait en fait "du chef", des positions morales de l'officier ou du sous-officier. Il n'y avait généralement ni viol ni torture lorsque ces positions étaient claires et affirmées, et lorsque malgré tout de tels crimes étaient commis, ils étaient sanctionnés. Mais lorsque les officiers ou les sous-officiers laissaient faire les viols, ou pire encore y encouragaient, cette pratique se généralisait. Un infirmier servant dans le nord constantinois dès septembre 1959, Benôit Rey, témoigne dans son livre "Les égorgeurs" : "Dans mon commando, les viols étaient tout à fait courants. Avant les descentes dans les mechtas, l'officier nous disait : "Violez, mais faites cela discrètement" (...) Cela faisait partie de nos "avantages" et était considéré en quelque sorte comme un dû".

Pour l'historienne Claire Mauss-Copeaux, deux facteurs contribuent à expliquer l'ampleur du phénomène : d'une part, le racisme à l'encontre de la population algérienne musulmane, aggravé par le machisme ("d'abord il s'agissait de femmes, et, ensuite, de femmes arabes", résume Benoît Rey, et un autre appelé ajoute : "Les Algériens étaient considérés comme des sous-hommes, et les femmes tombaient dans la catégorie encore en-dessous, pire que des chiens") d'autre part le type de guerre (guerilla et contre-guerilla, terrorisme et contre-terrorisme, dispersion et autonomie des unités...). Sur la centaine d'hommes de son commando, dont des harkis, Benoît Rey affirme qu'une vingtaine furent des violeurs, que deux ou trois proéestèrent, mais que tous les autres se turent. Aux viols s'ajoutèrent fréquemment d'autres tortures. Un appelé dans le secteur de Constantine raconte qu'en octobre 1961, il vit quatre femmes agoniser pendant huit jours de tortures quotidiennes, "à l'eau salée et à coups de pioche dans les seins". En 1961, un autre appelé témoigne avoir assisté à une centaine de viols en dix mois dans la Ville Sesini (Susini), à Alger : Les viols étaient une torture comme une autre".

Né du viol d'une Algérienne par des soldats français, Mohamed Garne demande réparation à l'Etat du préjudice subi. Devenu "français par le crime", il exige une pension, et donc une reconnaissance du crime commis contre sa mère. Mohamed Garne est né le 19 avril 1960 en Algérie, de père inconnu et d'une mère violée par des soldats français pendant des nuits, puis torturée (notamment frappés sur le ventre et torturée à l'électricité) alors qu'elle était enceinte. Sa mère l'a abandonné à sa naissance. Il souffre de plusieurs infirmités, essentiellement psychiques, qu'un rapport du professeur Crocq, psychiatre des armées, qui évalue le taux d'invalidité à 60 %, attribue explicitement à trois causes, toutes relevant de "la responsabilité de l'Etat français" : la séparation de sa mère (il a ensuite été confié à une nourrice qui le batait), la "souffrance foetale (...) éprouvée du fait des mauvais traitements et tentatives d'avortement" infligés à sa mère, et le fait d'avoir appris à l'âge de trente ans qu'il avait été "conçu dans un camp de concentration" lors du "viol collectif" de sa mère.

Officiellement, plus de 10'000 femmes (pour 300'000 hommes) ont servi dans les rangs de l'ALN ou du FLN en tant qu'infirmières, agents de liaison, voire combattantes. Leur rôle a été essentiel dans la guerilla urbaine.


(Reuters, AP, AFP, La Tribune 17.10 / Liberté, Le Soir, El Watan 18.10) Le Maire de Paris, Betrand Delanoë, accompagné de nombreux élus de gauche, a inauguré le 17 octobre, sur une rambarde du pont Saint-Michel, face à la préfecture de police, une plaque commémorative en hommage aux victimes algériennes de la répression de la manifestation du 17 octobre 1961. Cette plaque, portant la simple inscription : "A la mémoire des nombreux Algériens tués lors de sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961", représente en fait la première reconnaissance officielle par une autorité française (en l'ocurrence la municipalité de Paris) du massacre perpétré ce jour là sur ordre du préfet de police de l'époque, Maurice Papon (actuellement détenu pour sa participation aux crimes contre l'humanité commis sous l'occupation nazie, par les autorités françaises, contre les juifs). Le nombre même des victimes de la répression reste inconnu et les estimations varient de 30 à 300 morts. En inaugurant la plaque du pont Saint-Michel, et après avoir observé une minute de silence en mémoire des victimes du 17 octobre, Bertrand Delanoë a précisé que cet hommage n'était "dirigé contre personne", et en particulier pas contre la police, que le Maire a par ailleurs remercié de lui avoir permis "de tenir cette cérémonie dans la sérénité". Pour Bertrand Delanoë, dans le "devoir de mémoire", il convient de n'oublier personne, "ni les appelés, ni les pieds-noirs, certainement pas les policiers".

Précédemment, en inaugurant une exposition de dessinateurs sur le 17 octobre 1961 à la Conciergerie de Paris, le Secrétaire d'Etat au patrimoine, le communiste Michel Duffour, avait déclaré que "l'implication personnelle de Papon ne (peut) éluder la responsabilité collective de ceux qui détenaient alors le pouvoir", et a réclamé que justice soit faite pour un "crime couvert par les plus hautes autorités de l'Etat".


La brève et sobre cérémonie du Pont Saimt-Michel a été à peine perturbée par une contre-manifestation d'extrême-droite, tenue à distance par d'importantes forces de police : quelques dizaines de manifestants, certains scandant "Algérie française !", s'étaient regroupés derrière une banderole dénonçant "les collabos du FLN". Quant à la droite traditionnelle, en particulier le RPR "néo-gaulliste" (chiraquien), elle s'est contentée de boycotter la cérémonie, mais elle a manifesté clairement à l'Assemblée nationale son opposition à toute reconnaissance des crimes commis, en quittant la séance (quelques élus du RPR, dont Michèle Allio-Marie et Edouard Balladur, et les députés de l'UDF, restant cependant présents et ne s'associant pas à cette manifestation qualifiée d'"extrémiste" par le ministre de l'Agriculture Jean Glavany). La droite a quitté l'assemblée après que le député (apparenté PCF) Jean-Pierre Brard ait appelé au "devoir de vérité" sur le 17 octobre 1961, et se soit demandé "qui a donné le feu vert à Maurice Papon pour organiser le massacre ?", et que le Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, le socialiste Jacques Floch, ait rappelé que les Algériens n'étaient descendus dans la rue que pour protester pacifiquement contre "un couvre feu appliqué sur la base du faciès" aux seuls "musulmans". Jacques Floch a appelé à un "travail de vérité" n'affaiblissant pas la "communauté nationale", et à un "devoir de mémoire" capable de "mettre fin à la guerre d'Algérie, car elle n'est pas terminée". Et d'imaginer à haute voix "un jour, un président français tenant par la main le président algérien devant un monument à tous les martyrs, qui parle de paix et de réconciliation", allusion à l'image célébre du président Mitterrand et du chancelier Kohl se tenant par la main devant l'ossuaire de Verdun. L'Ambassadeur d'Algérie en Framce, Mohamed Ghoualmi, a déclaré que la reconnaissance des faits du 17 octobre 1961 était importante "pour la réconciliation d'une société avec elle-même", mais qu'elle était aussi "un acte fondateur d'une relation bilatérale".

Le Préfet de police de Paris lui-même, pour la première fois, a déploré les "exactions commises en Octobre 1961",

En fin de journée, plusieurs milliers de personnes ont défilé sur le parcours de la manifestation de 1961, à l'appel de la Ligue des droits de l'Homme, du "Collectif unitaire 17 octobre 1961 - 17 octobre 2001", des Verts et de plusieurs organisations de la gauche révolutionnaire, derrière une banderole portant ces simples mots : "Au nom de la mémoire". La porte-parole de Lutte Ouvrière, Arlette Laguillier, a rappelé que "tous les gouvernements de gauche et de droite ont eu une responsabilité énorme dans cette guerre d'Algérie", et que si cette guerre avait pu être évitée, "le sort de l'Algérie aujourd'hui serait différent". Par contre, l'ancien ministre de la Défense, puis de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, a estimé qu'il n'y avait "rien à gagner à sempiternellement gratter nos plaies", et que si "un pays doit assumer toute son histoire, avec ses ombres -le 17 octobre 1961 en est une- mais aussi avec ses lumières", il faut aussi que "le peuple français comme tout autre peuple (garde) une raisonnable estime de lui-même pour pouvoir continuer son histoire", et qu'il fallait travailler désormais à la "coopération" avec l'Algérie en tournant "déliébérément nos regards vers l'avenir", et non le passé.

Dans un message adressé aux participants à un colloque organisé à Paris par l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) et le Rassemblement actions jeunesse (RAJ), le président du FFS, Hocine Aït Ahmed, a appelé à un travail de mémoire tourné non sur le passé, mais sur l'avenir afin d'"arrêter l'engrenage de crimes à plus grande échelle et de plus en plus atroces". "La mémoire commence à triompher de sa lutte contre la néant", constate Hocine Aït Ahmed, qui relève néanmoins la persistance du "laisser-faire" et de l'"Indifférence de la communauté internationale", face au massacre des Algériens il y a quarante ans comme face à la guerre actuelle "qui n'en finit pas de décimer les populations civiles". Face aux crimes du passé comme à ceux du présent, l'histoire et la mémoire doivent permettre de "modifier la vision et les projets de chacun et de tous pour faire triompher une modernité humaniste fondée sur la paix, la démocratie et la justice", écrit Hocine Aït Ahmed dans son message.

(AFP 30.10) L'inventaire des archives de l'armée française de 1945 à 1967, incluant donc la Guerre d'Algérie, est achevé et sera dans les jours à venir à la disposition des chercheurs et de toute personne intéressée, a annoncé le chef du service historique de l'armée de terre (SHAT), le général Berlaud, lors de la présentation des quatre tomes (de 1556 pages au total) de l'inventaire. Le premier tome est une introduction générale permettant de repérer la "localisation" des documents recherchés dans les services qui les conservent, les deux tomes suivants dressent un "répertoire numérique détaillé" de l'ensemble des documents, le quatrième tome est un index alphabétique. Outre cet inventaire, le SHAT publie le deuxième tome d'un recueil de témoignages oraux des principaux acteurs ou témoins de la période considérée, dont l'ancien ministre Pierre Messmer, le préfet Jean Vaufour ou le général (alors commandat) Aussaresses. Les dossiers relevant de la justice militaire restent cependant inaccessibles, sauf dérogation expresse du ministè¨re de la Défense, pour une période d'un siècle (les plus anciens d'entre eux ne pourront donc être librement consultés qu'en 2045). Les dossiers de carrière sont quant à eux protégés pour 120 ans à partir de la date de naissance de la personne concernée, et les dossiers médicaux pour 150 ans, une dérogation ministérielle étant également possible (365 dérogations ont été demandées en 2000, et seules 5 % d'entre elles auraient été refusées.


Communiqué de la section de Toulon de la Ligue des Droits de l'Homme

Toulon, le 20 octobre 2001

Carrefour Raoul Salan : LA LDH CONTINUE A DIRE NON

Quarante ans après, la France prend conscience de son passé en Algérie.
Juin 99, l'Assemblée nationale reconnaît que nous avons fait la "guerre"
en Algérie. Septembre 2001, un hommage national est rendu aux Harkis.

Ce travail de dévoilement de la vérité doit se poursuivre, pour les
victimes et pour l'Histoire. Il serait dommage que Toulon reste à
l'écart de cette démarche nationale. C'est pourquoi nous avions protesté
publiquement dès le 17 décembre 2000 lorsque nous avons connu
l'intention de la municipalité précédente de donner le nom de "général
Raoul Salan" à un carrefour de la ville. Cette décision a été adoptée
par la majorité d'extrême droite de l'époque, lors de la séance du
conseil municipal du 21 décembre 2000.

Depuis, nous n'avons cessé de demander que ce carrefour soit débaptisé.
Pour appuyer notre demande, nous avons lancé une pétition au début de
l'été : elle a recueilli plus d'un millier de signatures. Aujourd'hui,
nous les déposons à la mairie. Nous demandons à Hubert Falco, maire de
Toulon, de donner à ce carrefour un nom plus conforme aux valeurs
républicaines et à la vérité historique.

Simone de Bollardière était à Toulon ces jours-ci. Elle nous a rappelé
que, pour son mari, il était essentiel de "ne pas perdre de vue les
valeurs morales qui ont fait la grandeur de notre civilisation et de
notre armée". Nous proposons que Toulon rende hommage au général Jacques
de Bollardière en attribuant son nom à ce carrefour.

Simone de Bollardière nous l'a dit : il faut savoir dire NON !


(AFP 8.11) Le Secrétaire d'Etat français aux Anciens combattants, Jacques Floch, a souhaité "très vivement" le 7 novembre, devant l'Assemblée nationale, qu'un débat soit organisé à l'Assemblée avant la fin de la législature pour fixer une date de commémoration de la Guerre d'Agérie, ce que la plupart des groupes politiques souhaitent également. La date de cette commémoration pourrait être celle du cessez-le-feu de 1962, le 19 mars, et la commémoration devrait être un hommage à toutes les victimes de la guerre. La date du 19 mars est cependant contestée par les rapatriés (pieds-noirs) et les harkis, pour qui elle est le symbole d'une défaite et d'un exil. Jacques Floch a déclaré que le choix de la date devrait être soutenu par "au moins 70 % des députés" pour être retenu.

(AP 8.11) La Cour régionale d'appel des pensions de Paris, qui devait statuer le 8 novembre sur la demande d'indemnisation d'un homme né en 1960 du viol de sa mère par des soldats français pendant la Guerre d'Algérie, a décidé de reporter sa décision au 22 novembre. La Cour avait reconnu, en appel, que Mohamed Garne était né d'un viol mais avait nommé un expert pour déterminer s'il souffrait de dommages physiques directs liés à la guerre, condition pour qu'il obtienne une indemnisation. Mohamed Garne veut faire reconnaître que les troubles psychiques (et donc, au sens de la loi, physiques) dont il souffre sont la conséquence directe des violences subies par sa mère, placée en camp de regroupement durant sa grossesse. Cette revendication est appuyée par le rapport de l'expert.

(Reuters 8.11 / Le Courrier 9.11) Dix harkis ont déposé plainte contre X le 8 novembre pour crimes contre l'humanité devant le procureur de Toulon (Var). Au total, selon leur avocat, 32 plaintes seront déposées. Neuf avaient déjà été déposées fin août à Paris, et 16 autres à Marseille.


(Reuters, AP 26.11 / Le Monde, La Tribune de Genève, AP, Reuters, Quotidien d'Oran 27.11 / AFP, Le Monde, Le Courrier de Genève 28.11) Le procès du général Aussaresses et de son éditeur, Olivier Orban, PDG des éditions Perrin, pour "complicité d'apologie de crimes de guerres" (en ce qui concerne le général) et "apologie de crime de guerre" (en ce qui concerne l'éditeur) s'est ouvert le 26 novembre à Paris, devant le Tribunal correctionnel. Le Parquet a requis une amende d'environ 25'000 FF, au motif que Paul Aussaresses "n'avait pas le droit de se vanter de ses crimes". Paul Aussaresse risque un maximum de cinq ans de prison et de 300'000 FF d'amende. Il a déjà été mis à la retraite d'office (mais à l'âge de 83 ans, la sanction est symbolique) par le président Chirac, en juin 2001.

Le 17 mai, le Parquet avait écarté les poursuites lancées contre Aussaresses pour "crimes contre l'humanité", en considérant que les faits revendiqués par le général étaient "incontestablement constitutifs de crimes de guerre" et à ce titre couverts par la prescription et l'amnistie depuis la loi du 31 juillet 1968. Sept plaintes pour crimes contre l'humanité avaient été déposées, mais le juge avait refusé de les instruire. Les associations plaignantes ont fait appel, et la première décision de la Chambre de l'instruction devrait tomber le 14 décembre. La veuve du militant communiste Maurice Audin, arrêté par les hommes d'Aussaresses, torturé et sommairement exécuté (Aussaresses nie y être pour quoi que ce soit, sans convaincre grand monde de son innocence) avait notamment déposé plainte pour "crime contre l'humanité", d'autant que le corps de Maurice Audin n'ayant jamais été retrouvé, sa mort n'a pas été prononcée juridiquement, et le crime d'enlèvement et séquestration est toujours formellement soustrait aux lois d'amnistie.

Les lois d'amnistie de 1964 et 1968 interdisent toute action judiciaire directe aux victimes des innombrables violences commises entre 1954 et 1962, qu'elles aient été commises par les forces françaises, le FLN ou l'OAS. Mais les écrits que la Guerre d'Algérie a suscité, en particulier à propos de la pratique de la torture, ont fait l'objet de plusieurs procès en diffamation, intentés généralement par des hommes accusés d'avoir été des tortionnaires. En 1971, le général Massu reconnaissant la pratique de la torture dans "La Vraie Bataille d'Alger", mais la légitimait comme un moyen efficace de lutte contre le terrorisme (le même argument est repris par Paul Aussaresses). Paul Teitgen, ancien secrétaire général de la préfecture d'Alger en 1957, accusé par Massu d'avoir entravé l'action de l'armée en dénonçant la torture, porte plainte contre Massu... pour diffamation; de même, Jacques Peyrega, ancien doyen de la Faculté de droit d'Alger, traité de calomniateur par Massu pour avoir dénoncé l'exécution sommaire d'un Algérien. En 1970, le journaliste Jean-François Kahn a été condamné pour avoir accusé un ancien officier en Algérie, Roger Fauques, d'y avoir été un tortionnaire. En 1984 et 1985, "Le Canard Enchaîné" et "Libération" ont été relaxés pour avoir accusés Jean-Marie Le Pen d'avoir torturé et procédé à des exécutions sommaires : le tribunal avait estimé que Le Pen ne pouvait s'estimé diffamé par l'accusation de torture puisqu'il en approuvait l'usage en Algérie. En 1992, c'est Michel Rocard qui est relaxé dans un procès du même genre, intenté par le même Le Pen : le tribunal a estimé que Rocard avait "poursuivi un but légitime en portant (l'information selon laquelle Le Pen avait été un tortionnaire) à la connaissance" du public.

Quant aux crimes de guerre, puisque la Guerre d'Algérie a officiellement été reconnue comme telle en 1999, le procureur a considéré que même s'ils étaient prescrits, leur "apologie" constituait un délit au sens de la loi sur la presse du 29 juillet 1881.Le Parquet a donc attaqué 19 passages du livre de Paul Aussaresses ("Services spéciaux 1942-1954"). La Ligue des droits de l'Homme,. le MRAP, le Rassemblement démocratique algérien pour la paix et l'Action des chrétiens contre la torture se sont constituées partie civile, et ont cité cinq témoins, dont Louisette Ighilahriz, Simone Pâris de Bollardière, Henri Alleg et Pierre Vidal Naquet; l'avocat d'Aussaresses, Gilbert Collard, en a fait citer dix autres, dont le général Massu -qui a annoncé qu'il ne viendrait pas, pour raisons de santé- et le général Schmitt, qui est venu, pour "excuser" les tortionnaires et leurs "couvertures" politiques, qui se trouvaient "dans la position de défense d'une population européenne et musulmane en danger de mort". A quoi Henri Alleg a répondu que la guerre d'Algérie "que l'on présentait comme un combat pour notre civilisation était en fait une guerre contre l'indépendance d'un peuple, menée avec les méthodes des occupants nazis".

Quant à Aussaresses lui-même, il ne ne renie ni ne regrette rien de ce qu'il admet avoir fait, et il continue de légitimer la torture : "c'était nécessaire (...). C'est parce que je songe à toutes les morts de civils évitées, à l'époque en Algérie, que je n'ai pas de regrets. Et encore moins de remords". Et d'ajouter : "Si j'avais Ben Laden entre les mains, je referais sans hésitation ce que j'ai fait. (...) toutes les armées du monde utilisent, aujourd'hui encore, la torture". Ainsi, après le massacre d'El Halia*, il admet avoir abattu ou fait abattre 160 prisonniers algériens. De même, à la barre, Paul Aussaresses reconnaît-il que 3000 personnes, passées par le camp de Beni Messous, ont "disparu" (soit un détenu sur huit). Enfin, Aussaresses reconnaît être responsable de l'exécution sommaire, maquillée en suicide, du dirigeant FLN Larbi Men M'Hidi. Il affirme cependant n'avoir rien commis sans l'aval du pouvoir civil, et que le gouvernement de l'époque (en particulier les ministre de l'Algérie Robert Lacoste et de la Justice François Mitterrand) étaient au courant de presque tout ("Jean Bérard, un magistrat affecté aux côtés du général Massu, était un ami proche de François Mitterrand, il communiquait avec lui par téléphone tous les jours", et savait que les militants algériens étaient torturés et exécutés sommairement; il couvrait ces comportements et transmettait directement ses informations à Mitterrand, a affirmé Aussaresses, qui a également affirmé consigner chaque jour ses activités dans un cachier, dont trois copies étaient fournies aux autorités, dont une au ministre Robert Lacoste. Cette responsabilité du pouvoir politique a été confirmée par le général Schmitt (qui a justifié devant le tribunal l'emploi de la torture sous prétexte de "légitime défense", a déclaré qu'il serait lui-même prêt à la pratiquer, et qui a été nommément accusé par Louisette Ighilahriz d'avoir assisté aux sévices qu'elle a elle-même subi fin 1957). La responsabilité du pouvoir politique a également été mise en avant, sous forme de dénonciation, par Simone Pâris de Bollardière, veuve du seul général qui ait publiquement dénoncé la pratique de la torture et des exécutions sommaires : "Le gouvernement français est d'une culpabilité totale sur ce qui s'est fait. Il a donné les pleins pouvoirs à l'armée. Il a donné le droit de vie et de mort sur tout Algérien qui ne plaisait pas aux militaires", et d'une certaine manière, cette responsabilité du pouvoir politique le poursuit encore aujourd'hui : "Tout le monde savait ce qui s'est passé et celui qui a remis la Légion d'honneur à Aussaresses** savait ce qu'il avait fait", d'où l'absence totale de crédibilité de l'"effarement" dont ont témoigné les responsables politiques, dont Jacques Chirac, après la publication du rémoignage d'Aussaresses : "Il n'y a que ceux qui ne veulent pas entendre qui n'ont pas d'oreilles", a déclaré Simone Pâris de Bollardière, en rappelant que la pratique de la torture était connue avant qu'Aussaresses se soit mis à s'en vanter.

L'historien Pierre Vidal-Naquet, témoin des parties civiles, n'attend pas grand chose du procès, et regrette, comme beaucoup, qu'Aussaresses ne soit pas jugé pour ce qu'il a fait, mais pour avoir dit qu'il l'avait fait : "la torture est un crime, pas un délit de presse", et "le seul mérite de ce vieux tueur est justement d'avoir reconnu ses actes". Henri Alleg, auteur de "La Question", lui-même torturé par l'armée française, est du même avis : "le livre n'a apporté aucune nouveauté", mais Alleg le qualifie tout de même de "livre nocif" montrant "une jouissance perverse", avant de rendre hommage aux "dizaine de milliers de femmes qui n'ont rien dit et portent en elle les atrocités qu'elles ont subies" de la part de soldats français. En Algérie, "Le Quotidien d'Oran" constate lui aussi que "finalement, on ne juge pas Aussaresses pour les Algériens torturés et assassinés sans aucune forme de procès, mais on le juge pour avoir 'ouvert sa gueule', pour en avoir fait état, sans le moindre regret".

Il n'en reste pas moins qu'un procès pour "apologie de crimes de guerre" (ou de complicité dans ce délit) implique une double reconnaissance par un tribunal, et débouche sur une "double première" juridique : il y a eu guerre en Algérie, et des Français y ont commis des crimes. Le travail des historiens va sur ce terrain plus loin que celui de la justice, et les dernières études parues, notamment celle de Sylvie Thenault ("Une drôle de justice", La Découverte) confirment que la torture n'était pas une exception pathologique en Algérie, mais un véritable système.

*Le 20 août 1955, 35 Européens sont massacrés dans une émeute. Suite aux révélations d'Aussaresses, les avocats Gisèle Halimi et Michel Zaoui ont saisi en juin 2001 la ministre française de la Juatice, Marylise Lebranchu, d'une demande en révision des procès de 44 auteurs présumés du massacre, 44 Algériens dont deux ont été condamnés à mort, peine communée en travaux forcés à perpétuité. Aussaresses avoue dans son livre avoir arrêté 60 émeutiers sur les lieux du massacre le jour même, et les avoir exécutés sur le champ. Autrement dit, les condamnés des procès de Philippeville et Constantine, en 1958, n'étaient pas les auteurs du massacre, ceux-ci ayant été eux-mêmes, de l'aveu même d'Aussaresses, massacrés par les forces françaises. La ministre de la Justice s'est dite "personnellement favorable" à la révision des procès.
**Aussaresses a été fait chevalier de la Légion d'Honneur en 1948, officier en 1952 et commandeur en 1965.

(Le Monde 30.11) "Pour les parties civiles, c'est le procès de la guerre d'Algérie. Pour la défense c'est celui de la liberté d'expression. Pour moi, c'est celui d'un livre", a déclaré la substitut du Procureur, Fabienne Goget, qui a ajouté : "lorsque l'histoire entre dans un prétoire, le droit en sort". C'est pourtant bien l'histoire qui est entrée dans le procès, à travers le débat de principe sur la torture et son apologie, à travers un livre dont la substitut a déclaré que "rédigé par un autre" qu'Aussaresses, il avait été "largement provoqué" et "exploitement médiatiquement" par les éditeurs "dans le but de le faire vendre". Dès lors, ce sont les éditeurs (Olivier Orban, des éditions Plon, et Xavier de Bertillat, des éditions Perrin) qui ont "conçu ce livre", et sont coupables d'apologie de la torture, Aussaresses n'étant que leur complice. Le Parquet a réclamé 100'000 FF d'amende pour chacun des prévenus, soit Aussaresses,. Orban et Bertillat.

Sur le fond, c'est-à-dire sur l'accusation d'apologie de la torture, l'avocat de l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT), Guy Aurenche, a rappelé que l'interdiction de la torture était "universelle" et "absolue"; le président d'honneur de la Ligue des droits de l'Homme, Henri Leclerc, a ajouté que "la barbarie n'est acceptable ni d'un côté, ni de l'autre, mais (que) la force de la République, c'est la justice", ce qui lui interdit d'user des mêmes moyens que les "terroristes" qu'elle affirme combattre.

Communiqué de presse du MRAP

(Réf. PM131) Paris, le mercredi 28 novembre 2001

Torture en Algérie : pour une reconnaissance officielle

Le procès Aussaresses vient de mettre à jour toutes les exactions et les 
crimes, et toutes les souffrances endurées par les victimes de la torture au 
cours de la guerre d’Algérie. En se constituant partie civile, avec la Ligue 
des droits de l’homme et l’Association des chrétiens pour l’abolition de la 
torture, le MRAP entend oeuvrer à la manifestation de la vérité.

Ce faisant, le MRAP n’est pas animé par un esprit de vengeance. Il en appelle 
au respect du droit et de la justice. La torture en Algérie, loin d’être 
limitée à quelques dévoiements minoritaires ou à quelques bavures, a été une 
réalité massive, permanente, pratiquée par l’Armée française, dans le cadre 
d’un plan concerté par les pouvoirs politiques de l’époque.

La vérité tend maintenant, malgré les réticences et les dissimulations 
peureuses, à être peu à peu révélée, libérée. La vérité libère ceux qui en ont 
souffert, souvent atrocement, autant les victimes directes que leurs familles. 
Elle libère ceux qui parfois, pris dans l’engrenage collectif, ont cédé sans 
avoir le courage et la force de dire non. Elle libère aussi ceux qui ont porté 
le lourd secret d’une conscience brisée. Mais au-delà de cette guerre, l’œuvre 
de vérité doit embrasser notre histoire jusqu’au bout, sans concession.

La généralisation de la torture en effet n’est pas le fruit du hasard. Elle a 
été le prolongement d’une domination coloniale qui a asservi les populations. 
L’Algérie, possession française à partir de 1830, a été conquise, occupée, ses 
habitants humiliés, expropriés, privés de citoyenneté dans un pays qui pourtant 
était le leur. Ils furent soumis à un statut d’infériorité inhérent aux 
idéologies racistes des des politiques colonialistes. Les massacres et les 
tortures, des « enfumades » du 19ème siècle aux massacres de Sétif le 8  mai 
1945, sont parmi les ingrédients qui ont conduit à banaliser la torture, 
associant le mépris et la haine dans la négation de l’humanité. Pratiquer 
aujourd’hui la torture comme une arme banale, ainsi que semble la définir le 
Général Aussaresses, c’est pratiquer l’inhumanité la plus perverse : vouloir 
que l’autre n’existe pas.

En finir avec la culture de l’oubli est un défi pour l’avenir. Ceux qui ont su, 
qui ont osé dire « non » aux ordres criminels - car il y en eut, et peut-être 
plus qu’on ne pense - ceux qui luttent pour l’abolition de telles pratiques, 
tracent le chemin qui peut conduire à une cohésion nouvelle du peuple français, 
une cohésion qui commence par le choix premier de la paix. Répudier le mépris 
et l’infériorité, certains disent « demander pardon », c’est donner des signes 
concrets de réparations. Le chemin de la vérité doit être parcouru en même 
temps que celui de la justice. Poursuivre et sanctionner les auteurs de crimes 
contre l’humanité permettra de tourner la page, et d’entretenir des relations 
nouvelles avec les peuples qui furent colonisés, notamment par des aides 
réelles et sincères à leur développement. Faute de quoi les discriminations 
d’aujourd’hui, les dettes fabriquées, les promesses de développement non 
tenues, la soumission au profit d’abord, prépareront un terrain propice à 
d’autres tortures, à d’autres crimes et iniquités. Nous devons collectivement 
faire un choix autre et décisif.

Aussi, au-delà du procès Aussaresses, le MRAP demande solennellement au 
Président de la République et au Premier Ministre de reconnaître dans une 
déclaration publique l’utilisation par l’Etat français de la pratique 
systématique de la torture.


(Le Monde 24.11) Mohamed Garne, né d'un viol collectif commis par des soldats français sur sa mère algérienne pendant la Guerre d'Algérie, a été reconnu comme victime de ces violences, et mis au bénéfice d'une pension d'invalidité. La Cour régionale des pensions de Paris lui a acvcordé cette pension le 22 novembre, après 13 ans de procédure. La Cour a ainsi reconnu, contre l'avis du représentant du gouvernement, qu'on pouvait être victime des violences commises par des Français pendant la guerre d'Algérie, et pour la première fois, les difficultés juridiques qui entourent depuis la fin de la guerre, amnisties à la clef, les poursuites pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis pendant cette période ont pu être "contournées".

Mohamed Garne est né le 19 avril 1960, en Algérie, d'une jeune fille de 16 ans régulièrement violée par les militaires français. Lorsqu'elle s'est retrouvée enceinte à la suite de ces viols, les militaires l'ont frappée et torturée pour la faire avorter, sans y arriver. Après la naissance du bébé, on a éloigné sa mère, qu'il n'a retrouvée que 18 ans plus tard, plongée dans la misère, vivant entre deux tombes dans un cimetière. Le bébé a été confié à une nourrice : on le retrouvera à l'hôpital, anorexique et souffrant d'une fracture du crâne. Mohamed Garne se retrouve à l'orphelinat. On le place ensuite chez un couple, qui divorce alors qu'il a quinze ans, ce qui le conduit à nouveau à l'orphelinat.

Ce parcours de vie a atteint Mohammed Garne dans sa santé : Il souffre notamment d'une lourde dépression.

Le 14 mars 2000, sa demande d'indemnisation avait été rejetée par le Tribunal des pensions. Le 21 décembre, en appel, la cour désignait un expert pour déterminer son droit à une pension, droit conditionné aux termes de la loi à la nationalité française et au fait d'être victime directe de souffrances physiques. L'expertise a conclu que Mohammed Garne était bien la victime directe des souffrances physiques subies intra utero du fait des violences commises sur sa mère, et lui a donc accordé une pension (minimale, de 30 %, doit moins de 1000 FF par mois)

Dans son arrêt final, la cour a d'abord estimé que le viol n'ouvrait pas le droit à une pension pour l'enfant qui en est né (il pourrait en revanche l'ouvrir pour la mère, si elle était française), car il ne s'agit pas d'une violence directe mais indirecte. Pour le tribunal, la révélation du viol, trente ans plus tard, a certes provoqué un "choc émotif", mais pas de "dommage physique". De même, la séparation de la mère et de son fils n'est pas une violence physique au sens de la loi. Les violences subies ensuite du fait de la nourrice (ou de sa famille) sont bien, en revanche, des violences physiques, mais elles ne sont, selon le tribunal, qu'indirectement liées à la Guerre d'Algérie. En revanche, les souffrances physiques du foetus alors que la mère était battue et torturée sont bien, au strict sens de la loi, des violences physiques directes.

Pour Mohamed Garne et son avocat, le jugement final est une victoire : "Je suis la première victime de guerre en Algérie", a déclaré Mohamed Garne, qui a dédié sa victoire "aux peuples français et algérien, qui ont souffert tous les deux". Pour son avocat, Jean-Yves Halimi, "la raison du droit a prévalu sur la raison d'Etat". Le jugement fait en outre jurisprudence : les femmes violées et les hommes torturés pendant la Guerre d'Algérie peuvent désormais prétendre à une indemnité, à la triple condition qu'ils ou elles soient français(es), victimes de violences directes, et que ces violences aient été commises par des Français.

(Le Monde 8.12) Les députés français examineront le 15 janvier une proposition de loi du groupe des radicaux, du mouvement des citoyens et des Verts instituant le 19 mars comme "journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie", journée ni fériée ni chômée.

(ATS 14.12) La Cour d'appel de Paris a confirmé le 14 décembre le refus d'instruire une plainte pour crimes contre l'humanité déposée par le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) contre le général Aussaresses. L'avocat du MRAP a annoncé son intention de recourir contre cette décision, dont le MRAP estime qu'elle contribue "à empêcher la vérité d'émerger sur les actes de torture, les exécutions sommaires, les déportations commis durant la période coloniale de la France en Algérie". Quant au verdict du procès contre Aussaresses pour "apologie de crimes de guerre", il devrait être connu le 25 janvier. Le parquet n'avait pas ouvert d'enquête pour "crime contre l'humanité", comme le lui demandaient la Fédération internationale des Ligues des droits de l'Homme et le MRAP, car il estimait que la loi de 1968 amnistiait "toutes les infractions commises en relation avec l'Algérie" et que la notion de crime contre l'humanité ne pouvait s'appliquer en France que pour des faits postérieurs à 1994, à la seule exception de ceux commis par ou sous les ordres des nazis de 1939 (voire 1933) à 1945.

COMMUNIQUÉ DU MRAP :

Réf. PM143
Paris, le vendredi 14 décembre 2001

Procès Aussaresses : après le refus d’informer sur la plainte pour crime contre l’humanité, le MRAP se pourvoit en cassation

La chambre de l’instruction a, par décision en date du 14 décembre 2001, confirmé l’ordonnance de refus d’informer du Juge d’instruction Valat, sur la plainte pour crime contre l’humanité qui avait été déposée par le MRAP, à la suite de la publication du livre de Paul Aussaresses « Services spéciaux 1955- 1957».

Cette décision, contre laquelle le MRAP, par l’intermédiaire de son avocat Pierre Mairat, a décidé de former un pourvoi en cassation, contribue à empêcher la vérité d’émerger sur les actes de torture, les exécutions sommaires, les déportations commis durant la période coloniale de la France en Algérie. De plus, elle participe à conforter l’idée que la torture pourrait être, dans certains cas, une pratique légitime, ainsi que le défendait récemment le Général Schmidt.

Pourtant ni le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, ni l’amnistie ne sauraient empêcher l’application d’une norme coutumière internationale, qui s’impose en droit français. Sinon, comment aurait-on pu juger et condamner Paul Touvier, Maurice Papon, auxquels on reproche des faits de crime contre l’humanité qui lorsqu’ils ont été commis, ne faisaient pas l’objet d’incrimination particulière ni en droit français, ni en droit international ?

Le MRAP, qui espère que la Cour de Cassation prendra la mesure de la nécessité impérieuse de parcourir ce chemin de vérité et de justice, appelle une fois encore de ses voeux à ce que l’Etat français reconnaisse les crimes de torture, d’exécution sommaire et de déportation commis durant la période de la colonisation.


(AP 20.12) La plainte pour "crime contre l'humanité", "séquestration" et "assassinat" déposée par les soeurs de Larbi Ben M'Hidi, responsable du FLN, contre le général Aussaresses, qui avait reconnu avoir maquillé en suicide le meurtre de Larbi Men M'Hidi en mars 1957, a été déclarée irrecevable par le Parquet de Paris, qui a estimé que les faits étaient prescrits (alors que les avocats de la famille estimaient que l'aveu du meurtre et de sa falsification en suicide par Aussaresses avaient interrompu la prescription). Le Parquet estime en outre que la notion de "crimes contre l'humanité" ne s'applique en France qu'aux crimes commis par les forces de l'Axe pendant la Seconde guerre mondiale, ou aux crimes commis après l'entrée en vigueur, en 1994, de cette incrimination dans le code pénal français, ce qui exclut donc tous les faits survenus entre 1945 et 1994. Le juge n'est cependant pas tenu de s'aligner sur les réquisitions du parquet, et peut décider de continuer les poursuites.

2002

(AP, Reuters 15.1 / Le Monde 16.1 / Le Monde 17.1) L'Assemblée nationale française s'est penchée le 15 janvier sur un projet de loi émanant de la majorité de gauche et instituant le 19 mars comme journée nationale du souvenir (ni fériée, ni chômée) en mémoire des victimes de la guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie. Le 9 janvier, la Commission des affaires culturelles de l'Assemblée avait adopté le texte d'un projet commun aux socialistes, communistes, radicaux de gauche et Verts. La date du 19 mars correspond à celle du cessez-le-feu intervenu le 19 mars 1962, après les Accord d'Evian. Le projet fait suite à la reconnaissance par l'Assemblée nationale, le 18 octobre 1999, de la guerre d'Algérie comme guerre. Pour le président de la Commission des lois, le socialiste Jean Le Garrec, "le 19 mars n'a pas vocation à célébrer une victoire ou une défaite mais simplement à marquer un temps du souvenir". La proposition a cependant été très vivement combattue par la plus grande partie de l'opposition de droite, et plusieurs associations d'anciens combattants (y compris de harkis) et de rapatriés, proches du Front National, avaient appelé à manifester le 15 janvier devant l'Assemblée contre une "infamie" qui va "salir l'image de la France". Les associations d'anciens combattants ont cependant exprimé sur le sujet des avis divergents : la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie soutient le projet, que combat l'Union nationale des officiers de réserve.

Le vote solennel du projet est prévu le 22 janvier, après quoi le projet devrait être soumis (et vraisemblablement rejeté) au Sénat, puis revenir à l'Assemblée nationale pour adoption définitive, l'avis du Sénat pouvant être surmonté par celui de l'Assemblée. Le président du groupe socialiste de l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault, a cependant exprimé le souhait d'une majorité des deux tiers des inscrits à la Chambre basse, "sinon cela (voudra) dire que le débat n'est pas mûr et on restera là". Compte tenu du fait que les députés de l'opposition favorables au projet sont très minoritaires dans leurs groupes, cette majorité des deux tiers risque fort de ne pas être atteinte, et la nature des débats le 15 janvier laisse effectivement supposer que "le débat n'est pas mur", la "droite de la droite", à l'image de Philippe de Villiers, criant à la "trahison" pendant que le Secrétaire d'Etat aux anciens combattants, Jacques Floch, défendait le projet, en expliquant que "la guerre d'Algérie n'a pas suscité la réflexion profonde qu'elle méritait", après avoir été "neutralisée, aseptisée, quasiment occultée" pendant près de quarante ans, et que "le travail de deuil s'en trouve inachevé" et les mémoires "encombrées par les remords, les doutes, les souffrances enkystées".

L'opposition a axé son refus du projet sur le choix de la date du 19 mars, en soulignant que les combats s'étaient poursuivis après cette date, qui avait marqué également le début du massacre des harkis (qualifié de "génocide" par un député RPR).

(Le Monde 17.1) Le premier numéro d'un magazine français exclusivement consacré à la Guerre d'Algérie (dans la période 1954-1962, mais avec probablement des "coups de projecteurs" sur l'"avant" et l'"après") vient d'être diffusé en France : "Guerre d'Algérie Magazine", édité par le groupe de presse Michel Hommel, qui affirme vouloir "évoquer avec un esprit d'ouverture et sans positionnement partisan une période essentielle de l'histoire contemporaine". Le magazine, bimestriel, est tiré à 40'000 exemplaires. Il est le seul magazine grand public en France (et en Algérie) a être exclusivement consacré au conflit franco-algérien.

(AFP, MRAP 22.1 / Libération 23.1) Les députés français ont adopté en première lecture, le 22 janvier, par 278 voix contre 204 (35 abstentions), une proposition de loi consacrant le 19 mars comme "journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. Compte tenu de la majorité de droit au Sénat, devant qui le texte adopté par l'Assemblée doit maintenant être présenté, la majorité acceptante semble insuffisante pour que le gouvernement, qui souhaitait une majorité des deux tiers, inscrive l'examen du texte à la Chambre haute. La droit a en effet massivement voté contre le texte, approuvé par la seule majorité plurielle (moins six socialistes et un Vert). La droite a notamment invoqué les massacres des harkis pour refuser d'adopter la date du cessez-le-feu du 19 mars comme celle de la journée du souvenir (ni fériée, ni chômée). Le MRAP avait, avant le vote à l'Assemblée, salué la proposition de faire du 19 mars une journée du souvenir de la guerre d'Algérie et des combats d'Afrique du nord, "jour de Mémoire à jamais, qui parle de Paix".

En même temps paraît une sorte de "manifeste des officiers généraux" anciens d'Algérie, lancé sous la forme d'un "livre blanc de l'armée française en Algérie"*, cautionné par l'Association de soutien à l'armée française et 500 officiers (généraux et colonels) à la retraite, cosigné notamment par un journaliste d'extrême-droite, Martin Peltier. Le livre est destiné à un "contre-feu" aux révélations des généraux Massu et Aussaresses (qualifié de "Tartarin de la Génène" et d'allié objectif de "ceux qui cherchent à faire honte à la France". Le livre affirme que "ce qui a caractérisé l'action de l'armée en Algérie, ce fut sa lutte contre toutes les formes de torture, d'assassinat, de crimes idéologiquement voulus et méthodiquement organisés" .

* Contretemps, 2001

(Le Monde 24.1) Les services du Premier ministre ont confirmé le 22 janvier que le texte adopté par l'Assemblée nationale sur la reconnaissance du 19 mars comme "Journée nationale de souvenir à la mémoire des victimes des combats en Afrique du Nord", ne serait pas inscrit à l'ordre du jour du Sénat, faute d'une majorité suffisante à l'Assemblée pour garantir une adoption finale dépassant le clivage gauche/droite, au terme des "navettes" entre les deux assemblées. Le texte avait certes obtenu une assez large majorité à l'Assemblée nationale (278 voix contre 204), mais le gouvernement l'attendait plus large encore (au moins les deux tiers des votes), et moins "clivée" politiquement" : seuls quelques dissidents de droite (17) ont voté le texte, alors que six socialistes et trois verts votaient contre et quinze socialistes et trois verts s'abstenaient. Au delà des arrière-pensées politiciennes et des procès d'intention, le débat a notamment porté sur le choix de la date : le texte proposait le 19 mars, entrée en vigueur du cessez-le-feu conclu la veille avec la signature des accords d'Evian. Le 8 avril, ceux-ci furent approuvés par 90,7 % des votants lors d'un référendum en France et en Algérie, et l'indépendance fut ensuite approuvée en Algérie par 99 % des votants (après le départ de la plus grande partie des pieds-noirs). Pour une partie de l'opinion et des élus, le 19 mars n'étaient pas la "bonne date", d'autant qu'elle marque le début du massacre des harkis par le FLN. Mais comme le commente "Le Monde", "on peut se demander si cette guerre des dates ne masque pas une analyse dépassée de l'état de l'opinion" française, la majorité de celle-ci, et en particulier des jeunes, ayant cessé de considérer la Guerre d'Algérie comme un tabou, ou même comme une blessure : près de 60 % des personnes interrogées (et de 70 % des moins de 25 ans) lors d'un sondage en 2002 avaient jugé que "tout compte fait, l'indépendance de l'Algérie a été une bonne chose pour la France". Les étripages parlementaires ont donc une bonne génération de retard.

(MRAP 25.1 / AFP 26.1 / Le Monde 28.1) Le général Paul Aussaresses a été condamné le 25 janvier par le tribunal correctionnel de Paris à 7500 euros d'amende (50'000 FF) pour "complicité d'apologie de crime de guerre" après la publication en mai 2001 de son témoignage "Services spéciaux, Algérie 1955-1957". L'avocat du général, Gilbert Gollard, a annoncé son intention de faire appel contre une décision qu'il qualifie de "triomphe de la censure". Les éditeurs du général (Olivier Orban, de Plon, et Xavier de Bartillat, de Perrin) ont été condamnés à 15'000 euros d'amende (environ 100'000 FF) chacun, conformément aux réquisitions du parquet, pour "apologie de crimes de guierre". Il s'agit d'une condamnation pour délit de presse, puisque les crimes commis pendant la Guerre d'Algérie sont supposée être amnistiés et prescrits selon le droit français, même si aux termes du droit international ils ne sont ni amnistaibles, ni prescritibles en tant que crimes contre l'humanité. Pour le tribunal, l'apologie de crime de guerre consiste à présenter ce crime (la torture, les exécutions sommaires, les "disparitions") "de telle sorte que le lecteur est incité à porter sur ce crime un jugement de valeur favorable, effaçant la réprobation morale qui, de par la loi, s'attache à ce crime". Que la torture ou les exécutions sommaires soient prescrites importe peu, puisque le délit d'apologie peut "avoir trait à des crimes créels, passés ou simplement éventuels". En l'ocurrence, l'apologie est selon le tribunal caractérisée, non pas l'absence de regrets du général, ce qui ne "relève que du domaine de la morale et de la conscience", mais parce que la torture, "qualifiée d'inéluctable", est accompagnée "par un commentaire personnel légitimant cette pratique". Aussaresses a cependant des circonstances atténuantes, selon le tribunal : il a "à l'évidence (été) influencé dans un cheminement, certes personnel, mais mal maîtrisé par lui, sinon tracé par d'autres", et il est "l'acteur d'un passé qu'il ne s'agit plus de juger" et fait d'actes et de pratiques qui, "bien que hors-la-loi, aparraissent avoir été connus et tolérés par les plus hautes autorités militaires et politiques de l'Etat français, de surcroît jamais sanctionnés, et amntstiée depuis plus de trente ans". Mais Aussaresses a des circonstances atténuantes (non pour les crimes qu'il reconnaît avoir commis, mais pour leur "aveu" dans son témoignage), ses éditeurs, eux, n'en ont pas : ils ont "présenté sans aucune réserve cet ouvrage comme un témoignage "sans équivalent" et son auteur comme un "héros de roman", et ils ont pris "le risque d'encourager le passage à d'autres actes brutaux et inhumains". Ils ont pu "implicitement favoriser l'émergence de nouveaux tortionnaires, convaincus par les écrits de Paul Aussaresses que certaines situations critiques autorisent les débordements de violence et de cruauté qu'il revendique et assume publiquement".

Les parties civiles (la Ligue des droits de l'Homme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, l'Action des cherétiens pour l'abolition de la torture) ont obtenu un euro symboliue de dommages et intérêts. Elles se sont félicitées du jugement ("remarquablement motivé" selon le MRAP) mais ont affirmé que le procès de la Guerre d'Algérie restait "à faire". Pour le MRAP, le jugement "consacre la victoire du droit et de la justice" en confirmant que "les actes de torture et d'exécutions sommaires ne peuvent être légitimées de quelque manière que ce soit". Le MRAP demande "aux plus hautes autorités de l'Etat de reconnaître officiellement la commission (d') actes de torture et (d') exécutions sommaires durant la Guerre d'Algérie", et considère que "la France s'honorerait en regardant son histoire avec lucidité". Pour l'ACAT, "si le procès de la Guerre d'Algérie reste à faire, celui de la condamnation de la torture a marqué une étape nouvelle".

(Telerama) Le magazine français "Telerama" et le quotidien algérien "La Tribune" appellent Français, Algériens, Franco-algériens et Algéro-français "à écrire une lettre à un ami, vivant ou mort, connu ou anonyme, réel ou imaginaire, pour lui parler de l'Algérie, de la France, du passé, du présent, du futur", pour célébrer la date du 19 mars 1962, signature des accords d'Evian qui ont mis fin, sinon à la guerre, du moins à un "mariage colonial forcé". "Telerama" rappelle, en filigrane, que quarante ans après l'indépendance de l'Algérie, il y a cinq fois plus d'Algériens en France et cinq fois plus de quotidiens francophones en Algérie qu'en 1962. Le président Bouteflika avait d'ailleurs lui-même rappelé qu'après quarante ans d'indépendance, le nombre et la proportion des Algériens (en Algérie) maîtrisant le français étaient considérablement plus élevés (dix fois plus quant au nombre, trois fois plus quant à la proportion) que lorsque l'Algérie était, officiellement, "française"...

(El Watan 3.2) Les victimes, algériennes et françaises, des essais nucléaires effectués par la France à Reggane, dans le Sahara algérien, dès février 1960, ont décidé d'interpeller publiquement l'Etat français sur ses responsabilités, et d'engager des actions pour que la France reconnaisse les conséquences sanitaires des radiations provoqués par ces essais, sur ceux qui y ont participé et sur les population civile. En Algérie, une association a été créée (l'Association du 13 février 1960) pour regrouper les victimes potentielles des essais français dans la région de Reggane. Au Sahara algérien (Reggane, In Eker)la France a procédé à quatre essais atmosphériques et 13 essais souterrains. Les déchets sont restés sur place. Après l'indépendance de l'Algérie, les sites d'essais nucléaires français au Sahara ont été laissés par le nouveau pouvoir algérien à la disposition de la France pour cinq ans (après quoi ces essais ont été effectués en Polynésie). Après les essais atmosphérique de Reggane, la France a procédé dans le Hoggar (Taourirt Tan Affela, au nords de Tamanrasset) à des essais souterrains. Plusieurs milliers de personnes ont travaillé sur les sites des essais. Selon des spécialistes, les essais atmosphériques ont provoqué des retombées qui ont touché les populations des oasis de la région. On ignore au surplus si les installations ont été réellement et totalement démantelées, si les zonnes contaminées ont été effectivement décontaminées, et ce que l'on a fait des déchets.

(El Watan 10.2) Des membres de l'"Association du 13 février 1960", créée en Algérie pour demander réparation à la France des dommages provoqués par les essais nucléaires auxquels la France a procédé dès cette date en Algérie, notamment à Reggane, ont affirmé à "El Watan" que "les terres agricoles de Reggane, Aoulef, Zaouiet Kounda, sont devenues stériles" et que "des maladies et des habdicaps sont apparus" à la suite des essais, notamment la tuberculose et la cécité. L'Association, qui organise à partir du 13 février une rencontre à Reggane sur les essais et leurs conséquences sur l'environnement et la population, exige que la France reconnaisse sa responsabilité dans ces conséquences, et accorde réparation à ceux qui en ont été victimes.

(AP 8.2) Près de 7 Français sur dix (68 %) estiment que les autorités françaises n'en font pas assez pour que soit connue la vérité sur la Guerre d'Algérie, selon un sondage publié le 8 février par l'"Humanité". 28 % des personnes interrogées seulement déclarent être au courant de la répression policière de la manifestation anti-OAS au metro Charonne, en 1962. Les différences sont cependant considérables selon les classes d'âge : 54 % des 18-24 ans et 57 % des 25-34 ans déclarent ne pas en avoir entendu parler, alors que 79 % des 50-64 ans en ont entendu parler, et 41 % savent de quoi il s'agit. Ces différences pourraient donc signaler plutôt un manque d'intérêt des jeunes qu'un manque d'information disponible. Ce sont cependant les jeunes qui sont les plus exigeants (à l'égard des autorités) : 88 % des 18-24 ans souhaitent que "les autorités françaises fassent plus pour que soit connue la vérité sur les événements de cette époque".

(AP 13.3 / Jeune Indépendant 14.3) Onze famille de pieds-noirs ont déposé le 13 mars une plainte contre X pour crime contre l'humanité et complicité, enlèvement, séquestration et détention arbitraire, auprès du tribunal de Grande instance de Paris afin de faire connaître la disparition de proches parents après le cessez-le-feu du 19 mars 1962 mettant fin à la guerre d'Algérie. Selon l'avocat des familles, la loi d'amnistie de 1968, qui vise "toutes les infractions commises en relation avec les événements d'Algérie" ne concerne que les faits antérieurs aux accords d'Evian de mars 1962 -or les faits motivant la plainte y sont postérieurs. Quant aux crimes contre l'humanité, la jurisprudence français ne les reconnaît (jusqu'à présent) que s'ils ont été commis dans le cadre de la Seconde guerre mondiale, ou après 1994. La dépôt de la plainte intervient alors que l'on célèbre le 40ème anniversaire des accord d'Evian, et en pleine campagne électorale. Le Secrétaire général de l'association "Jeune Pied Noir", Bernard Coll, menace : "les harkis et pieds-noirs ne voteront que pour des candidats qui reconnaîtront la responsabilité de l'Etat français". L'avocat des familles accuse l'armée française de n'avoir "rien fait pour sauver les pieds-noires alors que la politique constante du FLN consistait à terroriser les populations européennes". Officielle 3080 pieds-noirs ont disparu en Algérie. Les associations de victimes en dénombrent 6000 à 9000. L'ancien Secrétaire d'Etat aux Rapatriés André Santini avait évoqué le chiffre de 25'000 pieds-noirs disparus après le cessez-le-feu.

S'agissant des harkis, l'ancien ministre du gouvernement provisoire algérien M'hammed Yazid a affirmé au forum du quotidien "El Moudjahid" qu'aucun harki n'avait été torturé en Algérie après les accors d'Evian (de nombreux témoignages de survivants affirmant cependant le contraire), et que si les harkis ont été emprisonnés par le FLN et l'ALN, c'était pour leur éviter d'être massacrés. Selon M'hammed Yazid, aucune directive n'a été donnée par le FLN pour massacrer les harkis -l'ancien ministre n'excluant toutefois pas qu'il y ait eu des "réglements de compte".

(Reuters 18.3 / AFP, AP, Reuters 19.3 / AP 20.3) Messe aux Invalides, ravivage de la flamme du Soldat Inconnu, dépôt de gerbes, cérémonies à Paris et dans d'autres villes, mais également manifestations de protestation, ont marqué le 19 mars le 40ème anniversaire des accords d'Evian mettant fin officiellement à la guerre d'Algérie (sans pour autant reconnaître qu'il s'était agi d'une guerre). "La page, très dure, très sanglante, a été tournée et la vocation de nos deux pays, l'Algérie et la France, est de retrouver la chaleur de leurs relations, qui est dans la nature des choses", a déclaré le président français (et candidat à sa réelection) Jacques Chirac (qui servit lui-même comme sous-lieutenant en Algérie, alors que son principal adversaire pour l'élection présidentielle, le Premier ministre Lionel Jospin, militait contre la guerre....). Le 20 mars, Jacques Chirac a rendu un "hommage solennel" aux harkis et aux militaires français qui ont combattu en Algérie, avec une attention particulière pour les pieds-noirs, les harkis et leur famille, "ces hommes (et) ces femmes qui ont été déchirés, obligés de quitter leur terre, la seule qu'ils aimaient, la seule qu'ils connaissaient". Jacques Chirac a reconnu que le drame vécu après les accords d'Evian par les harkis "est une page dramatique et honteuse de (l')histoire commune" de la France et de l'Algérie. La veille déjà, il avait déclaré que les harkis avaient été traités "de façon indigne, cruelle, inacceptable" par la France après les accords d'Evian. Le président a également salué les militaires, "qui se sont battus avec honneur, dignité et qui parfois sont suspectés de façon tout à fait indigne", référence à la multiplicité des témoignages récemment apparus sur les violations massives et systématiques des droits de l'homme (tortures, exécutions sommaires, viols entre autres) commises par des militaires français pendant la guerre.

Une messe du souvenir a été célébrés en l'église Saint-Louis des Invalides à l'initiative de la Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie, Tunisie et Maroc (FNACVA), en présence du Secrétaire d'Etat à la Défense chargé des Anciens combattants, Jacques Floch. Un cortège de 20'000 à 30'000 personnes s'est ensuite rendu par les Champs Elysées vers l'Arc de Triomphe. A Paris, le Maire Bertrand Delanoë a dévoilé la première plaque du Mémorial qui sera dédié aux soldats morts ou disparus en Afrique du Nord de 1952 à 1962, dans le cimetière du Père Lachaise."Reconnaître l'histoire et exprimer considération et reconnaissance n'est pas chasser une souffrance pour en reconnaître une autre", et "la souffrance de ces événements tragiques (est) la souffrance des appelés, des militaires de carrière, des harkis, des pieds-noirs, des Algériens", a déclaré Bertrand Delanoë.

Des manifestations de protestation des harkis et des rapatriés d'Algérie se sont déroulées à Nice et à Marseille, ou un millier de rapatriés, d'anciens combattants et de harkis ont dénoncé le choix de la date du 19 mars pour célébrérer la fin de la guerre, cette date étant pour eux celle d'une défaite (accompagnée de massacres de harkis et de l'exode des pieds-noirs). Quelques dizaines de harkis ont bloqué trois vies de la gare Saint-Charles. Deux candidats à l'élection présidentielle se sont également prononcés contre ce choix du 19 mars : le centriste François Bayrou qui y voit le risque de "raviver les blessures", et le néo-fasciste Bruno Mégret, pour qui il est aussi absurde de célébrer les accords d'Evian que de célébrer Waterloo. Par ailleurs, des harkis regroupés dans le comité "Harkis et Vérité" ont saisi le Conseil d'Etat pour contester la légalité de l'ordonnance du 21 juillet 1962 sur l'application des accords d'Evian, et la législation qui en a découlé, notamment la "loi Chirac" du 16 juillet 1987 et la "loi Romani" du 11 juin 1994, et les circulaires qui leur sont liées, tous textes que les harkis considèrent comme contraires à la Convention européenne des Droits de l'Homme.

Selon un sondage CSA (auprès d'un échantillon représentatif de 1000 personnes de plus de 15 ans) publié le 19 mars par "L'Humanité", 71 % des personnes interrogées estiment que les gouvernements français de l'époque ont eu tort de mener la guerre d'Algérie, contre 19 % qui estiment qu'ils ont eu raison "parce qu'il aurait fallu que l'Algérie reste dans la République française". Un peu plus du tiers des personnes interrogées (36 %) estiment qu'en France "on ne parle pas assez de la Guerre d'Algérie", 36 % estiment qu'on en parle "juste comme il faut" et 27 % estiment qu'on en parle "trop". La moitié des personnes interrogées (50 %) approuvent la demande faite aux autorités française de condamner solennellement la responsabilité des gouvernements de l'époque, contre 45 % qui s'opposent à une telle condamnation.

En Algérie, les accords d'Evian ont également été commémorés, alors que depuis 40 ans ils étaient occultés dans les célébrations officielles au profit de la proclamation de lindépendance (5 juillet) ou du déclenchement de l'insurrection (1er novembre). Les media algériens ont ainsi donné une couverture nouvelle à l'événement, dont la célébration n'a été introduite dans le calendrier des fêtes nationales qu'en 1998. Selon le sociologue Abdelmadjid Merdaci, ce silence de 35 ans s'explique par la main-mise des militaires sur l'Algérie, et leur peu d'inclination à célébrer la fin de négociations politiques conduites par des dirigeants civils, alors que le discours officiel reposait sur la thèse d'une victoire militaire de l'insurrection, et donc d'une victoire de l'ANP plurôt que de la direction politique du FLN. Or les accords d'Evian consacrent, à l'inverse de ce qui se passera ensuite en Algérie même, une sorte de "triomphe du politique sur le militaire", ce qui vaut d'ailleurs aussi bien pour le côté algérien que pour le côté français. En clair, le FLN a gagné la paix alors que l'ANP avait perdu la guerre, et la France a reconnu l'indépendance de l'Algérie alors qu'elle avait, militairement, vaincu la rebellion armée algérienne...

Enfin, selon un sondage publié le 19 mars par "El Watan" (réalisé auprès d'un échantillon de 1144 personnes de plus de 18 ans dans 13 wilayas), plus de 48 % des Algériens seraient favorables au retour en Algérie des Européens qui y avaient vécu avant l'indépendan, et 44 % y sont défavorables. 60 % des "sondés" considèrent que les Français de métropole ne sont pas aussi responsables que les Français d'Algérie des drames vécus par les Algériens pendant la guerre.

(El Watan 21.3 / Corr, CCFIS 22.3 / Reuters 23.3) A Marseille, pour son troisième grand meeting de campagne électorale, le Premier ministre-candidat à la présidence de la République Lionel Jospin a déclaré : "Un mur s'est effondré à l'Est, il faut empêcher qu'un autre mur s'élève au Sud, et a appelé à la réconciliation entre la France et l'Algérie, "patries voisines, éternellement voisines", pour qui le "besoin de vérité et de mémoire est considérable". A l'autre bord du paysage politique français, le candidat du Front National, Jean-Marie Le Pen, s'est élevé le 23 mars à Carpentras, dans une manifestation de pieds-noirs d'extrême-droite (dont l'ancien responsable de l'OAS Jean-Jacques Susini), contre la commémoration du 19 mars, date des accords d'Evian, et a affirmé que les exactions reprochées à l'armée française étaient sans commune mesure avec les tortures infligées par le FLN. Le Pen, qui a servi en Algérie -et a lui-même été accusé d'âvoir été un tortionnaire- a déclaré n'avoir "jamais vu" des tortures telles que celles qu'ont avoués plusieurs officiers français.

Quant à l'ancien ministre de l'information du gouvernement provisoire de la République algérienne, Mohammed Yazid, il a semble-t-il découvert que "certains harkis se sont glissés dans les arcanes du pouvoir et occupent aujourd'hui des postes importants" en Algérie, quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie...

(Le Monde 29.3) Quarante-cinq ans après la Bataille d'Alger, où il commandait le 3ème régiment de parachutistes coloniaux, le général Marcel Bigeard, 83 ans, a fait savoir qu'il souhaitait pouvoir se rendre à Alger pour rendre hommage aux martyrs de la guerre de libération, c'est-à-dire à ses anciens adversaires, en déposant une gerbe au monument qui leur est dédié. Le général Bigeard explique qu'il entend d'abord rendre hommage au chef du FLN algérois, Larbi Ben M'hidi, qu'il avait arrêté en 1957, et qui a, de l'aveu même du général Aussaresses, été assassiné par ce dernier le 4 mars 1957. "Quand on se bat contre un ennemi de valeur, il naît souvent une camaraderie bien plus forte qu'avec les cons qui nous entourent", a résumé Bigeard. L'une des soeurs de Larbi Ben M'Hidi a soumis le projet de Bigeard au président Bouteflika, en expliquant qu'elle voulait qu'"on fasse un pas vers la paix", et que son frère "a été torturé jusqu'à la mort, mais pas par Bigeard, ni sur son ordre". Par contre, torturée sur ordre des généraux Massu et Bigeard, Louisette Ighilahriz s'indigne du projet, d'autant qu'à la différence de Massu, qui a admis et regretté d'avoir utilisé la torture, Bigeard a toujours tout nié.

(Reuters 9.4) Le Comité national de liaison des harkis appelle à voter pour Jacques Chirac dès le premier tour de l'élection présidentielle, le 21 avril, et lors du second tour. "L'intérêt de la communauté (harkie) c'est de voter Jacques Chirac dès le premier tour", a déclaré à l'agence Reuters le dirigeant du comité, Boussad Azn, qui ajoute que "seul le candidat Chirac répond à nos aspirations même s'il ne s'engage pas à reconnaître 100 % de nos revendications". La communauté harkie représente aujourd'hui environ 350'000 électeurs.

(AP 11.4) Le président (et candidat à sa réelection) Jacques Chirac a signé le 11 avril un décret créant une nouvelle décoration, la "médaille de reconnaissance de la Nation", destinée aux militaires qui servent sur des terrains extérieurs. En avril 1997, le gouvernement d'Alain Juppé (sous la présidence de Jacques Chirac) avait créé une médaille semblable, la médaille d'Afrique du nord, réservée aux titulaires d'un "titre de reconnaissance de la Nation" (TRN) obtenu en Algérie, en Tunisie ou au Maroc. Le président Chirac a décidé, "pour des raisons d'équité", d'étendre le champ des bénéficiaires de cette décoration "à tous ceux qui ont servi ou servent sous les armes dans des circonstances similaires", c'est-à-dire dans des opérations extérieures (ce qui revient à constater que l'Algérie était entre 1954 et 1962 un terrain d'opération "extérieur", alors que le discours officiel était construit sur la proclamation que "l'Algérie, c'est la France").

(AFP 28.5) Le rapport 2002 d'Amnesty International met en cause la France pour son refus, exprimé par la justice dans l'affaire Aussaresses, de rouvrir le dossier de la torture et des exécutions sommaires pendant la Guerre d'Algérie, malgré les aveux circonstanciés et public (puisque publiés dans son témoignage édité en mai 2001) du général Aussaresses, et malgré plusieurs instructions judiciaires ouvertes sur des accusations de violations des droits humains pendant la Guerre d'Algérie, instructions dont plusieurs ont été "rapidement fermées", regrette Amnesty.

(Reuters 2.6) Jean-Marie Le Pen a accusé le 2 juin "Le Monde" de lancer un " véritable appel au meurtre" contre lui en publiant, dans son édition datée du 4, une semaine avant le premier tour des législatives françaises, un reportage sur la torture en Algérie, le mettant personnelement en cause alors qu'il nie avoir jamais pratiqué la torture lorsqu'il participait à la guerre d'Algérie (comme lieutenant). Le président du Front National accuse "Le Monde" de reprendre, "avec la complicité des services secrets algériens", des "faux témoignages de militants et de terroristes FLN déjà condamnée à neuf reprises par les tribunaux" (français), et d'alimenter ainsi "les attaques contre l'honneur de l'armée française et des anciens combattants d'Algérie", tout en commettant une "apologie indirecte du terrorisme"

(AP 3.6 / MRAP 4.6) Jean-Marie Le Pen s'est posé le 3 juin en victime d'un complot politico-médiatique après la publication le jour même, par "Le Monde", de quatre témoignages de militants algériens l'accusant d'avoir pratiqué la torture pendant la Bataille d'Alger, en février 1957. Jean-Marie Le Pen a annoncé qu'il allait poursuivre le quotidien en diffamation pour l'"agression" que représente, selon lui, la publication des témoignages d'Abdelkader Ammour, Mustapha Merouane, Mohamed Amara et Mohamed Abdellaoui, qui décrivent les sévices que leur ont fait subir Le Pen, alors lieutenant parachutiste dans la Légion étrangère. Le Pen affirme n'avoir "jamais fréquenté" les lieux évoqués dans ces témoignages, et n'avoir jamais rencontré le commandant Paul Aussaresses en Algérie. Il dénonce dans les témoignages d'anciens militants du FLN une "apologie du terrorisme" et une "agression scandaleuse contre l'armée française et les anciens combattants d'Algérie".

Le MRAP (Mouvement contre le racisme et l'antisémitisme et pour la paix) a réagi dans un communiqué, le 4 juin, aux témoignages des militants FLN torturés :

Le MRAP accueille sans surprise mais avec effroi les révélations accablantes de 
quatre victimes du Lieutenant Le Pen lors de sa participation à la guerre 
d’Algérie, à l’hiver 1957. Ces témoignages détaillés démontrent une nouvelle 
fois le caractère raciste de l’emploi de la torture lors du conflit, dirigée 
principalement contre la population indigène, et dans un but de terreur plus 
que de renseignement.
Pour le MRAP, ces nouveaux témoignages amènent à considérer l’action de Jean-
Marie Le Pen en Algérie comme un crime contre l’humanité, dont il aura à 
répondre devant la justice française. Il décide donc en la circonstance 
d’engager des poursuites judiciaires appropriées contre le tortionnaire Le Pen.
Quels que soient les obstacles juridiques, le MRAP estime que désormais la 
responsabilité de toutes les institutions, judiciaires comme politiques est 
engagée, pour la réparation de ce crime. 
C’est pourquoi le MRAP rappelle sa demande de voir les plus hautes autorités de 
l’Etat reconnaître officiellement la commission de ces actes de torture et ces 
exécutions sommaires, durant la Guerre d’Algérie. A l’instar de la 
reconnaissance officielle de la responsabilité de la France durant la Seconde 
Guerre Mondiale, dans la commission des crimes contre l’humanité perpétrés par 
les nazis, la France s’honorerait en regardant son histoire avec lucidité.


(Reuters 7.6) Le président du Front National, Jean-Marie Le Pen, a annoncé avoir déposé plainte en diffamation contre le quotidien "Le Monde" après la publication par celui-ci de témoignages de militants FLN l'accusant de les avoir torturé pendant la Bataille d'Alger, début 1957. Selon son supérieur de l'époque, le général Louis Martin, le lieutenant Le Pen n'était pas chargé d'"interroger les détenus" mais d'effectuer "des missions d'arrestation, de contrôles d'identité".

(AFP 3.7) Un juge d'instruction parisien a refusé d'instruire, pour des motifs juridiques, une plainte contre X déposée en mars par onze familles de pieds-noirs, pour "crimes contre l'humanité, arrestations et séquestrations arbitraires". La plainte avait été déposée par des proches d'une douzaine de personnes disparues ou assassinées, principalement entre la signature des accords d'Evian le 19 mars 1962 et l'indépendance de l'Algérie, le 5 juillet suivant. L'ordonnance de refus d'instruire a été signée début juin, et elle reprend les réquisitions du Parquet. Les avocats des familles ont fait appel le 12 juin de cette décision, et une trenteine de nouvelles familles devraient se joindre à la procédure en déponsant plainte le 5 juillet. Le refus d'instruire se base sur la jurisprudence française actuelle : les crimes commis pendant la Guerre d'Algérie sont amnistiés par la loi du 31 juillet 1968, et la notion de crime contre l'humanité ne s'applique en France qu'aux crimes commis depuis 1994, ou pendant la seconde guerre mondiale (et à la condition que ces crimes aient été commis par des forces de l'Axe, ou des forces sous leur contrôle". L'avocat des familles plaignantes a expliqué qu'"à partir des accord d'Evian, l'armée française s'est cantonnée dans les casernes, livrant le pays au chaos (et laissant se perpétrer) de nombreux réglements de compte, menés directement ou indirectement par le FLN", sans que les policiers et les militaires français n'interviennent "face à ces massacres et ces enlèvements", alors que "le maintien de l'ordre est le devoir premier de tout Etat", et que l'Algérie était encore sous souveraineté française (jusque début juillet)

(AP 5.7 / AFP 5.7 / La Tribune 8.7) Le Secrétaire d'Etat français aux anciens combattants (lui même ancien combattant d'Algérie), Hamlaoui Mekachera, a estimé le 5 juillet, à l'occasion du 40ème anniversaire de l'indépendance algérienne, que le devoir de mémoire devait se faire "doucement, mais sûrement" à propos de la guerre d'Algérie, et qu'il ne fallait pas "traumatiser" les générations nouvelles n'ayant pas connu cette guerre, mais la leur "expliquer simplement". Hamlaoui Mekachera, jeune officier en Algérie, a assuré n'avoir pas vu de tortures, et qu'il n'aurait pas admis des "débordements" de ce genre dans les unités où il a servi.

A Marseille, environ 150 rapatriés d'Algérie ont commémoré, non l'indépendance de l'Algérie mais les "massacres antifrançais" perpétrés à Oran le 5 juillet, et exigé une nouvelle fois la reconnaissance de ce qu'ils considèrent comme un "génocide" ayant fait entre 500 et 5000 morts ou disparus. Le président de l'amicale des Oranais, Roland Soler, a demandé au président Chirac de faire du 5 juillet une journée dédiée "à la mémoire de nos martyrs (...) ainsi qu'à celle de toutes les victimes innocentes de cette guerre d'Algérie, restée sans nom si longtemps". Onze famille pied noir ont porté plainte contre X pour crime contre l'humanité.

Le président Chirac a adressé au président Bouteflika un message de félécitations à l'occasion du 40ème anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. Le président français exprime à son homologue algérien "les voeux très chaleureux que la France forme à l'intention du peuple algérien ami", ses voeux personnels de "succès dans votre haute mission" et le souhait de la France que la coopération avec l'Algérie "porte ses fruits et participe ainsi à la construction d'un véritable espace euro-méditerranéen de paix, de prospérité et de modernité".

(Reuters 12.7) Le juge Jean-Paul Valat a décidé le 12 juillet, pour des motifs juridiques, de "refuser d'informer" la plainte déposée par la veuve de Maurice Audin, enseignant communiste "disparu" en juin 1957 à Alger après son arrestation par l'armée française. Le juge estime que les faits sont prescrits et couverts par l'amnistie décidée pour les faits en rapport avec la Guerre d'Algérie, que les crimes contre l'humanité ne peuvent être poursuivie en France que s'ils ont été commis pendant Guerre Mondiale (et par les forces de l'Axe ou leurs alliés) ou après 1994, et qu'en outre un non-lieu rendu dans une première enquête en avril 1962 à Rennes, confirmé en 1966 en cassation, revêtait "l'autorité de la chose jugée". L'avocate de Josette Audin a annoncé son intention de faire appel de la décision du juge. La plainte de Josette Audin avait été déposée pour "crime contre l'humanité, enlèvement et séquestration", ce qui théoriquement la faisait échapper à la période couverte par l'amnistie, puisque la "disparition" de la victime, après son arrestation, exclut que puisse être précisée la date de sa mort (l'armée française affirmait à l'époque que Maurice Audin s'était évadé, mais nul ne l'a plus revu, et son corps n'a jamais été retrouvé, ce qui laisse également ouverte l'hypothèse d'une séquestration arbitraire sans délai ni terme précis).

Le juge estime cependant que l'hypothèse d'une exécution sommaire de Maurice Audin en 1957 par les parachutistes français est la plus plausible, ce que divers témoignages (que la parquet de Paris n'a pas entendu) semblent confirmer.

(Quotidien d'Oran 4.8) Les enfants des anciens combattants algériens dans l'armée française lors de la seconde Guerre Mondiale ont créé, le 10 juillet à Alger, une Organisation nationale des enfants des anciens combattants de la seconde guerre mondiale (ONEACGM), pour défendre les intérêts moraux et matériels de ces anciens combattants, de leurs veuves et de leurs enfants, notamment en améliorant leurs conditions sociales, en défendant leur dignité et en luttant contre leur exclusion.

(AFP 20.8) Le Recours-France (Rassemblement et coordination des rapatriés et spoliés d'Outre-mer) a apporté le 20 août son soutien à la proposition du Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, de mettre en place une commission pour discuter la date de commémoration de la fin de la guerre d'Algérie. Une proposition de loi instituant le 19 mars "Journée nationale du souvenir" à la mémoire des victimes de la Guerre d'Algérie a été votée en janvier 2002 par l'Assemblée nationale française, alors à majorité de gauche, et sur proposition du gouvernement socialiste d'alors, mais cette date (cette du premier jours de l'application des accords d'Evian, et du début de massacres de pieds-noirs et de harkis) est contestée par plusieurs organisations d'anciens combattants et de rapatriés. Recours-France plaide pour trouver une date "consensuelle".

(AFP 15.9) Le Secrétaire d'Etat français aux anciens combattants, Hamlaoui Mekachers, lui-même d'origine algérienne, a déclaré le 15 septembre que la date de la commémoration de la fin de la Guerre d'Algérie devait "s'inscrire dans une démarche de rassemblement, faute de quoi elle perd son sens", et que ce sont les associations d'anciens combattants qui devront "aboutir à un accord sur cette date", que l'Etat n'a pas à imposer. Initialement envisagée pour le 19 mars par le gouvernement socialiste de Lionel Jospin, cette commémoration avait été vivement contestée par les associations de rapatriés et de harkis, cette date étant celle de la signature des accords d'Evian -et donc de la fin de l'"Algérie française", mais aussi du début des plus grands massacres de harkis.

(AFP 19.9) La Cour d'appel de Paris a fixé aux 20, 21 et 27 février 2003 la date du procès en appel du général Paul Aussaresses et de ses éditeurs, condamnés en première instance le 25 janvier 2002 à des amendes (de 7500 à 15'000 Euros) pour apologie et complicité d'apologie de crimes de guerre, après la publication du témoignage d'Aussaresses ("Services spéciaux, Algérie 1955-1957"), dans lequel il détaillait les tortures et exécutions sommaires sont ils s'était rendu responsable pendant la Guerre d'Algérie. Les éditeurs d'Aussaresses avaient qualifié leur condamnation de "triomphe de la censure".

(AFP 25.9) Le gouvernement français a à nouveau fait célébrer le 25 septembre la "Journée national d'hommage aux harkis", instituée par le gouvernement socialiste en 2001 pour rendre hommage aux combattants algériens de l'armée française pendant la Guerre d'Algérie. Le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a déclaré que "la place des harkis est dans (le) mémoire nationale" et a rendu hommage à ceux qui ont servi la France "sans faillir, souvent jusqu'au sacrifice suprême", et a estimé qu'il était "temps de leur rendre leur histoire, partie intégrante de notre histoire nationale". Plusieurs porte-parole des harbis et de leurs familles ont cependant estimé que cette journée d'hommage était insuffisante : "on veut que la France reconnaisse la responsabilité du gouvernement de 1962 dans les massacres commis en Algérie après le 19 mars 1962" (accords d'Evian), a déclaré le président du Comité national de liaison des harkis, Boussad Azni, alors que le président du collectif "Justice pour les harkis" dénonçait dans la journée d'hommage "une mascarade de plus" et exigeait de la France qu'elle assume "un devoir de réparation", y compris dans ses implications matérielles, comme des emplois réservés.


Le général Massu (en 2000) (AFP 27.10) Le général Jacques Massu est décédé le 26 octobre, à l'âge de 94 ans, à son domicile, dans le Loiret. Gaulliste de la première heure, engagé aux côtés du général Leclerc dans les Forces Françaises Libres, puis en Indochine, puis à Suez, Massu a commandé les forces françaises à Alger en janvier 1957, et a mené (et militairement gagné -mais politiquement perdu) la "Bataille d'Alger, en cautionnant l'usage de la torture -ce qu'il a finalement regretté en juin 2000, déclarant au "Monde" que "la torture n'est pas indispensable en temps de guerre", et considérant comme une "avancée" la reconnaissance et la condamnation par la France de la pratique de la torture en Algérie, désavouant ainsi certains de ces officiers, comme le général (à l'époque capitaine) Paul Aussaresses, qui ont justifié cette pratique par les "nécessités de la lutte antiterroriste".

(Le Monde 29.10) Le président Jacques Chirac a rendu le 27 octobre hommage au général Jacques Massu, décédé la veille, en relevant notamment dans un communiqué qu'"au soir de sa vie, alors que la France s'engage dans un débat difficile sur les pages douloureuses de son histoire récente, le général Massu assume ses responsabilités avec dignité, courage et honnêteté". Massu avait estimé ("Le Monde", 22 juin 2000), que la torture, dont il avait reconnu avoir couvert la pratique pendant la Bataille d'Alger, n'était "pas indispensable en temps de guerre", qu'il était "désolé" de l'avoir acceptée, et qu'"on aurait pu faire les choses différemment". Il avait encore précisé sa pensée le 23 novembre en déclarant au "Monde" que "si la France reconnaissait et condamnait ces pratiques", ce serait une "avancée". Le Secrétaire d'Etat français aux anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, a lui aussi rendu hommage à Massu, "homme de courage et d'honnêteté (qui) sur aussi, récemment, porter un regard digne et responsable sur les heures douloureusers de notre histoire contemporaine". Par contre, l'ancien subordonné de Massu, le général Bigeard, a estimé qu'on avait "profité du grand âge" de son chef "pour lui arracher des aveux". Enfin, la veuve du général de Bollardière, qui avait dénoncé l'usage de la torture et avait demandé à être relevé de son comandement en Algérie parce qu'il n'acceptait pas cet usage, a relevé que "Massu a obéi aux ordres d'un pouvoir politique qui porte l'entière responsabilité d'avoir donné les pleins pouvoirs à l'armée, laquelle a institutionnalisé la torture en Algérie. Mon mari a dénoncé cette situation. Massu, lui, l'a couverte", mais il est tout de même "le seul à avoir opéré, en quelque sorte, un retour sur lui-même".

(AFP 6.11) Le gouvernement français a chargé le 6 novembre une commission représentative du "monde combattant" de fixer une date pour la future journée de commémoration de la fin de la guerre d'Algérie. Le Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, a annoncé à la presse la formation de cette commission, composée de douze présidents d'associations et fédérations d'anciens combattants, commission placée sous la présidence de l'historien Jean Favier. La commission, a annoncé le Secrétaire d'Etat, "est chargée de trouver une solution à ce qui préoccupe le monde combattant depuis des années : une date qui convienne au monde combattant pour commémorer la fin de la guerre d'Algérie", et l'Etat "ne s'occupera ni de près ni de loin de ce ce débat". Les associations d'anciens combattants sont divisées sur la date de la commémoration : la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie propose la date du 19 mars, jour anniversaire du cessez-le-feu, date retenue dans un premier temps par l'Assemblée nationale, mais contestée par les associations de harkis et de pieds-noirs, pour qui cette date est aussi celle du début des massacres des leurs. L'Union nationale des combattants propose le 16 octobre, en référence à la date de l'inhumation des "soldats inconnus" de la guerre de 1914-18, de celle de 1939-45, de cette d'Indochine, de celle d'Indochine, et des cendres d'un déporté. D'autres proposent que la date du 11 novembre (fin de la Première guerre mondiale) soit retenue, compte tenu de la disparition inléuctable des derniers participants à ce conflit, comme une sorte de "Memorial Day" à la française, en hommage aux combattants de toutes les guerres.

Le président Chirac présidera le 5 décembre l'inauguration d'un "mémorial national de la Guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie", a annoncé le 28 novembre le ministère français de la Défense. Ce mémorial, situé Quai Branly à Paris, comprend trois colonnes de six mètres sur lesquelles un afficheur électronique fera défiler les noms et prénoms des soldats "morts pour la France", année par année. Une borne interactive permettra en outre de rechercher un nom particulier. 24'000 soldats français (Français d'Algérie ou de métropole, "indigènes" des colonies ou d'Algérie) ont été tués pendant la Guerre d'Algérie, de 1954 à 1962. Le projet d'un mémorial pour les combattants d'Afrique du Nord (côté français) avait été adopté en octobre 2001 par le gouvernement socialiste de Lionel Jospin.

(Reuters 5.12) Le président Jacques Chirac a salué le 5 décembre, "loin des polémiques et des passions" (mais en ne rendant hommage qu'aux combattants du côté français) la mémoire des soldats tués en Afrique du Nord entre 1952 et 1962, à l'occasion de l'inauguration du Mémorial national de la Guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie, érigé quai Branly, à Paris, au-dessus de la Seine. Le président français a rendu, devant plusieurs centaines d'anciens combattants, un hommage particulier aux harkis, supplétifs algériens de l'armée française en Algérie, qui ont "payé un très lourd tribu", et dont les enfants doivent "trouver toute leur place dans notre pays". Le mémorial fait défiler, par ordre alphabétique, année par année, sur un afficheur électronique les noms de 22'959 soldats, dont 3010 harkis, tués en Afrique du Nord entre 1952 et 1962. "Quarante ans après la fin de la guerre d'Algérie, après ces déchirements terribles, au terme desquels les pays d'Afrique du Nord se sont séparés de la France, notre République doit assumer pleinement son devoir de mémoire", a déclaré Jacques Chirac, qui a évoqué les soldats inconnus de la Guerre d'Algérie, dont les noms ne figurent pas sur le monument, notamment les harkis restés en Algérie après le cessez-le-feu et exécutés par l'ALN une fois l'indépendance acquise. Le président français, qui a servi en Algérie avec le grade de sous-lieutenant, a évoqué "l'expérience de la souffrance, de la mort, de la haine" mais aussi le malaise laissé par une "sale guerre" "dont on ne parlait pas, et qui a laissé de profonds sigmates dans notre mémoire nationale".

(L'Expression 19.12) La plainte en appel déposée par les deux soeurs de Larbi Ben M'hidi contre le général Aussaresses, qui avait reconnu être responsable de l'assassinat du responsable du FLN d'Alger après son arrestation en février 1957, a été jugée irrecevable pour des raisons formelles (des "obstacles juridiques") par la Chambre d'instruction de la Cour d'Appel de Paris, qui s'est appuyée sur l'amnistie générale du 31 juillet 1968, qui touchait tous les acteurs de la Guerre d'Algérie. Les deux soeurs de Ben M'hidi relevaient cependant que les crimes avoués par le général Aussaresses (torture, exécution extra-judiciaire) étaient, en droit français, imprescriptibles, en tant que crimes contre l'humanité.

2003

(AFP 23.1) La Commission formée par le Secrétaire d'Etat français aux Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, afin de choisir une date pour la future journée nationnale de commémoration de la Guerre d'Algérie, a choisi la date du 5 décembre. L'une des associations représentées dans la commission a cependant maintenu son attachement à la date du 19 mars (anniversaire du cessez-le-feu et des accords d'Evian), choisie initialement par l'Assemblée nationale, qui ne faisait pas consensus du fait de l'opposition des associations de rapatriés et de harkis. La date du 5 décembre correspond à celle de l'inauguration en 2002 du "mémorial national", quai Branly à Paris, à la mémoire des soldats français (dont les harkis) tués en Algérie, au Maroc et en Tunisie de 1952 à 1962.

(AP, AFP 19.2 / El Watan 20.2) Le procès en appel de l'ex-général Paul Aussaresses, condamné en janvier 2002 pour avoir dans son livre "Services Spéciaux, Algérie 1995-1957" justifié et légitimé l'usage de la torture, devait s'ouvrir le 20 février devant la Cour d'appel de Paris, Aussaresses avait été condamné à 7500 Euros d'amende, et avait fait appel de sa condamnation, pour "complicité d'apologie de crimes de guerre". Ses éditeurs avaient également été condamnés, et ont également fait appel. Aussaresses avait été condamné non pour les actes qu'il avait commis en Algérie, et revendiqué plus de quarante ans après, mais pour ses écrits. Les plaintes pour "crimes contre l'humanité", "crimes de guerre", séquestration ou assassinat avaient été déclarées irrecevables, du fait de l'amnistie de 1968, qui couvre "tous les crimes commis" en relation avec la guerre d'Algérie. Aussaresses et ses éditeurs se disent "confiants" et espèrent la relaxe : "mon livre n'est pas une apologie de la torture, c'est un témoignage", a déclaré Aussaresses, qui n'en a pas moins à nouveau, dans une déclaration à l'AFP, justifié son action en expliquant qu'elle avait pour but "de protéger la vie d'un grand nombre de gens" et qu'elle a été exercée contre des gens "comparables à ceux qui ont causé le massacre du 11 septembre". Et Aussaresses persiste et signe, déclarant n'avoir "aucun regret". La Ligue des droits de l'Homme et le MRAP se sont portés partie civile contre Aussaresses.

A Tebessa, le 19 février, le président Bouteflika a assisté à l'inhumation des restes de 652 personnes (hommes, femmes enfants) dont les corps avaient été retrouvés dans un charnier datant de l'époque coloniale, sur les lieux où était implantée une "Section administrative spéciale" et un groupement militaire, dirigé par le commandant Connord et le capitaine Leblanc. De nombreux corps portaient des traces de torture, d'exécutions sommaires. Certains avaient les mains et les pieds ligotés avec du fil de fer. Sur les 652 corps retirés après huit mois de fouilles, les médecins légistes ont dénombré 442 adules, dont 17 femmes, 38 adolescents, 19 enfants de 7 à 14 ans et 81 bébés de moins de 18 mois, dont neuf nouveaux nés.

(AFP 20.2 / Reuters 21.2) Le général Aussaresses a persisté, lors de son procès en appel, à justifier son action "spéciale" de 1955 à 1957 en Algérie, y compris sa pratique de la torture et des exécutions sommaires, mais s'est défendu d'en faire "l'apologie", ce dont l'accuse au contraire l'avocat de la Ligue des droits de l'Homme, Henri Leclerc. Le procès en appel d'Aussaresses s'est ouvert le 20 février. Le 21, le parquet a requis la confirmation de la peine de 7500 Euros d'amende prononcée en première instance contre Aussaresses, pour "complicité d'apologie de crimes de guerre", et de celles de 15'000 Euros prononcées contre les éditeurs du général (mis à la retraite d'office et suspendu de l'Ordre de la Légion d'honneur).

(AFP 19.3) Plusieurs centaines d'anciens harkis se sont rassemblés le 19 mars sur le Vieux-Port de Marseille, et à Arles, pour protester contre le choix du 19 mars, en référence à la signature du cessez-le-feu du 19 mars 1962, pour commémorer la fin de la Guerre d'Algérie. Pour le président de l'association AJIR (Association Justice Information Réparation pour les Harkis), Saïd Merabti, le 19 mars est la date du début des massacres de harkis, "souvent sous les yeux des militaires français qui ne sont pas intervenus".

(AFP 25.4) Le général Paul Aussaresses a été condamné en appel, le 25 avril à Paris, à 7500 Euros d'amence pour complicité d'apologie de la torture dans son témoignage ("Services spéciaux Algérie 1955-1957"). La Cour d'Appel a confirmé une décision prononcée en première instance. Les éditeurs du général, Plon et Perrin, ont été condamnés à 15'000 Euros d'amende pour apologie de la torture, ou complicité. La Cour d'Appel a estimé qu'Aussaresses avait justifié "avec insistance, tout au long du livre, la torture et les exécutions sommaire" et s'était efforcé "de convaincre le lecteur que ces procédés étaient 'légitimes' et 'inévitables', autrement dit (avait incité le lecteur) à porter un jugement favorable sur des actes qui constituent objectivement des crimes de guerre". La Ligue des droits de l'Homme et le MRAP s'étaient portés parties civiles, en estimant qu'accepter les propos d'Aussaresses revenait à "ouvrir la porte à la barbarie". Aussaresses, qui a affirmé n'avoir "ni regret, ni remord" d'avoir fait ce qu'il a fait, et de l'avoir dit, a annoncé son intention de se pourvoir en cassation et ses avocats ont annoncé qu'ils étaient prêts à aller jusque devant la Cour européenne des droits de l'Homme, au nom de la défense de la liberté d'expression. Les éditeurs ont également annoncé qu'ils allaient se pourvoir en cassation. En revanche, pour l'avocat du MRAP, la décision de la Cour est "une première victoire qui honore la France dans la mesure où elle lui permet de regarder son histoire en face avec courage et lucidité".

Une plainte pour crime contre l'humanité, déposée contre Aussaresses par le MRAP, est toujours pendante devant la Cour de cassation après avoir été jugée irrecevable par les instances précédentes.

(Le Monde 17.5, 18.5) Le président du Front National, Jean-Marie Le Pen, poursuivait les 15 et 16 mai le quotidien "Le Monde" en diffamation, après la publication les 4 mai et 4 juin 2002, en pleines élections présidentielle et législatives françaises, de témoignages l'accusant d'avoir pratiqué le torture en Algérie.

Mohammed Cherif Moulay a raconté devant la 17ème Chambre correctionnelle de Paris les tortures et l'assassinat de son père, à Alger en 1957, par Le Pen et ses hommes. Mohammed Cherif Moulay avait 12 ans le 2 mars 1957, lorsqu'une unité de parachutistes est arrivée dans sa maison, dans la casbah d'Alger. Les parachutistes étaient "dirigés par un homme blond, grand, fort, qui marchait au pas de course. Les autres l'appelaient 'mon lieutenant'. J'ai su plus tard qu'il s'appelait Le Pen", témoigne Mohammed Cherif Moulay, dont le père était un haut responsable politico-militaire du FLN. "Le lieutenant a fait un signe du doigt en le montrant aux paras. Mon père a été basculé du haut des escaliers et il a dégringolé jusqu'à la cour". Il a ensuite été déshabillé, attaché aux piliers de la cour, torturé à l'esu savonneuse administrée de force, puis à l'électricité. Il a ensuite été abattu d'une rafale de mitraillette. Son corps a été retrouvé le ventre gonflil d'eau, "la poitrine et le visage troué de balles, les commissures des lèvres tailladées". Selon lui, Le Pen aurait oublié sur les lieux de ces exactions un poignard portant son nom ("JM Le Pen, 1er REP"), poignard présenté au tribunal par la journaliste du "Monde" Florence Beaugé.

Abdelkader Ammour, venu témoigner au procès, rend également compte d'une opération comparable, survenue dans la soirée du 2 février 1957 dans la casbah, contre la maison de sa famille qui, ce soir là, abritait des membres importants du FLN algérois (Yacef Saadi, Djamila Bouhired, Zohra Drif, Hassiba Ben Bouali, notamment). "Celui qui dirigeait l'opération, le plus agité et le plus bruyant, grand bond à l'allure sportive, n'était autre que le lieutenant Le Pen". Mustapha Bouhired, l'oncle de Djamila, sera le premier torturé. Abdelkader Temmour le sera ensuite, d'abord à l'électricité, par Le Pen lui-même, puis à l'eau : "Le Pen était alors assis sur mon ventre à l'affût d'un aveu qui ne venait pas".

D'autres témoignages rapportés par "Le Monde" accusent également Jean-Marie Le Pen d'avoir été un tortionnaire. Devant le tribunal, ces accusations ont en outre été portées par deux témoins de la période (et non, directement, des faits reprochée à Le Pen), l'historien Pierre Vidal-Naquet et le journaliste Henri Alleg.

Le Pen, alors député poujadiste à l'Assemblée nationale française, s'était volontairement engagé en Algérie. Il n'y est resté que moins de trois mois (de janvier à fin mars 1957), le temps d'être décoré de la croix de la valeur militaire par le général Massu.

Absent du procès, le Pen a produit un témoin pour sa défense, le général Louis Martin, à l'époque capitaine de l'unité dans laquelle servait Le Pen, et qui a affirmé que sa compagnie ne pratiquait pas la torture, que Le Pen n'a pas procédé à des interrogatoires, et qui a jugé "invraisemblables" les accusations portées contre Le Pen.

Le représentant du Parquet, David Peyron, a demandé la relaxe du "Monde", dont il a qualifié l'enquête de "sérieuse*. L'avocat de Le Pen, Me Wallerand de Saint-Just, lui, accuse le quotidien de "manipulation" et d'information "dénaturée". L'avocat du "Monde", Yves Baudelot, rappelle que Le Pen lui-même a reconnu avoir fait usage en Algérie de moyens "illégaux" et "exceptionnels" et de "méthodes de contrainte", et que les généraux Massu et Aussaresses ont confirmé l'usage de la torture en Algérie par les unités de l'armée.

(Le Monde 17.5) Une centaine de députés de la majorité présidentielle (UMP) ont annoncé qu'ils allaient déposer une proposition de loi relative à la "reconnaissance de l'oeuvre positive des Français en Algérie". L'un des initiateurs de ce projet, le député de Toulouse Philippe Douste-Blazy, assure qu'il ne s'agit pas de "raviver des passions, mais simplement de reconnaître le travail effectué par certains de nos concitoyens", travail qu'on ne pourrait dissimuler qu'en commettant une "erreur historique".

(AFP 17.6) La Cour de Cassation de Paris a définitivement écarté le 17 juin toute possibilité de poursuivre le général Paul Aussaresses pour "crimes contre l'humanité", pour les actes qu'il a commis (et revendiqués) pendant la Guerre d'Algérie. La Chambre criminelle de la Cour a déclaré que la loi d'amnistie du 31 juillet 1968, portant sur tous les faits commis à l'occasion de la Guerre d'Algérie, excluait toute poursuite pour les faits admis par Aussaresses lui-même, et pour lesquels des plaintes avaient été déposées (pour crimes contre l'humanité) par la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme et le MRAP, après la publication en 2001 du livre de témoignage d'Aussaresses, "Services spéciaux Algérie 1955-1957". Pour ce livre, Aussaresses et ses éditeurs ont été condamnés en avril 2003 à des amendes de plusieurs milliers d'Euros (en appel) pour "apologie de la torture". Pour le MRAP et la FIDH, les crimes commis par Aussaresses, en tant que crimes de guerre et crimes contre l'humanité, sont rendus imprescriptibles par le droit international et le droit français, mais la Cour de cassation oppose à cette imprescriptibilité l'amnistie de 1968.

Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH)

Communiqué : Guerre d’Algérie / Affaire Aussaresses

Une occasion manquée au rendez-vous de la justice et de l’Histoire :

La Cour de cassation rejette la poursuite des crimes contre l’humanité commis pendant la guerre d’Algérie

Paris, le 18 juin 2003 - La Chambre criminelle de la Cour de cassation vient de rendre sa décision dans l’affaire qui a opposé la FIDH à l’ancien général de l’armée française, Paul Aussaresses, ancien coordinateur en 1957 des services de renseignements à Alger auprès du Général Massu. La FIDH exprime sa plus vive déception quant à cette décision qui consacre l’impunité des crimes commis pendant la guerre d’Algérie.

Le 29 mai 2001, la FIDH avait déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du Tribunal de grande instance de Paris du chef de crimes contre l’humanité. Le 11 septembre 2001, le juge d’instruction avait rendu une ordonnance de refus d’informer pour prescription des faits poursuivis. Cette décision avait ensuite été confirmée le 12 avril 2002 par un arrêt de la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris qui constatait en outre l’applicabilité de la loi d’amnistie contre les faits reprochés.

La Cour de cassation a rejeté hier le pourvoi de la FIDH contre cet arrêt de la Cour de Paris.

Pour refuser de poursuivre du chef de crimes contre l’humanité le Général Aussaresses qui décrit dans son livre intitulé « Services Spéciaux Algérie 1955 - 1957 » (Editions Perrin) les actes de tortures et d’exécutions sommaires commis à cette époque en Algérie et dont il assume et revendique le bien fondé, la Cour de cassation utilise des arguments très restrictifs, en contradiction flagrante avec l’évolution récente du droit pénal international :

La FIDH condamne la frilosité et le conservatisme de la décision rendue par la Cour de cassation qui refuse encore obstinément d’appliquer la coutume internationale alors même que faits incriminés obligent pourtant les Etats à poursuivre et juger les auteurs de crimes contre l’Humanité. La FIDH dénonce également l’interprétation restrictive et historiquement étroite de la Cour de cassation qui continuent à considérer que seuls les crimes nazis peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité.

«La Cour de cassation aurait pu enfin combler le vide juridique qui pour le crime contre l’humanité subsiste entre 1945 et 1994», estime Patrick Baudouin, avocat et Président d’honneur de la FIDH. « Elle lance au contraire clairement le message inverse, semblant verrouiller toute possibilité de poursuites pour cette période. La décision rendue dans l’affaire Aussaresses est un double rendez vous manqué. Elle symbolise le tabou français sur la recherche et la répression des crimes commis en Algérie et au surplus elle illustre le conservatisme de ceux qui refusent de voir les évolutions récentes de la justice pénale internationale ».

En inscrivant sa décision dans l’immobilisme, la Cour de cassation consacre à nouveau le tabou de la guerre d’Algérie et clos à jamais l’espoir légitime des victimes françaises et algériennes dans leur droit à la vérité et à la justice pour les heures sombres de leur histoire commune.


(AP 25.6 / AP 26.6 / le Monde 28.6) Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé le 26 juin le quotidien "Le Monde", poursuivi par le président du Front National, Jean-Marie Le Pen, accusé dans une série d'articles du quotidien, publiée en mai et juin 2002 (entre les deux tours de l'élection présidentielle française, qui mettait aux prises Le Pen et Chirac) d'avoir personnellement commis des actes de torture pendant la Guerre d'Algérie. L'enquête de la journaliste Florence Beaugé a été jugée "sérieuse et de bonne foi" par le tribunal, devant lequel la journaliste, et le directeur de la publication du "Monde", Jean-Marie Colombani, étaient poursuivis par le Pen pour diffamation. Pour "Le Monde", la décision du tribunal confirme que "le regard sur l'histoire fait évoluer la justice". En effet, jusque dans les années '80, la justice française considérait comme diffamatoire la publication de témoignages accusant notamment Le Pen d'avoir torturé en Algérie (en 1988, "Le Monde" et "Libération" avaient été condamnés pour cela. Mais en 1994, le "Canard Enchaîné" avait été relaxé, ainsi que Michel Rocard en novembre 2000).

Le tribunal correctionnel de Paris doit à nouveau se pencher sur des accusations de torture pendant le guerre d'Algérie, après deux actions en diffamation intentées par la militante FLN Louisette Ighilahriz et l'appelé français du contingent Henri Pouillot, contre l'ancien chef d'état-major de l'armée française, le général Maurice Schmitt, qui avait traité Henri Pouillot de "menteur" et de "criminel" et Louisette Ighilariz d'"affabulatrice", après la publication de leurs témoignages. Pour Henri Pouillot, qui relate dans son livre "La ville Sesini" (ed. Tiresias) son expérience d'appelé confronté à la torture, le général Schmitt, qui était en 1957 dans les services de renseignements, a au moins été présent lors de séances de torture, et l'a peut-être lui-même pratiquée -ce que le général nie, contre des témoignages d'anciens militants du FLN. Le général a cependant légitimé la torture lors du procès du général Aussaresses (qui, lui, a admis l'avoir pratiqué, et l'a même revendiqué). Quant à Louisette Ighilariz, elle raconte dans son livre "L'Algérienne" (ed. Fayard) les deux mois de torture et de viols subis pendant la guerre d'Algérie, alors qu'elle était agent de liaison du FLN.

(AFP 12.7 / Le Monde 13.7) Le procureur a donné tort, le 11 juillet, à l'ancien chef d'état-major des armées françaises, le général Maurice Schmitt, poursuivi pour diffamation par un ancien appelé du contingent pendant la Guerre d'Algérie, Henri Pouillot, que le général avait traité de "criminel" et de "menteur", et accusé de rafler des jeunes filles dans Alger pour les violer avec ses camarades. Dans un débat télévisé sur France 3, henri Pouillot avait témoigné des exactions commises par l'armée française pendant la Guerre d'Algérie. Pour le Procureur, le général s'est effectivement rendu coupable de diffamation. Le jugement a été mis en délibéré, à la même date (10 octobre) que celui du procès opposant le même général Schmitt à l'ancienne militante FLN Louisette Ighilariz.

(AP 17.9) Le président français Jacques Chirac a choisi la date du 5 décembre pour célébrer la mémoire des 24'000 Français (les victimes algériennes "indigènes", pourtant françaises de droit à l'époque, puisque l'Algérie était formée de départements français, n'étant pas comptabilisées comme victimes françaises...) morts pendant la Guerre d'Algérie et les affrontements au Maroc et en Tunisie, a annoncé le 17 septembre le Secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera. La date du 5 décembre a été retenue en référence à l'inauguration par Jacques Chirac du mémorial dédié aux combattants (côté français) d'Afrique du Nord. Une commission présidée par l'historien Jean Favier avait suggéré cette date, qui était en concurrence avec celle du 19 mars 1962 (date des accords d'Evian), à laquelle s'opposaient les organisations de rapatriés et de harkis pour qui cette date est le symbole de leur exil, et du début des massacres de harkis. La date du 19 mars, a néanmoins précisé H. Mekachera, peut continuer à être retenue pour commémoration par "ceux qui le souhaitent".

Le Parti communiste français a protesté contre le choix du 5 décembre pour célébrer la mémoire des Français morts pendant la Guerre d'Algérie : cette date n'a "aucune signification historique par rapport à cette guerre", a constaté le député PCF Maxime Gremetz, qui a rappelé que l'Assemblée nationale française avait choisi comme date de commémoration et de "Journée nationale du souvenir et du recueillement" celle du 19 mars (par référence aux accords d'Evian de 1962, marquant la fin "officielle" de la guerre).

La Fédération nationale des anciens combattants d'Algérie (FNACA) a également estimé que le choix d'une date sans "signification historique" était "scandaleux", et négligeait "non seulement l'acte majeur historique qui fut celui du général de Gaulle" (les accords d'Evian), mais également l'avis de "la première association d'anciens combattants au plan national, dont les 370'000 adhérents demeurent attachés à la commémoration du 19 mars". La FNACA demande que la décision gouvernementale soit "rapportée", et annonce qu'elle ne participera pas aux cérémonies du 5 décembre.

(AFP 23.9, AP 24.9, Jeune Indépendant 25.9) Le 25 septembre a été proclamé (par décret, le 31 mars 2003) "journée nationale d'hommage aux harkis" (supplétifs algériens de l'armée française lors de la Guerre d'Algérie), "en reconnaissance des sacrifices qu'ils ont consenti du fait de leur engagement aux côtés de la France, lors de la guerre d'Algérie", et plusieurs cérémonies devraient se dérouler, sur fonds de contestation, plusieurs associations de rapatriés et de harkis ayant décidé de les boycotter. L'Association des Français rapatriés d'Afrique du Nord (AFRAN) appelle ainsi les associations de rapatriés à s'unir pour boycotter la "journée d'hommage aux harkis" et dénoncer "l'absence de politique concrète en faveur de cette communauté". L'AFRAN annonce que "l'ensemble des associations de rapatriés du Nord Pas de Calais" ont adopté cette position, et qu'une contre-manifestation sera organisée, afin de rappeler que la solution du "drame des harkis" doit passer "impérativement par l'indemnisation, l'insertion économique, sociale et professionnelle, la lutte contre les discriminations et les exclusions".

Par ailleurs, le Conseil de Paris (municipalité) a décidé, contre l'avis de l'opposition municipale de droite, de donner à une place du XIIème arrondissement de la capitale le nom de "place du 19 mars 1962", date du cessez-le-feu en Algérie. L'adjointe PS au maire, chargée du patrimoine, en a profité pour qualifier d'"invraisemblable" la décision du Président Chirac de fixer au 5 décembre la date de la commémoration de la Guerre d'Algérie, ce qui, selon elle, "perpétue l'injustice et le déni de mémoire dont les anciens combattants et les victimes de la guerre d'Algérie pensaient être sortie". Le président du groupe UMP (opposition municipale de droite, dont la composante principale est l'ex-RPR néo-gaulliste), Claude Goasguen, a dénoncé le caractère "politicien" de la décision de la municipalité de Paris, à qui il a reproché d'omettre de rappeler "qu'il y a eu 100'000 morts après la date de la signature des accords d'Evian" (Claude Goasguen omettant pour sa part de dire que ces accords ont été négociés et signés par le gouvernement du général De Gaulle, sur instruction du général). Pour le président du groupe PS, en revanche, la date du 19 mars (celle des accords d'Evian) est une "référence historique" qui permet de rendre hommage à "toutes les victimes de la Guerre d'Algérie", contrairement à celle du 5 décembre, qui ne correspond à aucun événement marquant de cette période.

Dans un entretien au "New York Times", le président Jacques Chirac s'est appuyé sur l' 'expérience de la Guerre d'Algérie pour contester la stratégie américaine en Irak : "Nous savons d'expérience que vouloir imposer de l'extérieur une loi à un peuple, ça ne marche plus depuis longtemps", a déclaré le président français, qui a rappelé qu'"en Algérie, au départ, nous avions une armée considérable, des moyens énormes (alors que) les fellaghas étaient une petite poignée" -mais ce sont eux qui "ont gagné"...

(AFP 10.10) Le général Maurice Schmitt, ancien chef d'état-major des armées françaises, a été condamné le 10 octobre pour diffamation à l'encontre d'un ex-appelé français en Algérie, et de la militante FLN Louisette Ighilahriz, qu'il avaient accusés de mentir lors de leurs témoignages sur la torture pendant la guerre d'Algérie. Louisette Ighilahriz avait affirmé avoir été violée et torturée pendant la "Bataille d'Alger", et Henri Pouillot avait affirmé avoir assisté à des séances de tortures en 1961. Le général a été condamné à un euro symbolique de dommage-intérêts pour Louisette Ighilahriz et 1500 euros à Henri Pouillot, mais n'a pas été condamné pénalement, la loi d'amnistie du 6 août 2002 ayant amnisté les diffamations commises avant le 17 mai de cette année.

Communiqué du MRAP

Deux procès contre la torture gagné

Ce vendredi 10 octobre, le tribunal correctionnel de Paris a condamné
pour diffamation Maurice Schmitt, ex-chef d'état major des armées, à
des dommages et intérêts et à l'astreinte de faire publier sa
condamnation dans trois journaux.

Maurice Schmitt a été condamné pour ses propos visant à la fois Henri
Pouillot, un ancien appelé qui affirme avoir assisté à des tortures à
Alger, qu'il avait qualifié de " menteur ", et Louisette Ighilahriz,
qui affirme dans un livre, qualifiée d'" affabulations " par Maurice
Schmitt, avoir été torturée en Algérie par des militaires français.

Le Mrap se félicite de ces deux décisions de justice qui ont permis à
Louisette Ighilahriz et Henri Pouillot de retrouver leur honneur
bafoué par les propos de Maurice Schmitt. Nous nous félicitons de la
détermination et du courage de l'un et de l'autre contre celui qui a
occupé les plus hautes fonctions des armées en France.

Pour le Mrap, cette décision a valeur de symbole : c'est la première
fois qu'une aussi haute personnalité impliquée dans la guerre
d'Algérie est condamnée. C'est une étape importante sur le chemin de
la justice, de la vérité, et de la mémoire. Cela permettra d'aider à
ce que les jeunes issues de l'immigration, en quête d'identité,
puissent se reconstruire. 

Le Mrap attend que cette décision soit prolongée par une condamnation
des plus hautes autorités françaises de la pratique de la torture en
Algérie et du rôle de l'Etat français dans celle-ci. 

Paris, le 10 octobre 2003.


(Le Quotidien d'Oran 16.10) La Mairie (communiste) de Nanterre a fait apposer, et inaugurera le 17 octobre, au centre ville, une plaque commémorative des massacres commis lors de la répression des manifestations du FLN le 17 octobre 1961 dans la région parisienne. Nanterre était alors le lieu d'un immense bidonville, à forte population algérienne, d'où les premiers groupes de manifestants étaient partis en direction de Paris. Le couvre-feu décrété par Maurice Papon y avait été appliqué avec une brutalité toute particulière.

(AFP 17.10) La plaque commémorant à Nanterre la répression de la manifestation algérienne du 17 octobre 1961 à Paris a été inaugurée le 17 octobre à Nanterre par la députée-maire (PCF) Jacqueline Fraysse, qui, après avoir fait respecter une minute de silence à la mémoire des victimes de cette répression, au plaidé pour la "réconciliation" et le "devoir de mémoire". Comme celle apposée à Paris en 2001 par le maire socialiste de la capitale française, Bertrand Delanoë, la plaque de Nanterre porte l'inscription : "à la mémoire des nombreux Algériens tuée lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961".

Le même jour, à Paris, plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées sur le pont Saint-Michel pour le 42ème anniversaire du massacre du 1961, et ont déposé des gerbes de fleurs devant la plaque commémorative, ou jeté des fleurs dans la Seine. Le représentant de la communauté algérienne de Paris, Lakhdar Baata, a regretté que "le chiffre officiel des morts (n'ait) toujours pas été dévoilé"


Communiqué du MRAP :

17 octobre 1961 : un crime d'Etat

Le 17 octobre 1961, des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants -
qu'on appelait à l'époque " Français-musulmans " - manifestent
pacifiquement contre un couvre feu raciste décrété par Maurice Papon,
alors Préfet de Police de Paris. Commence alors une répression
sanglante qui se poursuivra jusqu'au 20 octobre : arrestations
massives, assassinats, tortures, déportations frapperont aveuglément
les Algériens de Paris et de la banlieue. Plus de 200 d'entre eux
seront assassinés par des policiers sur ordre de leurs supérieurs.

Dès le 18 octobre 1961, le MRAP appelait à un meeting de protestation.
Depuis plus de 10 ans il se bat contre l'oubli, pour la vérité et la
justice car ces pages sombres de notre histoire constituent un levier
pour le racisme anti-algérien et plus généralement anti-maghrébin qui
trouve ses sources dans l'amnésie et le refoulement collectif.

Des avancées ont eu lieu dans la reconnaissance de ce crime d'Etat.
Notamment avec la pose d'une plaque commémorative en hommage des
victimes du 17 octobre par le Maire de Paris Bertrand Delanoë. La
condamnation du Général Schmitt pour ses propos visant Henri Pouillot,
ancien appelé, témoin des tortures pratiquées à l'encontre de
prisonniers à Alger, et de Louisette Ighilahriz, torturée par des
militaires français est une nouvelle étape vers la justice et la
vérité

Cependant, notre combat est loin d'être terminé. Le MRAP attend une
reconnaissance officielle de ce massacre d'Etat commis le 17 octobre
1961 ainsi que la condamnation par les plus hautes autorités
françaises de la pratique de la torture pendant la guerre d'Algérie.

Le MRAP appelle à se rassembler le 17 octobre 2003 de 18h à 20h sur le
Pont St Michel, un des lieux symboliques de cette tragédie.

Paris, le 16 octobre 2003.


(AFP 2.11 / AP 3.11 / AFP 5.11) Un collectif de harkis du sud-ouest a déposé à la mi-octobre une plainte contre X pour "crimes contre l'humanité" pour les massacres des harkis à l'indépendance de l'Algérie. Selon l'avocat des plaignants, Alain Bousquet, la plainte vise implicitement "les membres des gouvernements de la IVe et de la Ve République française", ainsi que les autorités algériennes. Selon les plaignants, la France était, jusqu'à l'indépendance de l'Algérie le 3 juillet 1962, et donc entre les accords d'Evian du 18 mars et cette date (période où les harkis, abandonnés par l'armée française ont été massacrés), garante du maintien de l'ordre en Algérie, et à ce titre responsable de la sécurité de ses supplétifs algériens (les harkis, prélcisément). Selon les plaignants, les massacres de harkis ont été "permis sciemment" par les autorités françaises, qui ne pouvaient pas ne pas les prévoir, et encore moins les ignorer dès lors qu'ils avaient commencé.

D'autres familles de harkis ont annoncé leur intention de déposer plainte contre le ministre des Armées de l'époque (en ancien Premier ministre), Pierre Messmer, lequel a déclaré qu'il avait la conscience "tranquille", et qu'il avait "des rfegrets, mais pas de remords". Messmer assure qu'il avait voulu réagir militairement aux massacres, mais que le général De Gaulle lui-même l'en avait dissuadé en lui demandant s'il voulait "recommencer la guerre d'Algérie". Le président du Comité national de liaison des harkis, Boussad Azni, a cependant qualifié de "coup médiatique" la plainte éventuelle contre Pierre Messmer, et exprimé son opposition aux plaintes nominatives.

Dans le même temps, un livre de Georges-Marc Benamou ("Un mensonge français. Retours sur la guerre d'Algérie" relance la polémique sur la responsabilité du gouvernement français de l'époque, en soutenant que harkis et pied-noirs ont été volontairement sacrifiés. Entre 50'000 et 150'000 harkis, selon les sources, ont été massacrés entre le 18 mars et le 31 juillet, par des membres du FLN ou des "combattants de la dernière heure" se rangeant au dernier moment dans les rangs des vainqueurs de la lutte pour l'indépendance.

Selon un sondage CSA effectué à la mi-octobre auprès d'un échantillon d'un millier de personnes. 68 % des personnes interrogées estiment que la France s'est "mal conduite" à l'égard des harkis (22 % sont d'un avis contraire), 44 % qu'elle s'est "mal comportée" à l'égard des Pieds Noirs (42 % sont d'avis contraire) et 43 % qu'elle s'est "mal comportée" à l'égard des Algériens (42 % sont d'un avis contraire). Cependant, 55 % des personnes interrogées considèrent que la France ne devrait pas "demander officiellement pardon" à l'Algérie pour les 130 ans de colonisation (37 % estiment au contraire qu'elle devrait le faire), 43 % que la situation de l'Algérie et des Algériens "était meilleure" quand l'Algérie était française que depuis l'indépendance (36 % sont de l'avis inverse). 22 % des personnes interrogées estiment que la guerre d'Algérie s'est soldée par une "défaite française, et les deux tiers (66 %) que tout n'a pas été dit sur cette période.

(Quotidien d'Oran 15.11) Une conférence-débat sur le thème "Algérie : devoir de mémoire, devoir de solidarité", et à laquelle participaient, à l'Institut du Monde Arabe de Paris, le 13 novembre, le président du Front des forces socialistes, Hocine Aït Ahmed, ainsi que des militants de la solidarité avec la cause algérienne lors de la guerre d'indépendance, a été interrompue par une alerte à la bombe, qui a provoqué l'évacuation de la salle.

(AFP 5.12) La France a rendu le 5 décembre un premier "hommage national", officiel, aux victimes de la Guerre d'Algérie, mais dans la division des associations d'anciens combattants (la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie, FNACA, qui revendique 370'000 adhérents boycottant les cérémonies en rejetant "catégoriquement" le choix de la date "abracadabrantesque" du 5 décembre, en affirmant que "seule la date historique du 19 mars, anniversaire du cessez-le-feu du 19 mars en 1962 en Algérie, peut convenir pour un tel hommage", position partagée par le Parti communiste).

2004

(El Watan 12.2) Plus de quarante ans après les essais nucléaires français dans le sud saharien algérien, dans la région de Reggane (w. Addar), une victime des effets de ses essais, M. Bendjebbar, et une association de victimes constituée le 15 mars 2003, tentent de lever le voile sur ce qui est toujours un secret d'Etat, en France comme en Algérie. Selon des témoins français des essais, des déchets hautement radio-actifs avaient été placés dans des bunkers bétonnés supposés étanches, qui sont toujours sur place, dans le Tanezrouft. Une assistante sociale algérienne ayant travaillé dans la région déclare avoir découvert dans la population locale une proportion anormalement élevée de handicapés, présentant des malformations congénitales des membres inférieurs et supérieurs, ou une cécité, ainsi qu'une proportion anormale de femmes ayant accouché sous césarienne, ou ayant présenté soit une puberté tardive, soit une ménopause précoce. Les essais nucléaires français se sont poursuivis dans le sud saharien algérien jusqu'en 1967, conformément aux accords d'Evian.

(Politis 13.2) Michel Delsaux, Rémi Serres, Georges Treilhou et Armand Vernhettes, quatre anciens combattants de la Guerre d'Algérie, ont créé en janvier une association pour faire don de leur pension d'anciens combattants à des organisations pacifistes. Les membres de l'association s'engagent à reverser pendant au moins un an à des oprganismes oeuvrant pour la paix le montant de leur retraite d'ancien combattant (423 euros par mois).

Association des anciens appelés en Algérie contre la guerre
BP 229
F-81006 Albi Cédex
CCP 960 147 E centre Toulouse

(El Watan 18.2, 19.2) Un hommage a été rendu le 18 février au cimetière de Diar Essaâda, à Alger, à l'aspirant Henri Maillot, membre du Parti communiste algérien, qui avait déserté l'armée française en 1956 et avait conduit un camion bourré d'armes dans un maquis de l'Ouarsenis, dirigé par un pied-noir de Biskra, Maurice Laban (un ancien des Brigeades Internationales d'Espagne) puis avait intégré l'ALN. Condamné à mort par le tribunal permanent des forces armées françaises le 22 mai 1956, il tombera au combat en juin.

Début février, un hommage a également été rendu à Fernand Yveton, pied-noir membre du FLN, guillotiné en 1957 pour avoir déposé une bombe dans un entrepôt de la Compagnie d'électricité et du gaz, sur ordre du FLN. Yveton a été exécuté après que le ministre de la Justice français de l'époque eut refusé la demande de révision de son procès.

Ce ministre s'appelait François Mitterrand.

(AP 10.3) Le Secrétaire d'Etat français aux Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, a présenté lée 10 mars au Conseil des ministres un projet de loi pour les rapatriés d'Algérie et les harkis. Le projet prévoit une nette hausse de l'"allocation de reconnaissance" et la participation de l'Etat à un Mémorial national de l'Outre-mer, à Marseille. Le préambule du texte reconnaît que "La France, en quittant le sol algérien, n'a pas pu sauver tous ses enfants", et évoque les "massacres" d'"innocentes victimes". L'allocation "de reconnaissance", versée à environ 11'000 personnes, passera de 1830 à 2800 Euros par an en 2005. Elle pourra être remplacée par un capital de 30'000 Euros. Les aides au logement de 12'000 Euros seront prolongées jusqu'en 2009

(AFP 17.3) Plusieurs organisations d'anciens combattants français en Afrique du Nord, dont la FNACA (Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie) et l'ARAC (Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre), opposées au choix par le gouvernement de la date du 5 décembre pour rendre hommage aux victimes des conflits en Afrique du nord, ont annoncé des commémorations dans toute la France le 19 mars, date des Accords d'Evian de 1962, mettant fin à la Guerre d'Algérie. La FNACA a annoncé qu'elle allait "agir pour l'abrogation du décret présidentiel instituant la date du 5 décembre).

(AFP 20.4) Le Maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, a inauguré le 20 avril dans le XIIème arrondissement une "place du 19 mars 1962", date du cessez-le-feu en Algérie. Bertrand Delanoë a appelé à regarder "notre histoire en face". L'inauguration de cette place, dédiée à tous les morts des guerres d'Afrique du nord, s'inscrit dans une controverse sur la date de l'hommage à ces morts. Le gouvernement a retenu la date du 5 décembre, qui n'a pas d'autre référence que celle d'être la date de l'inauguration par le président Chirac d'un monument aux morts d'Afrique du nord, alors que plusieurs organisations d'anciens combattants et de rapatriés, et 3500 municipalités, retiennent la date du 19 mars, comme pour tous les conflits )notamment les deux guerres mondiales du XXème siècle) pour lesquels la date du cessez-le-feu ou de l'armistice est retenue comme date de commémoration et d'hommage aux morts. Bertrand Delanoë, qui a rappelé qu'il était lui-même un Français d'Afrique du nord, a affirmé ne vouloir ignorer "aucune des morts survenues après (la) date" du cessez-le-feu, ce qui fait notamment référence aux harkis (combattants algériens dans l'armée française) massacrés après le cessez-le-feu, mais il a ajouté que "rien ne peut se construire d'honorable et de fidèle si nous ne sommes pas dans la vérité historique". le Maire de Paris a dédié la plade du 19 mars 1962 "aux jeunes gens dont certains ont fait le sacrifice de leur vie, dont tous ont laissé une part de leur jeunesse, de leur vitalité, de leur espérance, parfois de leurs illusions" dans les guerres d'Afrique du nord.

(Le Monde 14.5) Les douze intellectuels français* qui avaient invité le 31 octobre 2000 l'Etat français à reconnaître et condamner officiellement les exactions commises pendant la Guerre d'Algérie ont réitéré leur appel.

Les signataires de l'appel voient dans le scandale suscité par les sévices perpétrés par des militaires de la coalition d'occupation de l'Irak sur des prisonniers irakiens la confirmation que le recours à la force pour régler un conflit politique "débouche immanquablement sur le pire", mais ajoutent que si la France veut être crédible dans sa condamnation des pratiques de torture, elle ne peut "pas se contenter de (les) déplorer chez les autres", mais doit aussi les condamner chez elle, et donner "l'exemple du rejet de ces pratiques qui entachent l'honneur de tout un peuple". Les signataires de l'appel signalent d'ailleurs que les tortures dont des Irakiens ont été victimes du fait de membres de la coalition anglo-américaine en Irak ont été reconnues et dénoncées bien plus clairement et plus rapidement par les autorités des pays concernés que cela n'avait été le cas par les autorités françaises lors de la Guerre d'Algérie.

*notamment : Germaine Tillon, Henri Alleg, Simone de Bollardière, Josette Audin, Pierre Vidal-Naquet et Gisèle Halimi.

(APS 26.5) Le Maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, a inauguré le 26 mai la place Maurice-Audin, du nom d'un militant communiste français, militant de la cause nationale algérienne, enlevé et assassiné en juin 1957 à Alger par des parachutistes français. L'inauguration s'est faite en présence de la veuve de Maurice Audin, de l'Ambassadeur d'Algérie en France Mohamed Ghoualmi, d'Henri Alleg et de Pierre Vidal-Naquet. Pour Bertrand Delanoë, il ne faut pas "se résigner à l'oubli" mais "rechercher la vérité et l'assumer pour la regarder en face". La place Maurice-Audin sera "un signe de fraternité entre les peuples algérien et français", a ajouté le Maire de Paris.

(El Watan 27.5) Le mouvement associatif de Beni Ilmane organise le 27 et 28 mai un séminaire sur le massacre du 28 mai 1957, connu sous le nom de "Massacre de Melouza", lorsque 375 personnes, dont 267 habitants de Beni Ilmane, ont été massacrés par une unité de l'ALN -qui a également massacré des djounouds (soldats de l'ALN) qui refusaient de prendre part àé la tuerie, et des personnes étrangères au douar mais s'y trouvant au moment des événements. Les raisons du massacre sont encore controversée, mais la plupart des historiens s'accordent à le replacer dans le contexte de la lutte opposant le FLN aux messalistes pour l'hégémonie dans le mouvement de libération nationale (Beni Ilmane était messaliste). Le rôle de l'armée française, non dans la commission du massacre lui-même mais sous forme de complicité, fait également l'objet d'interrogations, des témoignages relevant la présence, pendant le massacre et à proximité immédiate, d'observateurs français, et par ailleurs d'avions survolant le douar.

(El Watan 29.5) La "journée d'information" que comptait organiser le mouvement associatif de Beni Illmane sur le massacre de Melouza, le 28 mai 1957, a été interdite par les autorités, après son annonce par "El Watan". Sur place, seule une visite guidée des lieux du massacre (commis par des éléments de l'ALN sur des civils, et sur d'autres éléments de l'ALN ayant refusé de participer à la tuerie) a pu avoir lieu, sur les hauteurs de Mechta Gasbah.

(Le Monde 30.5) Un nouveau "procès de la torture pendant la Guerre d'Algérie" s'est ouvert le 28 mai devant la Cour d'Appel de Paris, à l'initiative du général maurice Schmitt, ancien chef d'Etat major des armées, qui a fait appel de sa condamnation, en octobre 2003, pour diffamation à l'encontre de l'ancien appelé d'Algérie Henri Pouillot, qu'il avait traité dans un débat télévisé de "menteur ou criminel" après qu'Henri Pouillot ait dénoncé la pratique de la torture pendant la Guerre d'Algérie, et ait déclaré en avoir été personnellement témoin. Le général Maurice Schmitt, tout en reconnaissant "qu'il y a eu des tortures en Algérie", et "quelques viols, toujours très lourdement sanctionnés" (alors que la quasi totalité des historiens de cette période s'accordent aujourd'hui à considérer que la pratique des viols, notamment dans les opérations contre les villages, douars et les mechtas était presque systématique, et en tous cas très fréquente), s'est dit "solidaire des camarades qui, en application de décisions politiques, ont dû pratiquer des interrogatoires sévères pour sauver des vies humaines". Henri Pouillot s'est ensuite fait traiter par le général de "pleutre exemplaire" pour n'avoir pas "dénoncé" les crimes dont il a été témoin (selon le général, il aurait suffi à l'appelé d'"alerter des journalistes", alors que tous les journaux qui ont évoqué les tortures ont été censurés, et souvent saisis), puis de "menteur" et de "malade psychiatrique" par l'avocat du général, José Allegrini. L'avocat d'Henri Pouillot a appelé le tribunal à ne pas "couvrir des exactions commises au nom de la France", et à ne pas accepter l'argumentation justifiant la torture au nom des "nécessités" de la guerre. Le jugement devrait être rendu le 17 septembre.

(AFP 11.6 / Quotidien d'Oran 13.6) L'Assemblée nationale française a approuvé le 11 juin, à l'unanimité, la création d'une fondation "pour la mémoire de la guerre d'Algérie, du Maroc et de la Tunisie". Les conditions de création de cette fondation feront l'objet d'un décret du Conseil d'Etat. Une majorité de députés se sont en outre prononcés en faveur de la reconnaissance par les programmes scolaires et universitaires du "rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du nord", et de l'interdiction de "toute allégation injurieuse envers une personne à raison de sa qualité vraie ou supposée d'ancien supplétif de l'armée française en Algérie".

La veille, le 10 juin, on apprenait le décès de l'un des derniers dirigeants survivants de l'OAS, le colonel Antoine Argoud, qui n'avait jamais renié son engagement pour l'Algérie française, et avait, dans un livre de souvenirs publié en 1974, justifié l'emploi des exécutions sommaires dans le cadre de la "pacification". Il avait été condamné à mort par contumace le 17 juillet 1961, puis, après avoir été enlevé en Allemagne le 25 février 1963 par les services spéciaux français, à la détention criminelle à perpétuité, puis enfin gracié (en mai 1968...)

(Le Matin 4.7) Le 2 juillet, le tribunal de grande instance de Marseille a condamné un ancien appelé d'Algérie, Henri Pouillot, à 3500 euros d'amende, de dommages et intérêts et de frais de justice, sur plainte de l'ancien chef d'état-major des armées françaises, le général Maurice Schmitt, que Henri Pouillot avait accusé d'avoir fait l'apologie de la torture pendant la guerre d'Algérie (que Schmitt a fait avec le grade de lieutenant). Considérant n'avoir fait que reprendre des déclarations du général Schmitt lui-même (qui aurait notamment publiquement déclaré que la torture pouvait être nécessaire), Henri Pouillot a annoncé qu'il allait faire appel du jugement, et qu'il disposait d'informations nouvelles à l'appui de sa bonne foi.

Précédemment, en octobre 2003, le général Schmitt avait été condamné pour diffamation pour avoir accusé Henri Pouillot de mensonge, après la parution d'un livre dans laquel l'ancien appelé témoignait de son expérience pendant la guerre d'Algérie, et de l'usage de la torture par l'armée française.

(El Khabar 15.7) La rumeur, récurrente, d'un "retour des harkis", a repris corps à la faveur de la visite du ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, et de déclarations interprétées comme annonçant que des "facilités" seraient accordées par les autorités algériennes aux anciens supplétifs algériens de l'armée française pour qu'ils puissent effectuer des visites au pays, ce qui a d'ailleurs été démenti par les autorités algériennes. Le petit parti "Ahd 54" de l'ex-candidat à l'élection présidentielle Faouzi Rebaïne a appelé le gouvernement algérien à prendre et à exprimer clairement une position ferme sur la "question des harkis", et a ajouté que "les enfants des harkis occupent des postes clés" dans le pouvoir algérien. Le secrétaire général de l'Organisation nationale des enfants de Moudjahidines, Mebarak Khalifa, a exprimé l'opposition ferme de son organisation au "retour des harkis, de leur progéniture ou des Pieds-Noirs".

(El Watan, Quotidien d'Oran 21.7) Le présidnt français Jacques Chirac a invité le président algérien (notamment) à prendre part à la célébration officielle du 60ème anniversaire du débarquement allié en Provence, en août 1944. Des bateaux algériens participeront aux exhibitions militaires prévues à Toulon.

Cette présence du président algérien à la commémoration du débarquement de Provence, et d'une manière générale à la célébration de la libération de la France (et de l'Europe) du nazisme, justifiée par le fait que des dizaines de milliers d'Algériens ("indigènes" ou pieds-noirs), enrôlés (volontairement ou non) dans l'Armée d'Afrique commandée par le général (algérien pied-noir) Juin, y ont participé*, et que des milliers sont morts au combat, notamment en Italie, a suscité la douteuse colère d'une quarantaine de députés de droite (de l'UMP, parti de la majorité présidentielle française), qui ont adressé une pétition au ministre des Affaires étrangères Michel Barnier. Ces députés "s'indignent" de l'invitation faite à Abdelaziz Bouteflika, invitation qu'ils considèrent comme "une insulte à la mémoire de ceux qui sont tombés pour la France et que M. Bouteflika a toujours ignorés, voire bafoués" (allusion, non pas aux combattants algériens de 1943-1945, mais aux harkis pendant la Guerre d'Algérie). A propos des harkis, d'ailleurs, le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, a déclaré le 20 juillet que "leurs enfants sont les bienvenus", et que "ceux qui détienne un passeport français seront traités comme des Français", y compris s'ils sont nés en Algérie (la position algérienne sur ce sujet n'a guère varié depuis des années : ne faisant aucune différence entre ressortissants français nés en Algérie et autres ressortissants français, elle n'exclut explicitement d'accepter la venue en Algérie que des harkis eux-mêmes, et des anciens membres de l'OAS.)

*On estime à 35'000 le nombre des Algériens ("indigènes" ou pieds-noirs) encore vivants qui ont combattu dans les rangs alliés entre 1939 et 1945, dont des hommes qui, à l'image d'Ahmed ben Bella, se sont ensuite illustrés dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie...

(AFP 16.9) L'avocat d'un millier de "rapatriés" français d'Algérie s'estimant "spoliés" de leurs biens à l'indépendance ont annoncé leur intention de déposer plainte contre l'Etat algérien devant le Comité des droits de l'Homme de l'ONU à genève. Selon leur avocat, "les avances versées par la France sur ce qu'est en droit de verser l'auteur de la spoliation, l'Algérie, sont parfaitement insuffisantes", a déclaré leur avocat, Alain Garay. Le 25 janvier 2001, la Cour européenne des droits de l'Homme avait reconnu que quatre rapatriés d'Algérie (dont elle avait cependant jugé la plainte irrecevable) avaient été "dépossédés de leurs biens par l'Etat algérien", qui n'avait versé "aucune indemnité aux Français touchés par les nationalisations". En France, quatre lois d'indemnisation, en 1970, 1978, 1982, 1987, ont donné au versement de plus de 14 milliards d'euros (en valeur "actualisée", la valeur nominale étant bien moindre) à 440'000 personnes. Pour autant, le président de l'Union de défense des intérêts des Français repliés d'Algérie et d'Outre mer (USDIFRA, proche du Front National), Gabriel Mène, assure que 30 % seulement de la valeur des biens des rapatriés en 1962 ont été couverts par les indemnisations reçues.

(AFP 23.9) Des descendants d'Algériens engagés dans les camps opposés lors de la guerre d'indépendance, dont des harkis, ont lancé le 23 septembre un manifeste commun "pour la réappropriation des mémoires confisquées", et ont annoncé qu'ils s'uniraient pour les cérémonies en hommage aux harkis le 25 septembre et aux Algériens de France victimes de la répression policière en 1961, le 17 octobre. Les signataires du manifeste expriment le souhait de "se mobiliser pour inscrire leur histoire commune dans la mémoire collective des deux pays" et "assumer leur héritage dans la dignité et la fraternité", alors que leurs parents, "par choix, hasard ou nécessité, se sont trouvés dans des camps différents durant la guerre d'Algérie". Le manifeste, qui dénonce la "dualité simpliste" mettant les bons d'un côté, les mauvais de l'autre, estime que "les passions, les haines, ainsi que les contentieux divers, continuent d'entraver (le) travail de mémoire (...) nécessaire à tous".

* notamment son initiatrice, Fatima Besnaci-Lancou, présidente de l'association Harkis-droits de l'Homme, Yazid Sabeg, chef d'entreprise, et Khadidja Bourcart, adjointe au Maire de Paris.

MANIFESTE POUR LA RÉ-APPROPRIATION DES MÉMOIRES CONFISQUÉES

lundi 27 septembre 2004

Nous, filles et fils de parents d’origine algérienne, descendants de harkis et descendants d’immigrés, souhaitons ensemble nous approprier notre histoire et en assumer toutes ses parts d’ombres et de lumière. À l’heure où la France et l’Algérie s’apprêtent à signer un traité d’amitié, nous souhaitons être acteurs de cette réconciliation qui ouvrira une nouvelle page dans la relation entre les deux pays.

Nos parents, par choix, hasards ou forcés se sont trouvés dans des camps différents durant la guerre d’Algérie. De part et d’autre de la Méditerranée, les acteurs de cette guerre ont été classés selon une dualité simpliste : les bons d’un coté et les mauvais de l’autre.

Cette simplification de l’histoire a pris racine et a généré des itinéraires parallèles, sans parole, entre les harkis et les immigrés alors que tout les unissait.

Nos parents sont :

C’est pourquoi, nous refusons désormais le récit parcellaire de la guerre d’Algérie et l’occultation totale du drame des harkis, révélatrice d’une histoire coloniale non assumée en France et instrumentalisée en Algérie.

A force d’ignorer partiellement ce qui a fait notre l’histoire, nous avons laissé libre cours à tous les fantasmes, à toutes les peurs qui ont contribué à creuser le fossé entre les Français et les Algériens et particulièrement entre les Harkis, les immigrés et leurs descendants. Les passions, les rancœurs, les haines, ainsi que les contentieux divers continuent d’entraver ce travail de mémoire, pourtant nécessaire à tous.

C’est pourquoi, il est de notre devoir et de notre responsabilité de nous mobiliser pour inscrire notre histoire commune dans la mémoire collective de l’Algérie et de la France, pour réécrire enfin notre histoire, une histoire assumée de part et d’autre de la Méditerranée.

Nous avons besoin de retisser la trame de cette mémoire confisquée, de cette filiation occultée. Nous sommes déterminés à faire en sorte que les Français et les Algériens acquièrent une connaissance globale de ce passé douloureux mais partagé. Il nous faut établir la vérité historique, toute la vérité, et faciliter le travail des historiens des deux rives.

C’est dans l’intérêt des deux pays, de leur cohésion nationale, que ce travail de mémoire doit se faire, et c’est à ce prix qu’une réconciliation franco-algérienne solide, respectueuse des identités et des mémoires de chacun, pourra voir le jour.

Nous, héritiers de cette histoire, descendants d’Algériens, commémorerons, ENSEMBLE deux dates symboliques, fil d’Ariane de ce passé enfin assumé : la journée du 25 septembre dédiée aux harkis et celle du 17 octobre 1961. En reliant les deux dates, nous voulons assumer notre héritage dans la reconnaissance, la dignité et la fraternité.



Premiers signataires

Fatima Besnaci-Lancou, éditrice, écrivain
Yazid Sabeg, chef d’entreprise
Khedidja Bourcart, maire-adjoint de Paris
Ghaleb Bencheikh, présentateur émission "Islam" A2
Hadjila Kemoum, écrivain
Mouloud Mimoun, cinéaste
Dalila Kerchouche, écrivain
Moussa Khédimellah, sociologue
Bétoul Fekkar-Lambiotte, fonctionnaire internationale
Djamila Azrou-Isghi, maire-adjoint Strasbourg
Nabile Farès, écrivain
Leïla Sebbar, écrivain
Ali Aïssaoui, médecin, président d’UNIR
François Touazi, fonctionnaire
Zaïr Kedadouche, élu (mairie de Paris 17ème)
Charles Kerchouche, chef de projet
Fadila Méhal, Fonctionnaire
Tassadit Houd, cadre supérieur
Samia Messaoudi, journaliste
Smaïl Boufhal, enseignant, élu
Soraya Saa, fonctionnaire


(El Watan 26.9) Près de 40 ans après les essais nucléaires français dans le Sahara algérien, une instruction juduiciaire a été ouverte à Paris après le dépôt, le 28 novembre 2003, d'une plainte par l'Association des vétérans des essais nucléaires (AVEN) et des plaignants individuels, pour homicide involontaire, atteinte à l'intégrité physique des personnes, abstention délictueuse et administration de substances nuisibles. 210 expériences nucléaires ont été menées par la France dans le sud saharien et en Polynésie entre 1960 et 1996, les premières (dans le sud saharien) sans que les précautions et les protections nécessaires aient été assurées aux populations locales, et aux personnels civils et militaires. Selon l'AVEN, environ 150'000 personnes ont participé involontairement et sans préparation aux essais nucléaires français pendant 36 ans, et sur 720 vétérans de ces expériences, 30 % sont aujourd'hui atteints de cancers. "El Watan" note que le gouvernement algérien n'a entamé aucune démarche auprès de l'Etat français pour l'indemnisation des victimes, et le ministre des Relations avec le Parlement, Mahmoud Khoudri, s'était contenté en 2003 de déclarer que "rien n'empêche ces victimes de demander réparation auprès des autorités françaises". Entre 1960 et 1966, la France a opété quatre essais atmosphériqaues et treize essais souterrains dans le Tanezrouft, dans la région de Reggane.

(AFP 15.10 / APS, AFP 17.10) Le 43ème anniversaire des manifestations algériennes du 17 octobre 1961 à Paris, et de leur sanglante répression par la police sous les ordres du préfet Papon, a été célébré à Paris le 16 octobre, au pont Saint-Michel par un rassemblement de plusieurs centaines de personnes devant la plaque commémorative apposée en 1999 par le Maire de la capitale française, Bertrand Delanoë, et le 17 octobre à Nanterre, où une plaque commémorative avait été posée en 2003, et à Sarcelles, où une plaque commémorative a été inaugurée.

Pour la première fois, des enfants de harkis, représentés par l'association "Harkis et droits de l'Homme", se sont associés (à Paris) à la commémoration de l'événement. "Nous avons plutôt été bien accueillis, et c'est un joli geste de fraternité", s'est réjouie la présidente de l'associarion, Fatima Besnaci-Lancou, même si des Algériens présents estimaient que "les harkis (n'avaient) pas leur place ici".

Plusieurs organisations de défense des droits humains (MRAP, Ligue des droits de l'Homme, Cimade, notamment) et plusieurs partis politiques français (les Verts, le LCR, le Parti socialiste, notamment) ont réclamé la reconnaissance officielle par la France de sa faute ("des exactions commises le 17 octobre 1961", selon les termes du PS), le libre accès aux archives et l'inscription de l'événement dans les programmes scolaires.

Pour l'ambassadeur d'Algérie en France, Mohamed Ghoualmi, présent aux commémorations de Sarcelles et de Paris, ces cérémonies sont un "acte de courage" des Français, notamment des él,us, qui refusent de "participer à l'amnésie collective", et de tels gestes sont très importants à un moment où la France et l'Algérie refondent leurs relations.

A Alger, le 17 octobre, le président Bouteflika a rendu hommage, à l'occasion de la "Journée nationale de l'émigration", au "patriotisme" et au "sacrifice dont les émigrés ont fait montre pour exprimer, haut et fort, leur attachement indéfectible à la cause de leur peuple", malgré "la répression, la torture et les assassinats".

(Tribune de Genève 20.10) Plus d'un millier de dossiers individuels de Français rapatriés d'Algérie à la fin de la guerre d'indépendance vont être déposés devant le Comité des droits de l'Homme de l'ONU à Genève, le comité devant, à la demande des rapatriés et de leurs représentants, procéder à l'examen et au contrôle du respect par l'Algérie de ses engagements au sens du Pacte international des droits civils et politique, qu'elle a ratifié en 1989. Pour le président de l'Union de défense des intérêts des Français repliés d'Algérie (USDIFRA), Gabriel Mène, "le devoir de mémoire doit s'accompagner d'un devoir de justice". L'avocat de l'USDIFRA, Me Garay, ajoute qu'il incombe à l'Algérie de "dédommager les personnes spoliées". Selon le Groupement national pour l'indemnisation (GNPI), autre organisation de rapatriés, le montant total des indemnisations qui pourraient être réclamées, en sus de celles déjà obtenues de la France, pourrait atteindre les 12 milliards d'euros. Côté algérien, on estime que le dossier est clos depuis 1962, c'est-à-dire depuis les accords d'Evian, à moins que l'on souhaite le rouvrir "en entier", c'est-à-dire en y incluant les 130 ans de colonisation française, et donc le droit de l'Algérie en tant qu'Etat, et des Algériens en tant qu'individus, de réclamer à la France des indemnisations pour les spoliations inhérentes à la colonisation, en sus de celles liées aux exactions commises pendant la guerre d'indépendance.

(Le Monde 30.10) La Secrétaire nationale du Parti communiste français, Marie-GHeorge Buffet, a appelé le 28 octobre, lors d'une soirée organisée par le PCF à Paris pour commémorer le déclenchement de l'insurrection armée en Algérie, le président Chirtac a "reconnaître le tort fait à la nation algérienne par le colonialisme, la répression et la guerre"

(Le Monde 30.10) Un sondage d'opinion effectué en France et en Algérie (sur un millier de personnes dans chaque pays) à la demande du quotidien "Le Monde" et de la radio RTL par l'institut CSA, à l'occasion du cinquantième anniversaire du déclenchement de la guerre d'Algérie, révèle à la fois la persistance d'un fossé entre les deux peuples sur plusieurs questions (le bilan de la colonisation, le sort des pieds-noirs et des harkis), mais en même temps de nombreux points d'accords et un processus de "réconciliation" en marche.

57 % des Français et 91 % des Algériens considèrent la guerre d'Algérie comme l'un des conflits les "plus marquants" de la seconde partie du XXe siècle. 59 % des Français et 41 % des Algériens estiment qu'elle n'est pas assez abordée à l'école, ni, pour 41 % des Français et 44 % des Algériens, dans les media. 94 % des Algériens et 77 % des Français estiment que l'armée française a eu recours à la torture pendant la guerre, et 73 % des Algériens (38 % des Français) que ce recours était "courant". Mais si 88 % des Algériens attendent de la France "des excuses officielles au peuple algérien", seuls 45 % des Français (contre 50 % d'un avis contraire) partagent cette opinion, cependant majoritaire chez les sympathisants de gauche. 70 % des Français (mais seulement 29 % des Algériens, contre 44 % d'avis contraires) condamnent le comportement de la France à l'égard des harkis après la guerre, et 50 % des Français (mais seulement 23 % des Algériens, contre 36 % d'avis contraires) son comportement à l'égard des pieds-noirs. A l'égard du peuple algérien, 46 % des Français estiment que la France s'est bien comportée après la guerre (44 % d'avis contraires), alors que 53 % des Algériens estiment qu'elle s'est mal comportée (35 % d'avis contraires)

Par ailleurs, si 71 % des Français estime que la France "a beaucoup apporté à l'Algérie" pendant la colonisation, 57 % des Algérient sont d'un avis contraire. Par contre, Algériens (à 76 %( et Français (à 56 %) sont d'accord pour estimer que "l'Algérie a beaucoup apporté à la France".

Au total, 56 % des Français ont une bonne image de l'Algérie (5 % une "très bonne" image), et 52 % des Algériens une bonne image de la France (17 % une "très bonne" image); 40 % des Français ont une mauvaise image de l'Algérie (11 % une "très mauvaise" image), 41 % des Algériens une mauvaise image de la France (23 % une "très mauvaise" image.

En France, la meilleure image de l'Algérie est perçue par les jeunes (62 % des 18-24 ans en ont une bonne image), des plus de 65 ans (66 %) et des sympathisants de gauche (60 % au PS, 66 % chez les Verts), et la plus mauvaise par les chômeurs (55 % en ont une mauvaise image) et les sympathisants de droite (51 %) et d'extrême-droite (61 %).

En Algérie, ce sont les 18-24 ans (à 58 %), les étudiants (71 %), les cadres et les professions libérales (84 %) qui portent le regard le plus positif sur la France, et les plus de 55 ans (64 %) et les retraités et pensionnés (57 %) qui lui sont le plus hostiles, ce qui, commente "Le Monde", "tend à démontrer que l'hostilité à l'égard de la France diminue avec le temps".

Quant à la situation actuelle de l'Algérie et de ses habitants, 82 % des Algériens l'estiment aujourd'hui meilleure qu'avant 1962 (10 % estimant qu'elle était meilleure sous le régime français), alors que 46 % des Français estiment qu'elle était meilleure sous le régime français (et 40 % qu'elle est meilleure depuis l'indépendance).

(L'Expression 4.12 / AFP 5.12) Le Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin a rendu hommage le 5 décembre aux "victimes civiles de toutes confessions", lors d'une cérémonie d'hommage aux combattants morts pour la France pendant la Guerre d'Algérie. Jean-Pierre Raffarin a évoqué les soldats "loyaux et courageux" ayant servi dans les forces françaises pendant la Guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie. "Après huit années d'affrontements et de violences extrêmes, la séparation de la France et de l'Algérie semait deuils et blessures, souffrances et malheur", mais "après le temps de la douleur vient celui de la réparation et de la reconnaissance, puis celui de l'apaisement et de la réconciliation", a ajouté le chef du gouvernement français. En Algérie, quelques jours auparavant, l'Organisation nationale des moudjahidines (ONM) a clairement réaffirmé lors de son Xème congrès que "la porte de l'Algérie" devait rester "définitivement fermée aux harkis et aux pieds-noirs qui se sont rendu responsables des pires atrocités à l'encontre du peuple algérien"

(Naros 11.12) Le ministère français des Affaires étrangères a annoncé le 11 décembre que la France allait lancer en 2005 la première phase d'un programme de regroupement d'environ 4000 tombes de civils français, dispersées dans 62 cimetières "fortement dégradés". Les familles des défunts sont invitées à "mettre à profit cette occasion pour transférer les restes mortels de leurs défunts", et à en informer les consulats de France à Alger ou Annaba.

(AP 16.12) Le Premier mninistre français Jean-Pierre Raffarin a confié le 16 décembre au préfet honoraire Roger Benmebarek une mission pour la création d'une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. La création d'une telle institution est prévue dans un projet de loi "portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français expatriés", soumis au Parlement. Roger Benmebarek devra en outre étudier la possibilité d'intégrer dans la Fondation pour la mémoire des conflits d'Afrique du nord celui d'une fondation spécifiquement dédiée aux harkis. Son rapport est attendu au plus tard le 30 juin 2005.

2005

(Nouvelle République 15.1) Selon un sondage effectué par l'institut IFOP auprès d'un échantillon représentatif des personnes ayant servi en Algérie entre 1954 et 1962, pour la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA), 76 % des Français ayant "servi en Algérie" approuvent la politique de rapprochement et de réconciliation franco-algérienne (23 % la désapprouvant) et une proportion équivalente (76 %) estime que cette guerre était "inutile" et que l'indépendance de l'Algérie était "inévitable". Pour 60 % des sondés, les conscrits n'auraient pas du être envoyée an Algérie et cette guerre n'était "pas vraiment leur guerre". Une très légère majorité des sondés (53 %) estime que les émissions et commentaires des media, aujourd'hui, sur la guerre d'Algérie correspondent à la réalité de cette guerre. 79 % des sondés estiment que "des atrocités ont été commises des deux côtés" pendant ce conflit (et donc reconnaissent que des atrocités ont été commises par l'armée française). 88 % approuvent l'organisation d'une "journée du souvenir" à la mémoire des soldats français tombés en Algérie, et 76 % estiment que la date qui conviendrait le mieux à une telle journée est celle du cessez-le-feu de 1962, le 19 mars. 59 % des sondés estiment enfin que les autorités et la société françaises ont oublié les anciens combattants français d'Algérie, et que ceux-ci ne sont ni suffisamment respectés, ni convenablement honorés.

(AP 11.2) Le Parlement français a définitivement adopté le 10 février une loi portant "reconnaissance de la Nation et contribution nationale" en faveur des rapatriés d'Algérie (pieds-noirs et harkis). La loi prévoit notamment une amélioration de l'"allocation de reconnaissance". Le ministre des Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, s'est félicité de ce que "pour la première fois, léa tragédie de la guerre d'Algérie et le drame du rapatriement (aient) été officiellement reconnus". La loi reconnaît en effet "les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés" par les rapatriés, associe rapatriés et harkis à l'hommage aux combattants d'Afrique du nord, rendu chaque année le 5 décembre, et interdit toute injure ou diffamation contre les harkis et toute apologie des crimes commis contre eux après les accords d'Evian. Plus d'un milliard d'euros, dont 700 millions pour les harkis, ont été débloqués pour revaloriser l'allocation de "reconnaissance" versée depuis 2003 aux harkis et à leurs veuves. Cette allocation passera de 1830 à 2800 euros par an (ou 30'000meuros de capital). Les enfants orphelins de harkis toucheront une allocation unique de 20'000 euros. Les aides au logement octroyées aux harkis sont prolongées jusqu'à fin 2009.

(Le Monde 10.3 / L'Expression 13.3) L'Ambassadeur de France en Algérie, Hubert Colin de Verdière, en déplacement à Sétif le 27 février, a évoqué dans une allocution à l'Université Ferhat Abbas les massacres commis par l'armée et la police françaises et les milices coloniales, le 8 mai 1945, à Sétif, en les qualifiant de "tragédie inexcusable", et en les reconnaissant pour avoir été des "massacres". L'Ambassadeur s'est recueilli devant la stèle du premier martyr des "évènements". Les autorités algériennes n'ont pas commenté la déclaration de l'Ambassadeur, mais la presse en a largement rendu compte, en s'en félicitant. Pour "El Khabar", il s'agit d'un "premier pas" ouvrant la voie à une "repentance" française bienvenue. Ce "premier pas" est, pour "L'Expression", un "pas de géant dans la reconnaissance par la France de son passé colonial".

La Fondation du 8 mai 1945, fondation algérienne créée pour entretenir la mémoire de la répression coloniale en général, et des massacres de Sétif en particulier, s'est fliicitée de ce que "la France officielle se décide enfin à reconnaître son implication dans les actes monstrueux et inhumains commis en son nom de 1830 à 1962", mais elle demande que le président Chirac exprime une "demande de pardon" et reconnaisse "solennellement et publiquement la responsabilité de l'Etat français " comme il l'a fait pour "la déportation des juifs" dans les camps de la mort.

Le 8 mai 1945, alors que la France célébrait, des deux côtés de la Méditerranée, la capitulation de l'Allemagne nazie, au terme d'une guerre dans laquelle des milliers d'Algériens ont été tués sous le drapeau français, une manifestation nationaliste d'une dizaine de milliers de personnes se déroula à Sétif, drapeau algérien déployé, à l'appel du Parti du peuple algérien, pour réclamer la libération de Messali Hadj. La manifestation dégénéra en émeute contre les Français de Sétif, dont 109 furent tués et plus d'une centaine blessés. La répression s'abattra avec une incroyable brutalité sur la population algérienne de la région : l'armée de terre, la marine, l'aviation, la police, les milices formées par les colons, furent mises à contribution pour une "pacification"qui fera entre 10'000 et 45'000 morts, selon les sources, et qui sera l'événement fondateur du mouvement national armé de libération.

(L'Expression 13.3) Des onze millions de mines antipersonnel (ou autres) enfouies par la France en Algérie entre 1957 et 1962, il en reste au moins 1,3 million, disséminées le long des frontières est (avec la Tunisie) et ouest (avec le Maroc). Les plus répandues et les plus meurtrières de ces mines, qui tuent et mutilent toujours une vingtaine de personnes chaque année, sont les "mines encrier" Apid-51 et les "mines bondissantes" Apmb-51/5. Depuis l'indépendance, les mines françaises enfouies le long des anciennes lignes Challe et Maurice ont fait des milliers de morts et de blessés. Dans la seule wilaya de Tebessa, les mines auraient tué et mutilé 3600 personnes depuis 1962. A Souk Ahras, l^hôpital régional a recensé 1100 victimes depuis l'indépendance.

659 personnes touchent une pension mensuelle en Algérie du fait de leur invalidité pour cause de mine. Cette pension est cependant d'un montant aujourd'hui ridicule (4230 DA, soit une cinquantaine d'euros).

Le 16 décembre 2004, un petit berger de 13 ans a été tué à Aïn El Hedid (w. Aïn Temouchent) dans l'explosion d'une mine.

(Quotidien d'Oran 13.3) Les autorités françaises ont décidé de regrouper 62 cimetières chrétiens et juifs de différentes régions d'Algérie, ne pouvant plus "être entretenus ni rénovés", et de rapatrier les restes des 3000 défunts inhumés dans ces cimetières vers des cimetières en France si les familles en expriment le souhait, ou de les regrouper dans des sépultures collectives (ossuaires). Le plus grand nombre possibles de sites funéraires français en Algérie devront en outre être remis "en état de décence et de réhabilitation", ce qui pourrait concerner 250'000 sépultures, réparties dans 500 cimetières.

Ces mesure, justifiées par "une attente exprimée par les rapatriés d'Algérie", avaient été annoncées en mars 2003, lors de la visite du président Chirac à Alger. Si certaines associations de rapatriés d'Algérie soutiennent ces mesures, ou s'y résignent, comme France-Maghreb, d'autres s'y opposent.

(AFP 18.3) Environ 300 Français rapatriés d'Algérie, s'estimant "spoliés" de leurs biens à l'indépendance, ont déposé plainte contre l'Etat algérien devant le Comité des droits de l'Homme de l'ONU à Genève, a annoncé leur avocat le 18 mars. Ces rapatriés ont déjà été indemnisés par la France, mais l'avocat estime que cette indemnisation n'est qu'une "avance sur ce que doit verser l'auteur de la spoliation, l'Algérie". Les plaintes ont été collectées par une associations de rapatriés proche de l'extrême-droite, l'"Union de défense des intérêts des Français repliés d'Algérie et d'Outre-mer" (USDIFRA.

(AP 18.3 / AFP, Le Monde 19.3) "Le Monde" publie dans son édiition datée du 19 mars les témoignages de quatre Algériens affirmant que le général à la retraite Maurice Schmitt, ancien chef d'état-major des armées françaises, qui a servi en Algérie d'avril 1957 à octobre 1959, "dirigeait les opérations" lors de séances de tortures à Alger à l'été 1957 pendant la "Bataille d'Alger" Trois anciens militants du FLN racontent avoir été arrêtés en août, puis torturés à l'école Sarouy, occupée par le 3ème régiment de parachutistes coloniaux (3eRPC) au sein duquel le général Schmitt servait, dès fin juillet 1957 tant que chef de section d'une compagnie chargée du contrôle de la casbah et du renseignement

Lyès Hanni, ancien responsable militaire FLN de la région II, raconte avoir été torturé à l'électricité, puis à l'eau, lors de séances de tortures dirigées par le lieutenant Schmitt, qui "donnait les ordres" de continuer, d'arrêter, de reprendre la torture.

Mouloud Arbadji, agent de liaison de l'un des lieutenants du responsable de la zone autonome FLN d'Alger, Yacef Saadi, confirme la présence du lieutenant Schmitt. Les deux hommes rapportent également la mort d'une jeune femme, Ourida Meddad, jetée ou tombée d'une fenêtre dans la cour de l'école. Lyès Hanni témoigne des tortures, notamment à l'électricité, subies par la jeune femme en présence du lieutenant Schmitt.

Zhor Zerari, nièce du commandant Azzedine, arrêtée le 25 août après avoir posé trois bombes dans Alger, affirme également avoir été torturée en présence et sur ordre du lieutenant Schmitt. Elle garde de lourdes sequelles des sévices subis.

Ahmed Bachali, ancien militant du FLN, affirme lui aussi avoir été torturé à l'électricité alors qu'il n'avait que 15 ans, et après que son père, sous-officier dans l'armée française, ait lui aussi été torturé. Ahmed Bachali affirme que c'est Schmitt qui "dirigeait les opérations".

Enfin, en 2004, une sympathisante du Parti communiste algérien et des réseaux d'aide au FLN a publié sous le pseudonyme d'"Esmeralda", et en se présentant comme une "juive berbère", un témoignage impliquant le "lieutenant Schm. grand brun à lunettes d'environ 35 ans".

Le général Schmitt réfute ces nouvelles accusations; il avait déjà fait l'objet d'accusations semblables il y a quatre ans, de la part de trois anciens militants du FLN, Malika Koriche, Ali Moulaï et Rachid Ferrahi. Rachid Ferrahi maintient ses accusations : son père a été torturé devant lui, et "Schmitt dirigeait les interrogatoires". Maurice Schmitt qualifie de "pure affabulation" les accusations dont il est à nouveau l'objet, affirme qu'il n'y a "pas eu de séance de torture", que les témoins cités par "Le Monde" ont tous été "dénoncés par leurs chefs" et ne cherchent qu'à "se venger 48 ans après qu'on les a fait tomber, en les piégeant par la ruse". Schmitt reconnaît avoir interrogé Ali Moulaï, chef de région du FLN, mais affirme n'avoir pas eu besoin de lui faire subir "de grosses pressions physiques" pour le faire parler, parce qu'ils "pétait de trouille".

Maurice Schmitt, qui avait traité le livre d'une militante du FLN torturée en 1957, Louisette Ighilahriz, de "tissu d'affabulations", et qui avait également traité un ancien appelé français, Henri Pouillot, de "menteur" après que Pouillot ait dénoncé les séances de tortures et les viols auxquels il avait assisté entre janvier 1961 et mars 1962 à Alger, a été condamné deux fois pour diffamation.

A un journaliste qui lui demandait s'il avait torturé, le général Schmitt l'avait implicitement admis : "je me sens solidaire de tous ceux qui ont été confrontés au dilemne : interroger courtoisement un assassin qui sait où se trouvent des bombes qui peuvent exploser dans l'heure, ou le faire parler", avait-il déclaré.

(Le Monde 7.4) Le quotidien "Nice-Matin" a annoncé à la mi-mars la "condamnation" de 62 cimetières rrançais d'Algérie, et publié un arrêté du ministère français des Affaires étrangères du 7 décembre précédent, engageant "un regroupement en tombes ou ossuaires selon le cas" de sépultures françaises en Algérie, et donnait un délai de quatre mois aux familles pour faire connaître à un consulat français en Algérie leur souhait éventuel de faire rapatrier, à leurs frais, en France, les restes de leurs défints. L'arrêté dressait la liste de 62 petits cimetières, abritant 4000 tombes, concernés par le projet de regroupement dans des nécropoles urbaines. Le ministère précise que ce plan ne concerne que 2 % des tombes françaises d'Algérie, celles qui sont situées dans des localités reculées, et qui sont dans un état de délabrement rendant illusoire leur réhabilitation. Un "obélisque de béton indestructible" serait implanté sur les anciens cimetières. Quant au rapatriement éventuel de corps, il semble inutile, selon l'Association de sauvegarde des cimetières d'Algérie (ASCA), qui affirme que les cimetières concernés par le projet de regroupement ont été "profanés depuis longtemps" et qu'il n'y a "pas un seul corps identifiable à rapatrier". Le ministère et l'association font également remarquer que certains cimetières ont servi de caches d'armes pour les groupes armés dans les années '90, que d'autres servent d'abri à des indigents et que leur réhabilitation relèverait d'une "mission impossible". Pour la réhabilitation des cimetières qui peuvent être réhabilités, 300'000 euros ont été débloqués par l'Etat et les collectivités territoriales françaises en 2005.

La préservation et la réhabilitation des 209'000 tombes françaises d'Algérie, sises dans 523 cimetières, mais dégradées par le temps et que les familles ont été longtemps dans l'impossibilité d'entretenir, figuraient dans les engagements pris par le président Jacques Chirac lors de sa visite d'Etat en Algérie, en mars 2003.

(Le Monde, AP, Liberté, Le Monde 8.5 / Tribune de Genève 9.5) Le président Bouteflika a appelé, dans un discours prononcé à Sétif le 7 mai, la France à reconnaître sa responsabilité dans les massacres de dizaines de milliers d'Algériens manifestant, le 8 mai 1945, le jour même de la capitulation allemande au terme de la Guerre Mondiale, pour la reconnaissance de leur droit à l'autodétermination et pour la libération du chef du Parti du peuple algérien, Messali Hadj. "Le peuple algérien attend de la France un geste qui libérerait la conscience française", a déclaré le président algérien. Dans un message adressé aux participants d'un Colloque international sur les massacres du 8 mai 1945, le président Bouteflika a estimé qu'une "reconnaissance des actes commis durant la période de la colonisation, y compris durant la guerre de Libération" permettrait d'ouvrir "de larges et nouvelles perspectives d'amitié et de coopération" entre les peuples français et algérien. Le président algérien, pour qui la réconciliation doit s'accompagner d'une "décolonisation de l'histoire", a souligné que les massacres du 8 mai 1945 s'étaient produits "au moment où les armées de combattants héroïques algériens revenaient des fronts d'Europe, d'Afrique et autres où elles défendaient l'honneur de la France et ses intérêts et oeuvraient au sein des armées alliées à défendre les valeurs de la République et de la liberté dans le monde". Des dizaines de milliers d'Algériens (de toutes les communautés d'Algérie, mais en très grande majorité musulmans) ont été engagés dans les armes françaises, dès 1939 mais surtout dès 1942, et lors du débarquement de Provence, à l'été 1944, la moitié des effectifs français était constituée par les troupes "coloniales", dont les troupes algériennes.

De nombreuses cérémonies ont marqué en Algérie la commémoration des soixante ans des massacres de Sétif et Guelma. A Sétif, plus de 20'000 personnes, dont plusieurs ministres, ont pris part à une marche empruntant le même itinéraire que les manifestants de 1945. A Paris, un millier de personnes ont participé le 8 mai à une "Marche des Indigènes de la République" pour dénoncer les discriminations subies par les enfants d'immigrants issue des anciennes colonies françaises. La "Fondation du 8 mai 1945", créée par l'ancien président du Conseil de la Nation (Sénat) Bachir Boumaza, a exprimé l'espoir de voir un jour les présidents français et algériens se recueillir "main dans la main devant la tombe du chahid (martyr) Marbi Ben M'hidi, assassiné sous la torture" par les parachutistes français commandés par le colonel (devenu ensuite général, puis ministre) Bigeard, "à l'image du président Charles de Gaulle et du chancelier Adenauer (se receuillant) devant celle du résistant Jean Moulin".

Le 8 mai 1945, les troupes coloniales françaises ont férocement réprimé, en s'acharnant aveuglément sur les populations civiles, les émeutes survenues à Sétif et dans la région, émeutes qui ont succédé à la répression policière de la manifestation nationaliste. Une centaine d'Européens (dont 16 militaires) avaient été tués dans les émeutes, et entre 15'000 et 45'000 Algériens de souche ("musulmans", selon la terminologie coloniale) dans la répression qui s'en était suivi. On date aujourd'hui de cet événement la rupture, qui aboutira à l'indépendance au terme de huit ans de guerre, entre la France et la majorité "musulmane" de la population algérienne (et entre cette majorité et la minorité de souche européenne).

Le 27 février, l'Ambassadeur de France en Algérie avait qualifié les massacres de Sétif et Guelma de "tragédie inexcusable". Le président Bouteflika a déclaré que ces propos avaient été "favorablement accueillis par le peuple algérien". A Paris, le Maire socialiste de la capitale française, Bertrand Delanoë, a rappelé le 8 mai que le 8 mai marquait à la fois la défaite d'une barnbarie, la nazie, et l'anniversaire "d'une autre barbarie, celle de Sétif". Le Maire de Paris a demandé que la société française ait "le courage de la vérité" et que la France "s'honore en disant la vérité", voire "en demandant pardon" aux Algériens, comme elle l'a fait pour sa responsabilité dans la déportation des juifs pendant la Guerre Mondiale.

Le ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier a, plus prudemment, exprimé l'espoir que la France et l'Algérie parviendront "à examiner ensemble le passé afin d'en surmonter les pages les plus douloureuses pour (les) deux peuples", et a estimé que "ce travail de mémoire (se retrouve) dans le traité d'amitié" franco-algérien en préparation, et qui devrait être signé cette année encore. Dans un entretien à "El Watan", Michel Barnier a appelé à "surmonter les pages les plus douloureuses" de l'histoire franco-algérienne.

Ces appels français et algériens au travail de mémoire et à la "décolonisation de l'histoire" contredisent cependant la loi adoptée par le Parlement français en février, portant "reconnaissance de la nation" en faveur des Français rapatriés d'Afrique du nord, loi qui prévoit que "les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du nord" (sans d'ailleurs préciser en quoi ce rôle fut positif). Une pétition pour l'abrogation de cette loi, et contre "l'enseignement d'une histoire officielle" redorant le blason du colonialisme, a été lancée par des historiens, qui dénoncent un "mensonge officiel".

On notera enfin que la célébration du 60ème anniversaire des massacres de Sétif permet en Algérie de poursuivre le trevail historique d'exhumation du mouvement national algérien d'avant le FLN, et en particulier du mouvement messaliste, dont de très nombreux anciens militants, ralliés ou non ensuite au FLN, ont témoigné dans la presse algérienne.

(Corr.) L'annonce de la mort de la militante algérienne Louisette Ighilariz, qui avait témoigné de son expérience personnelle de la torture pendant la Guerre d'Algérie, annonce faite par une dépêche AFP reprise par la presse française (ET PAR NOTRE PROPRE BULLETIN), a été démentie par la presse algérienne. En réalité, c'est la soeur de Louisette, Malika, qui est morte.

(Le Monde 12.5 / Beur FM 15.5) Dans une intervention lue le 6 mai par le ministre des Anciens combattants Mohamed Cherif Abbas, devant les participants à un colloque sur les massacres de 1945 à Sétif, le président Bouteflika a comparé, voire assimilé, le colonialisme français au nazisme, et la répression coloniale à un génocide. "Les commandos de la mort ont exécuté par centaines et milliers les citoyens sur les places publiques, stades et autres buissons. Les corps gisaient sur le sol, en proie aux animaux. (Des) fours de la honte (ont été) installés par l'occupant dans la région de Guelma (...). ces fours étaient identiques aux fours crématoires des nazis", écrit dans son texte le président algérien, qui ajoute : "Nous ne pouvons oublier les centaines de massacres commis auparavant et les nombreux fours installés dans notre pays" dès les premiers temps de la colonisation. "L'occupant a foulé la dignité humaine et commis l'innomable à l'encontre des droits humain fondamentaux (...) et adopté la voie de l'extermination et du génocide qui s'est inlassablement répétée durant son règne funeste". En conclusion, Abdelaziz Bouteflika a demandé à la France "un geste qui libérerait (sa) conscience".

Le Secrétaire d'Etat français aux Affaires étrangères Renaud Muselier, arrivé à Alger le 9 mai pour une visite de trois jours, s'est gardé de commenter les propos présidentiels algériens, qui ont été peu relevés par la presse algérienne, mais condamné en France par l'association de rapatriés "Recours France", qui dénonce "la perte de sang froid et les propos insultants" du président algérien, et qui demande au ministre français des Affaires étrangères Michel Barnier d'exprimer son "vif mécontentement de voir la France laisser salir son oeuvre civilisatrice". Tout au plus "Le Recours" admet-il "quelques erreurs" commises lors de la colonisation, "quelques erreurs" au nombre desquelles il faut sans doute compter les massacres de 1945, mais aussi, par exemple, un siècle plus tôt, ceux commis par les troupes du maréchal Bugeaud et du général Pélissier, qui avait fait enfumer dans une grotte des civils (hommes, femmes et de enfants) favorables à l'émir Abdelkader (760 personnes avaient ainsi été massacrées le 19 juin 1845 sur les hauteurs du mont Dahra).

Dans un entretien à la radio privée française Beur-FM, le 15 mai, le président du Front des Forces Socialistes Hocine Aït Ahmed, a appelé les Algériens à participer au débat "franco-français" sur les exactions commises par l'armée française pendant la guerre d'Algérie, comme d'ailleurs les Français ont le droit de participer au débat sur les exactions commises par les forces de l'ALN, notamment les massacres et les tortures perpétrées par des Algériens sur d'autres algériens.

(AP 23.5 / Quotidien d'Oran 24.5) Après Alger, Annaba, Bejaïa, Oran et Constantine, Tlemcen a reçu le 23 mai la visite d'un groupe de 130 Français d'Algérie, "rapatriés" en France après l'indépendance. Leur visite est organisée par "La Fraternelle", une association regroupant en France quelque 1300 Tlemçanis juifs rapatriés. Dans le cadre de leur visite, les 130 rapatriés, arrivés "dans une ambiance euphorique" selon "Le Quotidien d'Oran", ont été accueillis par les autorités locales, et même par l'ancien président algérien Ahmed ben Bella. Ils devaient notamment se recueillir sur les tombes de leurs parents, effectuer un pélerinage sur le tombeau du rabbin Ehphraïm Al Khawa (ou Enkaoua), un juif de Tolède qui avait fui l'intolérance religieuse du catholicisme espagnol de la période de la "Reconquista". Les Tlemçanis juifs devaient enfin, rencontrer les habitants de leurs anciens domiciles, et leurs voisins de l'époque de leur vie en Algérie, que le président de "La Fraternelle", André Charbit, décrit comme marquée par un climat de "fraternité" entre les communautés juive et musulmane.

Désormais, les autorités algériennes n'opposent plus d'obstacles aux visites des "rapatriés d'Algérie" (à l'exception de ceux ayant été actifs dans les rangs de l'OAS ou des milices coloniales), qu'elles considèrent comme des touristes français comme les autres.

(Quotidien d'Oran 6.6 / AP 7.6) Le Front de Libération Nationale, dans un communiqué signé de son secrétaire général Abdelaziz Belkhadem, dénonce la loi adoptée par le parlement français "portant reconnaissance de la nation et contibution nationale en faveur des Français rapatriés", loi dont le FLN estime que l''"inspiration colonialiste" est "manifeste". Le FLN estime que la loi consacre une vision rétrograde de l'histoire, qu'elle justifie la barbarie du fait colonial en "gommant" ses manifestations les plus odieuses (massacres collectifs, déportations, tortures...). Le FLN regrette que cette loi intervienne "curieusement à un moment où l'Algérie et la France se préparent à la signature, hautement symbolique, d'un traité d'amitié qui devrait confirmer le dépassement dans la dignité et sans reniement aucun, des vicissitudes de l'histoire complexe qui a emprint les relations entre les deux pays". Le FLN observe que l'adoption de cette loi "met en relief le décalage flagrant entre la France officielle et son opinion publique", le seconde étant bien plus avancée que la première dans la reconnaissance du mal représenté par le colonialisme. Le FLN lance un appel au peuple français pour qu'il manifeste son opposition à une entreprise de "falsification de l'Histoire" -et de l'Histoire de France autant que de l'Histoire de l'Algérie.

(L'Expression 8.6) Un tribunal français a accordé le 7 juin une pension d'invalidité à vie à un militaire à le retraite atteint d'une maladie liée à sa participation aux essais nucléaire en Algérie dans les années soixante. "L'Expression" note que les victimes algériennes de ces essais ne sont toujours pas reconnues comme telles par la France, et affirme qu'à l'heure actuelle encore, "des dizaines de bébés naissent chaque année aussi bien à Tamanrasset qu'à Adrar avec des malformations congénitales dues aux radiations" issues des essais nucléaires français. L'indemnisation, pour la première fois à ce titre, d'une victime des essais nucléaires sahariens, pourrait ouvrir la voie à des demandes d'indemnisation, non seulement des victimes françaises, mais également des victimes algériennes. L'Association françaises des vétérans des essais nucléaires a ouvert 200 dossiers d'indemnisation.

(AP 16.6 / Libération, Le Quotidien d'Oran 18.6 / El Watan 19.6 / Le Quotidien d'Oran 21.6) Le président de l'Assemblée populaire nationale, Ammar Saïdani, a annoncé le 16 juin que le parlement algérien était en train de préparer une riposte à la loi du 23 février 2005 adoptée par le parlement français, portant "reconnaissance de la nation et contribution nationale" en faveur des Français rapatriée, pieds-noirs et harkis. Ammar Saïdani n'a pas précisé la nature de la "riposte", qui pourrait ne se traduire que par une motion de protestation. du parlement algérien au vote du parlement français, mais en Algérie les protestations contre la loi française ont été régulières, l'une des dernières en date émanant de l'"Organisation nationale des Moudjahidines" (anciens combattants de la guerre d'indépendance), qui accuse "les anciennes forces coloniales" de continuer à "faire l'amalgame entre la guerre d'agression coloniale et la lutte légitime de libération". Pour le FLN, la loi française consacre une "vision rétrograde de l'Histoire" et exprime une "volonté de justification de la barbarie du fait colonial". La Fondation du 8 Mai 1945, créée pour honorer les victimes de la répression des manifestations nationalistes de Sétif et Guelma, en mai 1945, a quant à elle proposé l'adoption d'un projet de loi assimilant les crimes de la colonisation à des crimes contre l'humanité, imprescriptibles et inamnistiables. Enfin, la Coordination nationale des enfants de Chouhada (famille des martyrs de la guerre de libération) a annoncer qu'elle allait intenter un procès contre la France devant un tribunal international, et organiser des manifestations de protestation dans des villes françaises.

Comme pour jeter un peu d'huile sur le feu, une association proche de l'extrême-droite française, l'"Association amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l'Algérie française" (ADIMAD), en clair une association d'anciens membres de l'OAS, a annoncé l'inauguration le 6 juillet à Marignane, près de Marseille, d'une stèle à la mémoire du chef des commandos "Delta", commandos de tueurs de l'OAS, Roger Degueldre, condamné à mort et fusillé en 1962 en France. La Ligue des droits de l'Homme, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, notamment, demandent au préfet des Bouches du Rhône d'interdire la cérémonie d'inauguration de la stèle, et appellent, si cette interdiction n'est pas prononcée, à un rassemblement de protestation, le jour de cette inauguration, à Marignane. La LDH, le MRAP, mais également le syndicat FSU et un collectif d'historiens dénoncent une tentative de "réhabilitation du colonialisme" et un honneur fait à des "tueurs fascistes". Les mêmes organisations participent au mouvement de protestation contre la loi du 23 février 2005

(Quotidien d'Oran 23.6 / El Watan 25.6 / L'Expression 28.6 / Quotidien d'Oran, El Khabar 3.7) Le président Bouteflika est revenu le 2 juillet, à l'occasion d'un colloque sur l'Armée de libération nationale, sur l'adoption par le parlement français d'une loi reconnaissant un aspect "positif" à la colonisation : "c'est une insolence de considérer la colonisation comme une mission civilisatrice", a affirmé le président algérien. Le ministre des Moudjahidines (anciens combattants), Mohammed Cherif Abbès, a pour sa part accusé les pieds-noirs d'être coupables d'une résurgence de la "nostalgie" du temps de la colonisation. Le Parlement algérien, dont on la presse algérienne avait annoncé qu'il pourrait adopter une résolution condamnant la loi française, semble y avoir renoncé, écrit "L'Expression". Le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Bedjaoui, a de son côté qualifié d'affaire "franco-française" l'adoption d'une loi qui pourrait en outre être modifiée par le parlement français, qui en extirperait le contenu "colonialiste".

A Marignane, l'inauguration d'une stèle en hommage aux anciens de l'OAS, qui avait provoqué en France même de nombreuses protestations, pourrait être reportée, à la demande du Maire. La Fondation Charles de Gaulle, la Ligue des droits de l'Homme, le MRAP, l'Association France-Algérie et le président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur avaient dénoncé cette inauguration, le ministre des Anciens combattants Hamlaoui Mekachera et le préfet des Bouches-du-Rhône avaient demandé l'annulation de la cérémonie, le préfet se déclarant prêt à l'interdire si le Maire de Marignage ne l'annulait pas. Hamlaoui Mechahera a "déploré" et "condamné" le projet d'inguration de la stèle à la mémoire des membres de l'OAS fusillés en France. Le ministre a rappelé que ces hommes avaient été jugée et condamnés par la France pour avoir recouru contre "les institutions de la République (...) aux moyens les plus violents et les plus condamnables", et a estimé que l'hommage qu'une association d'anciens membres de l'OAS entend leur rendre "crée un risque important pour la cohésion nationale".

(AFP 16.6 / AP 20.6) Le général Paul Aussaresses, condamné en décembre 2004 pour apologie de la torture, a été exclu de la Légion d'Honneur le 14 juin par décret de Jacques Chirac. Aussaresses avait été mis à la retraite d'office en 2001, après la parution de ses mémoires sur la Guerre d'Algérie, où il justifiait la pratique de la torture et reconnaissait s'y être livré. Il avait déjà à l'époque été suspendu de la Légion d'Honneur.

En revanche, la Cour d'appel d'Aix en Provence a confirmé la peine infligée en première instance, en juillet 2004, à un ancien caporal de l'armée française, Henri Pouillot, qui avait accusé un autre général, Maurice Schmitt, ancien chef d'état-major des armées françaises, de faire lui aussi l'apologie de la torture.

(Le Monde 29.6) Une rumeur à la fois infondée, absurde et imbécile, circulant depuis le mois de mai, selon laquelle les juifs d'Algérie contraints de quitter le pays après 1962 réclameraient à l'Algérie "144 millions de dollars à titre de compensation", provoque de nouvelles bouffées d'antisémitisme dans la presse et dans une partie de l'opinion publique algérienne. Relayée par la presse, à partir d'une "information" parue le 12 mai dans "Le Quotidien d'Oran", faisant état d'un colloque de juifs originaires de Constantine, en avril à Jerusalem, la rumeur a enflé jusqu'à reprendre les refrains habituels du vieil antisémitisme européen sur la "rapacité juive".

En réalité, aucune demande ni réclamation d'aucune sorte n'a été faite à l'Algérie, ni à la France, ni à aucune instance internationale, par des juifs algériens . Mais l'historien Benjamen Stora rappelle qu'"il y a une bataille très dure, en ce moment en Algérie, pour faire admettre que la mémoire juive est partie constitutive de la mémoire algérienne", dans un pays qui avait "évacué", physiquement (par l'expulsion) et synboliquement (par la négation) sa part juive, et est "en train de la redécouvrir".

Le judaïsme est présent dans ce qui est aujourd'hui l'Algérie depuis près de 2000 ans, bien avant que le christianisme, puis l'islam, ne s^y implantent. Sous le colonialisme, des bouffées d'antisémitisme (au sens d'antijudaïsme) ont périodiquement éclaté, mais étaient le fait des Européens, et non des Algériens musulmans. Pendant la guerre d'Algérie, de très nombreux juifs ont milité dans les rangs des opposants à la guerre, et des réseaux français de soutien au mouvement de libération nationale.

(AFP, Jeune Indépendant 6.7 / Quotidien d'Oran 9.7) Les présidents des deux chambres du Parlement algérien (Conseil de la Nation et Assemblée nationale populaire) ont dénoncé le 7 juillet l'adoption par le parlement français d'une loi reconnaissant "l'oeuvre positive" des Français pendant la période coloniale, et "portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés". Le président du Conseil de la nation (Sénat), Abdelkader Bensalah, a qualifié cette loi d'"antécédent grave" er "inadmissible", et appelé la France a présenter des "excuses publiques" au peuple algérien, afin d'"asseoir une plate-forme d'amitié et de coopération". Le président de l'Assemblée nationale a quant à lui estimé que la loi française heurtait "la conscience et les sentiments du peuple algérien".

A Marignane (près de Marseille), quelques centaines de nostalgiques de l'Algérie française, à l'appel de l'Association de défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l'Algérie française (ADIMAD) ont organisé le 6 juillet une cérémonie d'hommage aux anciens membres de l'OAS condamnés à mort et exécutés par la justice française, devant les portes du cimetière où devait être inaugurée une stèle, érignée en catimini, à la mémoire des ces membres de l'OAS, la cérémonie d'inauguration ayant été interdite par le préfet, au motif d'ordre public, une contre-manifestation étant organisée, à l'appel notamment du MRAP, qui a dénoncé le silence du ministre de l'Intérieur et appelé au "nettoyage des fascistes qui polluent la France".

(Le Monde 23.7 / El Khabar 25.7 / AFP 2.8) Les députés du parti islamiste légal Islah ont annoncé qu'ils élaboraient, avec des députés d'autres formations politiques, un projet de loi incriminant le colonialisme, en réponse à la loi adoptée par le Parlement français reconnaissant des "aspects positifs" à la "présence française en Afrique du nord". Le projet de loi qui pourrait être présenté au parlement algérien évoquerait l'ensemble des violations des droits humains commises par le régime colonial depuis l'invasion de l'Algérie par la France en 1830, et jusqu'à l'indépendance, y compris les crimes commis par l'OAS, ainsi que les conséquences des expériences nucléaires françaises dans le sud saharien.

En visite officielle à Madagascar, le président français Jacques Chirac a dénoncé, le 21 juillet, le "caractère inacceptable des répressions engendrées par les dérives du système colonial", en faisant notamment référence à la meurtrière répression de la révolte malgache de 1947. "On doit assumer son histoire, (...) ne pas oublier les événements (ni) nourrir indéfiniment aigueur et haine. L'histoire est faite d'affrontement et de réconciliation", a déclaré Jacques Chirac, qui a ajouté que "rien ni personne ne peut effacer le souvenir de toutes celles et de tous ceux qui perdirent injustement la vie" dans la répression de 1947, et s'est associé "avec respect à l'hommage qu'ils méritent".

Le 29 mars 1947, deux ans après les émeutes de Sétif en Algérie, et leur répression sanglante par la police, l'armée et les milices coloniales françaises, un soulèvement armé se produisait à Madascar, soulèvement condamné par le principal parti indépendantiste, le Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM), parti légal qui sera néanmoins dissous et ses chefs arrêtés. L'armée française exercera, trois ans avant l'indépendance de la Grande Ile, une répression massive, avec tortures, exécutions sommaires et déportations à la clef : "Nous faisons (à Madagascar) ce que nous avons reproché aux Allemands" de nous avoir fait, écrira Albert Camus dans "Combat". La répression du soulèvement malgache fera officiellement 80'000 morts, mais certains historiens estiment aujourd'hui que le bilan serait plus proche des 20'000 à 30'000 morts, presque tous malgaches (il n'y aura que 140 "Blancs" tués lors de l'insurrection).

A Marseille, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté une demande de suppression de la stèle érigée à Marignane par les nostalgiques de l'OAS à la mémoire des chefs de l'organisation condamnés à mort et exécutés par la justice française. Cette décision ne préjuge cependant pas de celle, sur le fond, que rendra ultérieurement le tribunal administratif sur la demande déposée par "Ras l'Front" et une association de victimes de l'OAS de suspendre l'arrêté municipal autorisant l'érection de la stèle, dont l'inauguration publique avait été interdite pour "trouble à l'ordre public" par le préfet de région.

(Quotidien d'Oran 21.8) En lançant la campagne pour le référendum sur son projet de "Charte de la paix et de la réconciliation" à l'occasion de la commémoration des "offensives" nationalistes du 20 août 1955, le président Bouteflika a relancé les attaques contre la loi française du 23 février 2005, sans jamais la citer mais en s'en prenant au colonialisme dont ladite loi prétendait relever les aspects "positifs". Pour le président algérien, l'ordre colonial mettait en oeuvre "un projet macabre dont l'objectif était une Algérie sans peuple", en massacrant les Algériens mais également en aliénant " leur identité, en altérant leur langue, leur religion, leur culture et leur histoire". Et cette pensée exterminatrice a été pour le président algérien "au coeur de la politique de l'Etat colonial", en se traduisant en "une guerre globale contre l'Algérie, n'épargnant ni homme, ni mémoire, ni nature".Les crimes du colonialisme, a ajouté Abdelaziz Bouteflika, ne "doivent pas devenir imprescriptibles ni oubliés".

(Le Quotidien d'Oran, El Watan 27.8 / Le Monde 30.8) Le président Bouteflika à évoqué le 28 août le traité d'amitié entre la France et l'Algérie, dont la signature est théoriquement prévue avant la fin de l'année, en assurant que cet objectif était toujours à l'ordre du jour, mais qu'il ne sera atteint que "dans le respect mutuel", ce qui implique que la France reconnaisse les crimes de la période coloniale : "Ce que nous demandons (à la France ne relève pas de l'impossible", a estimé le président algérien dans un discours prononcé à Sétif, mais en ajoutant que "nos amis en France (...) n'ont pas d'autre choix que de reconnaître qu'ils ont torturé, tué, exterminé de 1830 à 1962 (et) qu'ils ont voulu anéantir l'identité algérienne". Ces dénonciations des crimes du colonialismes sont devenues récurrentes dans les discours présidentiels algériens, depuis que le parlement français a adopté, en février 2005, à l'initiative de la droite, une loi très controversée attribuant des "aspects positifs" au colonialisme. Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a appelé les historiens et chercheurs français et algériens à " travailler ensemble (...) et en toute indépendance" sur la période coloniale, et s'est refusé à commenter les propos du président Bouteflika. Il apparaît d'ailleurs que le gouvernement français est lui-même très embarassé par cette loi, dénoncée par la gauche et les historiens, et qui est "tombée" à un très mauvais moment, alors que les autorités françaises et algériennes semblaient s'être mises d'accord sur la signature d'un traité d'amitié franco-algérien. Un proche du Premier ministre français Dominique de Villepin, s'exprimant sous couvert d'anonymat, a d'ailleus déclaré à l'hebdomadaire "L'Express" que "ce n'est pas au Parlement de légiférer sur la mémoire, c'est au peuple et aux historiens de l'entretenir".

(Le Monde 10.9) L'ancien chef-d'état major des armées françaises, le général Maurice Schmitt, est à nouveau confronté devant la justice à la question de la torture pendant la guerre d'Algérie, en se retrouvant le 8 septembre devant la Cour d'Appel de Paris, après avoir fait appel de sa condamnation en octobre 2003 pour diffamation à l'encontre de l'ancienne militante du FLN, Louisette Ighilariz, elle-même violée et torturée par les parachutistes français fin 1957 à Alger. Le témoignage de Louisette Ighilariz avait été qualifié de "tissu d'affabulations et de contre-vérités" par le général Schmitt, et le tribunal correctionnel de Paris avait estimé que Maurice Schmitt ne pouvait pas être mis au bénéfice de la bonne foi. Entre-temps, de nouveaux éléments sont venus enrichir la polémique, dont la longue enquête effectuée par la journaliste du "Monde" Florence Beaugé, et en particulier le témoignage d'un ancien parachutiste, Raymond Cloarec, confirmant sur plusieurs points celui de Louisette Ighilariz, et qui a ensuite fait l'objet de pressions du général Schmitt pour qu'il démente ce témoignage.

(Liberté 11.9) Le Président Bouteflika a réaffirmé, en assistant à un cours sur la "réconciliation nationale" dans un lycée de Blida, que les Pieds-noirs était les bienvenus en Algérie, mais que "nour restons vigilants face à ceux qui caressent encore le rêve du paradis perdu", et a ajouté que les enfants de harkis qui voudraient revenir en Algérie et être des Algériens comme les auttres peuvent le faire, avec "les mêmes droits et les mêmes devoirs que tous les autres Algériens". Le président algérien confirme ainsi ses déclarations du 9 septembre, à Oran, où il avait admis des "erreurs" dans "le traitement du dossier des familles de harkis". "Nous n'avons pas fait preuve de sagesse", a admis le président algérien, et "nous avons suscité*" auprès des familles et des proches de harkis "un sentiment de haine et de rancoeur portant préjudice au pays"

(Le Monde 17.9 / Nouvel Obs 20.9 / AP 21.9 / AFP 26.9 / El Watan 27.9) Moins d'une semaine après que le président Bouteflika ait publiquement regretté "les haines entretenues (à l'égard des harkis) depuis l'indépendance", son ministre de l'Agriculture, Saïd Barkat, a déclaré le 13 septembre que la majorité des Algériens refusaient "la venue des harkis en Algérie car ce sont des traîtres à leur pays et à leur nation", "des vendus et de vieux gradés de la honte", et que si les enfants des harkis étaient "les bienvenus", c'était à la "condition qu'ils reconnaissent de facto les crimes de leurs parents". Cet appel au reniement de leurs pères par les enfants de harkis, et cette contradiction entre le geste du président Bouteflika et le discours de l'un de ses ministres, a suscité en France, au sein des associations de familles de harkis, de l'incompréhension et de l'amertume. Le président du Comité national de liaison des harkis, Azni Boussad, a demandé au président Boutelfika d'"adopter une ligne claire et définitive sur ce sujet", et Fatima Lancou-Besnaci, présidente de l'associations Harkis et droits de l'Homme, qui trouve l'attitude du pouvoir algérien "incohérente", estime inacceptable de demander aux enfants de harkis de demander pardon pour "les crimes" de leurs parents.

Dans une lettre au président Chirac, rendue publique le 21 septembre, la ligue des droits de l'Homme (LDH) estime qu'il est temps que la France reconnaisse qu'elle a eu un "comportement indigne" à l'égard des harkis et de leurs familles, à qui elle avait fait à la fin de la guerre d'Algérie des "promesses" qu'elle n'a pas tenues, et qui a abandonné les harkis et leurs familles.

Le Premier ministre français Dominique de Villepin a exprimé le 25 septembre la "reconnaissance de la Nation" envers les harkis, lors d'une cérémonie à Paris à l'occasion de la "journée nationale d'hommage aux harkis". La loi du 23 février 2005 "témoigne de la volonté de la France de ne pas oublier (une) page tragique de l'histoire et de rendre hommage à ceux qui ont été trop souvent et injustement oubliés", a déclaré Dominique de Villetpin, qui a décoré cinq anciens combattants et représentants des associations de harkis.

Le ministre français aux Anciens Combattants, Hamlaoui Mekachera, a déclaré le 15 septembre que la loi française du 23 février sur le "rôle positif de la présence française outre-mer" était un "problème franco-français", et que les protestations suscitées en France par cette loi étaient "complétement absurdes". Plusieurs historiens français (notamment Claude Liauzu, Jean Baubérot, Raphaêlle Branche et Pierre Vidal-Naquet) ont répondu au ministre en rappelant d'abord que leur protestation et leur demande d'abrogation de ladite loi était soutenue par plus de mille enseignants et chercheurs français et étrangers, ainsi que par la Ligue des droits de l'Homme, la Ligue de l'Enseignement, le MRAP, la LICRA. Les historiens estiment que cette loi, qu'ils considèrent comme une tentative de réhabilitation du colonialisme, "risque de mettre la France dans une situation comparable à celle du Japon", dont les relations avec la Chine et la Corée, notamment, sont plombées par son refus de reconnaître les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par les armées d'occupation japonaises durant la seconde guerre mondiale. Les historiens estiment également qu'ériger les discours des nostalgiques de l'Algérie française "en vérité officielle reviendrait à nourrir les tenstions internes de la société française et à dégrader les relations extérieures de la France", notamment avec l'Algérie. Pour sa part, le président du Front des Forces Socialistes, Hocine Aït Ahmed, a estimé que la loi du 23 février "réussit l'exploit d'être à la fois scandaleuse et stupide. Scandaleuse car elle est une insulte pour les souffrances endurées par les Algériens (...). Stupide, car elle revient à désavouer la formidable dynamique anticoloniale qui a permis à de nombreux peuples (...) de recouvrer leur souveraineté". Mais, ajoute Hocine Aït Ahmed, "l'instrumentalisation démagogique d'un nationalisme archaïque et revanchard de cette loi par le pouvoir n'est pas moins détestable" que la loi elle-même. Et "tout se passe comme si le pouvoir n'exigeait aujourd'hui de la France une repentance -par ailleurs (...) légitime- que pour mieux contraindre les responsable français à continuer d'observer un silence assourdissant sur la situation" de l'Algérie.

(Nouvel Obs 3.11) La Cour d'appel de Paris a relaxé le 3 novembre le général Maurice Schmitt, ancien chef d'état-major des armées, poursuivi pour diffamation sur plainte de l'ancienne militante du FLN pendant la guerre d'Algérie, Louisette Ighilahriz, qu'il accusait d'"affubalutaions et de contreverités" après qu'elle ait, dans son témoignage publié en mars 2001, accusé un officier français, le capitaine Graziani, de l'avoir torturée et violée. Pour le tribunal, le général Schmitt bénéficie, comme tout autre, de la "liberté d'expression" et ne devrait donc pas être poursuivi pour diffamation. Cette position a également été celle de l'accusation.

(Le Figaro 8.12 / La Tribune 17.12) La gauche française, pour une fois unie, demande par voie de pétition (laquelle a déjà recueilli plusieurs dizaines de milliers de signatures) l'abrogation de l'article 4 (reconnaissant les apports positifs de la colonisation) de la loi du 23 février 2005. Le 15 décembre, un rassemblement, suivi d'une conférence de presse à laquelle participaient des représentants de toutes les organisations de la gauche française (PS, PC, Lutte Ouvrière, LCR, Radicaux de Gauche), qui ont affirmé partager, selon le mot du Premier secrétaire du PS François Hollande, "le même objectif et la même révolte" : l'objectif est celui de l'abrogation de l'art. 4 de la loi (mais non de la loi elle-même, qui porte notamment réparation des préjudices subis par les harkis), la révolte est celle suscitée par une disposition "choquante, blessante et méprisante", que la droite a refusé d'abroger, le 29 novembre dernier, mais qui peut l'être par décret (gouvernemental ou présidentiel).

Cette disposition a été dénoncée en Algérie comme une réhabilitation des crimes du colonialisme, mais également dans les départements et territoires français d'outre-mer, où de nombreux élus, et de nombreuses organisations ont exprimé leur colère. Le président du Conseil régional de Guadeloupe, le socialiste Victorin Lurel, s'est refusé, aux noms des peuples des anciennes colonies françaises (et de ce qu'il en reste) à être "condamnés, par une sorte de châtiment historique, à remâcher le vomi du racisme, de l'orgeuil et de l'arrogance socialiste". Ses homologues de Martinique, l'indépendantiste Alfred Marie-Jeanne, de Guyane, le socialiste Antoine Karam, ont exprimé le même refus de la réhabilitation du colonialisme. Le plus grand écrivain antillais, et l'un des plus grands écrivains de langue française, le Martiniquais Aimé Césaire, ancien député et ancien maire de Fort-de-France, s'est joint à ces voix, et a refusé de recevoir le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, qui devait se rendre aux Antilles -mais a annulé sa visite devant la menace de manifestations violentes.

2006

(Reuters 28.12 / Quotidien d'Oran 4.1 / Jeune Indépendant 5.1) Le président de l'Assemblée Nationale française, le chiraquien Jean-Louis Debré, a entamé une série d'auditions devant servir à rédiger un rapport sur la loi du 23 février 2005, réhabilitant le colonialisme. C'est sur mandat du président Jacques Chirac, très attaché aux bonnes relations entre la France et l'Algérie, que Debré a été chargé de mener une "mission pluraliste" d'évaluation de "l'action du parlement dansle domaine de l'histoire et de la mémoire". Jacques Chirac a donné trois mois à la mission pour rendre ses recommandations, mais ce délai pourrait être écourté, Jean-Louis Debré semblant pressé de rendre son rapport au président. Jean-Louis Debré devrait notamment rencontrer des représentants des associations de harkis et de pieds-noirs, des juristes et des historiens, autour de la question : le législateur a-t-il vocation et légitimité à faire oeuvre historienne et mémorielle. Le 9 décembre, le président Chirac avait d'une certaine manière répondu par la négative à la question, et son Premier ministre, Dominique de Villepin, ainsi que la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie, ont défendu la même position. Le 4 janvier, présentant ses voeux à la presse pour la nouvelle année, Jacques Chirac a laissé entendre que de la mission confiée à Jean-Louis Debré pourrait sortir une proposition d'abrogation, ou de reformulation de l'article 4 de la loi -celui qui incite l'école à mettre en valeur les "aspects positifs" du colonialisme.

La concurrence au sein de la droite dans la perspective de l'élection présidentielle a en outre amené Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur et candidat à la candidature à la succession de Jacques Chirac à la présidence (y compris contre Jacques Chirac lui-même, ou contre Dominique de Villepin) a également commandé une "mission de réflexion", dont il a chargé l'avocat Arno Klarsfeld, membre de l'UMP (le parti dont Sarkozy est président), histoire de ne pas laisser le terrain à Chirac ou à Villepin. Arno Klarsfeld a fait savoir que pour lui, il ne pouvait être question d'abroger l'article controversé, et de renier les "aspects positifs" du colonialisme, mais seulement d'en reconnaître aussi les aspects négatifs.

A gauche, on se mobilise également : le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) appelle à une marche en février, pour marquer le premier anniversaire de la loi. Quant aux partis politiques de gauche (de la Ligue communiste révolutionnaire au PS), ils ont lancé une pétition qui en quelques jours a recueilli 45'000 signatures pour l'abrogation de la loi, ou du moins de son article controversé (l'article 4) de réhabilitation du colonialisme.

En Algérie, le chef du FLN, Abdelaziz Belkhadem, a demandé à la France de "présenter ses excuses pour les crimes commis contre les Algériens". Cette déclaration a été faite à la radio algérienne. Pour Abdelaziz Belkhadem, "on ne doit pas falsifier l'histoire en disant que le colonialisme a eu des côtés positifs. Le colonialisme, c'est la destruction", et les "relations privilégiées entre les Algériens et les Français (...) ne doivent pas se construire au détriment de la mémoire algérienne".

(El Watan 19.1 / La Forge janvier 2006) Une cinquantaine d'organisations et associations françaises ont lancé le 18 janvier un appel à manifester le 25 février pour l'abrogation de de la loi du 23 février 2005, dont l'article 4 reconnaît un "rôle positif" à la colonisation. "Nous lançons une campagne citoyenne contre la loi de la honte, qui est une offense à l'endroit des victimes de la colonisation et de leurs enfants (et) une provocation et un déni de vérité", a expliqué le secrétaire général du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP), Mouloud Aounit. "Une loi mauvaise ne doit pas être réécrite ni amendée, mais tout simplement abrogée", a ajouté Mouloud Aounit, soutenu sur ce point par l'ancien ministre socialiste Dominique Strauss-Kahn, initiateur en décembre d'une pétition pour l'abrogation de la loi, pétition qui a recueilli plus de 45'000 signatures.

Le président de l'Assemblée nationale française, le chiraquien Jean-Louis Debré, a annoncé le 17 janvier qu'un nouveau texte de l'article 4 était en cours de négociation entre les représentants des quatre groupes parlementaires (UMP, UDF, PS et PC, ces deux derniers demandant au moins l'abrogation de cet article, sinon de toute la loi).

Le débat s'est enflammé en France assez tardivement, après l'adoption du fameux article 4, alors que les propositions de reconnaissance du rôle "positif" de la colonisation ont commencé à être faites en 2003, par la droite française. Le 15 mars 2003, une proposition de loi sur la reconnaissance publique de "l'oeuvre positive de l'ensemble de nos concitoyens qui ont vécu en Algérie pendant la période française" est déposée par Jean Leonetti, vice-président du groupe parlementaire de l'UMP (majorité présidentielle) et Philippe Douste-Blazy, secrétaire général de l'UMP et actuel ministre des Affaires étrangères, et signée par une centaine de députés, qui demandent que "le temps de la mémoire et de la reconnaissance précède et accompagne le temps de la réconciliation et de la coopération", et que "la représentation nationale reconnaisse l'oeuvre de la plupart de ces hommes et de ces femmes qui, par leur tavail et leurs efforts, et quelquefois au prix de leur vie, ont représenté pendant plus d'un siècle la France de l'autre côté de la Méditerranle". Une pétition est alors lancée contre "l'occulation des crimes coloniaux". Elle récolte un millier de signatures. La proposition de loi s'enlise dans la procédure, pendant que le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin charge le député UMP Michel Diefenbacher d'une mission de "parachèvement des efforts de reconnaissance matérielle et morale de la Nation à l'égard des députés". Le député remet le rapport de sa mission en septembre 2003, en proposant de "créer au sein du ministère de l'Education nationale un groupe de réflexion sur la place réservée à l'oeuvre française outre-mer dans les manuels scolaires". Le 10 mars 2004, Michèle Alliot-Marie, dépose un projet de loi dont l'article premier exprime la "reconnaissance" de "la Nation (...) aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'oeuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc et en Tunisie, ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française", à quoi on ajoutera l'Indochine. En juin 2004, lors de l'examen du projet devant la commission des affaires culturelles, le député UMP Christian Kert fait adopter un amendement demandant que "les programmes scolaires et les programmes de recherche universitaires accordent à l'histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu'elle mérite". Le 11 juin, le député UMP Christian Vanneste demande que les programmes scolaires fassent "connaître à tous les jeunes Français le rôle positif que la France a joué outre-mer".Cette proposition est repoussée par la sous-commission, mais le gouvernement, par la voix du ministre des Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, s'en remet "à la sagesse de l'Assemblée", laquelle, dans une séance où la majorité des présents étaient signataires du projet de loi de 2003, adopte à main levée, sans débat et sans opposition, les propositions des députés Kert et Vanneste. En novembre 2005, le président du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault, admet : "nous avons manqué de vigilance". En décembre 2004, pour la première fois, la teneur de l'article 4 est enfin contestée en séance plénière du parlement, en l'ocurrence au Sénat, par le sénateur communiste Guy Fischer, qui dénonce une "banalisation des guerres coloniales". Mais ni le PS, ni le PC ne déposent de recours devant le Conseil constitutionnel et le 10 févreier 2005, la loi est adoptée par l'Assemblée nationale, avec son article 4 reconnaissant le "rôle positif" de la colonisation. La première réaction sera celle d'historiens qui lancent une pétition contre "l'enseignement d'une histoire officielle de la colonisation". La gauche suivra dans la contestation, qui prendra un tour particulièrement radical aux Antilles françaises, où un voyage du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy sera annulé après l'annonce de manifestations hostiles, et le refus de l'ancien Maire de Fort de France, ancien député de la Martinique, et l'un des plus grands écrivains français vivants, Aimé Césaire, de rencontrer le ministre.

72 ENSEIGNANTS ET CHERCHEURS EN HISTOIRE ET EN DROIT DEMANDENT AU PREMIER MINISTRE LA DÉLÉGALISATION DE L'ARTICLE 4 DE LA LOI DU 23 FEVRIER 2005

Dans une demande adressée au Premier ministre, plus de 70 enseignants du secondaire et du supérieur lui demandent de procéder à la « délégalisation » et d'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février 2005. Cette disposition assigne en effet aux programmes scolaires et universitaires un contenu en prévoyant l'enseignement du « rôle positif » de la colonisation et d'accorder « la place qu'elle mérite » à la « présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord ».

Ces enseignants et chercheurs en sciences sociales contestent cette injonction qui porte manifestement atteinte à la liberté de l'enseignement, au principe d'indépendance des enseignants-chercheurs et de neutralité des programmes scolaires.

C'est pourquoi, si le Premier ministre ne répond pas favorablement à cette demande, ils demanderont au Conseil d'Etat d'annuler son refus.

L'article 37 alinéa 2 de la Constitution permet en effet au Premier ministre de procéder, par décret, au « déclassement » d'une disposition législative intervenant dans le domaine réglementaire, après avoir saisi le Conseil constitutionnel à cette fin . Or, en vertu de l'article 34 de la Constitution, il n'appartient par au législateur de définir le contenu des programmes. Le Conseil d'Etat a reconnu en 1999 qu'un refus de déclassement pouvait lui être déféré par la voie d'une requête en annulation.

Rappelons que le président du conseil constitutionnel a lors de la présentation de ses vœux au président de la République critiqué, en évoquant l'article 4, ces « lois d'affichage dont on mesure après coup les conséquences décevantes ou inopportunes » et regretté que le conseil constitutionnel n'ait pas été saisi de cette disposition.

Les promesses réitérées par le Président et le Premier ministre de demander la « réécriture » de l'article 4 ne donnent aucune assurance que les principes mis en cause par le Parlement seront respectés. Même amendée, la disposition législative imposerait toujours aux chercheurs et aux enseignants une vision officielle de l'histoire.

En déclassant et en abrogeant cette disposition, le Premier ministre reconnaîtrait clairement qu'elle est non seulement illégitime au regard de la réalité historique de la colonisation mais aussi le fruit de l'opportunisme politique des parlementaires.

Parmi les 72 enseignants et chercheurs s'étant associés à cette démarche, composés de manière équilibrée d'historiens et de juristes , d'enseignants du supérieur et du secondaire , on trouve en particulier :

Jean BAUBEROT ( Président d'honneur de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes), Emmanuel BLANCHARD ( Chercheur en histoire contemporaine- Centre d'histoire sociale du XXè), Raphaëlle BRANCHE ( Maîtresse de conférences en histoire contemporaine - Université Paris 1), Véronique CHAMPEIL-DESPLATS (Professeure de droit public - Université du Littoral-Côte-d'Opale), Hélène D'ALMEIDA-TOPOR ( Professeure émérite d'histoire, Centre de Recherches africaines Université Paris 1 ), Nicolas FERRAN ( Doctorant en droit public - Université Montpellier 1), Daniel HEMERY, Maître de conférences en histoire - Université Paris 7) ; François JULIEN-LAFERRIERE ( Professeur de droit public à l'Université Paris XI), Olivier Le COUR GRANDMAISON ( Maître de conférences en sciences politiques - Université Evry-Val-d'Essonne), Claude LIAUZU ( Professeur d'histoire - Université Paris 7), Danièle LOCHAK ( Professeur de droit - Université Paris X-Nanterre), Pierre MATHIOT ( Professeur de sciences politiques - Université de Lille 2), Isabelle MERLE ( Chargée de recherche CNRS, CREDO - Marseille), Gilbert MEYNIER ( Professeur émérite d'histoire contemporaine - Université Nancy 2), Gérard NOIRIEL ( Directeur d'études à l'EHESS), Frédéric ROLIN ( Professeur de droit public - Université Evry-Val-d'Essonne), Alexis SPIRE (C hargé de recherche au CNRS, CERAPS - Université de Lille 2), Sylvie THENAULT ( Chargée de recherche au CNRS - IHTP), Sophie WAHNICH ( Chargée de recherche CNRS Laios, MSH-EHESS), Patrick WEIL ( Directeur de recherche au CNRS Centre d'histoire sociale du XXè), Denis WORONOFF ( professeur émérite d'histoire, Université Paris I Panthéon-Sorbonne)


(Courrier International, La Tribune, El Watan 30.1) Des "rapatriés" d'Algérie demandent 12,1 milliards d'euros à l'Algérie, par 597 recours* déposés devant le Comité des droits de l'Homme de l'ONU, à Genève. L'Union de défense des intérêts des Français repliés d'Algérie et d'outre-mer (USDIFRA) constitue en outre 300 nouveaux dossiers d'indemnisation à l'encontre de l'Etat algérien, qu'ils qualifient d'"Etat spoliateur". L'avocat des recourants, Alain Garay, précise que les sommes demandées ont été fixées par référence aux réparations déjà versées par la France aux "expatriés", réparation fixées à l'équivalent de 25 % de la valeur des biens abandonnés en Algérie.

*Aucun de ces recours (ni ceux déposés, ni ceux à venir) n'a la moindre chance d'être admis par une instance des Nations Unies, compte tenu de la reconnaissance par l'ONU du droit des peuples à l'autodétermination comme un droit fondamental primant les droits particuliers ou collectifs des colons ou des populations installées par les Etats colonisateurs sur le territoire de leurs colonies. Quant aux Etats nés de la décolonisation ou, plus généralement, de l'exercice du droit des peuples à l'autodétermination, ils n'ont aucune devoir à assumer à l'égard des anciens colons ou des ressortissants de l'ancienne puissance tutélaire, hors les devoirs que tout Etat a à assumer à l'égard de toutes les personnes vivant sur son territoire. L'Algérie n'a pas plus à indemniser les "expatriés" français que la France n'a à indemniser les Allemands installés en Alsace entre 1940 et 1944. En revanche, des recours déposés par les "rapatriés" contre l'Etat français auraient quelque chance d'être acceptés, puisque la France est à la fois responsable de l'entreprise de colonisation, comptable de ses actes d'Etat sur l'ensemble du territoire qui était à l'époque de la colonisation (et donc de l'Algérie française) considéré comme un territoire français, et redevable à l'égard de tous ses citoyens (en l'ocurrence, les Français d'Algérie) de la garantie de leurs droits fondamentaux.
Par ailleurs, même si, par hypothèse absurde, les Français d'Algérie pouvaient obtenir quelque "réparation" que ce soit de l'Algérie, les Algériens (chaque Algérien-ne, et l'Etat algérien lui-même) pourraient à leur tour exiger de la France réparation pour les actes commis à leur encontre pendant les 132 ans de "présence française" en Algérie. Le président de l'Association franco-algérienne pour la protection des droits acquis, Rabah Amroun, s'est d'ailleurs adressé le 23 décembre en ce sens à la Cour européenne des droits de l'Homme, à la Commission européenne et aux présidents Bouteflika et Chirac pour leur demander d'appliquer strictement les textes existant en droit français, algérien et international, notamment la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Selon Rabah Amroun, la France devrait "aux Algériens" pas moins de 1,3 billion de dollars (1300 milliards), capital et intérêts, pour l'ensemble des actes contraires au droit commis de 1930 à 1962 : homicides, torture, déportations, spoliations, viols, effets des essais nucléaires, des mines antipersonnel, destructions de villages, incorporations forcées dans les rangs de l'armée française pendant les deux guerres mondiales et les guerres coloniales etc...

(Quotidien d'Oran 1.2) Le Conseil constitutionnel français a "déclassé" l'alinea 2 de l'article 4 de la loi du 23 février, ce qui permet au gouvernement de supprimer cet alinea controversé (celui qui reconnaît un "rôle positif" à la colonisation et invite l'école publique à en tenir compte dans l'enseignement dispensé) sans en référer au parlement qui l'avait adopté. Le Conseil constitutionnel a estimé que l'alinea "déclassé" relevait du domaine réglementaire et non de celui de la loi, et que le contenu des programmes scolaires ne relève d'aucun principe réservé par la constitution au domaine de la loi.

La disposition déclassée n'aura donc vécu qu'une année, entre son adoption par la majorité de droite du parlement français et son déclassement par le Conseil constitutionnel, à l'initiative du président Chirac.

(Quotidien d'Oran 19.2) Le deuxième alinéa controversé de l'article de la loi française du 23 février 2005 (portant "reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés") a été abrogé par le gouvernement, une année (à six jours près) après son adoption. L'alinéa en question disposait que "les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l'histoire et aux sacrifices des combattants de l'armée française issue de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit". Historiens, associations de l'immigration et organisations de gauche s'étaient mobilisés pour l'abrogation, au moins, de cet alinea, voire de l'article entier, sinon de toute la loi. C'est finalement Jacques Chirac lui-même qui avait tranché en faveur de l'abrogation, et avait demandé au Premier ministre Dominique de Villepin, lui-même partisans de se défaire du texte encombrant, d'en finir.

Le "Collectif du 23 février", qui regroupe une partie des organisations et associations militant contre la loi (notamment le PCF, le MRAP et l'Association du 17 octobre 1961 contre l'oubli) continue d'exiger l'abrogation de toute la loi, qu'il estime toute entière "imprégnée" d'une "vision insultante et mensongère" de la colonisation, en même temps que perdure "le silence assourdissant de l'Etat concernant sa responsabilité dans tous les crimes coloniaux".

(Le Quotidien d'Oran 14.2) Le Sénat français a conclu le 6 février un rapport sur "les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectuées par la France entre 1960 et 1996", dont les essais effectuées dans le sud saharien avant et après l'indépendance de l'Algérie.

Le premier essai nucléaire français a été effectué le 13 février 1960 à Reggane, dans le Tanezrouf (Sahara algérien). Il s'agissait d'un essai aérien. Le premier essai souterrain a également été effectué au Sahara, le 7 novembre 1961, à In Ecker. Le dernier essai nucléaire saharien de la France a été effectué le 16 février 1966 à In Ecker, après quoi les sites d'expérimentation ont été évacués et remis aux autorités algériennes en juin 1967. Au total, 17 essais nucléaires ont été effectués par la France dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966, dont 4 essais dans l'atmosphère entre février 1960 et avril 1961, après quoi les essais ont été effectuées en Polynésie jusqu'en 1996 (193 essais, dont 41 atmosphériques). Depuis 1996, la France ayant ratifié le traité t'interdiction complète des essais nucléaires, n'en a plus effectué.

Les retombées radioactives consécutives aux essais atmosphériques dans le Sahara ont été enregistrées jusqu'à 3000 km de distance du point d'explosion, et ont touché Ouagadougou, Bamako, Abidjan, Dakar et Khartoum.

Le premier essai nucléaire français (un essai atmosphérique) s'est déroulé à Hamoudia, à 40 km de Reggane, dans le Sahara. Aucun avertissement n'a été donné à la population de la zone environnante. Selon les statistiques médicales algériennes, la région d'Aoulef, à une centaine de kilomètres du point d'explosion, enregistre le record nationale absolu des décès par cancer. Plusieurs militaires français ayant participé aux essais semblent également avoir subi des séquelles graves (cancers, décès prématurés, handicaps) et ont formé une association nationale pour faire reconnaître leurs droits à des indemnités.

Après les quatre essais atmosphériques, la France a procédé à des essais souterrains dans le Taourirt Tan Afella, près d'In Decker, dans la région de Tamanrasset. Dans un rayon de 100 km autour du lieu d'essais vivaient 2000 habitants sédentaires, plus un nombre indéterminé de nomades. Entre novembre 1961 et février 1966, 13 essais ont été effectués dans la montagne, dont quatre essais que le rapport du Sénat considère comme n'ayant pas été totalement contenus ou confinés, le 1er mai 1962 (avec un nuage radioactif montant à 2600 m d'altitude et des retombées jusqu'à 150 km du point d'explosion), le 30 mars 1962 (panache radioactif jusqu'à l'oasis d'Idelès (280 habitants sédentaires), à 100 km du point d'explosion), le 20 octobre 1963 (panache radioactif jusqu'à Tamanrasset, à 150 km du point d'explosion) et le 30 mai 1965 (émanation gazeuses au point d'explosion).

(Le Soir d'Algérie 4.3) La présence annoncée de Mohammed Harbi et de Hocine Aït Ahmed à la tenue d'un colloque, le 4 mars, sur le thème des "harkis dans l'histoire de la colonisation et ses suites", colloque organiséà par plusieurs ONG et associations, dont une association de harkis ("Harkis et droits de l'Homme") a suscité la colère d'autre harkis, proches de l'extrême-droite, réunis dans "Harkis info", qui font circuler une pétition contre le colloque, qui se tiendra à l'Assemblée nationale, et qu'ils qualifient d'"opération de dénigrement de la France financée par le contribuable au travers d'une réécriture absolument faussée de l'histoire des harkis". Ce qui a surtout suscité la colère de "Harkis info" est la volonté d'ouverture des organisateus du colloque, volonté précisément manifestée par l'invitation faite à Mohammed Harbi et à Hocine Aït Ahmed de s'y exprimer, en personne ou par le moyen d'interventions retransmises.

(El Watan 8.5 / Le Jeune Indépendant 9.5 / Le Monde 12.5 / El Watan 13.5 / Liberté 17.5 /AFP, AP 18.5) La France doit présenter des "excuses officielles" au peuple algérien avant de s'engager dans "d'autres relations d'amitié", comme celles que consacrerait la signature d'un "traité d'amitié" avec l'Algérie, a estimé le 18 mai le président Bouteflika, dans un message à l'occasion de la journée nationale de l'Etudiant (le 19 mai). Le président algérien a appelé l'Etat français, à "assumer pleinement ses responsabilités historiques" pour "jeter les bases d'une amitié authentique bannissant toute forme de rancoeur et de ressentiment". Abdelaziz Bouteflika a placé cette demande sous le signe de la devise de la Révolution française, "liberté, égalité, fraternité". Le 7 mai, dans un discours lu par le ministre des Anciens combattants, le président Bouteflika avait assuré qu'il n'y avait "pas de nuage dans le ciel Algérie-France", mais qu'il n'y aurait pas de traité d'amitié sans excuses officielles.

Le 16 mai, la ministre française aux Affaires européennes, Catherine Colonna, avait déclaré que la France souhait elle aussi "une reconnaissance objective et assumée des faits" liés à la colonisation de l'Algérie, mais qu'elle estimait que le rôle des gouvernemens français et algérien devait se limiter à "faciliter" le travail des historiens. De son côté, le Premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, a estimé que les Franças étaient "prêts à ce qu'on dise ce qui s'est passé pendant la Guerre d'Algérie", et qu'il fallait que Français et Algériens disent "ce qu'a été notre histoire". En Algérie, une initiative a été lancée par pas moins de 1700 intellectuels, avocats, historiens, artistes, responsables et militants politiques pour "décoloniser les relations" entre l'Algérie et la France, "défendre par tous les moyens pacifiques, politiques, culturels, médiatiques et juridiques, la mémoire collective de notre peuple, l'histoire de sa glorieuse révolution et de sa courageuse résistance à l'occupation française". Le mouvement ainsi créé entend faire considérer par les instances internationales le colonialisme comme "crime contre l'humanité", donnant droit à des excuses des Etats coloniaux et des réparations pour les peuples colonisés. Les signataires de l'appel affirment soutenir la position du président Bouteflika "quant à l'impossibilité de concevoir la signature du traité d'amitié entre l'Algérie et la France avant la reconnaissance officielle par l'Etat français de sa responsabilité historique, politique, juridique et moales dans les crimes abominables perpétrés à l'encontre de la naion algérienne tout au long de l'ère coloniale".

En Turquie, et en réponse à l'examen par l'Assemblée nationale française d'une proposition socialiste de loi réprimant la négation du génocide des Arméniens de Turquie, un député du parti (islamiste) au pouvoir a proposé de faire du 8 mai une journée de commémoration du "génocide commis (par la France) contre les Algériens", et a proposé la répression (par la prison et l'amende) de toute négation d'un tel génocide.

Pendant les polémiques historico-politiques, les affaires continuent : un important accord-cadre de partenariat entre le groupe français (sous contrôle public) La Poste et Algérie-Telecom a été signé le 8 mai. Sept contrats franco-algériens ont été signés dans le domaine de l'information et de la communication. Un autre accord (de coopération) avait été signé quelques jours plus tôt, pour la formation des cadres bancaires algériens, par le centre de formation de l'organisation patronale du secteur bancaire français. Pour le directeur général et vice-président des syndicats patronaux français (Medef), Thierry Courtaigne, les "partenaires" français et algériens restent "déterminés à aller de l'avant et à ne pas se laisser intimider par les soubresauts politiques". La France a d'ailleurs souteni la proposition algérienne de remboursement anticipé de 8 milliards de dollars de la dette publique de l'Algérie. Le ministre français de l'Industrie, François Loos, a déclaré le 8 mai, lors d'une visite à Alger, que les entreprises françaises étaient très intéressées par le programme algérien de privations, et notamment par l'ouverture du capital d'Algérie Telecom.

(AP 24.5) Un Algérien de 41 ans, installé depuis plus de dix ans à Saint-Etienne avec sa famille de cinq personnes, a été expulsé le 24 mai de France vers l'Algérie, sur la base d'un arrêté du ministère de l'Intérieur datant de novembre 2000, au motif qu'il se livrait "à des activités de nature à compromettre la sûreté de l'Etat et la défense nationale". L'expulsé, lui, affirme ne pas faire "de politique" et n'avoir jamais été condamné. Il avait demandé l'asile politique en affirmant être victime à la fois de racket du fait d'un groupe armé, et d'accusations infondées de "complicité avec les terroristes", de la part des autorités algériennes.

(Liberté 17.5) Des personnalités françaises et algériennes ont rend hommage le 15 mai, à l'occasion du 10ème anniversaire de sa mort, à l'ancien archevêque d'Alger (jusqu'en 1988), le cardinal Léon-Etienne Duval, que son engagement contre la torture pendant la guerre d'Algérie avait fait surnommer (par les "ultras" de l'Algérie française "Mohammed Duval". Aux côtés de personnalités algériennes (les anciens Premiers ministres Reda Malek et Smaïl Hamdani, le ministre des Affaires religieuses, le commandant Azzedine), l'Ambassadeur de France et le successeur de Mgr Duval à l'archevêché d'Alger, Henri Teissier, ont rendu hommage au prélat français, resté à la tête de l'église catholique algérienne après l'indépendance, et qui avait acquis la nationalité algérienne sans perdre la nationalité française.

(El Watan 7.6 / Le Monde 10.6 / Le Quotidien d'Oran 14.6) Intellectuel chrétien, résistant condamné à mort par les nazis, militant de la cause algérienne condamné à mort par l'OAS, André Mandouze est décédé le 5 juin à 90 ans, à Porto Vecchio (Corse). Amoureux et spécialiste de Saint Augustin , résistant au nazisme, co-fondateur de "Témoignage chrétien", il s'établit à Alger en 1946, comme professeur de latin à l'université. Il y dénonce en 1947 déjà la répression coloniale, lance en 1950 la revue "Conscience algérienne", considérée comme séditieuse par les autorités française, sert d'intermédiaire entre Pierre Mendès-France et le FLN, participe au "Manifeste des 121" proclamant le droit à l'insoumission, est chassé d'Algérie en 1956, dénonce la torture, publie en 1961 "La Révolution algérienne par les textes", revient en Algérie à l'indépendance pour réorganiser l'université, retourne à Paris au bout de cinq ans, après la prise du pouvoir par Boumediène. En avril 2001, il présidera avec le président Bouteflika un colloque internationale sur Saint Augustin. Il prendra part à la campagne pour l'abrogation de la loi du 23 février 2005 reconnaissant les mérites de la colonisation. Dans un message adressé à la veuve d'André Mandouze, Jeannette, le président Bouteflika évoque en lui "un compagnon de lutte et un grand ami du peuple algérien, en même temps qu'un fils valeureux de la nation française et un ardent patriote".

(Corr. / Libération 1.6 / Le Monde 6.6 / Liberté 8.6 / AFP 2.7 / Reuters, Liberté 3.7 / Le Monde 6.7) Le président Bouteflika est revenu à deux reprises sur la question du colonialisme français, en dénonçant le 2 juillet sa "barbarie" et le 4 juillet les "discours fallacieux" de l'"école de l'histoire coloniale". Dans une allocution lue en son nom par son conseiller Mohamed Ali Boughazi lors d'un colloque sur le colonialisme, Abdelaziz Bouteflika a affirmé que la colonisation française avait été l'une des "plus barbares de l'histoire", et qu'elle avait été "une agression injustifiée contre une Nation, un Etat et un peuple". Il a toutefois reconnu que "l'écriture de l'Histoire relève de la seule compétence des historiens, des enseignants spécialisés et des chercheurs", ce que le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a relevé comme un point d'accord entre la France et l'Algérie, et le président algérien a salué les "historiens français intègres (qui) ont levé le voile sur les crimes odieux commis par le colonisateur contre le peuple algérien" et sur les "pratiques abjectes (...) de la France coloniale". Abdelaziz Bouteflika a relevé que la colonisation française en Algérie continuait, plus de quarante ans après l'indépendance, de faire des victimes : celles, "à retardement", des expérimentations nucléaires et celles des mines posées lors de la guerre d'Algérie aux frontières marocaine et tunisienne.

Le ministère français a affirmé que malgré la polémique allumée sur le colonialisme, la France conservait toujours l'objectif de conclure un traité d'amitié avec l'Algérie. Cette signature, initialement prévue en 2005, a été repoussée à plusieurs reprises après l'adoption par le parlement français, le 23 février 2005, d'une loi reconnaissant un rôle positif à la colonisation -cette loi avait ensuite de facto était abrogée par le président Chirac, après une intense mobilisation, en France, d'historiens, d'intellectuels, de militants et de la gauche. "Toute entreprise" dans le sens d'une réhabilitation du colonialisme "entravera les efforts de ceux qui oeuvrent pour la refondation d'une relation équilibrée entre deux Etats souverains", a estimé le président algérien qui, le 4 juillet, dans une allocution au ministère de la Défense, a réitéré sa demande d'excuses publiques de la part de la France.

En France, de petits groupes de nostalgiques de l'Algérie française participent à leur manière à la célébration du passé colonial en érigeant çà et là des monuments aux "combattants de la France en Algérie", y compris à des membres de l'OAS. A Louvroil (Nord) et Marignane (Bouches du Rhônes), des inaugurations de semblables monuments avaient été interdites par les préfectures en raison du "trouble à l'ordre public" qu'elles menaçaient de provoquer, les organisations antiracistes et de défense des droits humains, et des partis de gauche, annonçant de leur côté des manifestations de protestation au cas où ces inaugurations se feraient. A Perpignan, une organisation de pieds-noirs proche du Front National a néanmoins pu organiser un hommage à quatre anciens membres de l'OAS, le 7 juin.

La presse française et algérienne note néanmoins que la polémique franco-algérienne (et franco-française) sur le colonialisme est accueillie avec une certaine indifférence par les Algériens, qui s'intéressent beaucoup plus aux prestations footballistiques de Zinedine Zidane (en France, de même, on a noté la présence de nombreux drapeaux algériens dans les manifestations qui ont salué les victoires de l'équipe de France). Par ailleurs, la Chambre française de commerce et d'industrie en Algérie a annoncé que plus de 40'000 anciens "Français d'Algérie" se seront rendus en Algérie dans la première moitié de 2006. Le président de la CFCIA, Pierre Mourlevat, a appelé les autorités politiques françaises et algériennes à ne pas "tomber dans le piège des provocations" montées par "quelques groupes de revanchards" qui tentent de faire croire que les deux peuples ne sont pas "mûrs pour la réconciliation". Dans une tribune parue dans "Libération" le 1er juin, la journaliste algérienne Salima Ghezali, pour qui "le spectacle donné par la Frabce-Algérie (...) n'est digne ni de l'Algérie ni de la France", note que "dans l'agitation qui caractérise les relations entre l'Algérie et la France, il est significatif que les principaux animateurs du débat des deux côtés de la Méditerranée aient besoin de brandir leurs pires travers mutuels pour se mettre en valeur face à des opinions publiques dont tout laisse à voir qu'elles sont loin d'exprimer bonheur au présent et quiétude quant à l'avenir". Au passage, Salima Ghezali note que le président Bouteflika s'autorise à critiquer une loi française (fort criticable, certes, mais combattue par de nombreux Français) après avoir lui-même fait passer par référendum une loi d'amnistie (dite de paix et de réconciliation) qui exclut tout débat sur ce qu'elle amnistie... et que les fondateurs des mouvements d'émancipation des colonies françaises ont tous, Algériens compris, été nourris des idéaux révolutionnaires français.

La polémique "coloniale" n'empêche d'ailleurs pas les affaires, la France étant de très loin le premier fournisseur de l'Algérie, avec 4,7 milliards d'euros de ventes de biens et services en 2005 (+ 10,3 % rapport à 2004), soit 22,14 % des importations algériennes. L'association France-Algérie signale cependant que l'Algérie n'attire encore que peu d'investissements directs à l'étranger français, et qu'avec 109 millions d'euros en 2005, elle ne figure qu'au 40ème rang des IDE français, même si les IDE français ont progressé de 74 % entre 2004 et 2005). En outre, la France n'est que le quatrième client de l'Algérie, avec 10,13 % des exportations.

Le lendemain du jour où le président Bouteflika exigeait à nouveau des excuses publiques de la France, le président posait la première pierre du tramway d'Alger (un contrat remporté par le groupe français Alstom, pour 256 millions d'euros), et inaugurait la nouvelle aérograre internationale d'Alger (gérée par la société des Aéroports de Paris)...

Quelque 200 entreprises françaises, employant 7000 personnes, sont présentes en Algérie.

(Tribune de Genève 5.8) Dans une étude devant être publiée par l'Institut national français de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'épidémiologiste Florent de Vathaire confirme le lien entre les essais nucléaires français effectués dans le Sahara algérien en en Polynésie et le développement de cancers de la thyroïde au sein des populations locales et des militaires ayant assisté aux essais. Interrogé par la "Tribune de Genève", un soldat français de 1960, Michel Verger, qui a assisté aux premiers essais français dans le Sahara, raconte que les soldats étaient sans protection, en short et en sandales, et qu'il y avait "une paire de lunettes pour 40 personnes".

(Liberté 17.10) De nombreuses associations, partis politiques et syndicats français* ont appelé le 7 octobre à un rassemblement le 17 octobre pour "exiger la reconnaissance officielle du crime commis par l'Etat français" le 17 octobre 1961, lorsque des centaines (des milliers, selon des sources algériennes) ont été massacrés par la police parisienne, sous les ordres du préfet Maurice Papon (qui s'était déjà illustré par sa collaboration active à la déportation des juifs sous l'occupation nazie).

*notamment la Ligue des droits de l'Homme, le MRAP, le PCF, l'Union des associations pour la diversité et l'égalité (UNADE), les Verts, l'association "17 octobre contre l'oubli", les Alternatifs, les Indigènes de la République...

(Quotidien d'Oran 27.12) Le 1er novembre, le Comité des droits de l'Homme de l'ONU, à Genève, a déclaré irrecevables les plaintes déposées contre l'Algérie (et pour certaines au moins, contre la France) par 600 "pieds-noirs" (rapatriés d'Algérie), qui demandaient 12 milliards d'euros d'indemnité pour avoir été "spoliés" de leurs biens à l'indépendance de l'Algérie. Les plaintes évoquaient en outre plusieurs autres griefs : atteinte à la propriété, discrimination, privation de biens et de moyens de subsistance, anéantissement du droit de choisir librement sa résidence en Algérie, immixtion illégale au domicile, atteinte à l'honneur et à la réputation. En réponse, l'Algérie, dont le points de vue a donc été retenu par le Comité, a fait valoir le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes (les plaignants considérant de fait l'indépendance de l'Algérie comme la source de leurs maux) et celui de la non-rétroatiivité des lois (le Pacte international des droits civils et politiques, PIDCP, sur lequel se fonde la plainte, a été adopté quatre ans après l'indépendance de l'Algérie, qui l'a ratifié vingt-trois ans après son adoption. Aucun des plaignants n'avait, à aucune de ces dates, de lien de rattachement par la nationalité avec l'Algérie, qui a fait valoir que les pieds-noirs l'avaient quittée "volontairement" (ce qui est historiquement assez contestable), et que les voies de recours offertes par les Accords d'Evian n'avaient pas été épuisées. Le Comité des droits de l'Homme a en outre fait remarquer que le droit à la propriété, invoqué par les requérants, n'était pas garanti par le PIDCP

2007

(El Watan 9.2) Le président de l'Association nationale des anciens condamnés à mort, Mustapha Boudina, a annoncé que l'association entendait porter devant la justice internationale le cas de 360 Algériens condamnés à mort et exécutés (202 guillotinés, les autres fusillés) par les tribunaux militaires français pendant la guerre d'indépendance, dès 1956, en violation des Conventions de Genève de 1949 qui protègent les prisonniers de guerre.

A l'indépendance algérienne, en 1962, 1800 militants nationalistes algériens condamnés à mort étaient encore en vie.

La saisine d'une juridiction internationale pour traiter du cas des condamnés à mort algériens de la guerre d'indépendance apparaît cependant difficile : les tribunaux pénaux internationaux sont voués à traiter des génocides explicitement reconnus comme tels (le Rwanda, la Yougoslavie), et la Cour pénale internationale, dont les compétences sont plus larges, ne peut traiter d'événements antérieurs à sa création. Restent les tribunaux nationaux, qui peuvent être saisis d'accusations de crimes imprescriptibles (crimes contre l'humanité) dès lors que ces crimes ont été commis par l'Etat de tutelle de ces tribunaux (en l'occurrence la France) ou dont les victimes sont ressortissantes (l'Algérie), voire, dans le cas des Etats ayant admis le principe de la "compétence universelle", pouvant à tout moment traiter de tout crime imprescriptible, où, quand, par qui et sur qui qu'ils aient été commis.

(Afrik.com 9.2) Le 8 février a été inaugurée par le Maire de Paris une "place du 8 février 1962" au métro Charonne, à Paris, là où le 8 février 1962 neuf manifestants de gauche étaient tués alors qu'ils manifestaient contre l'OAS et pour la paix en Algérie. Après l'inauguration en 2001 d'une "place du 17 octobre 1961", et en 2004 d'une "place Maurice Audin", c'est une nouvelle manifestation symbolique de la reconnaissance par une autorité publique française (la Mairie de Paris, en l'occurrence) des "crimes d'Etat" commis par la France en Algérie. La Municipalité parisienne a en outre inauguré 2006 une "place de l'Emir Abdelkader".

(El Watan 20.1) Sur onze millions de mines antipersonnel semées par la France pendant la guerre d'Algérie, trois millions sont encore dispersées dans les zones frontalières de la Tunisie et du Maroc, le long des anciennes lignes Morice et Challe, sur plus de 1000 kilomètres, a affirmé le 18 janvier le ministre de la Solidarité nationale, Djamel Ould Abbas. Près de 200'000 de ces mines ont été détruites entre novembre 2004 et mars 2006. Selon les chiffres algériens, les mines antipersonnel françaises ont tué près de 4000 personnes et en ont blessé 13'000 depuis qu'elles ont été posées.

Quant aux mines algériennes, l'Algérie, qui a signé en 1997 la convention d'Ottawa interdisant l'emploi, le stockage, la production et le transfert de ces armes, affirme avoir détruit la totalité de ses réserves.

(L'Expression 12.2 / El Watan 13.2 / Liberté 14.2) Un colloque international devait s'ouvrir le 13 février à Alger, sur les essais nucléaires français au Sahara et leurs effets sur les populations locales, 47 ans après le premier essai, le 13 février 1960. Le colloque évoquera également les essais américains dans les îles Marshall et britanniques en Australie. Un déplacement en avion sur l'ancien site d'essais de Reggane, dans le sud algérien, est prévu. Les participants au colloque entendront des personnes ayant subi les effets des essais français, au Sahara et en Polynésie.

En France, ces plaintes avec constitution de partie civile ont été déposées par l'association des vétérans des essais nucléaires, l'association polynésienne Mururoa et Tatou, ainsi qu'une dizaine de personnes, et le Parquet de Paris a décidé le 20 septembre d'ouvrir une information judiciaire sur les conséquences sanitaires possibles des essais nucléaires français dans le sud saharien et en Polynésie, entre 1960 et 1966.

Aucun bilan détaillé des victimes civiles algériennes (et françaises) des essais nucléaires sahariens n'a été établi, mais des éléments concordants existent sur l'insuffisance des opérations de démantèlement des sites d'expérimentation, et la persistance de risques pour toute vie (végétale, animale, humaine) dans les zones concernées. Selon l'association algérienne du 13 février 1960, qui compte près de 300 adhérents, et qui dispose de témoignages mais manque de moyens pour poursuivre son travail de recherche, dès 1984 sont apparus des cas de leucémie et de cancers divers, en nombre et en proportion anormaux, dans les régions touchées. Dans la région de Tamanrasset, à 150 km du site d'expérimentation nucléaire français, les essais auraient provoqué la disparition de nappes phréatiques, du fait des déplacements tectoniques provoqués par le séisme suscité par les explosions souterraines.

L'ambassade de France à Alger a diffusé un document affirmant que les expériences nucléaires françaises en Algérie, jusqu'en 1967 (les accord d'Evian l'autorisant à utiliser ses sites algériens pendant cinq ans après l'indépendance), n'ont eu aucun effet radioactif sur la population locale. Entre 1960 et 1966, la France a effectué quatre essais atmosphériques et 13 tests souterrains dans les zones d'expérimentation sahariennes. Le document diffusé par l'ambassade de France assure que des mesures systémqtiques de décontamination du sol ont été effretuées dans un rayon de 300 km autour de l'axe des retombées, qu'un réseau de surveillance de la radioactivité dans l'environnement a mesuré l'exposition externe et la radioactivité de l'air, de l'eau et des végétaux, que les populations locales ont finalement été exposées à une radioactivité inférieure aux seuils fixée par les normes internationales et que les contrôles n'ont décelé aucune contamination présentant un risque sanitaire, même après les cinq incidents survenus entre 1962 et 1965 (explosion prématurée, obturation imparfaite d'une galerie, imperfections de confinement).

(Quotidien d'Oran 19.2) Maurice Papon est mort à l'hôpital le 17 février à l'âge de 96 ans. Condamné à la réclusion à perpétuité pour son implication dans le transfert de juifs français et étrangers vers les camps de la mort nazis, il s'était aussi tristement illustré, comme Préfet de Constantine en 1949, Inspecteur général pour l'Est algérien entre 1956 et 1958 et préfet de police de Paris jusqu'en 1967, dans la lutte contre le mouvement de libération nationale algérien. Préfet de police de Paris, il est notamment directement responsable de la sanglante répression de la manifestation FLN du 17 octobre 1961

(Quotidien d'Oran 24.2 / La Tribune 17.3 / Le Quotidien d'Oran 11.4) Le procès en appel (sur appel du ministère de la Défense) du jugement accordant à un militaire français irradié à- Reggane, dans le Sahara algérien, lors des essais nucléaires français du début des années '60, devait s'ouvrir à Orléans le 9 mars. André Mézières avait obtenu une pension d'invalidité de 70 %, le tribunal ayant considéré que c'était à l'armée de prouver qu'il n'avait pas été irradié dans le Sahara, et non au militaire de prouver qu'il l'avait été. Selon l'association des vétérans des essais nucléaires (AVEN), 90 % de ses adhérents sont malades à cause des essais nucléaires auxquels ils ont été exposés (au Sahara ou en Polynésie), et un tiers des vétérans des essais nucléaires français interrogés par l'association sont atteints de cancer, soit une proportion double de celle de la population du même âge. Côté algérien, l'Association algérienne des victimes des essais nucléaires français estime à 30'000 le nombre des victimes des 17 essais nucléaires menés par la France au Sahara entre 1960 et 1967 (13 dans la région de Tamanrasset, 4 dans celle d'Adrar) et en 1997, le ministre français des armées de 1960 à 1969, Pierre Messmer, avait confirmé qu'en outre une base militaire d'entraînement à l'usage (ou à s'en prémunir) de l'arme chimique avait été fonctionnelle dans le Sahara algérien jusqu'en 1978.

De leur côté, les autorités françaises affirment, sur le site internet du ministère de la Défense nationale, que les 17 essais nucléaires français dans le Sahara n'ont pas eu de conséquence sur les populations locales.

L'avocate Fatma Benbraham a annoncé le 10 avril qu'une action judiciaire internationale allait être menée par tous les pays ayant été victime des essais nucléairs français, et qu'une plainte sera déposée contre la France auprès la justice française et de la Cour pénale internationale (pour "crime contre l'humanité"). Selon l'avocate, les essais nucléaires français dans le Sahara ont fait 8500 victimes militaires (françaises et algériennes) et 6000 victimes civiles, les unes et les autres atteintes dans leur santé, pour certaines jusqu'à en mourir

(Le Monde 6.3) Dans un entretien au "Monde", le général Paul Aussaresses confirme que le chef du FLN pour Alger, Larbi Ben M'hidi, a bien été exécuté sommairement dans la nuit du 3 au 4 mars 1957. Arrêté par les parachutistes à la mi-février 1957, Larbi Ben M'hidi a été remis le 3 mars par le colonel Bigeard (devenu général par la suite) au commandant Aussaresses, et exécuté par pendaison dans la ferme désaffectée d'un colon, dans la Mitidja.

(Le Monde 21.4 / Liberté 5.5) Le candidat de la droite à l'élection présidentielle française, Nicolas Sarkozy, a adressé le 16 avril une lettre au président du Comité de liaison des associations de rapatriés (CLAN-R), Denis Fadda, lettre dans laquelle Sarkozy exprime son refus de la "démagogie de la repentance" à propos de la Guerre d'Algérie, et son souhait que les "victimes françaises innocentes" de cette guerre (mais pas les "victimes algériennes innocentes"), et "tout particulièrement les victimes du 26 mars 1962" (répression par l'armée française d'une manifestation organisée par l'OAS à Alger -56 morts) se voient reconnaître la qualité de 'morts pour la France'". Nicolas Sarkozy exprime en outre son opposition à la célébration tous les 19 mars de la fin de la Guerre d'Algérie, écarte l'idée d'un travail historique commun entre Français et Algériens et rejette la proposition d'un traité avec l'Algérie. "M. Sarkozy endosse la vision nostalgique de la colonisation (défendue par les) pieds-noirs extrémistes", résume Gilles Manceron, de la Ligue des droits de l'Homme. L'adversaire de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle, Ségolène Royal, a pour sa part qualifié le colonialisme de "système de domination, de spoliation et d'humiliation", et estimé "fondamental" qu'Algériens et Français puissent "élaborer ensemble une restitution de l'histoire qui tienne compte de notre histoire partagée". Quant au Premier ministre algérien, Abdelaziz Belkhadem, il a accusé le 3 mai Nicolas Sarkozy de vouloir "réhabiliter l'OAS", que le Premier ministre qualifie de "précurseur d'Al-Qaïda"

(Jeune Indépendant 22.4) La France a reçu depuis juillet 2003 près de 140'000 demandes d'anciens combattants algériens, dont des milliers de harkis (supplétifs de l'armée française pendant la Guerre d'Algérie) survivants des massacres de l'in dépendance, et restés en Algérie avec la nationalité algérienne, mais demandant la reconnaissance de leurs droits d'anciens combattants. Entre le 1er juillet 2005 et le 31 janvier 2007, 1315 harkis ont demandé que leur soit reconnue la qualité de combattants, sans que la condition de la nationalité française au moment de leur demande soit remplie (cette condition est posée par une loi de 1974).

(El Watan 7.6) Un collectif d'associations, dont la Ligue des droits de l'Homme et le MRAP, a appelé à un rassemblement le 7 juin à Perpignan, pour protester contre un hommage prévu (avec érection d'une stèle) par des organisations de pieds-noirs à d'anciens membres de l'OAS. L'historien Gilles Manceron, vice-porésident de la LDH, a dénoncé une manifestation "à la gloire d'individus qui ont commis des crimes contre l'humanité en Algérie et en France".


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